Tournezau premier croisement sur la gauche et montez jusqu’au sommet de la colline. Tournez à nouveau à gauche pour ensuite aller tout droit et rejoindre à nouveau la D7. Traverserez la D7 pour arriver au pied du village de Marsolan. Montez au village. MARSOLAN Faites une pause sur le belvédère. Exemple typique et magistral d’un Bourg castral qui se développe entre le XII et
Disponibilité Internet Expédié en 3-5j Arras Contactez nous 03 21 51 05 31 Lille Contactez nous 03 20 00 77 12 Nice Contactez nous 04 92 10 26 47 Messages d'avertissement Note importante concernant l'utilisation de ce produit Ce produit est une réplique d'arme destinée à un usage ludique jeux de rôle dénommé "airsoft", dont la vente est interdite aux mineurs moins de 18 ans. En ajoutant ce produit à votre panier, vous reconnaissez être majeur et maitriser les règles élémentaires de sécurité concernant l'utilisation de ce type de réplique port de lunette et/ou de masque de protection, lieu adapté .... Nous attirons votre attention sur le fait que les puissances données pour les répliques d'airsoft sont susceptibles de varier en fonction des arrivages fournisseurs. Nous vous invitons à prendre contact avec nous pour plus de précisions avant votre achat afin d'avoir une mesure plus précise réalisée par nos soins. Par conséquent, nous ne peut être tenu pour responsable des écarts constatés entre les données fournisseurs et les mesures réelles.
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DOSSIER D'ENQUETE PUBLIQUE PIECE G – APPRECIATION DES DEPENSES SOMMAIRES LMSE Tronçon Université » 57 PIECE G - ETUDE D'IMPACTPage 2 and 3 DOSSIER D'ENQUETE PUBLIQUE PIECE G Page 4 and 5 DOSSIER D'ENQUETE PUBLIQUE PIECE G Page 6 and 7 DOSSIER D'ENQUETE PUBLIQUE PIECE G Page 8 and 9 DOSSIER D'ENQUETE PUBLIQUE PIECE G Page 10 and 11 DOSSIER D'ENQUETE PUBLIQUE PIECE G Page 12 and 13 DOSSIER D'ENQUETE PUBLIQUE PIECE G Page 14 and 15 DOSSIER D'ENQUETE PUBLIQUE PIECE G Page 16 and 17 DOSSIER D'ENQUETE PUBLIQUE PIECE G Page 18 and 19 DOSSIER D'ENQUETE PUBLIQUE PIECE G Page 20 and 21 DOSSIER D'ENQUETE PUBLIQUE PIECE G Page 22 and 23 DOSSIER D'ENQUETE PUBLIQUE PIECE G Page 24 and 25 DOSSIER D'ENQUETE PUBLIQUE PIECE G Page 26 and 27 DOSSIER D'ENQUETE PUBLIQUE PIECE G Page 28 and 29 DOSSIER D'ENQUETE PUBLIQUE PIECE G Page 30 and 31 DOSSIER D'ENQUETE PUBLIQUE PIECE G Page 32 and 33 DOSSIER D'ENQUETE PUBLIQUE PIECE G Page 34 and 35 DOSSIER D'ENQUETE PUBLIQUE PIECE G Page 36 and 37 DOSSIER D'ENQUETE PUBLIQUE PIECE G Page 38 and 39 DOSSIER D'ENQUETE PUBLIQUE PIECE G Page 40 and 41 DOSSIER D'ENQUETE PUBLIQUE PIECE G Page 42 and 43 DOSSIER D'ENQUETE PUBLIQUE PIECE G Page 44 and 45 DOSSIER D'ENQUETE PUBLIQUE PIECE G Page 46 and 47 DOSSIER D'ENQUETE PUBLIQUE PIECE G Page 48 and 49 DOSSIER D'ENQUETE PUBLIQUE PIECE G Page 50 and 51 DOSSIER D'ENQUETE PUBLIQUE PIECE G Page 52 and 53 DOSSIER D'ENQUETE PUBLIQUE PIECE G Page 54 and 55 DOSSIER D'ENQUETE PUBLIQUE PIECE G Page 56 and 57 DOSSIER D'ENQUETE PUBLIQUE PIECE G Page 58 and 59 DOSSIER D'ENQUETE PUBLIQUE PIECE G Page 60 and 61 DOSSIER D'ENQUETE PUBLIQUE PIECE G Page 62 and 63 DOSSIER D'ENQUETE PUBLIQUE PIECE G Page 64 and 65 DOSSIER D'ENQUETE PUBLIQUE PIECE G Page 66 and 67 DOSSIER D'ENQUETE PUBLIQUE PIECE G Page 68 and 69 DOSSIER D'ENQUETE PUBLIQUE PIECE G Page 70 and 71 DOSSIER D'ENQUETE PUBLIQUE PIECE G Page 72 and 73 DOSSIER D'ENQUETE PUBLIQUE PIECE G Page 74 and 75 DOSSIER D'ENQUETE PUBLIQUE PIECE G Page 76 and 77 DOSSIER D'ENQUETE PUBLIQUE PIECE G Page 78 and 79 DOSSIER D'ENQUETE PUBLIQUE PIECE G Page 80 and 81 DOSSIER D'ENQUETE PUBLIQUE PIECE G Page 82 and 83 DOSSIER D'ENQUETE PUBLIQUE PIECE G Page 84 and 85 DOSSIER D'ENQUETE PUBLIQUE PIECE G Page 86 and 87 DOSSIER D'ENQUETE PUBLIQUE PIECE G Page 88 and 89 DOSSIER D'ENQUETE PUBLIQUE PIECE G Page 90 and 91 DOSSIER D'ENQUETE PUBLIQUE PIECE G Page 92 and 93 DOSSIER D'ENQUETE PUBLIQUE PIECE G Page 94 and 95 DOSSIER D'ENQUETE PUBLIQUE PIECE G Page 96 and 97 DOSSIER D'ENQUETE PUBLIQUE PIECE G Page 98 and 99 DOSSIER D'ENQUETE PUBLIQUE PIECE G Page 100 and 101 DOSSIER D'ENQUETE PUBLIQUE PIECE G Page 102 and 103 DOSSIER D'ENQUETE PUBLIQUE PIECE G Page 104 and 105 DOSSIER D'ENQUETE PUBLIQUE PIECE G Page 106 and 107 DOSSIER D'ENQUETE PUBLIQUE PIECE G Page 108 and 109 DOSSIER D'ENQUETE PUBLIQUE PIECE G Page 110 and 111 DOSSIER D'ENQUETE PUBLIQUE PIECE G Page 112 and 113 DOSSIER D'ENQUETE PUBLIQUE PIECE G Page 114 DOSSIER D'ENQUETE PUBLIQUE PIECE G
Engagementsde la Ville. Développement urbain; Actions sociales; Actions environnementales; Ville intelligente; Vie politique . Retour. La Ville Vie politique. Organisation et fonctionnement des organes politiques; Collège échevinal; Conseil communal; Commissions; Budget; Participez vous aussi . Retour. La Ville Participez vous aussi. Aménagement de l'espace public par
Reminder of your requestDownloading format TextView 1 to 352 on 352Number of pages 352Full noticeTitle Bulletin de la Société d'histoire et d'archéologie du GersAuthor Société archéologique, historique, littéraire et scientifique du Gers. Auteur du textePublisher AuchPublication date 1930Relationship textType printed serialLanguage frenchLanguage FrenchFormat Nombre total de vues 6773Description 1930Description 1930 A31.Description Collection numérique Fonds régional Midi-PyrénéesRights Consultable en ligneRights Public domainIdentifier ark/12148/bpt6k5696025mSource Société archéologique du Gers, 2009-8481Provenance Bibliothèque nationale de FranceOnline date 17/01/2011The text displayed may contain some errors. The text of this document has been generated automatically by an optical character recognition OCR program. The estimated recognition rate for this document is 100%.BULLETIN DE LA SOCIETET D'HISTOIRE ET D'ARCHEOLOGIE DU GERS XXXIme ANNÉE. — 1er Trimestre 4930 AUCH IMPRIMERIE BREVETÉE F. COCHARAUX 18, RUE DE LORRAINE, 18 1930 SOMMAIRE Pages Liste des Membres de la Société d'Histoire et d'Archéologie » du Gers 5 Le Gers pendant la Révolution suite, par M. BRÉGAIL 15 Un Mirandais antijacobin Souriguère Saint-Marc, par M. MAUMUS 23 Notices des Prêtres et Religieux de Condom suite, par M. GARDÈRE » 35 Les Guerres Fratricides à Monfort suite, par M. MAZÈRET 48 Les Chansons Populaires des Pyrénées Françaises, par M. Jean POUEIGH 61 Notice nécrologique Ludovic Mazéret, par M. l'abbé DAUGÉ. 85 Chronique 93 BULLETIN DE LA Société d'Histoire et d'Archéologie du Gers BULLETIN DE LA SOCIETE D'HISTOIRE ET D'ARCHEOLOGIE DU GERS TRENTE ET UNIÈME ANNÉE AUCH IMPRIMERIE BREVETÉE F. COCHARAUX 18, RUE DE LORRAINE, 18 1930 LISTE DES MEMBRES DE LA Société d'Histoire et d'Archéologie du Gers Antras d', château de Monbel, par Frouzens Antras comte d', ifcj, chef d'Escadron en retraite, à Mirande. Argagnon, curé de Labastide-Savès. Arcan Louis, propriétaire, Montiron. Ardit, J, architecte, Toulouse. Ardit Louis, Fleurance. Arlat Henri, Puycasquier. Astuguevielle, institutr, à Aubiet. Aubas, I, directeur honoraire de cours complémentaire, 8, rue Voltaire, Auch. Aubas Jean, contrôleur principal des Contributions Directes, 29, place Amélie-Raba-Léan, à Bordeaux. Audoin Albert, route de Roquelaure, Auch. Aylies Mme Ch., Barran et 42, avenue Georges V, Paris-VIII*. Banabéra Gaston, négoc, Lecloure. Baqué, Q, , $, directeur du cours complémentaire, de Vic-Fezenzac. Barada J., pl. de la République, Auch Barailhé Jean, notaire, St-Sauvy, par' Aubiet. Barciet Pierre, 23, rue des Lois, à Toulouse. Baron Henri, chef des services vétérinaires, Hanoï Tonkin. Baron, professeur, 41, rue des BellesFeuilles, Paris-XVIe. Baron, tailleur, place de l'Hôtel-deVille, l'Hôtel-deVille, Barré l'abbé, curé de Montaut. Barrère, docteur-méd., 2, rue Parrot, Paris-XIIe. Barriac, Ingénieur des Travaux Publics de l'Etat, boul. Lascrosses, Toulouse. Barriac, pharmacien, Fleurance. Barrieu Louis, négociant, Lectoure. Barthe, $f, £, notaire, Auch. Barthe Elie, propriétaire, Fleurance. Barthe, vice-consul d'Espagne, professeur au Lycée, Marseille. Barthélemy, membre de l'Institut, 11, rue Soufflot, Paris-Ve. Bastard, ingénieur des Ponts et Chaussées, Mézin Lot-et-Garonne, Baudéan Léon, instituteur, à Pavie. Baudran, huissier, Mirande. Bauduer Mme Marie, r. de la Somme, Auch. Baurens abbé, curé de Ligardes. Bayaud Pierre, archiviste, 5 2, rue Montpensier, Pau. Bédat de Monlaur, au château La Flourette, Flourette, Bedout, propre à La Plaine, Cazaubon. Bénac l'abbé de, curé de Castelnausur-l'Auvignon. Castelnausur-l'Auvignon. Louis-Joseph, propriétaire, Saint-Georges, par Lagranlet. Bentéjac docteur Henri, Montréal. Bérard Mme, profes. hon., Isle-de-Noé. SOCIÉTÉ D'HISTOIRE ET D'ARCHÉOLOGIE DU GERS. Béraut E., conservateur des Hypothèques en retraite, à Bidalère, par Montréal. Bernés Gaston, président de la Société d'Encouragem. à l'Agricultre, Barran. Bibliothèque de la ville d'Auch. Bibliothèque du Collège de Jeunes Filles d'Auch. Bibliothèque de la ville de Condom. Bibliothèque pédagogique des Instituteurs de l'arrondissem. de Condom. Bibliothèque de la ville de Fleurance. Bibliothèque de la ville de Lectoure. Bivès l'abbé, curé de l'Isle-Bouzon. Blajan l'abbé, curé de MasscubeBlanc, MasscubeBlanc, des Chemins de Fer du Midi, en retraite, Bagnères-deBigorre, route de Campai. Bompeix, Docteur en Medecine, La Jonchère-St-Maurice Hte-Vienne. Bonassies Gabriel, notaire, Agen. Bonnat, i I, archiviste du Lot-etGaronne, Agen. Boé Paul, Jjj», 24, rue des Boulangers, Paris. Boubée, nég., 12, rue Dessoles, Auch. Boubée de, 1, rue Viala. Auch. Bouquet Théodore, $?, tj I, Auch. Bourgeat l'abbe, curé du St-Puy. Bourran de, Villa Portail-Vert, à Condom. Boussès Antoine, receveur de l'Enregistrement, Biarritz. Boussès Pierre, juge de paix, Agen. Boutan Auguste, ingénieur civil, boulevard des Belges, Lyon. Boyer B., Ç& I, $, 5, rue de Rigny, Paris-8°. Brachat Mme veuve, 10, rue Margaux, Bordeaux. Branet, docteur en médecine, rue Victor-Hugo, Auch. Branet, Conseiller d'Etat honoraire, rue Cardinet, 44, Paris. Brégail G, Q\, Auch. Bressolles, %, propriétaire, Mirepoix, par Sainte-Christie. Breuils J., , f,, minotier, Pavie. Brives de, avocat, Isle-Jourdain. Brusson, manufer, Villemur Brux Joseph de Buisson Mme veuve, institutrice à Mondébat, par Plaisance. Burgeat, négociant, Auch. Cabanne René, négociant, Auch. Cabiran docteur, if, Seissan. Cadéot Noël, Q, Fleurance. Cadéot. vétérinaire, Saint-Mézard. Cadéot, Lectoure. Cadéot, pharmacien au Saint-Puy. Calmels-Puntis de. 160, boulevard Haussmann, Paris VIIIe. Caminade Mme G. Rue des Capucins, à Lectoure. Campardon Eugène, &, capitaine de vaisseau en retraite, Mirande. Campardon, Lasscube, par Pavie. Cantau, négociant, Simorre. Cantérac Albert, propre à Labrihe, Cézan, par Castéra-Veiduzan. Capdecomme Jean, propriétaire, l'lsle-de-Noé. Capdecomme Mlle Marie Thérèse, rue Bazillae, Auch. Carcy Marc, 40, rue Daubuisson, Toulouse. Cardes Gabriel de, J>, §, Auch. Carrère Fernand, Gondrin Gers. Carrère Henri, Marciac. Carsalade du Pont Mgr de,!yf, évêque de Perpignan Cartault Mme la doctoresse en médecine, Vic-Fezensac, Cassagnac Paul de, "}, ^, ancien député du Gers, 21, rue Marbeau, Paris-XVIe. Castaignier Abdon de, propriétaire, Castelnau-Barbarens. Cassou André, avocat, rue VictorHugo, 4, Auch. Castaignon Eugène, Jl{, Isle-de-Noé. Caslay, maire, château de Jaulin, Bretagne-d'Armagnac. Bretagne-d'Armagnac. LISTE DES MEMBRES Castelbajac l'abbé de, chanoine, Auch. Castelbajac Mme la Marquise de, château de Caumont, par Samatan. Castelnau, , officier en retraite, rue Campans, 16, Toulouse. Castéra Paul, Inspecteur des ContriDirectes, ContriDirectes, A. de Clichy, Paris-XVIIe. Castéra Raymond, conducteur des Ponts-et-Chaussés, Vic-Fezensac. Castéra Urbain, ingénieur des Pontset-Chaussées en retraite, Nérac. Castex Paul, caissier de la Caisse d'épargne, Auch. Castillon, médecin militaire, 42, rue d'Etigny, Auch. Catalan, député, conseiller général, Cologne. Cave Emilien, Lannepax. Cave Henri, Lannepax. Cénac H., avocat général, 4, avenue, d'Assas, Montpellier. Chauvelet, 10, route de Toulouse, Auch. Chené, CJ,, agent général de la Compagnie d'Assurances "La Nationale", Auch. Chène, ^, vétérinaire, Auch. Cier, avoué, La Réole. Clarac Jean, quincailler, Vic-Fezensac. Clarac docteur Louis, 41, cours Pasteur, Bordeaux. Clémens l'abbé Léon, curé-doyen, Valence. Clermont l'abbé, curé, Touget. Cocharaux Frédéric, g,, Auch. Cournet , i£, magistrat à Paris, 44, rue Monge Ve. Cournet Lucien, Auch. Courtade de Moussaron, château de Moussaron, Condom. Coustau Fernand, $, chirurgiendentiste, Auch. Coustau Maurice, ^fc, J, capitaineaviateur, Pau. Cousteau, propriétaire à La FontaineChaude, par Lavardens. Couzier l'abbé, curé de Fronton Haute-Garonne. Crémery André, notaire, 17, rue de la Ville-l'Evêque, Paris-VIIIe. Cremoux vicomtesse de, Agen. Czulowski Félix, au Baqué, par Pavie. Dagnan, professeur au Collège de Provins Seine-et-Marne. Daguin fils, maître d'hôtel, Auch. Daguzan Constant, à Sainte-Radegonde, par Fleurance. Damas d'Aydie Mme, château de Garderon, par Bretagne Gers. Dambielle l'abbé, Samatan. Dansan, $f, docteur en médecine, rue de Lorraine, Auch. Darblade l'abbé, curé de Courrensan. Darées l'abbé, aumônier de de Piétat, à Condom. Darius, à La Sidia, par Oran. Darties L , instituteur, Gimbrède. Dartigues abbé, I, docteur de l'Université, Castelnau-Barbarens. Dassy, négociant, av. de la Gare, Auch. Dastugue, &g, orthopédiste, rue du Saint-Esprit, à Clermont-Ferrand. Daugé l'abbé, curé de Caussens. Délas Henry, prop. au château de Tancouet, à Mongauzy, par Lombez. Délieux Louis, ingénieur, rue du IV-Septembre, Auch. Delon Gabriel, notaire, Auch. Delon Henri, avoué, Auch. Delsus l'abbé, curé de Pavie. Delucq docteur, ^S, maire de VicFezensac. Depied, docteur en médecine, Mirande. Desbarats Frix, propriétaire à Lestensile, Lannepax. Desbarats, curé-doyen, l'Isle-Jourdain. Despaux Charles, Auch. Destieux-Junca, Sorbets. Destival Charles, , directeur des Mines d'Epinac Saône-et-Loire. Devèze de Charrin de La, 'ff, $,, com. en re. 5. rue Merlane, Toulouse. Dieuzaide le docteur, Lectoure. Donnedevie André, Lectoure. SOCIÉTÉ D'HISTOIRE ET D'ARCHÉOLOGIE DU GERS. Donnedevie, rue Gambetta, Passaged'Agen Doujat baron, par Préchacsur-Adour. Dourthe, pharmacien, Villeneuve-deMarsan Landes. Dozc Henri, chef des litiges à la Compagnie du Midi, à Perpignan. Druilhet Adrien, propriétre au Brouilh, par Barran. Dubédat Jean, docteur, Saint-Sever. Dubourdieu, C $, notaire, Saint-Puy. Duclaux de Sénescau, à Meussac d'Echebrune, par Pons CharenteInférieure. Duclos, contrôleur principl des Contributions directes, en retraite, Auch. Ducos Abel, Lannepax. Ducuron l'abbé, $f, ex-aumônier de l'escadre de l'Extrême Orient, Auch. Dufey Louis, propriétaire à Las-Sos, Condom. Duffau, pharmacien, Sos Du franc, docteur en médecine, Condom. Dufranc Mme Roger, à Condom. Dufréchou Gabriel, &, Q, §, Auch. Dulac Edouard, homme de lettres, 6, rue des Ursulines, Paris-Ve. Dumas Mme Prosper, Auch. Dumay M., rue Baradet, Condom. Dupierris, ^l I, instituteur en retraite, Auch. Dupin, instituteur, Montestrue Duprat Roger, notaire, Miélan. Duprom, maire, conseiller général de Valence-sur-Baïse. Dupuy Paul $?, J, docteur en médecine, Puycasquier. Dupuy Dr Antonin, O &, Condom. Dupuy Raoul, Marciac. Dupuy Joseph, ébéniste, 29, rue de l'Egalité, à Champigny-sur-Marne. Durrieux, avocat, Lectoure. Dutert, château de Mons, par SainteChristie, Auch. Encognère, avoué, Auch. Escoubet Mlle, 3 bis, r. Péré, Tarbes. Esparbès Louis d', î G. C. d'Isabelle la Catholique, Évêque de Perpignan. Président M. le Dr DE SARDAC, &, QI. Vice-Présidents MM. MONLAUR,*, Q I, $, BRÉGAIL, Qî, abbé DAUGÉ Secrétaire M. HUGON, QI. Secrétaire-Archiviste M. AUBAS, QI. Trésorier M. LAHILLE, Q. 14 SOCIÉTÉ D'HISTOIRE ET D'ARCHÉOLOGIE DU GERS. Sociétés qui font échange de leurs Publications AVEC LE BULLETIN DE LA SOCIÉTÉ ARCHÉOLOGIQUE DU GERS REVUE DE L'AGENAIS ; M. Bonnat Archives départementales, Agen. SOCIÉTÉ DE BORDA, à Dax. BULLETIN ARCHÉOLOGIQUE DU COMITÉ DES TRAVAUX HISTORIQUES ET SCIENTIFIQUES. Ministère de l'Instr. publique. SOCIÉTÉ DES ETUDES LITTÉRAIRES, SCIENTIFIQUES ET ARTISTIQUES DU LOT. REVUE DE GASCOGNE, rue Victor-Hugo, Auch. REVUE INTERNATIONALE DES ÉTUDES BASQUES, palacio de la Députacion, SanSebastian Espagne SOCIÉTÉ RAMOND, à Bagnères-de-Bigorre. REVUE MABILLON, Abbaye St-Martin, à Ligugé Vienne. SOCIÉTÉ DES LETTRES, SCIENCES ET ARTS, de Pau. BULLETIN PYRÉNÉEN M. Meillon, 1, rue Gontaut-Biron, à Pau. SOCIÉTÉ ARIÉGEOISE M. Laval, 4, rue Delcassé, à Foix. SOCIÉTÉ ARCHÉOLOGIQUE DU MIDI DE LA FRANCE, Hôtel d'Assézat, à Toulouse. REVUE DES ÉTUDES HISTORIQUES M. Combes de Patris, rue Rousselet, Paris-VIIe. SOCIÉTÉ ARCHÉOLOGIQUE ET HISTORIQUE DE LA HARENTE, rue des Postes, 9 et 10, Angoulême. RÉPERTOIRE D'ART ET D'ARCHÉOLOGIE, 5 et 7, rue Malaquais, Paris. ANNALES DU MIDI, rue de l'Université, 2, à Toulouse. REVUE DES HAOTES-PYRÉNÉES M. Ferrero, Ferrero, place Verdun, à Tarbes. COMISlON DE MONUMENTOS HISTORICOS Y ARTISTICOS DE NAVARRA. Imprimerie San-Saturnino, 14, à Pamplona. ESCOLE GASTOU-FÉBUS, à Pau. - S. Palay, président, à Gélos, Pau. ESCOLO DERA PIRÉNÉOS. M. Sarrieu, 121, rue Lacapelle, Montauban. SOCIÉTÉ DES LETTRES ET ARTS DE BAYONNE. BULLETIN DE LA SOCIEDAD ARQUÉOLOGICO LULIONA, à l'aima de Mallorca. REVUE DE COMMINGES, 2, rue Thiers, à Saint-Gaudens. SOCIÉTÉ ARCHÉOLOGIQUE DE TARN-ETGARONNE, TARN-ETGARONNE, Montauban. ETUDES LOCALES, à Auch. MÉMOIRES DE La SOCIÉTÉ ARCHÉOLOGIQUE DE LORRAINE. UNION HISTORIQUE DU SUD-OUEST Paul Courteault, 3 bis, rue de la Chapelle, Bordeaux. UNION PYRÉNÉENNE. CONGRÈS ARCHÉOLOGIQUE DE FRANCE. REVUE DE BORDEAUX. FOUILLES ARCHÉOLOGIQUES. SOCIÉTÉ DE LA CHARENTE-INFÉRIEURE SOCIÉTÉ ARCHÉOLOGIQUE DE CONSTANTINE. SOCIÉTÉ ARCHÉOLOGIQUE DU GERS COMMUNICATIONS. LE GERS PENDANT LA RÉVOLUTION PAR M. BRÉGAIL. Suite L'Action politique. Fête du pacte fédératif. — En mai 1789 les municipalités et les gardes nationales du Gers cherchent à se rapprocher et à sortir de leur isolement. Mais plus d'une année s'écoule avant qu'elles puissent réaliser leur union. C'est la garde nationale d'Auch qui en prend l'initiative et qui décide que la célébration du pacte fédératif aura lieu le 4 juillet 1790. A cet effet elle adresse une invitation à toutes les communes du Gers qui ont constitué une garde nationale. Chaque députation comprendra un officier et deux volontaires. Les communes qui ne peuvent se faire représenter par des gardes nationales ou par leur municipalité sont invitées à envoyer leur adhésion au pacte fédératif du département du Gers. Le vendredi 2 juillet les délégations commencent d'affluer vers Auch où des billets de logement leur sont distribués dès leur arrivée; 239 municipalités et gardes nationales du département ont envoyé des délégués ; 75 autres ont simplement 16 SOCIÉTÉ D'HISTOIRE ET D'ARCHÉOLOGIE DU GERS. adressé leur adhésion. Enfin plusieurs adhésions parviennent de l'extérieur; ce sont celles de Dunes, Beaumont de-Lomagne, Pau, Bordeaux, Marseille, Rouen, Versailles et enfin celle de la Société des amis de la constitution de Paris. Le samedi soir 3 juillet deux coups de canon annoncent la fête. Le lendemain à sept heures toutes les délégations sont rassemblées sur l'esplenade » allées d'Etigny. Elles prennent rang d'après leur ordre d'arrivée et le cortège se forme dans l'ordre suivant 1° Le colonel de la Légion d'Auch, M. de Pins; 2° Deux pièces d'artillerie; 3° La musique et les tambours; 4° Les grenadiers de la Légion d'Auch; 5° Les députations des gardes nationales du département; 6° Les députations étrangères au département Beaumontde-Lomagne. 7° Les étudiants du collège royal d'Auch » au nombre de 400, avec leurs drapeaux; 8° La maréchaussée; 9° 11 compagnies de la Légion d'Auch; 10° La compagnie de chasseurs de la dite Légion. L'immense cortège comprend au total hommes. Quant au nombre de spectateurs accourus de toutes parts il est considérable et tel que l'on ne vit jamais à Auch pareille affluence. A huit heures précises, roulement de tambours et coups de canon. A ce moment M. de Pins, colonel de la Légion d'Auch, fait porter les armes et, majestueusement, le long cortège s'ébranle. La colonne descend vers la basse ville, traverse le Gers au pont de la Treille, puis arrivée au croisement de la route de Toulouse et de celle d'Agen il prend la droite et se dirige vers le champ de Mars », une prairie située entre la rivière du Gers et le monastère des Capucins aujourd'hui, l'asile d'aliénés. Arrivés au champ de Mars » dont un arc de triomphe décore l'entrée, les troupes forment un immense carré. Au centre s'élève l'autel de la patrie haut de dix pieds et orné d'emblèmes et de guirlandes. A droite de PREMIER TRIMESTRE 1930. 17 l'autel sont rangés les électeurs du département réunis à Auch pour l'élection des administrateurs du Gers. A gauche sont placés les commissaires du roi, la municipalité d'Auch et les notables. Une salve d'artillerie annonce la bénédiction des drapeaux qui est donnée par Laborde, vicaire de la métropole, premier aumônier de la légion. Après la bénédiction' on entend la messe, célébrée par l'abbé Bascans professeur au collège royal, second aumônier de la légion. Puis des discours sont successivement prononcés par M. de Pins, par M. de Gramont maire d'Auch, par un délégué des étudiants et par les réprésentants de diverses gardes nationales. Enfin vient le moment solennel de jurer l'adhésion au pacte fédératif. La formule du serment, lue par M. de Pins, est écoutée debout la main droite levée ou le sabre haut. Elle est ainsi conçue Nous, gardes nationales du département du Gers, pénétrés de la grandeur des motifs qui nous rassemblent, certains de l'inviolabilité de l'union et de la fraternité que nous allons promettre, animés de cet esprit et de cette fermeté que doit inspirer à des hommes, à des Français, l'amour de la liberté et de l'égalité Jurons sur l'autel de la patrie, en présence du Dieu des armées, de maintenir de tout notre pouvoir la nouvelle constitution du royaume, d'être fidèles à la Nation, à la Loi et au Roi, d'exécuter et de faire exécuter les décrets de l'Assemblée nationale, sanctionnés ou acceptés par le Roi. Jurons de respecter et faire respecter de toutes nos forces les droits de l'homme et la liberté individuelle des citoyens; de garantir les propriétés légitimes et avouées par la Loi ; d'assurer la perception des impôts et la libre circulation des subsistances ; de maintenir l'ordre et la paix partout où nous serons appelés et d'y employer la force de nos armes lorsque nous en serons requis conformément à la loi. Jurons de nous réunir avec la même ardeur contre les ennemis du dehors pour les repousser et contre les ennemis de la révolution pour déconcerter leurs sinistres projets et déjouer toutes leurs fausse démarches ; de poursuivre les uns 2 18 SOCIÉTÉ D'HISTOIRE ET D'ARCHÉOLOGIE DU GERS. et les autres avec le fer; et nous reposant avec confiance sur la protection de l'Etre suprême qui vient de rapprocher la loi civile de la loi religieuse, par l'égalité qui les caractériseront désormais l'une et l'autre, nous nous engageons mutuellement par les liens sacrés de l'honneur, au péril de nos biens et de nos vies, de nous rassembler au premier signal de la patrie en danger pour combattre, vivre libres ou mourir.» La lecture du serment étant terminée les mots Je le jure » retentissent à la fois, de plusieurs milliers de bouches, dans une immense et solennelle acclamation; puis M. de Goyon, président de l'assemblée électorale, ayant donné au maire d'Auch le baiser civique et fraternel cet exemple est aussitôt suivi par tous les gardes nationaux; chacun prenant la main de celui qu'il vient d'embrasser, spontanément s'organise une joyeuse farandole dont le cercle s'accroît rapidement et à laquelle prennent part les officiers municipaux, les électeurs, les commissaires du roi, les officiers, les soldats, les gendarmes et même les prêtres. L'émouvante cérémonie se termine au milieu d'un enthousiasme indescriptible aux cris mille fois répétés de Vive l'assemblée nationale ! Vive la liberté ! Vive la nation ! Vive la loi ! Vive le roi ! » Le cortège s'étant reformé dans le même ordre que précédemment il regagne la haute ville et s'arrête sur l'esplanade » où a lieu la dislocation. La nuit venue la fête se poursuit; il y a bal, illumination et représentation théâtrale. Dix jours après ce mémorable événement départemental on célèbre à Paris la fameuse fête de la Fédération en commémoration de la prise de la Bastille. Les gardes nationales du Gers s'y font représenter par une importante députation. Le seul district de Lectoure y envoie 14 délégués auxquels le département accorde une indemnité individuelle de 600 livres. Les clubs. — Au cours de l'année 1790, l'esprit révolutionnaire fait des progrès considérables grâce aux clubs qui se sont constitués dans les principales villes du département. Leurs membres expliquent les lois nouvelles, en surveillent PREMIER TRIMESTRE 1930. 19 l'exécution, achètent des biens nationaux, exhortent les paysanes à les imiter, prêchent la nécessité de payer l'impôt et s'efforcent de faciliter l'application de la constitution civile. En mars 1791 il existe 14 groupements gersois, directement affiliés à la Sociétés des amis de la constitution » de Paris qui siège à la maison des Jacobins de la rue St-Honoré. Ces groupements se sont constitués dans les villes suivantes Auch, Cologne, Condom, Fleurance, Gimont, Lectoure, Lombez, Mirande, Monfort, Montréal, Nogaro, St-Clar, Tournecoupe et Vic-Fezensac Moniteur officiel » du 7 mars 1791, N° 66, p. 554. Plus important par le nombre et la qualité de ses membres, le club d'Auch exerce une influence prépondérante. Il est composé de bourgeois cultivés, philosophes, franc-maçons et tolérants. Leur groupement est en relation non seulement avec la société parisienne des amis de la constitution mais aussi et surtout avec celle qui a été fondée à Toulouse le 6 mai 1790 sous les auspices de Dieu, de la Nation, de la Loi et du Roi. » Dès le 30 avril 1790, le Club d'Auch publie une adresse destinée à dissiper les alarmes que les prêtres réfractaires font naître dans l'esprit des paysans. Le 6 juin de la même année, dans une seconde adresse il met les citoyens en garde contre les agissements des détracteurs de la révolution au moment où se préparent les élections générales. Dans une troisième publication, datée du 25 juin 1790, il déclare avec force que fidèle au but de son institution il poursuivra avec une constance de zèle inébranlable le grand projet du bien général. » Enfin, au mois de février 1791, lorsque l'évêque constitutionnel Barthe est en butte aux attaques de son prédécesseur la société auscitaine des Amis de la constitution » prend rigoureusement sa défense. Dans une adresse aux citoyens du département » elle traite la question épiscopale au triple point de vue théologique, canonique et constitutionnel puis elle s'efforce de soutenir le courage de l'évêque Barthe à qui elle écrit ... Vous permettez, Monsieur, à notre tendresse filiale de faire éclater les transports unanimes de notre indignation à la vue des manoeuvres coupa- 20 SOCIÉTÉ D'HISTOIRE ET D'ARCHÉOLOGIE DU GERS. bles que pratique contre vous l'ex-évêque du Gers. Oui, c'est en vain qu'il met en jeu tous les ressorts de l'hypocrisie et du faux zèle; tous ses artifices seront dévoilés et la masse des citoyens honnêtes prévaudra contre la ligue des passions injustes... ». Par le nombre considérable d'imprimés qu'elles répandent dans le département les Sociétés des Amis de la Constitution » informent le peuple des principaux événements politiques, préparent l'opinion et luttent souvent avec efficacité contre les adversaires de la révolution. Ceux-ci, de leur côté, essayent, sans beaucoup de succès d'ailleurs, de former des clubs monarchiques ». Un de ces clubs se constitue à Auch en février 1791 sous la dénomination de Société des amis de la paix ». Ses membres prêtent le serment de maintenir la religion et de défendre les opprimés » ; ils se pourvoient d'armes et de munitions. Un moment le directoire s'inquiète de leurs agissements et redoute des troubles graves. Nous en trouvons la preuve dans son registre des délibérations où on lit à la date du 21 février 1791 La division des deux sociétés rivales est marquée dans leurs opinions et leurs principes. Leurs membres respectifs se rassemblent par pelotons dans les maisons, dans les rues, dans les promenades. La défiance est dans les coeurs. L'effroi est peint sur les visages, et tout en un mot offre les présages les plus sinistres La discussion et la discorde soufflées par le fanatisme agitent violemment cette malheureuse ville. Une querelle particulière peut, à chaque instant, devenir le signal d'une guerre civile et faire couler des ruisseaux de sang ». Troubles intérieurs. L'échauffourée d'Eauze. — Etant donné la surexcitation des passions religieuses et l'agitation violente des esprits, des troubles graves sont à craindre tant à Auch que sur divers points du département. Dans ces difficiles conjonctures, conscient de la lourde responsabilité qui pèse sur lui, le directoire écrit à l'assemblée nationale et au roi pour lui exposer cet état de choses; mais les communications avec Paris sont lentes et la situation est si alarmante PREMIER TRIMESTRE 1930. 21 que des mesures d'extrême urgence s'imposent. En conséquence le directoire dépêche l'un de ses membres auprès de M. d'Esparbès commandant en chef de la ci-devant province de Guyenne pour le supplier d'envoyer immédiatement à Auch au moins un bataillon du 33e régiment d'infanterie ci-devant Touraine » alors en garnison à Agen, car il n'existe à Auch comme troupe régulière qu'un escadron du Royal-Pologne ou 5me régiment de cavalerie. Déférant à la pressante sollicitation des administrateurs du département, l'autorité militaire met à leur dispostion, non pas un bataillon du Touraine », mais deux bataillons du 7me régiment d'infanterie ci-devant Champagne ». Grâce au concours de ces troupes de cavalerie et d'infanterie le Directoire parvient à maintenir l'ordre et la tranquilité dans toute l'étendue de son ressort administratif. Le 2 mars 1791, un groupe de cavaliers du Royal-Pologne est envoyé à Nougaroulet et à Crastes, pour y disperser des attroupements séditieux. Le lendemain, 30 autres cavaliers sont dirigés sur l'Isle-Jourdain, où ils préviennent des troubles. D'autres détachements vont à Lectoure et à Lauzerte dans le même but. D'ailleurs les gardes nationales des environs d'Auch, offrent spontanément leurs concours aux administrateurs du département Ministres des lois, leur déclarent-elles, ne craignez jamais de les faire exécuter, nous volerons au premier signal, nous vous entourerons du rempart de nos corps et ce ne sera qu'après l'avoir entièrement abattu que les ennemis de la chose publique troubleront vos augustes fonctions. » Les gardes nationale qui affirment ainsi leur zèle patriotique sont celles de Pavie, Preignan, Lahitte, Marsan, Montestruc, Roquelaure, Pessan, Puycasquier, Barran, Gaudoux, Biane, Lasseran, St-Jean-le-Comtal, Arbéchan, Vicnau, Miramont, Duran, l'Ille-Orbeissan, Ordan, Pépieux, Grenadette, et Lartigolle. En raison de leur caractère vif et turbulent, les populations du Bas-Armagnac, inquiètent le directoire d'une manière toute particulière. Les événements vont bientôt justi- 22 SOCIÉTÉ D'HISTOIRE ET D'ARCHÉOLOGIE DU GERS. fier cette inquiétude. En effet, le 20 mars 1791, à Eauze, à l'occasion d'un Te Deum », en l'honneur des ecclésiastiques qui ont prêté le serment, une furieuse contre-manifestation se produit à l'issue de la cérémonie. Le fusil ou le poignard à la main on se bat avec acharnement dans les rues, on pille, on démolit des maisons, le sang coule et le calme, à grand peine rétabli, on relève deux morts et de nombreux blessés. Le 22 mars, le directoire commet Duloya administrateur du département et Duffau, procureur-syndic du district de Condom, pour se rendre d'urgence à Eauze avec un détachement du Royal-Pologne », dans le but d'y rétablir l'ordre et de prévenir de nouveaux conflits. Mais, en dépit des efforts des commissaires pour calmer les esprit, les deux partis très excités restent menaçants et de nouvelles échauffourées sont à craindre. En présence de cette situation, par ses arrêtés des 3 et 12 mai, le directoire délègue à Eauze, l'un de ses membres, Lafiteau, muni des pouvoirs les plus étendus. A peine arrivé celui-ci juge de la difficulté de sa mission et demande un coadjuteur »; on lui envoie Tarrible qui se rend à Eauze le 18 mai. Les deux commissaires ne pouvant réussir à calmer les esprits vont simplement s'attacher à prévenir de nouvelles effusions de sang; à cet effet ils exigent avec énergie que toutes les armes, et en particulier les armes à feu, soient remises par leurs détenteurs aux officiers municipaux. Cette sage mesure, dont l'exécution ne va pas sans difficultés, est réalisée en quelques jours et produit les résultats attendus. PREMIER TRIMESTRE 1930. 23 UN MIRANDAIS ANTIJACOBIN ! SOURIGUERE SAINT-MARC Auteur du Réveil du Peuple » Inspirateur de Mlle Georges, la célèbre tragédienne PAR M. JUSTIN MAUMUS Une circonstance fortuite permit, il y a quelque temps, à notre nouveau collègue Me Souriguère, notaire à Mirande, d'avoir connaissance d'une communication de M. Brégail, insérée dans le Bulletin du troisième trimestre 1913. Dans cette communication, notre savant collègue parle de la découverte qu'on lui avait signalée, de deux poésies antijacobines depuis longtemps oubliées, dont l'une est intitulée Le Réveil du Peuple. Sur l'auteur de cette dernière, il s'exprime de la manière suivante Un royaliste épargné par la hache révolutionnaire en avait écrit fièvreusement les vers il se nommait Souriguière de Saint-Marc. C'était un poète peu estimé qui avait composé quelques pâles et médiocres ouvrages dramatiques, notamment une tragédie Octavie qui représentée au Théâtre Français provoqua d'unanimes sifflets. Un musicien distingué Pierre Gaveaux appliqua au Réveil du Peuple, une musique quelconque et un chanteur nommé Lays, le chanta avec beaucoup d'enthousiasme sur la scène de l'Opéra. Cette cantate, rapidement répandue, retentit jusque dans le Gers. Le chant antijacobin ne dépassa guère l'époque de la réaction thermidorienne. La faute principale en est sans doute à la musique de Gaveaux qui manque d'inspiration et qui n'a rien de saisissant ni de viril. Le Réveil du Peuple fut, en effet, le chant de guerre des thermidoriens, tous les historiens de la Révolution le proclament et l'un des plus récents s'exprime ainsi A toute armée il faut un chant de guerre ; le chant de celle-là c'est le Réveil du Peuple, paroles de Souriguière, musique de Gaveaux. Le jour tardif de la vengeance Fait enfin pâlir vos bourreaux ! » 24 SOCIÉTÉ D'HISTOIRE ET D'ARCHÉOLOGIE DU GERS. Le Réreil va bientôt se chanter partout des théâtres, où on l'entonne au début et à la fin de chaque pièce, aux tribunes de la Convention même où il assombrit plus d'un front. Louis MADELIN, La Révolution, page 388. Mais ce Souriguère, dont on parlait alors d'un bout de la France à l'autre, qui était-il ? et d'où venait-il ? Personne ne l'a jamais dit. Le mieux informé des historiens qui se sont occupés de lui le fait naître vers 1767, près de Bordeaux Ludovic Lalanne, Dictionnaire historique de la France. Or, Souriguère Jean-Marcel et non Souriguière — il est temps de lui restituer son véritable nom — est né à Mirande, ainsi qu'en témoigne son acte de baptême Le 9 avril 1763 fils à M. Souriguère, notaire, conseiller du Roy et maire de la présente ville et à Dlle Duffour, mariés ensemble, etc. Son arrière petit-neveu, M. Henri Sourriguère, notaire, à Mirande, détenteur de tous les souvenirs qu'il a laissés et dont son grand-père avait hérité, a eu la pensée de faire connaître certaines circonstances de sa vie jusqu'à présent ignorées. Il a cru — bien à tort — que ma qualité de vieux Mirandais était un titre suffisant pour me confier la réalisation de cette pensée. C'est à moi qu'il a fait l'honneur de s'adresser, mettant à ma disposition ceux des papiers de son arrière grand-oncle qui ont échappé après maintes flambées à la main dévastatrice des cuisinières. Quoique Mirandais et ami de la famille, je n'ai nullement le projet de protester contre l'oubli dans lequel ce nom est tombé, encore moins de réformer les jugements de la postérité, quoique ses sentences ne soient pas toujours empreintes de stricte justice. Je désire simplement faire connaître un peu mieux mon personnage et l'expliquer grâce à une Société Gasconne qui ne refusera pas à un Gascon, qui eût une heure de célébrité, la faveur de le faire revivre une heure de plus au milieu de ses compatriotes. PREMIER TRIMESTRE 1930. 25 M. Brégail ne m'invite-t-il pas d'ailleurs à tenter cet essai, en disant à propos du Réveil du Peuple, que si cet hymne ne dépasse guère l'époque de la réaction thermidorienne, c'est sans doute la médiocrité de la musique de Gaveaux qui en fut la cause. Issu d'une ancienne famille de notaires, Jean-Marcel Souriguère, dont l'imagination poétique trouvait fastidieux et terre à terre le libellé des Contrats ou Obligations Conventionnelles, ne tarda pas à se trouver à l'étroit dans les murs — non encore démolis — de sa ville natale et voulut entreprendre, vers la vingtième année, un voyage en lointain pays ». Cependant il ne suivit pas l'exemple de son compatriote mirandais Jean-Dominique Laudet parti pour les Amériques. Il n'alla pas plus loin que Paris, retenu peut-être par l'espoir d'y goûter cette douceur de vivre » que Talleyrand aimait à vanter plus tard à ceux qui ne l'avaient pas connue. Il est douteux que Souriguère y ait trouvé les mêmes satisfactions que l'évêque d'Autun, car ayant embrassé la profession d'homme le lettres, il en connut certainement au début les déceptions qui attendent les nouveaux venus dans la carrière. Il en fit l'aveu à son frère le notaire resté à Mirande, dans une lettre où il dit que le pire des états pour quiconque n'est pas riche est celui d'homme de lettres ». Mais il ne connut pas le découragement. Ayant ajouté à son nom patronymique le nom de SaintMarc, il se mit au travail et parvint assez rapidement grâce à ses écrits, à conquérir une situation indépendante et même à jouir ensuite d'une assez large aisance. En pleine activité lorsque la Révolution éclata, il avait fondé ou acquis le journal Le Miroir, et pris pour collaborateurs des écrivains royalistes de talent, notamment Beau- 26 SOCIÉTÉ D'HISTOIRE ET D'ARCHÉOLOGIE DU GERS. lieu 1 qui était chargé de la critique littéraire et artistique. Le journal n'occupait pas Souriguère d'une façon exclusive il consacrait une grande partie de son temps à la composition de tragédies, de comédies, de sonnets, de quatrains, de couplets alors à la mode chez les poetoe minores de l'époque, couplets que chantait Mademoiselle Lange sur l'air de Je suis Lindor ». Se livra-t-il à ces travaux sous la Terreur ou seulement après le 9 Thermidor ? Nous n'en savons rien. Ce qui est certain c'est qu'il a composé pendant sa vie cinq tragédies et dix-huit comédies, en vers ou en prose. Enfin l'heure sonna où il connut un succès et une célébrité que ne lui valurent jamais ni tragédies, ni comédies, ni poésies légères. Royaliste convaincu, il salua avec transport la chute de Robespierre et il la célébra par cet hymne qui allait porter son nom jusqu'aux extrémités du pays et qu'il appela Le Réveil du Peuple. » M. Brégail et M. Bénétrix nous ont appris qu'il avait été chanté jusqu'aux bains du Castéra. On l'avait entendu également à Toulouse. Le journal Le Miroir », du 30 plairial 18 juin 1796, nous apprend que pour l'avoir chanté chez elle une jeune ouvrière, la citoyenne Gauzes, avait été condamnée à vingt-quatre heures de prison, par un juge à tendances un peu trop jacobines. Reconnaissons que cet hymne avait eu des débuts heureux. Il avait été admirablement lancé à l'Opéra par Lays 5, un des meilleurs chanteurs de l'époque. 1 Beaulieu Claude-François qui écrivait dans d'autres journaux royalistes et collabora aussi à la Riographie Michaud, fut arrêté et mis sur la liste des déportes après le 18 Fructidor. Il réussit à. s'échapper. 2 Il ne devait pas s'agir de l'artiste dramatique de ce nom dont on n'a jamais parlé comme cantatrice. 3 Lay François, dit Lays, né le 14 février 1758 à Labarthe-de-Neste. Les Pères de Garaison avaient fait son éducation musicale. Il avait débuté à l'Opéra en 1779 par ordre du Roi. Il professa au Conservatoire de 1819 à 1826 Comme il avait embrassé avec ardeur les idées révolutionnaires il faut suppo- PREMIER TRIMESTRE 1930. 27 Mais ces jours de gloire » dus au Réveil du Peuple, furent suivis de lendemains tragiques. Survient le 18 Fructidor. Arrêté comme royaliste et comme auteur du Réveil du Peuple, Souriguère est incarcéré et condamné à la déportation en Guyane. Son journal Le Miroir » est supprimé; et les 22 presses de son imprimerie sont confisquées. Tout renseignement nous faisant défaut sur cette période de sa vie de proscrit, nous savons seulement qu'il rentra à Paris après le 18 Brumaire. Il reprit alors sa plume et chercha à retrouver sa place dans le clan des auteurs dramatiques. Il y trouva des ennemis. Le devait-il aux critiques de jadis parues dans son journal Le Miroir », ou encore à la rancune des jacobins qu'il n'avait pas ménagés dans le Réveil du Peuple » ? C'est ce qu'il a toujours cru, et à quoi il attribua la chute de la tragédie dont je vais parler. Le souci d'esquiver des cabales expliquerait peut-être aussi ce fait attesté par des déclarations formelles que nous avons trouvées, à savoir que des pièces représentées au Théâtre Feydeau, dont il était l'auteur, étaient signées d'un autre nom que le sien. C'est sans doute à cette époque que remonte un distique qui de Paris arriva jusqu'à Mirande légèrement acidulé, mais assez amusant On dit qu'à tes écrits tu souris Souriguère, Mais si tu leur souris, on ne leur sourit guère. Ces coups d'épingle ne le décourageaient pas. Il visait plus haut que le Théâtre Feydeau ou le Théâtrs Montansier. Enfin! nous sommes en 1806. ser que ce fut pour obliger un compatriote gascon, qu'il mit au service de l'antijacobin Souriguère son aient de chanteur. Le musée de Bagnères-de-Bigorre possède son portrait à l'huile, sous le costume d'un des rôles qu'il avait tenu à l'Opéra. 28 SOCIÉTÉ D'HISTOIRE ET D'ARCHÉOLOGIE DU GERS. Une de ces tragédies Octavie, est reçue au Théâtre Français. L'on sait déjà qu'elle provoqua d'unanimes sifflets ». Et cela en dépit d'une distribution comme on n'en voit plus, puisqu'elle comprend au moins trois artistes qui comptent parmi les plus hautes illustrations de la scène française. Qu'on en juge ! Néron M. LAFON 4. Octavie Mlle DUCHESNOIS 5. Poppée Mlle GEORGES 6. Sénèque M. SAINT-PRIX. Segestes M. MICHELOT. Etc., etc. Malgré cela la pièce ne fut pas même entendue. C'était dans la soirée du 9 décembre 1806 Le vacarme commença au lever du rideau, et ne cessa pas un instant. C'est à peine si Saint-Pry, artiste justement aimé du public qui jouait le rôle de Sénèque put achever les quatre premiers vers de la pièce, ainsi conçus D'une cour sacrilège où le crime commande Segeste, que veux-tu désormais que j'attende ? L'exécrable Néron, couvert de sang humain S'il m'épargne aujourd'hui, m'immolera demain. D'une seconde loge part le cri A BAS SÉNÈQUE !! 4 Lafon Pierre, né à La Linde Dordogne, le 13 septembre 1775, mort à Bordeaux en 1856. Débuta à la Comédie-Française d'une façon éclatante dans le rôle d'Achille d'Iphigénie en Aulide, le 8 mars 1800. Il balança longtemps dans le public la réputation de Talma. 5 Catherine-Joséphine Rafuin, dite Duchesnois, née à Saint-Saulger Nord le 5 juin 1877, morte à Paris le 8 janvier 1835. Son magnifique talent de tragédienne s'est affirmé uniquement dans la tragédie classique. Elle fut l'intime amie de Talma et son nom ne pâlit, pas auprès de celui de l'admirable tragédienne, dit M. A. Pougin. 6 Marguerite-Joséphine Weimer, dite Mlle Georges, née à Bayeux le 23 février 1787, morte à Passy-Paris le 11 janvier 1867. Une des artistes les plus illustres dé son temps. Débuta à la Comédie-Française en 1802 où son talent et se grande beauté lui valurent des succès magnifiques. Remarquable tragédienne dans le grand répertoire tragique, elle obtint un renouveau de gloire et de succès dans le théâtre romantique et les grandes oeuvres de Victor Hugo, d'Alexandre Dumas, etc., etc. PREMIER TRIMESTRE 1930. 29 On peut, sans nulle témérité, affirmer que le spectateur irascible qui l'a poussé n'avait pas de griefs assez sérieux contre le précepteur de Néron, pour infliger en public à sa mémoire un pareil outrage. Il visait un autre but. Aussi faut-il admettre avec Souriguère qui l'a expliqué et établi dans la préface de sa pièce publiée immédiatement après, qu'une cabale avait été montée contre lui et que ce cri n'était qu'un signal donné aux tapageurs. Souriguère fait allusion aussi dans cette préface aux meneurs se vengeant ainsi du Miroir et du Réveil du Peuple, alors qu'ils étaient suffisamment vengés, dit-il avec raison, par ses cinq années de proscription et par la perte de sa fortune. On ne siffle à bon droit que les paroles qu'on a entendues et qu'on trouve, à tort ou à raison, critiquables mais le parti pris est évident lorsqu'on siffle avant d'avoir entendu 7. D'ailleurs la pièce ayant été publiée, le grand public » put se rendre compte de l'injustice des manifestants de la première et unique représentation. Sans vouloir faire oeuvre de critique, ne peut-on pas se demander, en s'inspirant du simple bon sens, s'il est admissible qu'une pièce absolument sans valeur et justifiant un tel charivari, aurait été reçue au plus renommé des théâtres, le Théâtre Français ? Croit-on, en outre, que des artistes aussi remarquables que ceux qui l'ont jouée auraient consenti à galvauder leur nom et leur talent dans l'interprétation d'une oeuvre ridicule ? Souriguère, avec son habitude du théâtre et le goût sûr et éclairé qu'on lui reconnaissait, ne se serait pas trompé à ce point là. Nous allons voir que Mademoiselle Georges, malgré son immense talent, avouait être son obligée et devoir à ses conseils une partie de ses succès. 7 Cette représentation d'Octavie fait penser au vacarme mémorable qui signala la représentation de Gaëtana, d'Edmond About en 1862, au Théâtre de l'Odéon. Ce soir là non plus on n'entendit pas la pièce. La manifestation continua même dans le quartier où les étudiants parcoururent les rues, en, criant A bas About ! 30 SOCIÉTÉ D'HISTOIRE ET D'ARCHÉOLOGIE DU GERS. Et ceci est, nour nous autres Gascons, prodigieusement intéressant ! Nous pouvons prétendre, en effet, que c'est grâce à des suggestions heureuses d'un cadet de Mirande que Mlle Georges a su trouver des accents qui ont enthousiasmé ses contemporains. Voici quatre petits billets révélateurs ; on va voir que si l'art y tient une grande place, le sentiment n'en a pas été exclu Je vous envoie, mon cher Monsieur Saint-Marc un billet pour ce soir. Je le laisse en blanc vous y mettrez la place que vous désirez occuper. Comme vous n'avez pas daigné m'indiquer un moment pour vous voir, je joue Athalie sans avoir reçu vos avis. Votre amie, GEORGES. Vendredi. Encore un service mon bien bon petit Saint-Marc ; acceptez à dîner et consentez à me faire travailler ce soir ; vos leçons si bonnes, si savantes me sont d'une utilité si grande. Si j'obtiens du succès, vous direz c'est mon ouvrage. GEORGES. Ce 25. Mon cher Saint-Marc on a dû vous porter hier la lettre de M. Jal 8, avec un petit mot de moi. Avez-vous eu l'extrême bonté de vous en occuper ? Je vous prie, mon cher ami, de me faire l'amitié de venir dîner ; il faut que je répète mon 1er acte avec vous ; je n'ai pas été à la répétition me sentant fatiguée. Je me soigne pour demain car c'est une fameuse soirée 9. Vous ajouterez à votre amabilité en consentant à venir à quatre heures pour répéter avant le dîner je vous enverrai la voiture. GEORGES. Faut-il donc absolument que j'aye le chagrin d'être brouillé avec mon meilleur ami ? Vous pouvez donc rester ainsi fâché avec moi ? Moi je ne le puis pas ; et malgré votre indifférence je viens faire 8 Ancien élève de l'Ecole navale, collabora en 1816 aux journaux d'opposition libérale ; s'essaya avec succès dans la critique d'art. En 1831, il fut chargé par de ministère de la Marine de missions on Italie, en Grèce et en Turquie. Son principal ouvrage est le Dictionnaire Critique de biographie et d'histoire. 9 Ce billet est postérieur à l'armée 1816 ; ce n'est qu'à partir de cette époque que Jal lit ses débuts dans le journalisme et la critique. Dans tous les cas la fameuse soirée dont parle ce billet n'est pas celle d'Octavie qui remontait à 1806. A cette époque Jal né en 1795, n'avait que onze ans. PREMIER TRIMESTRE 1930. 31 les premières avances et vous demander à réparer mes torts si vous trouvez que j'en aye. Et alors me garderez-vous rancune ou me direz-vous Venez ma chère amie j'aurais du plaisir à vous revoir. Et moi aussi j'en aurai et beaucoup. J'attends le mot que je désire avec une bien vive impatience. Et serai toujours votre vieille amie. GEORGES. Le 6 décembre. Au cours des années qui suivirent la soirée du 9 décembre 1806 et jusqu'en 1819, Souriguère Saint-Marc semble être resté en sommeil. Il se réveilla au retour des Bourbons et reprit sa lyre pour entonner un nouvel hymne le Second Réveil du Peuple ; air du premier Réveil, dédié au roi Louis XVIII ; mais cette fois ce fut, semble-t-il, sans succès. Il ne demeura pas inactif et voulut essayer d'obtenir la réparation des dommages qu'il avait subis sous les gouvernements précédents. Grâce aux brouillons qu'il a laissés, on sait qu'il demanda l'autorisation de faire paraître de nouveau Le Miroir, pour qu'il devint la gazette officielle de la Cour, et fut imprimé à l'Imprimerie Royale. Il sollicitait même la direction de cette imprimerie en réparation du préjudice causé par la confiscation de la sienne. Ces faveurs ne lui furent pas accordées, semble-t-il. Mais, pour reconnaître son dévouement à la cause royale, le roi Louis XVIII lui octroya des lettres d'anoblissement. Il fit partie de certaines associations royalistes et fut admis, notamment en 1819 dans l'Ordre royal Hospitalier militaire du Saint-Sépulcre de Jérusalem, sous le nom de Souriguère de Saint-Marc. On trouve aussi trace dans ses papiers de relations entretenues avec les de Pastoret et avec Mathieu de Montmorency, celui qui fut l'un des plus fervents adorateurs de Madame Récamier. S'il était préoccupé d'obtenir pour lui des avantages, il 32 SOCIÉTÉ D'HISTOIRE ET D'ARCHÉOLOGIE DU GERS. n'avait pas cependant oublié Mademoiselle Georges qui eut besoin de protecteurs auprès du Roi, pour obtenir après avoir quitté la Comédie-Française, un engagement à l'Odéon, érigé en second Théâtre Français. Dans le brouillon de sa lettre de remerciements au Roi — écrit par Souriguère — la tragédienne rappelle à Sa Majesté la promesse qu'Elle a bien voulu lui faire d'avoir le bonheur de lui dire quelques scènes de Racine et de Corneille ». Elle avait donc obtenu une audience de Louis XVIII, et il n'est pas téméraire de supposer que ce fut grâce au concours de Souriguère, que la vieille amie » avait obtenu cette faveur. A la Comédie-Française on n'oubliait pas Souriguère ce qui prouve qu'on ne le tenait pas pour un écrivailleur quelconque, c'est que de 1824 à 1828, la Comédie avait voulu monter sa tragédie ayant pour titre Frédégonde. Les lettres de M. Le Mazurier, secrétaire du Comité en font foi. Mais Souriguère laissa passer son tour pour attendre que Talma à qui il réservait un rôle fut libre. Or, de remise en remise, on arriva au 26 octobre 1826, jour où ce grand artiste mourut. Découragé et d'ailleurs vieillissant et fatigué de lutter, Souriguère ne songea plus au théâtre et vécut ayant quelques amis fidèles, dans une retraite relative. Il mourut le 24 mars 1837, après avoir institué son neveu Me Narcisse Souriguère, notaire, à Mirande, son légataire universel. La famille a gardé de lui un souvenir reconnaissant et son arrière-petit neveu en parle avec émotion; je l'ai constaté lorsque feuilletant ensemble les papiers jaunis, nous entendîmes une pendule sonner les heures. Elle fut donnée, me dit M. Souriguère, en me la montrant, par l'oncle à ma grand'-mère à l'occasion de son mariage. Cette jolie pendule est de pur style troubadour en bronze doré et représenté un Amour prenant un papillon par les PREMIER TRIMESTRE 1930. 33 ailes, tout à fait dans le goût de l'époque ainsi que le globe qui la recouvre. Qu'elle ne sonne pour vous, lui écrivait-il, que des heures heureuses ! » S'il nous entend, dîmes-nous, parler de lui et du Réveil du Peuple », l'heure présente est aussi pour lui une heure de bonheur. Une concession perpétuelle au Cimetière Montmartre, assure le repos à ses cendres. Sa tombe entourée d'une grille en fer est surmontée d'une pierre tumulaire, ornée d'une urne voilée. Elle porte l'épitaphe suivante ICI REPOSENT LES MANES DE MARCEL SOURIGUÈRE SAINT-MARC NÉ A MIRANDE, GERS LE 7 AVRIL 1763 MORT A PARIS LE 24 MARS 1837 FROISSÉ PAR LA FORTUNE ET PPAR LES HOMMES QU'IL AVAIT CRU SERVIR IL VOULUT CACHER SA VIE COMME SA MORT. MAIS IL NE PÉRIRA PAS TOUT ENTIER MÊME SUR CETTE TERRE ET SA MÉMOIRE VIVRA PAR LE SOUVENNIR DU RÉVEIL DU PEUPLE. Laissons donc sa dépouille mortelle reposer en paix à l'ombre de cette pierre. Faisant cependant toutes réserves en ce qui concerne les MANES, qui vu leur immatérialité ne sont certainement pas enterrées au Cimetière Montmartre, ajoutons que le rédacteur de l'épitaphe a retracé assez exactement la vie un peu tourmentée du défunt. Il a même eu une vision prophétique en promettant à sa mémoire de vivre par le souvenir du Réveil du Peuple. C'est, en effet, comme auteur de cet hymne que le nom de Souriguère est resté inscrit dans quelques livres d'où un hasard heureux l'a fait sortir aujourd'hui grâce à la communication de M. Brégail. 3 34 SOCIÉTÉ D'HISTOIRE ET D'ARCHÉOLOGIE DU GERS. C'est encore le Réveil du Peuple qui aura valu à son auteur de marquer sa place dans les annales de la Société Archéologique du Gers. Mais les injures du sort accusées par l'épitaphe, poursuivront-elles toujours notre Mirandais ? Et pourquoi faut-il que le souvenir du Réveil du Peuple, ait fait sortir Octavie de son someil? Dernière malice de la Fortune ! PREMIER TRIMESTRE 1930. 35 Notices des Prêtres et Religieux de Condom PENDANT LA RÉVOLUTION PAR M. JOSEPH GARDÈRE. Suite. CXVI. — LARROCHE DU BOUSCAT Joseph. Larroche du Bouscat Joseph, écuyer, né à Lialores, juridiction de Condom, le 14 mars 1729, de Philippe Larroche, écuyer, et de Catherine Laverny 935, fut ordonné prêtre par Mgr de Cossé-Brissac, dans la chapelle Notre-Dame de l'église cathédrale de Condom, le 20 septembre 1755 936. Il avait été pourvu d'un canonicat au Chapitre de Montréal au mois de février précédent, n'étant encore que clerc tonsuré 937. En 1763, il obtint une prébende sous-diaconale en l'église cathédrale de Condom 938, qu'il résigna en faveur de son neveu en 1773. Il avait été précédemment vicaire à la Hitte, notamment en 1760599. Plus tard, curé de Notre-Dame de Buzet et chapelain de la chapelle de Saint-Antoine de Lialores, il résigne le premier de ces bénéfices le 23 novembre 1786 940, et devient curé de Saint-Cirice ; il administra cette paroisse jusqu'à la fermeture des églises 9l1. Il était par conséquent assermenté et il figure sur les Etats des pensionnaires ecclésiasiques du district de. Condom de l'An III avec la qualité éteinte de curé, comme domicilié à Lialores 942. A partir du 8 pluviôse An VI, il exerce le ministère à Cannes, et probablement à Lialores 943. Joseph Larroche mourut à Lialores, en son domicile, le 5 pluviôse An VII, à l'âge de 70 ans 944. 935 Registre par. de Lialores. 931 Registr. de l'évêché de Condom Arch. dép. du Gers. 937 Acte de prise de possession du 8 février 1755 Minutes Lacapère, étude Pélisson, à Condom. 938 Acte du 3 juin 1763 Minutes Lacapère ; idem, du 24 août. 939 Registr. par. de Vicnau. 940 Minutes de Pugens, étude Pélisson. — Il avait résigné le 2 septembre 1774, la cure de Houeillés à laquelle il avait été nommé le même jour, étant déjà curé de Buset. Minutes Pelauque, étude Lebbé. 941 Registr. par de Saint-Cirice. 942 Arch. municip. de Condom. 943 Délibér. municip. de Condom. 944 Etat civil de Lialores Condom. 36 SOCIÉTÉ D'HISTOIRE ET D'ARCHÉOLOGIE DU GERS. CXVII. — LARROCHE DU BOUSCAT Jean-Philippe. Larroche du Bouscat Jean-Philippe, né à Lialores le 13 mai 1762, de noble Pierre Laroche du Bouscat, écuyer, et de Suzanne Derens de Terrete 945, prend possession d'une prébende sous-diaconale en l'église cathédrale de Condom, le 3 septembre 1773, sur la résignation de son oncle Joseph Larroche. Il n'était alors que clerc tonsuré 446. Devenu vicaire de Buset, il est nommé curé de Trignan en 1783; sur la résignation en sa faveur par Antoine de Castillon, le 2 avril de cette année 947. Prorecteur de Lialores en 1787, il est nommé, en 1788, curé de cette paroisse ; il l'administrera jusqu'au mois d'octobre 1793. IL desservit de même, en qualité de vicaire, la paroisse de Cannes, et même Sainte-Raphine 948. Il était, au moment de la Révolution, chapelain de la chapelle de Pé-Mercé fondée dans l'église de Larressingle 949. Jean-Philippe de Larroche figure parmi les électeurs du canton de Condom convoqués pour aller, le 13 février 1791, procéder à la nomination de l'évêque du département du Gers 950. Il signe le procèsverbal de l'élection des curés du district de Condom faite les 5, 6 et 7 juin suivants 951, est nommé le 18 juin, à l'unanimité des suffrages président de l'Assemblée électorale des citoyens actifs de toutes les paroisses externes du canton de Condom réunie aux Pénitents Bleus, à l'effet de nommer les neuf électeurs qui devaient se rendre à Auch, le 25 du même mois, pour y procéder à l'élection des neuf membres du corps législatif ; il est lui-même désigné comme l'un des neuf électeurs. L'évêque du département lui donna le pouvoir de biner pour l'église de Cannes, le 23 février 1792 952. Le 7 octobre 1792, il signe le procès-verbal de nomination aux cures vacantes du district ; le 17 novembre suivant, il est élu membre du Conseil d'administration du district 953. L'année suivante notamment aux mois d'avril et de mai, il est président dudit Conseil d'ad945 d'ad945 paroissiaux de Lialores. 946 Minutes Lacapère, étude Pélisson 947 Minutes de Pugens, étude Pélisson. 948 Registres paroissiaux de Lialores. Registr. de pétition du district, nos 478, 509, 785, 786, 813 et 814, 815 et et Arch. de la sous-préfect.. 949 Registre de recettes du produit des biens nationaux n° 128 Arch, mun. Condom. — Registre de pétitions du district de Condom , n° 134. Arch. de la sous-préfecture. 9501 Imprimé. 951 Arch. de la sous-préfecture. Condom. 952 Registre épiscopal de Marthe. Arch. dép. du Gers. 953 Procès-verbaux des assemblées électorales du district de Condom. Arch. de la sous-préfecture. PREMIER TRIMESTRE 1930. 37 ministration 954. Au mois d'avril 1793, aussitôt après la formation des comités de surveillance ordonnée dans les chefs-lieux des districts, il est désigné, avec un de ses collègues, pour faire partie de celui de Condom. Le curé de Lialores, on le voit, prenait une part active à l'administration révolutionnaire. Il ne devait pas d'ailleurs s'en tenir là. Par deux arrêtés des 26 et 30 avril 1793, les représentants du peuple délégués par la Convention dans les départements du Gers et des Landes le nomment pour remplir les fonctions de commissaire ou agent supérieur militaire pour le recrutement dans le département du Gers, à la place du citoyen Loubens 955 ; au mois d'octobre suivant, il est élu commandant du 5e bataillon des volontaires du Gers, qui était le bataillon du district de Condom 956 ; il opte pour ce dernier poste le représentant du peuple, Dartigoeyte, et le remplaça plus tard, le 9 pluviôse An II; comme membre du Conseil du district 957. Il fut destitué de ses fonctions de chef de bataillon vers la fin de l'An II ; mais sa destitution fut levée, sans réintégration il est vrai, par arrêté du Comité de salut public du 18 brumaire An III 958. Un tel patriote ne pouvait être soumis aux dispositions de l'arrêté des représentants du peuple du 14 vendémiaire An III qui astreignait les ex-ministres du culte à résider au chef-lieu de leur district. Aussi s'empressa-t-il de demander à en être exempté attendu que quoiqu'il eût été de cette caste, il ne pouvait être considéré comme tel puisqu'il s'était dévoué depuis longtemps à l'art militaire ; les représentants du peuple Mallarmé et Bouillerot, en séance à Toulouse, sur l'avis et les observations du Comité révolutionnaire du district de Condom, portant que le pétitionnaire n'avait jamais tenu à son état de prêtre dans le temps même du règne de la superstition » et au vu de l'arrêté du Comité de salut public du 18 brumaire qui avait levé la destitution du pétitionnaire de chef de bataillon, déclarèrent, par leur arrêté du 10 nivôse An III, daté de Toulouse, en 954 Lettre des administrateurs du district aux membres de la Société des Amis de la liberté et de l'égalité de Valence, du 31 mai 1793. — Registr. des délibér. du directoire du district, avril 1793. Lettres,, etc. Arch de la sous-préfecture de Condom. — Arrêté du district du 11 mai 1793. Arch. de la 955 Lettre du procureur général syndic du département aux administrateurs du district de Condom du 1er mai 1793. Arch. de la sous-préfecture. 956 Acte du 6e jour du 2e mois de la 2e année 27 octobre 1793. Arch. de M. Plieux. Dans les premiers jours de l'An II, le général en chef de l'armée des Pyrénées-Orientales destina le bataillon de Condom pour la garnison de Bayonne et il s'y trouvait dans le mois de frimaire de cette année. Lettre du procureur syndic du département aux administrateurs du district de Condom du 3e jour du 1er mois de l'An II. Arch, de la sous-préfecture. — Délibér. municp. de Condom du 28 frimaire An II. 957 Arrêté de Dartigoeyte du 9 pluviôse An II. Arch. de la sous-préfect. 958 Arrêté des représentants Mallarmé et Bouillerot du 10 nivose An III. Arch. de la sous-préfecture. 38 SOCIÉTÉ D'HISTOIRE ET D'ARCHÉOLOGIE DU GERS. séance » que l'arrêté du 14 vendémiaire ne lui était pas applicable et l'autorisèrent à aller habiter où il jugerait à propos 959. En l'An IV, Jean-Philippe Larroche est nommé président de l'administration municipale du canton de Condom par les électeurs réunis en assemblée primaire 969. Il est commissaire du directoire exécutif près cette administration le 10 nivôse an V 961. Il habite Lialores à cette époque ; mais il déclare le 27 floréal An VI vouloir fixer sa résidence dans la commune de Condom 962. Le 8 prairial de l'année suivante, il est nommé membre adjoint de l'administration du département ; il prête serment en cette qualité et il est installé le 17 du même mois. Il était encore commissaire du directoire exécutif près l'administration municipale du canton de Condom 963. Le 1er prairial An VIII, il est enfin nommé membre du conseil du premier arrondissement communal du département du Gers, par arrêté des Consuls de la République 964. Jean-Philippe Larroche du Bouscat mourut à Lialores le 9 novembre 1828 965. Par testament olographe, il laissait aux pauvres de la commune de Lialores une rente annuelle de 20 francs payable par ses héritiers le 1er janvier de chaque année au curé de Lialores ou aux fabriciens pour en faire ensemble la distribution aux plus nécessiteux 966, avec la volonté expresse que l'administration des hospices et le gouvernement ne puissent s'immiscer en rien dans ce legs. CXVIII. - DE LARTIGUE Gabriel. Gabriel de Lartigue, né à Condom, paroisse de Saint-Barthélemy, le 1er mai 1750, de Messire Charles de Lartigue, écuyer, et de demoiselle Marie Bajole 967, est prébendier simple du Chapitre de Condom en 1775 968 ; et grand prébendier en 1118 969. Les électeurs du district de Condom le nommèrent curé de Dému 959 Arch, de la sous-préfecture. Condom. 901 Délibér. municip. Condom du 17 brumaire An IV. 961 Arch, de la sous-préfecture de Condom. 902 Délibér. municip. de Condom. 903 Registr. des délibér. de l'administr. départementale. 964 Arch. de la sous-préfecture de Condom. 965 Etat civil de Lialores. 906 Ce testament fut déposé dans les minutes de M. Boutet par ordre du Président du tribunal du 15 novembre 1828. 907 Registres paroissiaux de Saint-Barthélemy de Condom 968 Acte du 29 décembre 1775 minutes Pélauque. Etude Lebbé. Il n'était alors qu'acolythe et il obtint cette prébende par permutation de deux chapelles celle de Calonges desservie en l'église des Cordeliers de Nérac ; et celle de Sainte-Anne desservie à Saint-Luper-de-Goalard, avec Mathieu Roques qui lui céda la prébende. 969 Regist. de délibér. des hébdomadiers et prébendiers du chapitre cathédral de Condom. Archives municipales. PREMIER TRIMESTRE 1930. 39 le 7 juin 1791 ; mais il n'accepta pas ce poste. Il est en même temps choisi comme aumônier par les religieuses dominicaines de Prouillan, le même jour 970. A cette même date, il avait été déjà nommé aumônier de la Garde Nationale 971. Le curé constitutionnel de Saint-Pierre, André Lasserre, le choisit comme vicaire, en 1791, dès son élection à cette cure ; et nous le voyons à ce titre desservir spécialement la paroisse Saint-Barthélemy, à partir du 6 octobre 1791 jusqu'au 27 avril 1792 972. Nommé curé de Sainte-Eulalie de Condom, Cieurac et Caulezun deux jours après, le 29 avril, par les électeurs du district de Condom 973, il reçoit, le 1er mai suivant, de l'évêque Barthe, l'institution canonique pour cette cure 974, mais il continue de desservir en même temps l'église paroissiale de Saint-Barthélemy, en qualité de premier vicaire de Condom, jusqu'à la fermeture des églises 975. Nommé par délibération du Conseil général de la commune du 30 décembre 1791, membre du bureau de l'hôpital 976, il est désigné pour faire partie du Conseil comme notable, le 2 décembre 1792 977. Le 3 mai 1793, une mission délicate lui est confiée concurremment avec un officier municipal par les sieurs Castex et Lacroix, commissaires du département, pour la visite du district, celle de se rendre tous les jours de départ et d'arrivée des courriers, au bureau de poste, à l'effet de surveiller et d'ouvrir toutes les lettres venant de l'étranger, ou destinées à y passer. Son civisme, sa probité et sa discrétion » le rendaient dignes de ce choix 978. Le 13 frimaire An II, il est nommé officier public et confirmé dans ce choix par Dartigoeyte le 17 ventôse suivant, sur la désignation de la Société Montagnarde 979. Le 17 nivôse An II, le Conseil général de la commune lui donne 970 Archives départementales du Gers. L. 503. 971 Acte de baptème du 14 juillet 1791 de la paroisse de Saint-Barthélémy de Condom et Arch. départ, du Gers. L. 503. — En cette dernière qualité, le 5 juin 1792, on lui avait assigné comme presbytère l'aile gauche du séminaire au nord cuisine, salle à manger, 3 chambres à coucher, 2 réduits et décharges, Un administrateur du district s'y était rendu avec un géomètre et M. Bouic, vérificateur des droits de l'enregistrement pour cette assignation. Archives départementales du Gers. L. 504. 972 Registre de Saint-Barthélémy. Il signe cependant les actes de catholicité à Saint-Pierre à la fin de 1791 et il paraît desservir Saint-Michel pendant le mois d'octobre de cette année. 973 Archives de la sous-préfecture. 974 Regist. épiscop. de Barthe Arch. départ. 975 Il dessert de même, un instant, Pujos en 1792 et Saint-Pierre pendant le 2° trimestre de 1793. Regist. de petit, du district de Condom, nos 386 et 939. Voir aussi nos 385. 512. 546. 691. 834, et Arch. de la sous-préfsct. 976 Délibér. municip. Condom. Il demeure membre du bureau de l'hôpital jusqu'en janvier 1793. 977 Délibér. municip. Condom. 978 Délibér. municip. Condom. 979 Délibér. municip. Condom. 40 SOCIÉTÉ D'HISTQIRE ET D'ARCHÉOLOGIE DU GERS. mission de prononcer un discours pour clôturer la fête qui devait avoir lieu le décadi suivant, au siège de la Société populaire, à l'occasion de la prise de Toulon 980. Il avait obtenu un certificat de civisme le 3 octobre 1793 et le Tableau de sa vie politique devait être approuvé le 26 germinal, les 1er et 2 floréal An II. C'est qu'il était des ci-devant nobles qui avaient, suivant l'arrêté du représentant Dartigoeyte du 14 germinal, développé depuis 1789, un patriotisme énergique » 981. Commissaire nommé par le Conseil général de la commune pour le cazernement de Prouillan » et pour la surveillance des déserteurs espagnols, en l'An II et en l'An III, il fait preuve de zèle et d'activité dans ces divers services 982. En même temps, il reçoit en sa qualité d'officier public, depuis le mois de frimaire An II jusqu'au mois de brumaire An III, les déclarations des naissances, mariages et décès des citoyens de la commune 983. Le Conseil général ordonne, le 9 pluviôse An III, l'impression d'une proclamation qu'il l'avait chargé de rédiger à propos de la cherté des vivres et de l'approvisionnement des marchés, et en ordonne la publication et l'envoi dans toutes les communes voisines 984. Le 22 brumaire, précédent, il avait donné sa démission d'officier public pour demeurer notable, les deux fonctions étaient incompatibles en vertu de la loi du 24 vendémiaire précédent 985. Le 17 pluviôse An III, il fut encore désigné comme notable, par arrêté du représentant du peuple Bouillerot, relatif à l'épuration et à la réorganisation des autorités constituées ; il est installé le lendemain 18, et il demeure en charge jusqu'au 27 messidor 986. En l'An IV 987, il reprend les fonctions de prêtre qu'il avait abdiquées. Les paroissiens de Saint-Barthélemy le choisissent comme desservant et il fait, le 21 messidor de cette année, la déclaration prescrite par la loi du 7 vendémiaire précédent 988. Il devait desservir la paroisse de Saint-Barthélemy jusqu'au Concordat et exercer aussi, au moins pendant l'An VI, à Saint-Michel 989. 980 Délibér. du 17 nivose An II, de Condom. 981 Délibér. municip., Condom. 982 Documents divers. Arch. de la sous-préfect.. 983 Etat civil de Condom. 984 Délibér. municip. de Condom. 985 Idem. 986 Idem. 987 Il est dit déprètrisé » dans un arrêté relatif à la pétition n° 1026. Régist, des pétitions du district Arch de la sous-préfect.. 988 Délibér. municip. 989 Tableau du 4 thermidor An V relatif à l'exécution des lois du 7 vendémiaire et du 22 germinal An IV ; déclaration des 3 et 4 nivose An VI. Registr. des délibér. municip., Condom. — Registr. de la paroisse St-Barthélemy Arch. de l'église. PREMIER TRIMESTRE 1930. 41 Il est nommé membre de la commission des hospices le 21 ventôse An V en vertu de la loi du 16 vendémiaire, même année. Il est encore en fonctions en l'An VIII 990. Nous n'avons pas besoin de dire que Gabriel Lartigue avait prêté les divers serments du 26 octobre 1790, du 14 août 1792 et du 19 fructidor An V 091. Il figure sur les Etats des pensionnaires ecclésiastiques du district ou de la commune de Condom de l'An III, de l'An VI et de l'An IX, et sur la Liste des prêtres constitutionnels domiciliés dans la commune de Condom comme desservant l'église de Saint-Barthélemy, du 25 vendémiaire, An XI 992. Il ne devait pas être compris dans les nominations faites par Mgr Jacoupy le 3 thermidor suivant. Les notes reçues sur son compte ne le lui permettaient pas. Ces notes, qui vinrent pourtant de trois sources différentes, nous paraissent exagérées. Voici deux de ces notes 1° Lartigue desservant l'église du troisième faubourg, ancien prébendier, n'ayant jamais été approuvé, profondément ignorant, débauché, déprêtrisé, ayant fait abattre les croix, blasphémé publiquement l'Evangile et le sacerdoce, employé comme artilleur à Condom lorsque l'exercice du culte fut interdit, n'ayant cessé de vociférer à la tête des clubs, enfin fameux par ses scélératesses, c'est de notoriété publique » ; 2° Lartigue, apostat, ayant démoli les croix, blasphémé publiquement l'Evangile et le sacerdoce, s'était fait constituer officier public pour recevoir la déclaration des mariages, puis artilleur, enfin coupable de tous les excès de la Révolution, ignorant et débauché, exerçant dans l'église du faubourg du Pradau, âgé de 56 ans 993. La qualification d'artilleur nous paraît inexacte, à moins qu'il n'ait pris part aux exercices des troupes pendant leur séjour à Condom. Nous pensons qu'elle lui est donnée simplement parce qu'il s'occupe, étant officier municipal, des affaires militaires. Il y eut d'ailleurs de l'artillerie volante cantonnée à Condom, d'après les délibérations municipales du 19 ventôse et du 1er germinal An III. L'abbé de Lartigue ne fit pas d'ailleurs sa soumission à l'évêque qui fut obligé de l'interdire 994. 990 Délibér. municip. du 21 ventose An V et Arch hospitalières de Condom. 991 Il prêta ce dernier le 28 fructidor. Délibér. municip. Le 12 juillet 1791, il déclarait être dans l'intention de prêter serment, conformément à la loi du 26 décembre 1790. 992 Archives municipales, Condom. 993 Arch. de l'évêché d'Agen. 994 L'abbé de Cadignan, qui avait reçu mission de lui porter la sentence d'interdiction, redoutant des explications regrettables, chargea un laïque, le sieur Jacques Fourteau, de la lui porter en son nom. Nous tenons ce détail du fils du mandataire, Paul Fourteau, décédé récemment. — Mgr Jacoupy fut obligé de lancer deux cents interdits dans le département du Gers, lesquels furent sanctionnés par le préfet. Notice historique sur Mgr Jacoupy, par le chanoine DELRIEU, p. 88. 42 SOCIÉTÉ D'HISTOIRE ET D'ARCHÉOLOGIE DU GERS. Il mourut dans sa maison, faubourg du Pradau, le 4 octobre 1815 995. D'après la tradition, il ne s'était pas retracté. CXIX. — DE LARTIGUE André. De Lartigue André fils de Messire Charles de Lartigue, écuyer, et de demoiselle Marie Bajole, naquit à Condom, paroisse de SaintBarthélemy, le 7 novembre 1755 996. D'abord vicaire à Saint-Pierre de Buset, de 1782 à 1786 997, il est présenté comme tel, avec la qualification d'écuyer, par la prieure du monastère de Prouillan, à l'évêque de Lectoure, pour la cure de Bardigues, le 1er avril 1786. Il était alors docteur en théologie 998. André de Lartigue prêta serment comme curé de Bardigues. Le 5 vendémiaire An III, il se présente devant le district de Condom et déclare qu'il y transfère son domicile, en abandonnant celui de Lectoure où il était, et qu'il veut y être payé. Aussi le voyons-nous figurer sur les Etats des pensionnaires ecclésiastiques du district de l'An III comme domicilié à Condom 999. Le 10 messidor An III, il fit, devant la municipalité de cette ville la soumission requise pour exercer le culte en vertu de la loi du 2 prairial 1000 ; nous ne savons où il alla depuis ; mais il y a lieu de croire qu'il revint à Bardigues. Quoi qu'il en soit, le 3 thermidor An XI, Mgr Jacoupy le replaçait dans son ancienne paroisse 1001. Il la gouverna jusqu'en 1841, époque à laquelle il fut, dit-on, frappé d'interdiction par l'évêque de Montauban auquel il suscita des difficultés. L'esprit révolutionnaire avait laissé ses traces chez l'abbé Lartigue qui composa, dans ce temps, une pièce de vers où l'épiscopat est fort maltraité. Cette poésie qui fut imprimée à Castelsarrasin, chez Vitrac, fut peut-être la cause de son interdiction 1002. Son successeur, l'abbé Franc, décédé depuis 1883, s'employa à faire relever de l'interdit l'abbé de Lartigue qui mourut à Bardigues, le 28 octobre 1845, à l'âge de 90 ans 1003. 995 Etat civil de Condom. 996 Regist. paroissiaux de Saint-Barthélemy de Condom. 997 Actes du 23 mars 1784 minutes Pélangue, étude Lebbé à Condom. 998 Actes du 13 février 1787 minutes de Pélanque, étude Lebbé. 999 Archives municipales. 1000 Registre des délibérations municipales, Condom. 1001 Tableau de circonscription des cures et paroisse du département du tiers. Imprimé. 1002 L'abbé de Lartigue, esprit cultivé mais indépendant, sacrifiait volontiers aux muses. Nous avons entre les mains, grâce à l'obligeant secrétaire de la mairie de Bardigues. M. Fieuzal, une épitre satirique adressée à son doyen, M. Pome, curé de Lavit, avec lequel il avait eu des difficultés. M. Fieuzal nous a également communiqué la pièce de vers contre l'épiscopat. 1003 Etat civil de Bardigues. PREMIER TRIMESTRE 1930. 43 CXX LARTIGUE Raphaël. Lartigue Raphaël, né à Francescas, de Jacques Lartigue et de Marie Derrey, entra dans la Congrégation de l'Oratoire. Il est chargé de la pension à notre collège en 1779-1780, n'étant encore que Confrère. Il y reparaît de 1786 à 1791 à titre de suppléant ; mais il est prêtre à cette époque et il est désigné sous le titre de P. Lartigue 1004. Il prêta serment avec ses confrères le 27 février dans l'église SaintPierre 1005. Nous pensons que c'est lui que l'administration municipale et la Congrégation de l'Oratoire désignèrent en 1791, mais inutilement, pour remplacer le supérieur du Collège qui avait refusé de prêter serment 1006. Il fut nommé desservant à La Serre, canton de Francescas, le 17 floréal An XI 1007, passa depuis à Sant-Cirice et fut, paraît-il, vicaire de Moncrabeau en même temps. Il mourut à Francescas le 15 août 1834 1008. CXXI. — LARTIGUE André. André Lartigue, du Petit Goalard, était curé d'Allons, dans le diocèse de Condom, au moment de la Révolution 1009. Il fut nommé curé de Vopillon par les électeurs du district de Condom, le 30 avril 1792, la cure se trouvant vacante par défaut de prestation de serment du titulaire ; mais il ne dut pas accepter ce poste qui fut donné par les électeurs, le 7 octobre suivant, au citoyen Fontenille 1010. Il serevint plus tard à son ancienne cure d'Allons et Goûts, canton de H... dans les Landes, et c'est de là qu'il remit, le 28 floréal An III, au district de Condom, un certificat qui lui avait été délivré par lé directoire du district de Casteljaloux, le 23 du même mois, portant qu'il a fait sa déclaration de domicile dans le district de Condom. Il est dit fils d'André Lartigue et de Marie Lagrola, et né le 24 février 1758. André Lartigue, vulgo du Petit Goalard, curé d'Allons et Gouts, ancien diocèse de Condom il signe ainsi, envoya son adhésion au Concordat par déclaration datée de Réaup, le 23 thermidor An X 1012. 1004 Registres de l'ancien collège de Condom. Arch. municipales. 1005 Archives départementales du Gers. 1006 L'instruction publique à Condom sous l'ancien régime, par J. GARDÈRE. 1007 Tableau de circonscription des cures et paroisses du département du Lot-et-Garonne. Imprimé. 1008 Etat civil de Francescas. 1009 Acte du 7 avril 1791. Etude Joyé à Mézin. 1010 Procès-verbaux de nomination aux cures du district de Condom. Arch. de la sous-préfecture. 1011 Extrait du registre paroissial de Saint-Jean de Mézin, et Arch. dép. du Lot-et-Garonne, L. 502. 1012 Arch. départ, du Lot-et-Garonne, série V. 44 SOCIÉTÉ D'HISTOIRE ET D'ARCHÉOLOGIE DU GERS. CXXII. — LASSALLE Jean-Joseph Lassalle Jean-Joseph, né à Condom, paroisse de Saint-Barthélemy le 27 août 1759, de Jean Bay dit Lassalle, chevrier, et de Catherine Dutoya 1013, est vicaire au Nomdieu en 1787. Nonmé vicaire à SaintMichel de Condom au commencement de l'année suivante, il dessert cette paroisse jusqu'au mois de juillet 1791. Il prêta le serment du 26 décembre 1790 dans cette église, après la messe, devant les officiers municipaux de Condom 1014. Le curé constitutionnel de Condom le maintient à cette époque comme son vicaire, et nous le voyons exercer à Saint-Pierre 1015. Le 25 septembre suivant, 1791, les électeurs du district de Condom le nomment à la cure de Saint-Puy, vacante par la démission de l'abbé Buret 1016, et il dessert cette importante paroisse jusqu'à la fermeture des églises 1017. Il se retire depuis à Condom et il figure sur les états des pensionnaires ecclésiastiques du district de Condom de l'An III avec sa qualité éteinte de curé, comme domicilié dans notre ville. 1018. Le 28 messidor An III, il fait la déclaration d'exercer le culte dans l'étendue de la commune en vertu de la loi du 11 prairial ; et le 1er brumaire An IV, il fait celle prescrite par la loi du 7 vendémiaire précédent 1019. Lassalle Joseph ne tarda pourtant pas à rentrer au Saint-Puy où il continua de desservir la paroisse et où il reprit ses anciennes fonctions, mais il ne fut pas compris dans les nominations faites le 3 thermidor An XI, et il ouvrit une école. Il devait être une cause de trouble et de désordre soit par ses élèves, soit par ses adhérents. Aussi M. Morlan, maire du Saint-Puy, demanda-t-il à l'évêque, le 28 ventôse An XII, dans l'intérêt de la religion et de la tranquillité publique, de placer M. Lassalle, ex-curé du Saint-Puy, comme desservant dans une autre succursale. Cette demande fut favorablement accueillie ; au mois de germinal suivant, il était nommé desservant à Rieupeyroux, canton de Montréal 1020. Le maire lui annonçait, le 28 de ce mois, que M. Desterac, curé de Condom, avait reçu mission de l'installer canoniquement dans cette paroisse, mais qu'il lui fallait auparavant prêter le serment exigé 1013 Registr. par. de Saint-Barthélemy de Condom. 1014. Arch. dép. du Gers. L. 503. 1015 Regist. par. de Saint-Michel et de Saint-Pierre. Il figure à cette époque comme premier vicaire de Condom sur les registres du paiement des fonctionnaires ecclésiastiques. 1016 Procès-verbal de nomination aux cures du district des 24 et 25 septembre 17991. Arch. de la sous-préfect. 1017 Archiv. municip. de Condom. 1018 Ibid. 1019 Ibid. . 1020 Correspondance ou copie des lettres écrites par M. Morlan, maire du Saint-Puy. Arch. privées. PREMIER TRIMESTRE 1930. 45 par le Concordat. Nous ne savons si M. Lassalle accepta le poste, mais il n'y fut pas installé. Il devait mourir au Saint-Puy, le quatrième jour complémentaire An XII, à l'âge de 45 ans, et le bruit courut qu'il avait été empoisonné par son domestique 1021. CXXIII. — LASSERRE André. Lasserre André, né le 27 novembre 1727, de Charles Lasserre, marchand, et de Marie Labarthe, est grand prébendier du Chapitre Cathédrale de Condom dès 1755 1022. Nous le trouvons, en 1765, docteur en théologie et syndic des prêtres servant le Purgatoire 1023. Il est secrétaire de l'évêché dès au moins 1763 1024. Le 28 septembre 1775, il prend possession de la cure Notre-Dame de Cannes et de ses annexes Saint-Laurent de Sarrasan et Saint-Barthélemy d'Escrimis, à laquelle il avait été nommé la veille, et il se démet le lendemain de son bénéfice de grand prébendier 1025. Il devait gouverner la paroisse de Cannes jusqu'à la Révolution 1026. André Lasserre, qui avait été longtemps secrétaire et aumônier de l'évêque fut élu curé de Condom, en remplacement de M. Desterac qui avait refusé de prêter serment, par l'assemblée des électeurs du district de Condom tenue dans le choeur de l'église de Saint-Pierre, les 5, 6 et 7 juin 1791 1027. Cette élection, qui fut la première, donna lieu à une manifestation de sympathie en faveur du nouvel élu. Une députation de la Garde Nationale et de la Société des Amis de la Constitution réunis se présenta le lendemain soir à l'assemblée électorale réunie dans le choeur de l'église Saint-Pierre et par l'organe de M. Copin-Lagarde, commandant de la Garde Nationale, lui témoigna la satisfaction qu'éprouvaient tous les citoyens de Condom du choix éclairé qu'elle avait fait du sieur Lasserre pour leur pasteur ». Le président répondit que l'assemblée électorale était très flattée de la démarche de la Garde Nationale et de la Société des Amis de la Constitution et 1021 Ibid Lettre dé M. Morlan du 3e jour de l'An XIII à M. Courtes, officier de santé. — Etat civil de Saint-Puy. 1022 Acte du 20 mars. Minutes de Pélauque étude Lebbé. Il est nommé dans cet acte trésorier du bas-choeur. 1023 Acte du 9 août minutes Lacapère Joseph, étude Pélisson. 1024 Lettre de Mgr d'Anterroche du 3 juin 1703. Arch. municip.. 1025 Minutes de Raynaud-Corne, étude Pélisson actes des 28 et 29 septembre 1775. 1026 Registres paroissiaux, passim. 1027 Il fut remplacé à la cure de Cannes par le prêtre constitutionnel Vianes, des Hautes-Pyrénées, élu par acclamation des électeurs du district de Condom du 7 octobre 1792. Arch. de la sous-préfecture. 46 SOCIÉTÉ D'HISTOIRE ET D'ARCHÉOLOGIE DU GERS. qu'elle se félicitait d'avoir donné à la ville de Condom un pasteur qui fut agréable à tous les citoyens 1028. André Lasserre fut institué canoniquement par l'évêque constitutionnel du département le 16 du même mois de juin et gouverna par lui-même ou par ses vicaires la cure de Condom jusqu'au Concordat 1029. Il avait prêté le serment du 26 décembre 1790, le dimanche 27 février 1791, dans l'église de Sarrasan, après la messe, devant les officiers municipaux, il prêta celui du 14 août 1792 le 11 octobre suivant 1030. Peu de jours après la fermerure des églises, le 29 nivôse An II, il obtenait un certificat de civisme 1031. Le 25 thermidor An III, André Lesserre fait sa déclaration d'exercice du culte en vertu de la loi du 11 prairial précédent. Le 27 vendémiaire An IV, il fait celle prescrite par la loi du 7 du même mois 1032. Le 18 août 1896 1er fructidor An IV, il est élu à Condom, archiprêtre de l'arrondissement. Cette élection est confirmée le 6 septembre suivant 20 fructidor par le presbytère assemblé » 1033. Il prêta le serment du 19 fructidor An V, le 29 de ce mois 1034. André Lasserre figure 1° dans les Etats des pensionnaires ecclésiastiques du district ou de la commune de Condom de l'An III, de l'An VI et de l'An IX, comme domicilié à Condom 1035 ; 2e Dans le Tableau ralatif à l'exécution des lois du 7 vendémiaire et du 22 germinal An IV, dressé par la municipalité de Condom le 4 thermidor An V 1036 ; 3° Dans le Tableau des prêtres dont l'administration municipale a reçu les déclarations en exécution de l'article 6 de l'arrêté du département du 21 brumaire An VI, ledit Tableau envoyé à Auch le 4 pluviôse An VIII 1037 ; 4° Dans l'Etat des prêtres constitutionnels domiciliés dans la commune de Condom des 25 vendémiaire An XI, comme ci-devant curé de Cannes et, depuis la Révolution, curé et archiprêtre de SaintPierre de Condom 1038. 1028 Procès-verbal de nomination aux cures du district des 5, 6 et 7 juin 1791. Arch, de la sous-préfecture. 1029 Registre épiscopal de Barthe. Arch. dép. Gers. 1030 Arch. départ, du Gers. L. 503. 1031 Registre des délibér. municip. Condom. 1032 Ibid. 1033 Registre épiscopal de Barthe Arch. dép. Gers. 1034 Registre des délibérations municipales. 1035 Archives municpales, Condom. 1036 Idem. 1037 Archives départementales du Gers. 1038 Archives municipales, Condom. PREMIER TRIMESTRE 1930. 47 Il ne fut pas compris, malgré les démarches qui furent faites pour le conserver dans les nominations du 3 thermidor An XI 1039. Du reste, à l'époque du Concordat, à cause de son âge et de ses infirmités, il ne disait la messe que les dimanches et fêtes, et encore quand il le pouvait. André Lasserre mourut dans sa maison, à Condom, le 2 décembre 1807, à l'âge de 80 ans et 4 jours 1040. 1039 Pour plus amples détails, recourir au chapitre sur le culte dans l'Histoire religieuse de Condom, par J. GARDÈUE, publié dans la Rev. de Gascog. Edition à part. — Une note nous apprend qu'il avait remis les lettres de prêtrise. Archiv. de l'év'êché d'Agen. 1040 Etats civil de Condom. A suivre. 48 SOCIÉTÉ D'HISTOIRE ET D'ARCHÉOLOGIE DU GERS. LES GUERRES FRATRICIDES A MONFORT GERS PAR M. LUDOVIC MAZÉRET De la Société des Gens de Lettres. Suite et fin Ayant esgard à la requeste à nous ci-dessus présentée par les suppliants, Nous les avons deshargés et deschargeons des aydes, contributions prestendues par les consuls dudit Mauvezin auxquels il auroit.... 12... Nous faisons expresses prohibitions et défenses de prendre, exiger ou faire contribuer aulcune chose par ladite garnison sous peyne de répondre en leurs propres noms. Fait à Bourdeaux, le sixième jour de mars 1623, Par Monseigneur, Signature à peine apparente et en grande partie disparue A leur retour de Bordeaux, le 23 mars, Montaugier et le sieur de Saint-Aubin rapportent la décharge du duc, et le lendemain, de grand matin, accompagnés, du notaire, Bousquier, Janotet de Broquêville, Biaise Dufau, Taupiac, etc., se rendent à Mauvezin et notifient aux capitaines Trigat et Grateloup l'ordonnance du duc. Le capitaine Trigat allégua de grandes indignités envers eulx » et il. en profita même pour retenir prisonnier le sieur Montaugier qui ne fut relaxé que sous caution du sieur de Chabanon. En rentrant, le 24 mars, on délibéra que Bousquier et Montaugier reviendront à Bordeaux, demander justice au duc des affronts qu'ilz et les habitans ont receu au dict Mauvezin par led- capitaine Trigat et des rabages et actes d'hostillité que les souldats ont comis ez endroits des habitans ». Avant de partir, le 25, ils chargent 12 Mots effacés. PREMIRR TRIMESTRE 1930. 49 le sieur de Saint-Aubin d'aller faire la même signification aux autres capitaines, campés dans diverses villes et les sieurs Mazars et Lannelongue, jurats, vont par les villaiges circumvoisins sçavoir s'ils se veullent garantir de l'oppression que les dicts capitaines font ». Après la signification de l'ordonnance, les capitaines refusèrent de rendre le bétail qu'ils avaient pris; et comme les villaiges » sont de l'avis de Monfort, le voyage à Bordeaux est résolu et les sieurs Montaugier et de Saint-Aubin le feront. Le 27 mars, les consuls de Mauvezin ont offert rendre le bestail du sieur de Saint-Aubin en en payant la despance ». Ce qui est accepté, mais la visite au duc est maintenue. A leur retour, le 7 avril, ils rendent compte de leur mission. Le duc d'Epernon leur répondit qu'ils repartissent sans crainte que lesd. Trigat, Grateloup et aultres leur restituerons ce qu'ils avoine prins et exigé des habitans, et qu'à cest effect, le sieur de Castelbajac leur en a escript ». Il est arrêté que Montaugier Saint-Aubin, Taupiac, Dufaur, Janotet Broqueville et Labaule, consuls, iront porter la lettre aux capitaines et demanderont restitution d'après un roole quy sera dressé ». Les capitaines étant absents, les consuls firent dresser l'acte de signification par un notaire de Mauvezin. Le 7 mai, on vint avertir les consuls que contrairement à l'ordonnance de Monsieur d'Angoulême diverses personnes de la Religion s'efforcent de faire des assemblées illicites », ils arrêtent que pour maintenir et conserver la ville à l'obeyssance du roy et esvitter tout escandale » ils ne permettront pas que l'ordonnance soit transgressée; mais le 11 décembre, noble Samuel de Thomas, sieur d'Argelles prethendu deputte de de l'esglize prethendue refformée de ceste ville de Puycasquier » fit inthimer aux consuls une requête pour le rétablissement de l'exercice du culte et assigner par devant Mes Dautrey et de Pardailhac, commissaires députés par le roi, à Lectoure. 50 SOCIÉTÉ D'HISTOIRE ET D'ARCHÉOLOGIE DU GERS. Le lendemain matin, les consuls y déléguèrent les sieurs Montaugier, consul, et Broqueville, jurat, pour aller trouver l'évêque et le prier de se présenter à l'assignation à leur place, et représenter aux députés du roi que l'exercice de lad. religion ne peut estre restabli en ceste ville et d'aultant qu'il n'y a que quatre familles qui sont de lad. religion ». A leur retour, on ne bougerait pas avant d'avoir reçu une lettre de l'Evêque 17 décembre. L'évêque n'ayant pas répondu 5 janvier 1624 les consuls ne se rendirent pas à l'assignation, mais le sieur d'Argelles y répondit et déposa certains actes qui furent lus à J. Broqueville lorsqu'il se présenta le 12. La copie de ces actes fut lue en jurade; et comme l'évêque était à Toulouse, J. Broqueville alla le trouver 23 janvier et le supplia de l'assister dans cette affaire; mais il était arrivé trop tard. Le 19, sur intervention du sieur d'Argelles, le premier président, d'après réquisition du procureur général, avait rendu un arrêt, par lequel il était défendu aux habitants, faisant profession de la religion protestante, de contrevenir à l'ordonnance donnée par Messieurs de Saint-Félix et Dufaur-Pujols, conseillers et députés par Sa Majesté pour le rétablissement de la religion. Cependant, il se trouvait avoir gain de cause parce que, dans la suite du dispositif, l'arrêt soulignait Et soulz prétexte d'exercice de lad. religion, les habitans ne pourront admettre ny recepvoir aulcung estrangier ny circumvoisin pour faire led. exercice, ainsi sullement les habitans fazant profession de lad. religion et leurs familles ». Le 16 mars, au soir, on avisa les consuls que les gens de guerre de Mgr de Roquelaure qui étaient en garnison à Fleurance quittaient cette ville pour Goutz et qu'ils se disposaient à venir loger à Mon fort. Les consuls feront garder les portes et enverront aux renseignements; mais le lendemain, le gendarme Despartet se présenta de la part du maréchal pour venir loger en ville. Les consuls répondirent au gendarme PREMIER TRIMESTRE 1930. 51 qu'ils priaient leur chef de retarder leur arrivée de trois ou quatre jours afin de se rendre compte s'ils devaient obéir, et, alors faire maguezin de ce qu'il faut », et en attendant, ils tâcheront d'obtenir de M. de Roquelaure qui était à Lectoure des lettres de faveur ». Pour augmenter leur chance de succès, ils se font accompagner du P. Lamigou qui leur prêchait le carême. En passant, ils s'arrêtent à Fleurance pour voir le capitaine de la compagnie. Celui-ci leur répondit qu'ils n'avaient pas besoin d'aller plus avant que le maréchal ne leur accorderait rien et que, quant à lui, il était résolu à aller à Monfort 20 mars. En conséquence, ils reviennent à Monfort, et dans la jurade du 21, on délibère que pour nourrir les chevaux, on prendra le foin et l'avoine chez l'habitant, aux dépens de la caisse communale. Le lendemain dans l'après digne » les chevau-légers de la compagnie de M. de la Valette, conduits par le Sr de Saintes, maréchal-des-logis, se présentent et sont résoleus à vivre à discrétion jusques à ce que la communaulté aye fait maguezin de foing et advoine et ne paier que cinq sols de chacung quintal de fouin et cinq livres de chesque sac d'advoine, ». Il fut convenu que affin d'esvitter desordre » on ira acheter de l'avoine à Vives et à Saint-Léonard, et que chaque gendarme recevra par cheval et pour deux jours 50 livres de foin et une mesure et un boisseau d'avoine. Le 27, les consuls écrivent au Sr d'Esclignac qui va à Lectoure voir le duc de Roquelaure et l'évêque. Ils le prient d'intercéder pour eux auprès de ces messieurs. L'évêque leur offrit d'écrire à Paris, au duc d'Epernon. Ils vont également demander son appui au Sr de Sainte-Gemme. En fin de compte, ils furent réduits à emprunter du blé qu'ils revendirent pour acheter du foin et de l'avoine. Ils voulurent emprunter de l'argent, mais ils ne trouvèrent pas de bailleurs de fonds. Cependant, le 21 janvier 1625, ils purent emprunter livres aux Ursulines d'Auch. 52 SOCIÉTÉ D'HISTOIRE ET L'ARCHÉOLOGIE DU GERS. Dans la jurade du 10 avril, le Sr Broqueville dit que affin de pourvoir au deschargement de la foulle que les habitans reçoivent des gens qui sont logés en la présante ville » il ira avec l'un des jurats prier M. de Saintes, maréchal des logis, de donner une lettre de faveur, dressante » au St de Montastruc capitaine, qu'ils transmettra au maréchal pour obtenir le départ des soldats. Ensuite, Isaac Montaugier ira porter cette lettre à M. de Montastruc, à Toulouse ou là où il sera pour le prier de les favoriser suyvant la promesse que led. sieur fist à M. de Saint-Aubin et aud. Montaugier lorsqu'ils le truvèrent à Bourdeaulx ». Le 14 avril, J. Broqueville, consul, raconte qu'hier, Lafitole, gendarme qui loge chez Bernard Broqueville où se trouve le magasin du foin baptist et offança le secrétaire et le consul » et il ajouta qu'il réserve le même traitement à quatre ou cinq autres habitants. J. Broqueville portera plainte au maréchal des logis. Et dans le cas où celui-ci n'agira pas, il ira trouver le duc de Roquelaure, à Lectoure. Il insistera sur le départ 'des troupes; et s'il ne peut pas l'obtenir, il ira ou il enverra au maréchal de Thémines, à Bordeaux. Le 3 mai, les consuls sont rentrés de Bordeaux Thémines leur a accordé le départ des troupes, mais ils doivent prévenir de Roquelaure. Le 30 novembre, ils apprennent que le duc d'Epernon, gouverneur de la province est à Lectoure. Aujourd'hui, il passe à Esclignac, aussi se hâtent-ils d'y aller pour le saluer; mais ils arrivent trop tard, il est reparti. Il est convenu que deux consuls et deux jurats iront à Lectoure pour lui rendre les accompliments qu'ons luy doibt et protester de la vollonté qu'ons les habitans pour le service de Sa Majesté. » Le 7 février 1625, les consuls reçoivent du duc d'Epernon l'ordre de faire exacte garde d'aultant que les ennemys du roy ont prains la campaigne... ». En conséquence, il est arrêté que la garde se fera, que les portes seront fermées ; celles du Fossa et de Sainte-Gemme seront mises en état et on achètera PREMIER TRIMESTRE 1930. 53 le bois nécessaire pour la réparation du pont-levis, les barrières, les palissades, l'érisson du pont de l'Orb ainsi que des chandelles et de l'ouylle. » Le 1er mars, les consuls reçoivent l'ordonnance par laquelle le sr de Bezolles commissaire pour la desmolition de Ballance » a cotisé la collecte du Fezensaguet pour cent cinquante cannes de muraihes ». Ils ont la faculté de s'acquitter soit en argent, soit en manubres ». Le 7 mars, Bernard Lannelongue, consul, qui était à Fleurance, apprit que la compagnie du ciuc d'Epernon qui y logeait, partait, en partie, pour Puycasquier et Saint-Sauvy et que l'autre partie allait loger à Monfort. Il est arrêté que pour conserver la ville à l'obéyssance du roy, les consuls fairont parfaire » la réparation des portes, achèteront un quintal de poudre qu'ils répartiront entre les habitants, et Janotet Broqueville sera requis de remettre les piques de la communauté qu'il a fait esgarer et à défault, sera interpellé par justice au plustost. » Le 14 juin, il est donné connaissance d'une ordonnance du duc d'Epernon portant levée de 300 hommes dans l'élection d'Armagnac, pour un mois, pour être envoyés en dépôt, à Montech, dans le but de parfaire les degast et desmolissement de Montauban. » Monfort était taxée pour 6 hommes, maçons ou charpentiers. Furent choisis Anthoine Gaballi, Sans de Maur, Bertrand Fourteau, Peyret Dussault, Jean Monge et Dominique Laurens. Chacun reçut 6 livres oultre un père soliers et ausd. Fourteau,, Laurens et Dussault, à chacung trois livres pour les fère marcher. » Mérican, notaire à Puycasquier quy faisoit la conduitte » reçut 12 livres. Chacun des hommes devait recevoir 15 livres par mois aux dépens de la communauté. En 1628, le démantèlement de cette ville n'était pas encore terminé, car le 29 juin, le duc d'Epernon envoya un mandement d'emboye de troys manuvres, sçavoir un masson, un charpentier et un manuvre pour le dégast de Montauban, ville rebelle au roy ». SOCIÉTÉ D'HISTOIRE ET D'ARCHÉOLOGIE DU GERS. Le 12 octobre, ils furent obligés de contribuer à l'entretien des deux compagnies de M. de Sainte-Croix, logées à Mauvezin. Comme ils n'avaient pas d'argent en caisse, ils furent obligés de faire une quête elle produisit 80 livres 10 sols 5 deniers. Le 12 novembre, ils récapitulent ce que leur a coûté cette contribution, lui sus des 80 livres 10 sols 5 deniers, ils furent encore cotisés pour 412 livres plus 20 livres 12 sols 10 deniers peur le collecteur. Le 9 mai 1626, vers midi, ces compagnies se prétsentent elles sont logées chez l'habitant suyvant le despartement » arrêté par les consuls. On se demande s'il est plus à propos pour l'entretien de ces compagnies de payer la dépense en argent, à raison de 6 sols par soldat ou de leur donner du pain et du vin à forme d'estappe », et pour les officiers, savoir pour le capitaine et le lieutenant du mestre de camp, 4 livres par jour, pour chaque sergent un cart d'escus » et pour les caporals vingt sols ainsi ainsi que lesd. capitaines ont proposé estre leur règlement ». Prévoyant qu'il y aurait avantage, à payer en argent, les consuls proposent pour le capitaine, les lieutenants et le mestre de camp 4 livres par jour et par homme; pour chaque sergent 16 sols par jour; pour chaque caporal 8 sols et pour les soldats 6 sols par jour et par homme. Le 11 mai, la caisse étant à sec, ils conviennent d'envoyer des députés au chevalier de La Valette, à Castelsarrazin, pour voir si avec la faveur de M. de La Fage, ils ne pourraient pas obtenir le départ des soldats. CHAPITRE V. Monfort pendant les luttes de Richelieu avec la noblesse. Le 8 février 1627, grand émoi dans la ville et aux environs. Des gens venus de Toulouse prétendent avoir lu sur les lettres patentes et l'arrêt rendu par la cour de parlement qu'un grand PREMIER TRIMESTRE 1930. 55 nombre de villes, villages et châteaux vont estre desmolis à force », et entre autres figurerait Montfort. On réunit la jurade, et l'on délibère que Pierre Bousquier, consul avec J. Broqueville et Me Lauzero, notaire, iront à Lectoure supplier l'évêque 13 d'employer toute son influence pour la conservation de ceste communauté. » A leur rentrée, le 10, ils se félicitent de l'accueil plein d'aménité et de courtoisie du prélat qui ne leur cache pas le plaisir qu'il aura à les servir; et séance tenante, il rédige plusieurs lettres adressées à ses amis de Toulouse que Broqueville va porter à leur adresse. Le 15 mars, ils frappent chez le baron d'Esclignac qui s'empresse de faire le nécessaire auprès de ses amis pour que la ville de Monfort reste intacte. Le 16 octobre, Bousquier reçoit une ordonnance du duc d'Epernon contenans commandement aux villes de la recepte d'Armagnac de contribuer à l'entretien de la compagnye des chevaux de guerre du Sr de Montestruc et du régiment du Sr de Sainte-Croix qui sont en garnison à Eauze, Nogaro, La Bastide, Riscle, Saint-Justin, etc. » Cette recette avait été taxée à livres. Le 28 mars 1628, trois compagnies du régiment de Sainte-Croix vinrent loger en ville, mais elles n'y restèrent que deux jours parce que les consuls avaient envoyé à Toulouse pour demander leur départ. Le 4 juillet, ils eurent une demande de 100 sacs de blé peur le pain de monition de l'armée ». Malgré tous les voyages que les consuls et jurats firent vers le duc pour éviter ce nouvel impôt, ils furent obligés d'envoyer à Beaumont les 100 sacs de blé demandés. Pareille demande fut faite à Puycasquier et à Cologne. Le 25 juillet, des gens de pied du régiment de M. de SainteCroix viennent loger en ville, mais les consuls se précipitent chez le Sr d'Esclignac pour le prier d'aller trouver le commandant et obtenir le départ de ses hommes, à Grammont. Ils font la même prière à M. de Monferran, maréchal de camp 13 Mgr .Léonard Desplax, qui décédai le 18 avril 1635. 56 SOCIÉTÉ D'HISTOIRE ET D'ARCHÉOLOGIE DU GERS. de l'armée de Guyenne. Ils durent fournir par jour un écu au capitaine Lardimerie, 40 sols au lieutenant, 30 sols à l'écuyer, 12 sols à chaque sergent et à chaque soldat. Peu après arriva le capitaine Desclaux qui resta jusqu'au mois d'août et promit de revenir sans tarder. Ces contributions si onéreuses et si souvent répétées excèdent les habitants qui ne veulent plus payer on est obligé de les y contraindre. Le 12 août, ils empruntent livres. Un autre fléau était venu s'ajouter à celui des désordres causés par les gens de guerre c'était la peste qui fit périr le quart de la population. Le 3 septembre, apprenant que de nouvelles troupes doivent arriver et craignant le dangier de la maladie contagieuse », ils font diligence pour que ces hôtes indédésirables ne viennent pas. Dans le courant de l'année 1631, il y eut remuement » parmi les protestants. Et sous prétexte que Mauvezin était envahie par la peste Monfort était dans le même cas ils demandèrent et obtinrent le transfert du siège de la justice à Monfort. Afin d'avoir la population pour eux, ils firent tous le possible pour élire des consuls à leur dévotion; mais Jean Carrette, le vigilant syndic dans le dessain de conjurer plus grand dangier » alla trouver secrètement le duc d'Epernon et lui adressa la présente supplique A Monseigneur le duc d'Espernon, pair de France, colonel général de l'Infanterie de France, gouverneur pour le roi en Guyenne, etc. Supplie très humblement le scindic de la ville de Monfort, en Armaignac, que quoique presque tous les habitans de lad. ville et territoire d'icelle soient catholiques, et qu'à cause de ce, plusieurs factieux de lad. ville estant d'intelligence avec ceulx de la religion prethendue refformée, si est que maintenant par voyes indirectes, ils pratiquent un moyen pour parvenir à cella ayant, soules prétexte de la contagion de Mauvezin, faict transférer le siège de la justice audict Monfort et PREMIER TRIMESTRE 1930. 57 ainsain y apellé les oficiers, lesquels pour la plus part font profession de la dicte religion qui. avec lesd. factieux pour pouvoir descobrir leur dessain avec moings d'empeschement veulent faire les consuls dud. Monfort avec des gens de petite considération. Ce considère, Monseigneur attenden qu'il importe grandement qu'il y est gens d'authorité, propres et capables de descouvrir et empescher ces desins et les poursuittes des dits officiers appelles au consulat et qu'ils n'en y admetroient que ceulx qui les pourroint favoriser. Vous plaira de vos grâces, de votre authorité faire charger et eslire consuls dudict Monfort, et le suppliant priera Dieu pour votre prospérité et conservation. J. CARRETTE, scindic, .signé ». Le duc d'Epernon écrivit au pied de la supplique Nous avons jugé à propos et nécessaire pour le service du roy et le bien public que noble Jean-Jacques de Mallac, Sieur de Sarracave soit esleu en la charge de premier consul durant l'année prochaine et pour les aultres trois, nous ordonnons aux consuls qui sont après en charge, d'eslire des personnes quy y puissent dignement servir Sa Majesté et la communauté. Fait à Condom le vingt quatrième décembre 1631. D'ESPERRON, signé ». Comprenant ce que parler voulait dire, les consuls et jurats reprenant leur indépendance, élurents pours consuls le Sr de Sarracave déjà désigné par le duc d'Epernon, Anthoine Libéros, Anthoine-Arnaud Bordes et Orens Saline. Le 22 janvier 1632, le Sr de Sarracave premier consul a reçu une lettre de son collègue J. Solirène de Puycasquier, portant invitation de se rendre ce jour même souls les ormeaux de Mauvezin » à l'assemblée de la collecte du Fézensaguet à cauze de la contagion. » Mais la peste empirant, l'assemblée se tint le 27, à Engalin et le 15 mai proche 58 SOCIÉTÉ D'HISTOIRE ET ARCHÉOLOGIQUE DU GERS. de Mauvezin. » Ces assemblées furent houleuses les communautés exiédées par les malheurs peublics, les contagions et pestes » et pressurées par les contributions au logement et l'entretien des gens de guerre, sont à bout de souffle, et il semble qu'un air de révolte ce soit emparé de ces braves consuls, au coeur généreux, attachés à leur petite patrie et dont le plus ample dévouement ne parvient pas à assurer un peu d'apaisement et de liberté, dans ce petit coin de la province où le peuple ne demande qu'une chose le droit du libre mouvement dans sa vie de travail et de labeur opiniâtre. Et ce n'est pas encore fini. Le 4 février 1636, deux ou trois gendarmes de la compagnie du duc d'Epernon se présentant de bon matin, annoncent que la compagnie sortant de la ville de Mauvezin, arrive et se dispose à loger dans l'intérieur de Monfort, de l'authorité du Sr de Forges, capitaine, mais sans ulcun ordre dudict Seigneur duc. » La communauté était assemblée eu jurade. On délibéra que puisque le capitaine de la compagnie s'ingeroit de son authorité privée » d'exiger le logement, ils ne le permettraient pas. Et lorsque le capitaine se présenta à la porte de Dessus, l'entrée l'auroit esté reffusée. » Et Jean Broqueville jurat, étant sorti sur la porte auroit receu quelque déplaisir d'ung des gendarmes ce quy pourroit causer à l'advenir domaige à la ville. » Il est arrêté que l'un des consuls accompagné du Sr de St Aubin ira trouver le duc d'Epernon, lui racontera ce qui s'est passé et demandera justice. Le Sr de Forges dut partir et le gendarme fut mis aux fers. » Le 20 janvier 1637, la compagnie des chevau-legers du vicomte de Prugnes vint loger en ville. Les consuls empruntèrent de l'avoine qu'ils répartirent aux habitants pour être fornie aux soldats. Ls 26 décembre 1641, à l'occasion de l'élection consulaire, les jurats, dont plusieurs sont de la religion voudraient essayer de troubler les habitants. » Mais le Sr Limotges syndic, pr'o- PREMIER TRIMESTRE 1930. 59 pose que d'après la lettre du maréchal de Schombert, gouverneur pour le roi en Guyenne, par laquelle il ordonne que les Sieurs Flourac, Libéros, Pons et Castaigne soient élus consuls pour l'année prochaine affin d'esvitter le désordre quy porroit arriber dans la ville à cause de la dibision quy y est » propose les candidats du maréchal qui sont acceptés. Une compagnie d'Allemands est logée en ville d'après les ordres de Saint-Luc lieutenant pour le roi en cette province. Ils ne devaient rester que huit jours, mais le terme est expiré, et ils sont encore là Les consuls font des démarches en vue du deslogement. » Le souffle et le marteau démolisseur du cardinal sont passés par là, et la plupart des forteresses sont à terre » et celles qui restent debout n'intéressent plus. On sent que la guerre doit se faire d'une toute autre façon la manière de combattre a changé, le costume-du soldat est largement modifié les lourdes cuirasses de fer ont, en grande partie disparu et celles que l'on porte encore peuvent, en général, être prises pour des objets de parade. Les canons pullulent, certains sont même assez forts pour faire de fortes brèches aux épaisses murailles et aux grosses tours des XIIIe et XIVe siècles. Le 6 janvier 1635, les consuls font combler les ponts des portes de Dessus et du Fosso. En 1660 et le 6 janvier, pour ne pas laisser tout de même tomber les murailles par injure du temps », à cause surtout des larrecins qui se commettent de nuit », les consuls imposent la somme de 30 livres pour les fraix de trante canes de murailhe qu'il combient rebastir et réparer la bresche de la murailhe tombée l'année passée, et pour acomoder la porte de Ste-Gemme quy est est aussy rompeue par injure du. temps. » De son côté, le parti protestant se désagrège il ne se fait plus de prosélitisme, et parmi ceux qui restent, des défections se produisent. Ainsi le 12 mars 1678, Jacob Gimat meurt à l'âge de 74 ans ayant faict durant sa maladie adjuration de 60 SOCIÉTÉ D'HISTOIRE ET D'ARCHÉOLOGIE DU GERS lhérésie de Calvin et fait profession de la Religion Catholique, Apostolique et Romaine. » Après la révocation de l'Edit de Nantes, en 1685, il devait rester peu de protestants, car les conversions sont peu nombreuses et nous ne trouvons pas de familles qui aient quitté le pays. Le 13 février 1689, meurt Judith Barailhé, veuve de Jean Faget et autrefois de la religion prétendue réfformée » et le 23 février 1704, David Gimat, Sieur d'En Piroy, meurt. Il est qualifié de nouveau converti. » Le seul protestant resté ferme dans ses croyances, était sieur d'Oremésy, en Sérempuy. Le 16 janvier 1686, Noble Guilhaume du Bouzet, Seigneur du Vives et premier consul de Monfort, étanten jurade, lit uneordonnance du juge criminel de Lectoure, par laquelle la communauté est obligée d'envoyer 30 hommes à Sérampoy » pour procéder à la desmolition de la maison du S' Oremésy comme estant de la religion, ensamble pour couper le bois apartenant audict Sieur d'Oremésy à peyne de 50 livres d'esmande.» Condom, le 12 Juin 1928, PREMIER TRIMESTRE 1930. 61 LES CHANSONS POPULAIRES Des Pyrénées Française 1 PAR M. JEAN POUEIGH CHANSONS DE BERGERS Trad. — Tournez par ici, bergère, — Tournez par ici le bétail; — Le vôtre troupeau et le nôtre — Ensemble paîtront. » [Couserans, Comminges] Birats en-ça, pastoure, Birats en-çà't bestia; Le boste e le nouste Ensemble pècharan. » Le long moutonnement des monts s'allonge comme un lent troupeau mouvant que de là-haut garde le pâtre. Il semble que chemine dans la nuit cet immobile bétail d'un berger invisible. Têtes géantes et monstrueuses croupes s'enchevêtrent, se suivent en un muet piétinement. Aux flancs sont accrochées des traînées de brume cotonneuse, des pendeloques de brouillard effiloché on dirait d'une toison que la traversée des halliers parsema de broutilles, déchira de broussailles. Si fort que jaillissent les sources, frappant le roc à la façon du battant sa cloche, leur bourdonnement de sonnailles ne monte point jusqu'au firmament drapé de nocturne majesté, Parmi l'ombre qui l'estompe, la grandit et la recule tout au fond de la nue, la chevauchante masse poursuit vers l'infini sa marche sûre, sereine, silencieuse. C'est l'heure où le pasteur pyrénéen, perdu dans la solitude immense des herbus, sommeille auprès de ses bêtes. L'aube le remettra debout, prêt à recommencer la tâche de la veille et qui sera aussi celle du lendemain. Les soins que de lui réclament les vaches ou les brebis placées sous sa garde, la confection rudimentaire des fromages, le frugal apprêt de sa propre nourriture, sont les seules manifestations de son activité journalière. En dehors de ces maigres occupations régulières, la surveillance passive des animaux paissants l'absorbe tout entier. Non pas au point toutefois qu'il ne puisse, ce faisant, tricoter patiemment la laine, façonner et sculpter le bois d'un couteau 1 Le premier volune contenant plus de 500 chansonR, chacune avec son annotation musicale est paru. En vente à l'Imprimerie Cocharaux, à Auch. Prix 60 francs. Une remise de 40 % est accordée aux Membres de la Société d'Histoire et d'Arohéologie du Gers, 62 SOCIÉTÉ D'HISTOIRE ET D'ARCHÉOLOGIE DU GERS. grossier, chanter de sa voix psalmodiante un air dolent ou nasiller sur le perçant chalumeau quelque mélancolique mélopée. Son existence, à la mis errante et casanière, le retient pendant des mois séparé du monde, libre au sein de l'espace et cependant muré par les limites du pacage. Isolement monotone d une vie placidement renfermée en soi-même et faite, pour une large part, de contemplative oisiveté. Enveloppé de l'ample cape blanche à capuchon et à rabat, roussie et boucanée par les intempéries comme rouillé d'un vieux fauve, la tête recouverte du bonnet de laine retombant, les mains agrippées au bout du rigide bâton noueux, le berger se dresse en plein horizon, statue vivante qui a la montagne pour piédestal, et pour auréole le ciel. Au matin baigné de lumière, il voit étinceler un à un les pics que rosit le levant, archipel coraliin émergeant d'un océan de nuages. Constamment barre sa vue l'orgueilleuse muraille qui ne laisse que par échappées s'évader le regard vers les plaines — car le mont cache la chaîne, et derrière la montagne il y a encore la montagne. Pendant tout le jour ses oreilles perçoivent surtout des palpitations et des murmures frisson des lacs et des fontaines, bruissement des feuillages et des herbes, qu'accompagnent de leur carillon les clarines autour de lui tintantes. A peine s'y mèle-t-il parfois, qui les dominent, les aboiements des chiens jappant aux pattes rétives, quelques bêlements et beuglements, les appels d'une corne que l'éloignement affaiblit, et les grondements sourds ou fracassants des orages. Nul son jamais ne lui parvient d'en bas tous s'éteignent avant d'arriver jusqu'à lui. Mais, par les soirs calmes, de sa jasse endormie, il écoute s'élever doucement la rasère. Rasant le sol de son aile traînante, ce vent a draîné les bruits humains de la journée épars au fond du val. La féerique symphonie, née de leur amalgame, fait songer à un mirage sonore qui éblouit alors que, depuis longtemps, se sont apaisées les rumeurs dont il apporte l'écho distinct quoique assoupi. Et le souffle frôleur s'en vient à travers les sentes grises troubler de sa caresse le solitaire des sommets. Dès qu'au printemps les près ont reverdi, les troupeaux sortent des étables closes où l'hiver les retient claustrés. Partis des régions inférieures, les transhumants ne parviennent sur les hauts plateaux qu'après plusieurs étapes entrecoupées de pauses. Ils s'arrêtent d'abord aux étages moyens et ne grimpent ensuite, par échelons successifs, que tout autant que la fonte des neiges a plus ou moins tardivement dégagé les pâtis supérieurs, voisins des cimes. Les froids y sont généralement précoces; les premiers flocons de la blanche toison appelée, pour cette raison, neige du pâtre, les font redescendre et rechercher en vue d'y stationner à nouveau les lieux tempérés, qui, lors de l'ascension, leur avaient été favorables. A mesure qu'on entre plus avant dans l'automne, ils quittent à regret les vastes horizons et regagnent les granges familières, afin de s'abriter au chaud pendant la mauvaise saison, devant une mangeoire pleine. Bien que le fait d'estiver — estiba — dure tout l'été et quelle que soit la hauteur à laquelle pâturent les bêtes, le nom générique d'estibe a été donné aux montagnes de la zone intermédiaire, sans doute parce que leur altitude, propice à l'estiboment, permet d'y séjourner longtemps à deux PREMIER TRIMESTRE 1930. 63 reprises, tant à l'aller qu'au retour. Plusieurs pics portent ce vocable ou l'un de ses dérivés le pic d'Estibère, dans le voisinage du pic du Midi d'Ossau; le pic d'Estiboute, qui domine la vallée de Lutour, près de Cauterets; le pic d'Estibal, à côté de Tourmalet, sont les plus saillants. A citer encore, le val d'Estaubé, dont les pâturages forment un cirque élevé, s'arrondissant entre les oules de ces géants, Héas et Gavarnie. Tel est le mode général de transhumance pyrénéenne. La durée de la mountagnade varie de quatre à six mois elle est habituellement de cinq environ, compris entre la fin de mai et la fin d'octobre. La vallée de Campan ne procède pas autrement. Certaines contrées basses et les terres qui s'étendent le long des Pyrénées, en raison de leur situation plus distante, retardent l'ascension et avancent la descente. La Barguillère, vallée aux portes de Foix, ne reste guère plus de trois mois, du début de juin au milieu de septembre, sur les frontières de l'Andorre et de la Cerdagne. Tandis que d'autres plus hautes, comme la vallée de Barèges, prolongent pendant près de huit mois, du printemps renaissant à l'arrière-automne, leur volontaire exil. Différente est la façon de transhumer des béarnaises vallées d'Ossau et d'Aspe. Leurs changements de pâturages s'opèrent bien aux époques ordinaires. Toutefois ils ont lieu en sens contraire au lieu de s'en aller estiver, Aspois et Ossalois partent plutôt hiverner — exhiberna — au loin. Disséminés dans les étendues planes et les prairies unies des bords de l'Adour et de la Garonne, des Landes jusqu'aux approches de Bordeaux, le temps clair les ramène là-haut, vers les pacages fuyants et les roches abruptes où vagabondent les gaves. Sur toute la longueur de la crête et de ses abords, la vaine pâture existe peu. La jouissance des pâturages appartient le plus souvent, non à une seule commune, mais à un groupement de communes réunies par un syndicat sous le nom de vallée 1 Vallée de Laruns, Vallée de SaintSavin, Vallée de Barèges. Cette coutume date de la féodalité. Les droits de dépaissance ont, au cours des siècles, fomenté de violentes querelles intestines. La vallée d'Ossau, anciennement propriétaire des landes du Pont-Long qui environnent Pau, s'en vit contester la possession durant près de six cents ans. Interminables disputes qui occasionnèrent maints procès, rencontres sanglantes que les Fors de Béarn relatent comme il suit Las gentz de la terre d'Ossau, en temps passat... exides d'Ossau ab armes e host feyt, e senhets desplegatz en Pont-Long et en auguns autres locs de la terre de Bearn, e aqui comelut trops e diverts excès, cum sont morts, plaguas, arsies. - Les gens de la terre d'Ossau, au temps passé.. sont sortis d'Ossau en armes et corps d'armée, enseignes déployées, sur le Pont-Long et autres lieux de la terre de Béarn, et là ont commis divers exces, tels que meurtres, .plaies, incendies. » Le livre Rouge d'Ossau, conservé aux archives des Basses-Pyrénées, porte également témoignage de ces luttes fratricides Ossales paguen a homis de Pau per las tales o per las arsies o per las mous qui feyt los aven. — Que les Ossalois payent aux gens de Pau pour les dégâts, pour les incendies, pour tous les maux qu'ils leur avaient faits ». La tradition populaire 1 La plupart des sources thermales sont la propriété des vallées. 64 SOCIÉTÉ D'HISTOIRE ET D'ARCHÉOLOGIE DU GERS. nous montre d'ailleurs les pasteurs indomptables maniant le bâton, l'estaquo ou lou tricot, la fronde la houne, et, jaloux de leurs prérogatives, faisant preuve, pour les défendre, d'une combativité qui jamais ne désarme. Dans la vallée d'Aure, — bat d'Auro — on fait dire au chef des bergers Qu'en èi uo estaquo, Plantado en moun courtau; Aço qu'ei era 'spado Deu brabe majourau. J'ai un bâton, — Planté dans ma bergerie; — C'est là l'épée — Du vaillant majorai. Un dicton béarnais incite le grand-père à courir avec un bâton, la grand'mère avec une fronde Courrets, pai-bou, Dab u bastou I Courrets, mai-boune, Dab ue houne ! En Bethmale, le souvenir a longtemps subsisté d'Espagnols envahisseurs et pillards finalement tués ou repoussés, après que les bergers bethmalais eurent répondu à l'appel que l'un des leurs clamait dans une trompette de verre Turluret, turluret, A secours en Arauet ! Une sorte de complainte, composée sur cet événement, narrait la mort des bandouliers, précipités dans les laquets de Cruzous, Arauech et Milouga En Cruzous, Cent e dons; En Arauet, Cent et houet; En Milouga, Nou y sap quanti n'y a ! Dans le lac de Cruzous, — Cent deux; — Dans le lac d'Arauech, — Cent huit; — Dans le lac de Milouga 1, — On ne sait combien il y en a ! — Les femmes des vallées de Pailhas, sur l'autre versant, abaissèrent leur capuchon en signe de veuvage Hennos de Lotis, Amantots bous Es capuchous Besos ets bous ! 1 Les petits lacs ou étangs de Milouga, d'Araouech et de Cruzous sont situés, en haute montagne, au sud de la vallée de Bethmale. Cf. la monographie de l'abbe Cau-Durban. PREMIER TRIMESTRE 1930. 65 Quand l'époque est venue d'émigrer à la montagne — d'amountagna, l'on procède joyeusement aux invariables préparatifs. La veille du jour fixé pour le départ, se déroule la cérémonie des germs, laquelle emprunte son appellation des granges — germs, gers, d'où les troupeaux vont être retirés. Ces granges, bâties souvent en marbres bruts, ont leur anguleuse toiture d'ardoises abaissée presque au ras du sol — la teulado loco terro — afin de mieux supporter les neiges que l'hiver amoncelle ou celies qui roulent des sommets au fond des vallées en lavanges irrésistibles lid de terre, dont la course glissante grossit la masse de neige précipitée; lid de vent, s'élevant en tourbillons au sein des hautes altitudes. Le phénomène redouté des montagnards est aussi dénommé par eux galai. Non loin de Barèges, si souvent ravagée par les avalanches, se dressent sur la rive droite du Bastan, les pentes des Lavas-Blancs, où le fléau prend naissance, et sur la rive gauche, le pic de La Piquette, dit pic d'EndretLids — endroit des lavanges. Les germs s'étagent dans les régions inférieures et moyennes de la montagne. Des prairies, coupées d'arbres et sillonnées d'eaux vives — aigue-nèu briuent, entourent les rustiques habitations. Celles-ci ressemblent à des niches pittoresquement épaulées au flanc des monts, par petits groupes ou isolément. Le foin qui y a été rentré pendant l'été, permet de braver l'hivernage. Mais voici poindre le temps où le bétail se plaît dans les pâturages — au printèms lou bestiau se carro. Pour éviter la confusion qui naîtrait du mélange des troupeaux et permettre à chacun de reconnaître les têtes lui appartenant ou qu'il a reçues en garde, les bêtes a laine sont marquées sur la toison à la sanguine — teule, d'une raie rouge particulière, sinon de l'initiale du nom de la famille ou de la vallée. L'opération de teinture est dénommée teula las aullies, et la heste de la teule désigne la fête annuelle qu'elle occasionne. Quelquefois la marque se fait avec de la poix, — pègue, au moyen d'un instrument en fer — lou pegadou, qui imprime aussi la lettre sur la corne du gros bétail. Puis de suspendre à leur cou une sonnaille, dont la forme et la grosseur diffèrent suivant les endroits et les individus Au moutou, L'esquirou; A l'aulhète, L'esquirète. Au mouton, — La sonnette — A la petite brebis, — La clochette. Era esquerre ou esquire, est le terme collectif appliqué à toute sonnaille, bien qu'il appartienne en propre à une catégorie déterminée. Longue clochette presque ronde, l'esqueie va s'évasant vers l'ouverture; elle a pour battant — lou batatlh, un tronçon de tibia de veau enfilé à un bout de corde. Grave en est le son. Les vaches surtout la portent, et aussi les béliers. Une petite esquere aplatie, l'esqueret, est pour les moutons, les brebis et les chèvres. Le truc est plus grand que l'esquerre. Une dent de cheval lui sert de battant. Le son en est sourd bourroum, bourroum, bourroum. Par onomatopée le surnom de bourroumbo lui a été attribué dans le pays de Foix et le Couserans, et celui de bourroumbaire au bélier 66 SOCIÉTÉ D'HISTOIRE ET D'ARCHÉOLOGIE DU GERS. conducteur qui porte lou truc. Les moutons reçoivent le trucou,, ventru comme un pot de 1er renversé. La tringole et le tringucrou sont deux sonnettes en Dronze ou en fonte, lune grosse et l'autre moindre, affectant la forme d'une cloche. La petite massue de fer qui Dat a l'intérieur, rend un son clair et de timbre argentin tin-ti-rin-tin. Elles sont toutes deux à l'usage exclusif des bredis. Une autre variété comprend era picarde cylindrique, dont le modèle agrandi se dénomme en Bigorre, toulouhoère, du son qui boudonne pareil au vol des bourdons, lous toutouhous. Les bergers espagnols - tos ganaderos, l'appellent craponera, parce qu'elle est réservée au crapon, bélier chef. La hauteur exagérée de cette sonnaille oblige le crapon à marcher la tète relevée, afin, de ne la point traîner; pour pouvoir paître, il lait passer entre ses pattes de devant la craponera et l'y maintient pressée. Dans certaines légions languedociennes, le bélier menon est dit l' esparranon, par extension du ternie propre à la clarine que porte le chef du troupeau, En vallée d'Aspe, la patoumete est une petite sonnette de cuivre destinée aux bêtes à cornes. La sonnaille est suspendue au cou de l'animal par un collier en bois que les montagnards fabriquent eux-mêmes avec des éclisses de bouleau, de hêtre, de frène, de chêne ou de noyer. La canaille est pour les vaches, le canautou pour les chèvres et les brebis, le courau pour les veaux. Les deux bouts sont relliés par las broques d'arrechau, attaches de fil d'archal, ou par des. birous, arrêts en corne de mouton. Des entrelacs et des rosaces en décorent la sut face extérieure, formant des reliefs sculptés dont le creux est rempli de cires diversement colorées. Un bourg de la vallée d'Ossau, était jadis répute pour l'adresse de ses habitants à ouvrager ces colliers le s canautes de Belesten ont longtemps joui d'une renommée régionale 1. Le bélier conducteur mar, marra, marrau, marron, est orné de bouquets de rubans, de festons. Son front porte parfois, un léger mais volumineux édifice où l'on reniai que la Heur d'oranger ou la couronne de mariée de la maîtresse du logis, otée pour la circonstance de sous ;e globe de verre qui religieusement la conserve. J'ai même rencontré des marrons qui se pavanaient, sous l'épaulette militaire. Les glands chiens à longs poils — L-s patous, les labrits et les farous, également enrubannés, sont munis du large collier de fer à pointes, par quoi leur gorge était protégée contre le dent du loup attaque fort redoutée naguère, avant que ce carnassier n'ait disparu de la contrée. Si doivent être du voyage l'eue, le mulet ou le cheval porteur de hardes, de paquets, de pots et de cruelles, ou la chèvre dont le lait nourrira le pasteur du Lavedan, la toilette de ces animaux ne sera point négligée non plus. Les bergers surtout soignent leur mise la veste est celle des dimanches; les bretelles furent confectionnées et offertes par l'amie qu'il va faloir quitter; la chemise boutonne jusqu'au col sa blancheur mate et raide, cousue de fil de lin les rouges cordons de la ceinture — facho retombent sur le côté gauche, en arrière de la poche; à droite, et derrière la poche aussi, le sac au sel bariolé, lou salié ou saloniè pintourat pend a la ceinture, brodé de rouge et de fils multicolores, et marqué de grandes 1 Pour des renseignements plus détaillés. voir l'éude de Rondou .- Les Sonnailles dans la l'allée de Barèges. PREMIER TRIMESTRE 1930. 67 initiales; pèsent aux épaules, le sarrau, sac en peau d'isard, et res besaces immaculées, tout gonflées par les provisions de route, dans lesquelles le chien compte pour une ration; le roide bâton que tient le poing droit a subi de frais la brûlure sa noueuse rigidité est sortie résistante de l'épreuve du feu. Après une journée passée en réjouissances, le cortège s'ébranle le lendemain à pointe d'aube. Et aussitôt clochettes de sonner, sonnettes- de clocher à la volée, célébnant la mise en mouvement de la troupe émisante. Désormais, sur ses pas s'élèvera l'ininterrompu carilllon. Le vacarme qui l'accompagne, la précède et la suit, va croissant et simplifiant, assourdissant, diminuant et s'éteignant. La poussière soulevée par le passage de la horde bêlante semble être la fumée de cet encens sonore dont le pasteur à satété se grise. Ceux-là qui assistèrent à son départ, l'ont accompagné pendant un moment et vienent maintenant de le quitter, déjà ne l'aperçoivent plus au detour du chemin le coeur attristé, ils écoutent décroître et se perdre au lointain la chaudronneuse sonnerie. Mais voici que là-bas on l'entend venir et se rapprocher dans la cour des fermes, sur le seuil des maisons et aux fenêtres, des visages se montrent, curieux de voir défiler l'exode pastoral. Sous les regards connaisseurs qui supputent le nombre des bêtes et apprécient le bon état que décèle leur apparence, le berger fièrement se rédresse et lance avec emphase ses Brrr... !. Prutchè... ! Pfiu... ! Pico-lo... ! » A la suite s'avance l'esparradou, balançant la grosse cloche — la gran campano, et ayant conscience de sa dignité de chef bélier; les brebis les plus belles se pressent en masse à ses côtés et derrière lui; les vieilles et les jeunes, affolées par le bruit, fatiguées par la marche, se hâtent craintivement, les praubètus, et s'égrènent en traînant la patte, pendant que leur gardien jappant court de bout en bout, harcelant les flancs, ramenant les fuyards, semant la pan-que et mordant au garrot les retardataires 1. D'ount ets bous, goujat ? — D'où êtes-vous garçon ? » demande-t-on à l'aulhè qui passe. S'il a de quoi tirer vanité de son troupeau, il jette de haut le nom de son village, plus superbement encore pour peu que celui-ci soit renommé comme centre d'élevage. De Bielle, ma fè ! » lance orgueilleusement l'ossalois de Bielle. Quand la maladie ou les accidents ont affaibli l'aulhade et diminué son importance, le même biellois, en réponse à la question posée, se fait passer pour natif de Laruns, afin que sa déchéance individuelle ne rejaillisse point sur le commun honneur communal De Laruns, se bous plats ! " larmoie-t-il humblement, en manière d'excuse. L'interlocuteur s'inquiète aussi du lieu où, pendant la nuit, le pasteur s'arrêtera pour abriter le bétail — per barra lou bestia, dans les cas de longueur d'étape et d'éloignement l'obligeant à faire halte Ount barrats ? — Où vous arrêtez-vous ? Où tiendrez-vous vos bêtes pendant la nuit ? » Les vieux textes portent qu'étaient exempts de péage les pasteurs qui passent et repassent, tant en allant estiver leurs troupeaux sur les montagnes qu'en descendant d'icelles Lous pastours 1 Le Roman d'Estelle,' de Florian, et la Vie des Pasteurs Pyrénéens, étude en béarnais de Eyt, renferment de plus amples détails sur ces moeurs pastorales. Le rapprochement des deux tableaux — séparés par tout un siècle — éclaire la façon de sentir et de peindre la nature de l'une et l'autre époques. 68 SOCIÉTÉ D'HISTOIRE ET D'ARCHÉOLOGIE DU GERS. passen e repassen tant anant estibar a las montagnes que descendent dequeres » 2. Enfin, le second jour venu, la rocaille des sentiers à peine tacés — draios — et la grimpée plus rapide annoncent la prochaine arrivée au port de la mountagne. L'impatience de retrouver la liberté des hauts plateaux agite chaque tête indociles et lassées, elles se détournent têtues, s'attardent, assoiffées de repos et d'indépendance. A présent les sonnailles se baisent, redevenues muettes tout autant que l'heure du retour ne leur aura pas rendu la vibration continue de l'ivresse sonnante toutes ont été retirées à l'exception des deux ou trois qui doivent renseigner le pâtre sur la position du troupeau; sans cette précaution l'endroit serait difficile à préciser par les temps de brumes, fréquents dans ces parages. Une existence patriarcale et végétative va commencer alors pour le berger dans le silence des solitudes pyrénéennes. Lui aussi goûte l'enivrante paix des sommets et il ne changerait point pendant l'été son exil de nomade pour la vie que l'on mène dans les châteaux et les palais les plus beaux Bius-Artigues bau mei ta jou, pendant l'estiu, que castèts e palais, quoand seren bèts ! » A charge par eux de garder le bétail, de le faire croître et profiter — lou bestiar deu, gardar e acansar e profitar, de l'entretenir depuis l'ascension à la montagne jusqu'au jour de la Toussaint — entertiendra lo bestiar despuixs lo pugat de montanhe entro au jorn de Martero, les pasteurs avaient le droit de gîte, de dépaissance et de faire cabane — aver jasilhe e padoent e acabanar Archives des Basses-Pyrénées. La cabane du berger sur la montagne — era cabano, reste une construction rudimentaire entre toutes et telle que les peuplades primitives la connurent. Les murs en sont de grosses pierres sèches; de llongues bûches de hêtre s'y appuient, formant un angle aigu avec le sol recouvertes de mottes de terre et de gazon plus souvent que d'ardoises cette toiture est ouverte à tous les vents. Au dedans, des cailloux noircis tiennent la place du foyer, devant lequel une pièce de bois — gaujen — sert de banc et aussi de couche le cas échéant; des fougères ou des branches de sapin, jetées dans un coin, tapissent de larges dalles, d'une épaisseur suffisante, pour que l'occupant y dorme enroulé dans le vaste manteau et couvert de peaux de moutons. Un second compartiment communique avec le premier par une étroite ouverture; c'est le magasin aux fromages. Les ustensiles sont suspendus aux branches du toit par des chevilles de bois. A proximité se trouve une partie de terrain, clôturée par des claies, et, plus rarement, par des filets à larges mailles où la nuit l'on enferme les troupeaux errants le jour. L'aspect extérieur et intérieur des bergeries ne varie point, qu'il s'agisse des orris du Haut-Foix, des courlaus du Couserans et du Comminges, des couilas de Bigorre, des cuialas de Béarn, et que les parcs se dénomment clédats, barquères, courraus, ou sarralhs. Des alats ou embancs — hangars, auvents, accolés à la construction principale ou bâtis tout auprès, permettent au bétail de trouver un refuge contre le mauvais temps. Aux heures de chaleur accablante, quand piquent les mouches, le mouscadé ou mousquère abrite les bêtes et les protège contre la double piqûre lancinante du soleil et des insectes. 2 Privilèges et Règlements. Orthez, Jacques Rouyer, 1676. PREMIER TRIMESTRE 1930. 69 Lorsque plusieurs pasteurs de troupeaux réunis y logent socialement, la cabane prend le nom de cabano de societat. Ses occupants ont désigné l'un d'entre eux pour régner sur tous ses compagnons en maître expérimenté, prudent et sage. Ce berger en chef, homme d'âge généralement, s'appelle lou majoumu; il est habituellement assisté d'un berger en second — lou bassibié — et de plusieurs aides bergers..— lous gougars. un dicton béarnais de la vallée d'Ossau semble prouver que le majorai ne se montre pas toujours digne de la confiance dont il a été investi Ta counèche et majourau, Dab et cau minja u sac de sau. our bien connaître le berger chef, — Il faut avec lui manger un sac de sel. Le burguet est la cabane portative en bois, plus haute que large et longue de deux à trois mètres, hutte et lit ensemble du berger veillant sur le barguerou, parc formé par des claies portatives, que l'on déplace en les portant d'un point à l'autre du champ et dans lequel les brebis gîtant en plein air sont parquées la nuit pour fumer la terre. Les pâtres s'introduisent dans le burguet au moyen d'une ouverture latérale, se rabattant en couvercle de tabatière. Les soirs où la migo de l'un d'eux a été aperçue s'y glissant, les autres pasteurs font tomber de côté la maisonnette qui retiendra prisonniers les amoureux jusqu'à ce qu'on vienne les délivrer au matin. Ce qui en vallée de Campan fait dire d'une bergère mise à mal Es anado au burquet ». La Bigorre les connaît en outre sous le terme de lahore, et, en Béarn, caiolar désigne la cabane, le gîte et le pâtis attenant. Un pâturage clos et en pente porte dans le Roussillon le nom de devesa. Levés avec le jour naissant, les bergers s'occupent aussitôt à traire les bêtes laitières — arrounda, moulze — et à préparer les fromages. Dès que le lait recueilli-remplit les vases de bois enfumés destinés à le recevoir — sanjes, cubets, coussères, ahumats, il est passé par le couladé et mis à chauffer dans une chaudière après qu'un peu de présure — cb — y a été ajoutée. Avant l'ébullition, la caudère est retirée du feu afin de laisser le liquide se cailler. Le majorai presse de ses mains le caillé — ce que traduit l'expression acalha la calhade — et le met, débarrassé de tout petit lait, dans le moule qui sert à former » le fromage; la forme consiste en un cercle de bois — aa, que l'on place sur une espèce de plat circulaire en bois — échèro — ou sur une sorte de petit vase percé de trous — faissèlo — pour le faire égouter. Tourné et retourné à plusieurs reprises, puis salé, le fromage n'a plus qu'à sécher. En certains endroits, une dernière opération appelée ro'friso par les hourmatjaires de la vallée d'Aure, consiste à faire chauffer le fromage pour aider à la formation de la croûte. Dans les cabanes où l'on fait" du beurre — burre, en outre du fromage — froumage, hourmalge, la double opération s'appelle er esplèt. Les pasteurs se nourrissent de ces laitages lait, petit lait, caillé, résidu du lait converti en fromage — leit, leitou, calhade, grulh, et de pâte de farine de maïs ou de millet détrempée de lait ou d'eau — broje, puisée par toutes les cuillers à même le chaudron dans lequel cette bouillie a 70 SOCIÉTÉ D'HISTOIRE ET D'ARCHÉOLOGIE DU GERS. cuit et s'est durcie — leit e leit e broje à culhè plè. D'où l'appellation de broujasses donnée aux montagnards grands mangeurs de broie. Leur pain est plus souvent d'orge noir ou de maïs que de froment. Le lait du cubat l'arrose et aussi l'eau de l'arriu dont ils ont détourné vers leur cabane le courant — brin, bribent, à l'aide d'ue ardoise posée de champ. Au goûter, ils mangent avec gourmandise un oignon salé. Mets de frugale simplicité, qui ne varient point du dîner au souper, et auxquels vient quelquefois s'ajouter, parcimonieusement mesuré, un morceau de salé, viande religieusement mâchée. Lorsqu'ils sont réunis après le repas du soir, auprès du feu de genièvre fumant et à la lueur des fumeuses tèdes de sapin, dans l'air lourd de relents aigres, les uns évoquent de fantastiques scènes de sorcellerie; d'autres disent des contes pleins de bonhomie malicieuse histoires cent fois répétées et toujours écoutées avec une attention complaisante. Le rire qui dilate les faces naïves, secoue les ventres et hâte la digestion. .Après quoi, les bergers s'étendent tout habillés sur leur couche de branchages, enroulés dans leur vaste manteau et recouverts de ces peaux de moutons qui vêtaient leurs ancêtres dont Fortunat a écrit qu'ils portaient l' hirsuta biqorrica palla ». Et si des femmes font partie de la colonie, elles s'allongent côte à côte et s'endorment, elles aussi, d'un sommeil profond et confiant. Petit et gros bétail — bestia gros et menut — ne sont au matin mis en liberté que lorsque s'est évaporée la rosée des herbages. Sortent alors les bêtes à cornes — bacado, baqueris les vaches — bacos, pleines, stériles, suitées ou séparées du veau — préis, manos, tiarrèros. annulhères les boeufs — bious ou buèus; les taureaux — taures; les veaux — bedèts, sevrès ou non sevrès — massos ou tiarrous; les génisses non sevrées - massônos. ou de plus d'un an — bimos. Les noms des vaches dérivent de la couleur du pelage, de la courbe des cornes, de la taille de l'animal arroujo. roujele, ronjane — rouge ; aubino, haubino, — blanche; baiéto haie; bermelho — froment; cap-nèro — têtenoire; muléto, mascarino — noire ou zébrée de noir; saurmé, sauréto — rousse; soubaqno - sauvage; cardino — chardonneret femelle; esquirolo — écureuil femelle; paloumo — palombe castagno — châtaigne quilléto — petite griotte; pouméto — petite pomme; trauèsso — qui marche de travers houchèto - eux cornes fourchues, recoubées; cabirolo chevreuil femelle - aux cornes roulées en spirales et pointues d'un côté, ou dont une corne pointe en avant et l'autre en arrière bruque — aux cornes dressées en avant; caubarole — aux cornes repliées en dehors; braquete — de petite taille. La belle génisse marchant à la tête du troupeau avec au cou l'esquère clarinante, se nomme esquirolle — qui porte la sonnette. Chevaux et iuments. poulains et pouliches. — equos. chibaus, pouris e pourios ; mulets, mules et muletons — mulets, mulos, souberanos e poupenes ; ânes et ânesses — ases. hourrous. saumos, ânes entiers et bardots boudets e bu hous, appartiennent également au gros bétail. Les bêtes à laine comprennent les brebis — aulhos, pleines et stériles, préis e manos; les moutons — moutous; les béliers — marréts, marrous; les agneaux et les agnelles — agnèts e aqnèros, parmi lesquels se distingue l'agneau d'un an - primal; l'agnelle et l'agneau de deux ans — bourrègo e bourrée ou doublé; la brebis qui n'est pas encore mère — PREMIER TRIMESTRE 1930. 71 courdèro, est l'agneau préféré du berger, le robin-mouton de la bergère — beroun ou mainach. Les noms des brebis sont dictés par la nuance de la toison, par la position des cornes, par le caractère de l'animal couloumo — blanche sans tache; loubèto — dont les poils rappellent ceux du loup; mascarelo — tachée de noir à la tête et aux extrémités; pialho — noire ou grise, avec les pattes annelées de blanc; couje — dépourvue de cornes; cournudo — cornue; cortroussado — aux cornes roulées autour des oreilles, très près de la tête; bruchouado — qui a des petites cornes ressemblant à des jeunes pousses; muscadino — à tête mignonne; balento — alerte et vive; galaje — coureuse. Les moutons reçoivent des appellations similaires. Boucs, chèvres, chevreaux et chevrettes — boucs, crabos, crabots e pitos; porcs, mâles -entiers, truies et pourceaux — parcs, berrats, troujous e neurigats, ressortissent au troupeau de moutons — aulhado, ramado, moutounado, en qualité de menu bétail. Les chèvres aussi ont des noms qui les distinguent pontillou, de baiser, rappelle que ces bêtes sont affectueuses; flouquèto porte une petite touffe de barbe au menton; cournudo est armée de cornes et coho n'en a point. Les troupeaux isolés ne comportant que des brebis sont généralement suivis d'une chèvre dont le lait nourrit le berger. Tout pasteur aime ses bêtes; il les connaît toutes, les caresse souvent et prend plusieurs d'entre elles en affection particulière. Les brebinettes surtout répondent à ses marques de tendresse, vivent dans son intimité, s'écartent peu de lui, accourent quand sa voix les appelle, et mangent familièrement dans sa main le sel dont les broute-herbes moutons et les brebis porte-laine » sont si avides et qu'ils prennent d'ordinaire, dans la montagne, sur les peires saliès, pierres plates disposées de façon à le recevoir. La garde que le pasteur monte sans relâche a pour but de bira lou bestia, de détourner le bétail des lieux interdits au pacage et de ceux où il ne passerait sans danger. Cependant il regarde d'un oeil indifférent,sinon complice, ses bêtes commettre des déprédations dans les prés défendus et, broutant pousses et arbrisseaux, hâter un déboisement qui n'est déjà que trop funeste. Comme tout paysan, le pasteur pyrénéen est l'ennemi de l'arbre. Il voudrait que tout terrain fût mis en pâturage aussi fait-il manger par son troupeau les taillis nouveaux; ou bien y met le feu lui-même, sournoisement et, ne pouvant abattre les grands arbres trop surveillés par les gardes forestiers, les blesse à mort nuitamment en enlevant sur toute la circonférence du tronc une large bande d'écorce. Cette mutilation, que l'on appelle mettre la cravate ou cravater, arrête la descente de la sève, empêche sa circulation et provoque rapidemment le dépérissement, la flétrissure et la mort du fier végétal. J'ai vu dans le Biros castillonnais, au fond du Ribérot de Bordes, un véritable cimetière de hêtres cravatés et, après coup, calcinés ! Le pasteur se soucie bien davantage d'écarter son troupeau du risque que pourraient lui faire courir certaines pentes dont la déclivité fuit irrésistiblement et défie le sabot le plus assuré. Les escarpements rocheux abondent, en effet, d'où les bêtes ne se peuvent que périlleusement tirer lorsqu'elles s'y sont aventurées vachers et bergers redoutent de voir les vaches et les brebis empêtrées de la sorte — bacos et ouelhes empenades, perdre pied et, au moindre faux-pas, disparaître dans les préci- 72 SOCIÉTÉ D'HISTOIRE ET D'ARCHÉOLOGIE DU GERS. pices ouverts jusqu'au fond de la grondante coulière. Responsable des bêtes qu'il a mission de garder, le pasteur doit rapporter la peau de celles qui sont mortes de maladie. Contre l'attaque du loup et de l'ours, il a un auxiliaire vigilant et courageux, sont grand chien, lequel ne craint point de avec lesfauves. Le chien des Pyrénées, superbement racé, est de haute taille; son pelage aux poils longs et soyeux a sa blancheur un peu roussâtre ordinairement tachée de noir. De là le nom de Pigou, Piguette, Pigalh — couleur de pie, qu'on lui donne généralement du Béarn au pays de Foix, et Mascarou. lorsque le noir domine; son allure lourde et puissante le fait encore appeler Pàlou — d'où pàtou-pàtou, pesamment. Moins importants mais tout aussi bons gardiens, sont le labrit, à la tête allongée, barbu et à longs poils de couleur bise ou grise, et le farou, à longs poils aussi, mais noirs et plus soyeux, qui répondent aux appellations de Pastou et de Pastoure — berger et bergère Picart — qui mord; Loubet - louveteau; Perre — dérivé du vocable espagnol et qui signifie chien. Qui bie amigalha et Pigou, Qu'ei u lairou. Qui vient se faire un ami de Pigou, — Est un larron. Larron d'honneur, car le proverbe béarnais s'adresse au ravisseur qui vise la bergère plutôt que les brebis. Lou farou me bal un pastre ». le farou me tient lieu de me remplace un pâtre, dit-on en Languedoc. Et il est certain que ces amis à quatre pattes sont des aides prompts, vaillants, intelligents et dévoués. Dans le but d'écarter les féroces gloutons, ours, loups, renards et toutes bêtes malfaisantes, les pâtres allument la nuit de grands feux et, de temps à autre, ils sonnent du cor,— enta courna et loup. La corne ou la trompe du berger — cor ou tuta, dite aussi bièn, cagarau, carigou de mar, lorsque c'est une conque marine — leur sert en outre à s'appeles entre eux. Pour s'avertir ou se hêler, ils usent également de sifflements et de cris d'appel. Le berger sifle son chien — siule soun cà, aussi bien que son troupeau dispersé A petites aulhes, — Petits siulets. — A petites brebis, petits sifflements. Le coup de sifflet du pasteur — lou siulet deu pastou — porte à de grandes distances. Le montagnard le produit en introduisant dans sa bouche deux doigts ou le seul petit doigt recourbé, qui vient s'appuyer sur la langue, elle-même disposée d'une certaine manière. Ces sifflements longs et perçants, de l'aigu descendant vers le grave, déchirent l'air ainsi que des éclairs sonores. On en entend qui terminent leur chute chromatique par un saut de tierce mineure inattendue. Plus surprenant encore est le hilhet ou arrenhilhet, que les Basques dénomment irrintzina. Sorte de hennissement prolongé, suraigu, mordant, fait de glapissements sinistres et de sauvages éclats de rire, qu'on dirait lancés par le gosier d'un être préhistorique, et qui, clameur de joie ou cri de guerre, prolonge dans notre civilisation une survivance de la barbarie ancestrale. Un ariégois notoire, Pagès — qui, plus tard, représenta son départe- PREMIER TRIMESTRE 1930. 73 ment à l'Assembllée Législative — avait fait dans sa jeunesse l'ascension du Mont-Vallier, pic dont la noble structure domine tout le Couserans. Cet exploit, plutôt rare au début du dix-neuvième siècle, fournit à ce précurseur du pyrénéisme la matière d'un mémoire à l'Académie des Sciences de Toulouse, détaillant les observations par lui recueillies en cours de route. Le mémoire de Pages, lu dans les séances des 15 et 22 juin 1809, est demeuré manuscrit. Les passages transcrits ci-dessous dépeignent les moeurs pastorales des montagnards des Pyrénées Centrales, observées à une époque où elles étaient encore dans toute leur simplicité originelle. Au printemps... les bergers réunis font réédifier leurs chaumières annuelles; à peine les ont-ils élevées, à peine ont-ils préparé la fougère sur laquelle ils reposeront leur fatigue, à peine ont-ils détourné le lit des ruisseaux vers la porte de leur cabane, qu'ils se rassemblent aux premières lueurs de l'étoile du matin; ils montent sur le haut de la colline, s'asseoient en cercle et attendent en silence le lever du soleil. L'astre du jour a-t-il paru ? Le plus vieux commence la prière et tous l'écoutent dans le recueillement. La prière achevée, le vieillard a perdu tous ses droits il n'est plus qu'un pâtre. Alors les bergers se partagent les montagnes et les chaumières, et sortant de la réunion forment de petites peuplades; chacune élit son chef la couronne est toujours sur des cheveux blancs; celui qui la porte a le nom de père ou de vieux. Ensuite les chefs s'assemblent; ils jurent d'aimer Dieu qui est nécessaire comme le soleil, d'enseigner la route aux voyageurs égarés, de leur offrir le lait, le feu et l'eau, leur manteau et leur cabane, de poser le talwmen sur les misérables que la law ou la toupb feraient périr, de respecter les fontaines et d'avoir soin des troupeaux. Le vieux qui vint me recevoir à la fontaine d'Arcousaing m'apprit l'ordre de ces vieilles commices. Aujourd'hui, me dit-il, les voyageurs et les contrebandiers ont corrompu nos moeurs par leurs moeurs étran gères, et les jeunes bergers méprisent les saintes coutumes des mon tagnes; mais l'hospitalité est toujours pour nous un devoir. Nous som mes pauvres mais bons. Jeune homme, lorsque vous serez dans les villes de la plaine, souvenez-vous des pâtres- d'Arcousaing. » ... Et pourrais-je oublier ce tableau de la vie pastorale ? Des branches résineuses de pin étaient enflammées sur un roc de granit et, à la lueur de ce phare, les bergers assis sur un tronc recourbé et creusé qu'ils appellent lerr, faisaient jaillir dans le vase le lait nourrissant des brebis timides que protège un vaste bercail, le lait plus limpide d'un immense troupeau de vaches renfermées dans les claies- plus élevées, et le lait plus gluant des chèvres indépendantes qui passent la nuit sur les rochers, tandis que les cavales vagabondes errent sur les sommets- de la montagne dont le penchant est couvert par des porcs endormis, et partout des, chiens protecteurs rassurent ces troupeaux craintifs par leurs aboiements longs et répétés, et partout les pâtres font retentir jusqu'aux sommets élevés les sons prolongés de leurs conques marines. Les bergers rentrèrent- bientôt dans la cabane et versèrent dans un pétrin le lait écumant de leur lerrs... un foyer embrasé faisait bouillonner des pommes de terre détrempées dans le lait. Quelques vases de bois, 74 SOCIÉTÉ D'HISTOIRE ET D'ARCHÉOLOGIE DU GERS. des branches de sapin qui servaient à la fois de siège et de lit, garnissaient ce réduit étroit au-dessous duquel était le réservoir des fromages de lait et de beurre. Les bergers assemblés, les uns enlevaient la crème du lait, et le cerr qui restait était la pâture des chiens; les autres tourmentaient la fleur des laitages pour les coaguler en beurre, et les plus vigoureux pressaient d'un bras nerveux et pesant les fromages qu'ils resserraient dans des cercles de chêne; et moi, enveloppé de la large mante du vieillard, je reposais sur une couche de feuillage. Le repas fut commun ; le vin l'égaya, les bergers entonnèrent les Goy de la Vierge de Montgarr et racontèrent comment les pâtres l'avaient trouvée sur la cime des Pyrénées; mes guides y joignirent des chansons grivoises. Des contrebandiers et le vieillard chantèrent l'hymne d'initiation des Borouch ou des Vieux du Tombeau. J'écrivis- les allégresses de la Vierge, composées dans un des dialectes de l'Espagne, mais la lassitude me priva du plaisir de copier le chant du vieillard 1; la plupart des expressions perdues dans la tangue des Byrennes me le rendait d'ailleurs presque inintelligible. L'hymne célébrait les dieux créés, les astres naissants, et les hommes sortant des eaux. » Les vieux pâtres andorrans et cerdagnols aux caleçons de cuir, savaient naguère entièrement par coeur un petit poème populaire catalan 2 relatif à la vie des bergers d'autrefois. Voici un fragment de cette curieuse pastorale, qui doit remonter au seizième siècle Quan lo sol lo fa suar, Diu Ja es teins de morriar; Reposant una estoneta. Caillant una cansoneta, Y fora bruxas ! Que tenint jo pa y maduxas; No me espanta La caler, eneare que's tanta. Qui tinga sel, que bega, Qui te mal, que se 'l gemega. Jo estich content ! Com jo no tinch camps ni artigas, En fer mitja y camalligas, Filosas y debanerns, Collas, llossas y culleras, Es'a la mia ganancia Y amb Deu poso ma confiança. Oh ! Que vida ! No la te millor una dida Ni una partera Ni lo rich de mes alta esfera ! » Mes lo travail Es quan al mitj de algun vall Li ix lo llop. Que semple sol ixir de prop Com llop en faula. Y si es llop vell, es tan maula Y tan bribo, Que semple ix de trahiso Al descuydat. Aqui entra lo combat Dels bons pastors. Pero, si ells crian gos O algun musti, Bee pot lo man llop veni ! Que ab gran enfado, Li rebalan lo gayato Y la. gorra Y cridan Foch à la borra ! Al llop ! al llop !... Aqui puja, aqui passa La bestiassa !... Foch à la cua !... Té, Lléounet ! Té, Colom ! Té, Musti ! 1 Si l'abbé Duclos, en l'occurrence compilateur de Du Mége, s'était reporté comme nous au manuscrit de Pages, conservé dans les archives de l'Académie des Sciences de Toulouse, il n'aurait pas écrit faussement que le texte de ce chant... avait été recueilli avec avidité. » Voyez l'Histoire des Ariégeois, t. I, p. 78. 2 Cf. Pierre VIDAL Relacio de la vida del pastor. PREMIER TRIMESTRE 1930. 75 Aqui, aqui, Aqui passara lo trahidoras 1... No'n tastaras Del meu ramat !... Mal foch te hagues cremat, Llop pudent ! Tocauli somatent !... » Quand le soleil le fait suer, — Le berger dit Il est temps de réunir le troupeau; — Reposons-nous un instant, — Chantons une chansonnette — Et loin d'ici les sorcières ! — J'ai du pain et des fraises; — Ne me fait pas peur — La chaleur, pour si ardente qu'elle soit. — Que celui qui a soif, boive, — Que celui qui,a du mal, se soigne. — Moi je suis content !... — Comme je ne possède ni champs ni garrigues, — Faire des bas et des jarretières, — Des quenouilles et des fuseaux, — Des colliers, des louches et des cuillers, — C'est là mon occupation — Et en Dieu je mets ma confiance... — Oh ! quelle vie ! — Jamais ne l'eut meilleure, nourrice — Ni femme en couches — Ni le riche de la plus haute condition ! » — Mais où est le travail — C'est lorsqu'au milieu d'une vallée — Lui sort le loup, — Qui toujours sort de très près — Comme le loup de la fable, — Et si c'est un loup vieux, il est rusé — Et si fripon — Que toujours il apparaît en traître — A un moment d'oubli de la part du berger. — Alors commence la lutte — Pour les bons pasteurs. — Mais, s'ils ont un chien — Ou un molosse — Le mauvais loup peut bien venir ! — Avec une grande vigueur — Ils lui lancent te bâton — et la gorre — Et ils crient Feu à la bourre ! — Au loup ! Au loup !.. — Là elle monte, là elle passe — La vilaine bête !... — Feu à la queule !... Tiens, Léounet ! — Tiens, Colom ! Tiens, Musti ! — Là, là, — Là passe le grand traître !...'— Tu n'en goûteras pas — De mon troupeau !... — Qu'un mauvais feu t'eût brûlé, — Loup puant !... Sonnez le tacsin !... » Durant les interminables loisirs de la journée, les pasteurs tricotaient jadis des bas et des jarretières, des bonnets, des gilets et autres ouvrages de laine leurs doigts, habiles à manier le crochet — bet, aimaient aussi à travailler le bois troncs creusés, que le pied chaussera commodément lorsqu'ils seront devenus de résistants sabots; éclisses qui noueront les minces lames des colliers au cou des ruminants; morceaux évidés en forme de vases, d'écuelles et ustensiles divers; tiges droites, enjolivées de dessins sculptés au couteau, et en haut desquelles s'enroulera le chanvre et le lin, chevelures des quenouilles qui seront vendues au village voisin ou qu'on offrira au retour en gage d'amour ou témoignage d'amitié. Les pâtres d'aujourd'hui restent plus volontiers inactifs que ceux de l'ancien temps; ils préfèrent dormir, étendus' à plat ventre dans l'herbe ou sur leur cape et tendant leurs épaules à la brûlante caresse du soleil — espeternellats als repetells del sol, suivant la pittoresque expression catalane. Combien en compte-t-on qui jouent encore du chalumeau, dont les bergers pyrénéens du siècle dernier avaient, pour leur agrément personnel, conservé l'usage ? Lou clari — ainsi le désignent Béarn et Bigorre — est un petit instrument à anche, de la famille des hautbois, fait sommairement en bois de hêtre, long de vingt-cinq centimètres environ et 76 SOCIÉTÉ D'HISTOIRE ET D'ARCHÉOLOGIE DU GERS percé de huit trous six à la file, un placé en bas de côté et le huitième derrière, à l'extrémité supérieure du tube. L'anche — espiule — est ordinairement en corne de boeuf. L'instrument que me montra M. François Sabatut 60 ans, tambourinaire de Gèdre-dessus, dans la vallée du Gave, non loin de Gavarnie, avait son anche faite avec une plume d'aigle. Les quelques sons que peut émettre l'échelle réduite du clari sortent très difficilement, en sorte que leur justesse est généralement douteuse. Le timbre possède une dureté rêche, une acidité grumeleuse qui mèlent aux inflexions les plus adoucies de la raucité âpre et stridente il paraît aigrelet à l'ouïe comme l'est au goût le petit-lait aigri. Ses sons criards piercent le mystère ombreux des forêts silencieuses, pareils aux rayons qui traversent la voûte des hêtraies et des sapinières, et allument d'un rougeoiement de braise la futaie, les feuilles et les aiguilles odorantes. Affaiblis par l'éloignement, ils tissent leur agreste mélancolie autour des coupeaux toujours chenus », laissant lentement tomber goutte à goutte les notes longues, tristes, émouvantes, de quelque vieille cantilène du terroir. La voix humaine traduit mieux que le vert hautbois champêtre, la grandeur des chants qu'inspira la sublime nature. Car il n'y a que dans les bergeries de salon que le pastoral soit fade, languissant, maniéré. Dans son cadre, qui lest l'espace, il atteint à une ampleur de lignes, large et sereine, à une hauteur d'expression, tendre et grave de cette tristesse que Châteaubriant avait observé comme étant le caractère du chant naturel de l'homme, lors même que ce chant exprime le bonheur. Les poètes de la Renaissance et leurs successeurs prenaient plaisir à ouïr le virelai qui, pareil à la vive alouette, s'élève et monte sans enort . A l'abry de quelque fougère, J'escoute le jeune bergère Qui dégoise son lorelot. Et l'auscitain Guillaume de Salluste, sieur du Bartas 1, devine la fredonnante voix que l'éloignement seul empêche de parvenir jusqu'à lui Ici. la pastourelle, à travers une plaine, A l'ombre, d'un pas lent, son gras troupeau ramène-, Cheminant, elle file, et, à voir sa façon, On dirait qu'elle entonne une douce chanson. Que n'ont-ils exalté la mâle beauté du chant populaire lorsqu'il est chanté, dans les altitudes montagnardes, par le rude pasteur, roi des hauts plateaux pyrénéens ! Puisque la caractéristique du lieu c'est la montagne, les plus représentatives entre toutes les chansons pyrénéennes doivent être les chansons de bergers. Pâtres et pastoures, enveloppés de la cape de bure ou du 1 Poète et gentilhomme proteestant. né à Montfort, près Auch. vers 1544, mort en 1590. Salluste du Bartas a son buste en bronze sur une petite place d'Auch, près de la Basilique Sainte-Marie, où il fut érigé en 1890 par la ferveur féllbréenne, Crethe, drt-on, admirait fort la pièce La Semaine ou La Création du Monde, dont est extrait le quatrain cité. PREMIER TRIMESTRE 1930. 77 capulet, appuyés sur le long bâton ou quenouille filant, chantent à pleine gorge les pastourètes et les bergères. Afin de mieux entendre la portée de leur propre voix, ils placent la main en cornet derrière l'oreille et écoutent le chant planer longuement à travers l'espace avant de rebondir au versant opposé l'écho, ce fallacieux animateur des solitudes montagnardes, renvoie souvent au pasteur l'ironie de ses accents trompeurs. Parfois aussi, un autre timbre humain s'élève au loin et la réponse jetée au vent vient tomber aux pieds de la bergère en notes effeuillées comme les pétales d'un bouquet champêtre. Malgré la distance, bergère et pasteur peuvent ainsi correspondre et, à la faveur des couplets alternativement lancés, échanger d'amoureux propos, révéler un sentiment ou en entretenir le zèle. Toute poésie populaire, qu'elle soit tendre ou dramatique, rentre dans le répertoire des pasteurs pourvu que la mélodie convienne au grand air par son caractère large, contemplatif, pastoral. Celles-là ont été réparties dans les différents chapitres qui précèdent et dans les suivants. Mais les véritables chansons de bergers — cantes aulhères — sont les pastourelles, ainsi nommées parce qu'elles mettent en scène des bergers et narrent leurs aventures ou leurs amours. On retrouve des traces de ces pastourelles jusque dans les origines mêmes de la lyrique française. Les nombreuses versions qui s'en transmettent encore, appartiennent pour la plupart au cycle de L'Occasion manquée. Elles affectionnent le style dialogué et le principal rôle y revient à la bergère, non au pasteur. Soit qu'elle attende le retour de l'absent ou se réserve intentionnellement, ou par révolte instinctive et pour son honneur garder, la rusée pastoure se délivre aisément, grâce à sa délurée gaillardise, du séducteur bien né qui la poursuit et la tente, cavalier, seigneur, gentilhomme, désireux de trouver joie de chambrée en pâturage ». Le récit de ces rencontres piquantes forme le thème préféré des pastourelles. Sachant fort bien résister aux éhontées propositions et se débarrasser des soupirants occasionnels, la bergère de la chanson pyrénéene reste habituellement fidèle au berger qu'elle aime. Morale est la leçon du peuple — dans les pastourelles méridionales tout au moins. Les plus typiques d'entre celles qu'on va lire, je les ai recueillies en Gascogne, terre dont la rêverie ardente et l'ardeur nerveuse s'équilibrent si harmonieusement. Déjà Montaigne avait senti que la poésie purement naturelle a des naïfvetés et grâces par où elle se compare à la principale beauté de la poésie parfaicte selon l'art comme il se veoid es villanelles de Gascoigne ». Certains érudits en chambre, abusés par le fait que les anciennes pastourelles gasconnes n'avaient pas été jusqu'à ce jour et en totalité colligées, ont imprudemment nié leur existence. Ils ont, par contre, accordé une importance disproportionnée aux savantes productions du béarnais Gyprien d'Espourrins, le gentilhomme — poète du XVIIIme Isiècle. En réalité, les deux douzaines de poésies qui sont attribuées au chansonnier d'Espourrins ne détiennent qu'une place infime dans le terroir pyrénéen, à côté et en marge des innombrables leçons populaires sa mémoire vit toujours chez les montagnards des vallées d'Aspe, d'Ossau et du Lavedan; mais sa réputation a été exagérée et faussée par des lettres mal renseignés — ainsi que le prouvera l'Appendice de cet ouvrage. 78 SOCIÉTÉ D'HISTOIRE ET D'ARCHÉOLOGIE DU GERS. Dans le présent chapitre n'ont été admises que les traditionnelles chansons anonymes des bergers pyrénéens. Aux cris — hilhels, boilères, succéderont les chants spéciaux pour la rentrée des troupeaux et la transhumance ; après quoi prendront place les pastourelles proprement dites. Les cris ont jailli dès les origines et ils nous viennent du fond des âges. L'ancienneté des chansons remonte pour le moins, sous leur forme primitive, aux trois derniers siècles médiévaux. Chevauchant à ras des beaux pâturages, le long des eaux claires — bels herbaas, au long de l aiga clara, décrits par Arnaud de Salette dans sa traduction des Psaumes en béarnais, le chroniqueur français Froissart dut les audir », ces pastourelles, presque pareilles vers la fin du quatorzième siècle à ce qu'elles sont de nos jours, tandis que le regardaient passer En un biau pré verd et plaisant, Mainet brégier et mainete brégière, ascendants do ceux qui, à leur tour, m'ont transmis la tradition héréditaire. Cri de Pâtres LOU HILHET LE CRI Hou ! Hi hi hi hi hi hi hi hi !... En réduisant ou augmentant à volonté le nombre des hi ! mais en prolongeant le dernier à bout de souffle. [Béarn, Bigorre, Comminges, Couserans, Foix, Andorre, Catalogne, Cerdagne, Roussillon et Pays Basque] PREMIER TRIMESTRE 1930. Le principal cri des Pyrénéens se dénomme hilhet, renhilhet ou arrenhilhet, au centre de la chaîne, anhilla et irrintsina aux deux extrémités catalane et basque. C'est dire qu'il s'entend dans toute la montagne. Les montagnards en usent pour se hêler, se prévenir, et aussi dans maintes circonstances traditionnelles danses, noces, retours de veillées — il sert alors à exprimer leur joie. Certains pasteurs lancent également le hilhet après chaque couplet d'une chanson. En outre, la pittoresque expression de lou critch dou culhè, — le cri de la cuillère, désigne pour les Couseranais entre autres, le hilhet qui sonne l'heure du repas. Les hilhaires fameux étaient réputés naguère; on parlait d'eux, sous le chaume et l'ardoise, tout comme les Grecs de l'Hellade exaltaient autrefois l'athlète vainqueur. Le hilhet consiste en une bruyante explosion aiguë qui retombe en cascades frémissantes. Son caractère singulier lui vient surtout du petit tremblotement que le gosier prolonge avec insistance sur la syllabe hi, aussitôt après l'explosante clameur initiale. Ce n'est ni un trémolo, ni la répétition d'une même note. Mais cela participe des deux à la fois. Et le nom du cri dérive de cette sorte de fougueux hennissement — anilhar, hennir — qu'on dirait poussé par quelque cavale sauvage. Un tel mode de huchement varie, d'ailleurs, suivant les régions et selon les individus. Les uns le font ici rapidement claquer en cinglant coup de fouet; là, d'autres en déroulent plus capricieusement la lanière chromatique. Le chromatique descendant de ces glissades n'a rien d'arbitrairement fixe il ne part pas forcement du même son, et il s'arrête souvent en chemin au gré de la fantaisie ou du souffle de chacun. Le hïlhet doit toujours être jeté à pleine gorge, d'une voix de tête effilée, aiguisée, stridente, glapissante. Lorsq u'il jaillit à souhait, ses sons parviennent à une très grande distance. L'effet, longuement répercuté et perçu au loin, atteint à une sauvagerie impressionnante. Entendu dans les hautes solitudes, et la nuit plus particulièrement, il surprend par son étrangeté angoissante, sinon terrifiante. Des écrivains, Pierre Loti, Xavier de Cardaillac, ont été troublés, par lui ; analysant leurs sensations, ils l'ont minutieusement décrit. Plus difficile à traduire musicalement, le hilhet peut être ramené aux types des formules que j'ai notées elles reproduisent les traits essentiels des diverses variantes du cri; leurs lignes flexibles en retiennent captive la fuyante imprécision. Les trois premières notations sont représentatives du hlhet proprement dit; la quatrième se rapporte plutôt à l'irrintzina. Il convient enfin de spécifier que cette manière de hucher n'appartient pas exclusivement aux Pyrénées. Elle se pratique encore dans la languedocienne Montagne Noire et en d'autres lieux. Tout porte à croire que son emploi, naturel et commun à nombre d'anciennes peuplades,, voire de races, s'étendait jadis bien davantage. Car le hilhet et les cris ses pareils plongent jusqu'aux plus obscures origines de l'humanité. L'âme farouche de nos premiers ancêtres se perpétue en eux. BOILERE Ouitto, oère, oère ! Quin t'en ba, iouèro ? Oèro, ouitto, oère ! » — Ouitto, oère, oère ! Ja m'en bau bien; e tu, iouèro ? Oèro, ouitto, oère ! [Comminges] 80 SOCIÉTÉ D'HISTOIRE ET D'ARCHÉOLOGIE DU GERS. Par boilère ou bailère l'on désigne, d'une façon générale, tous cris ou chants de pasteurs, et plus particulièrement, les petits couplets au moyen desquels ils s'interpellent, se jettent et se renvoient de montagne à montagne les demandes et les réponses, en un dialogue le plus souvent improvisé. Par là le boilère diffère des pastourelles traditionnelles, et aussi parce qu'il se cantonne dans une forme de conversation personnelle et familière. L'air, quand il n'est pas emprunté à quelque chanson, revêt un caractère de psalmodie criée à pleine voix, plutôt que de chant véritable. Autre version Toque, baquère, se bos touca La fresque arrousade qu'en-s ba gaha, Lou loung dou camin qu'en-s ttrapa; La baque leitère s'en ba tourna. Adiu, baquère, dinqu'au matin. Dempus lou matin dinqu'ou tantos, T'attenderèi au cap dou bos; Dou cap dou bos a la carrère Que canteram Paubère-lère. [Gascogne] Trad. — Touche, vachère, si tu veux toucher tes vaches — La fraîche rosée va nous surprendre, — Le long du chemin elle va nous attraper; — La vache laitière va s'en revenir. *** Adieu, vachère, jusqu'au jusqu'à demain matin. *** Depuis le matin jusqu'au tantôt. — Je t'attendrai à l'orée du bois; — De l'orée du bois au chemin — Nous chanterons l'aubèi c-lère. Comme boilère, l'aubère-lère de aube, lever du jour est une formule assez insignifiante, répétée à la façon d'une traînante mélopée, par les vachers gascons partant aux champs ou ramenant leurs bêtes dans le soir. Elle s'agrémente parfois de strophes ayant trait à leur travail journalier — c'est le cas de celle-là. Pour s'appeler Ho...o...ou !... OhQu !... Ho ! Hè ! Ho ! Houp !... Hou ! Hi ! Hi ! Hi !... C'est le hilhet noté plus haut. Anem, anem, bitassa, las ovellas al corral !.. Trad. — Allons, allons, vivement, les brebis au bercail ! Pour appeler les moutons Bêêê !.. Brou ! Brou !... Berou ! Berou !... Rrrou ! bene, praubète ! ou bene, petite !... Trad. — Rrrou ! Vien, pauvrette ! ou viens, petite ! Hèp-ch !... Prutchè !... Diu-bibant ! Hou !... Trad. — Dieu-Vivant ! juron béarnais et gascon Ho !... PREMIER TRIMESTRE 1930. 81 Le berou, beroun, berounet, est — en Languedoc —robin-mouton ou favori; le bèri est le bélier, mâle de la brebis. Pour appeler les vaches , Hâââ !... Bèro ! Beroio !.. Trad. — Belle !.. Mais ce qualificatif s'adresse également aux brebis et, de plus, aux oies, comme on le verra par les crieries du chapitre suivant. Les cris de bouviers font aussi partie de ce sixième chapitre. Pour ramener les bêtes Ahûto !... Arraudèro !... Esquiîu !.... Ces trois cris visent à faire revenir vers le troupeau les bêtes qui s'en sont écartées, et à les éloigner ainsi des endroits dangereux. La notation musicale du dernier se trouve intercalée dans la chanson du Rauelhet, placée ci-après. Au chien Tè ! Pâ ! Tè !... Tè ! Pâ ! Tè !.,. Trad. — Tiens ! Du pain ! Tiens T.. L'appel se borne parfois, au premier monosyllabe. Tiré !... Trad. — Retire-toi ! En arrière !.. A tu, Pigou !... Trad. — A toi, Pigou L. Hourre ! Hourre ! Labrit !.. Trad. — Pille ! Pille ! Labrit !.. Ces deux appels ont pour but d'exciter l'ardeur combative du gardien jappant et de le lancer contre l'agresseur, homme ou fauve. Ga -be la ca-un! Dau! Gahe la came ! Dau !... Trad. — Attrape la patte ! Donne !.. Rrrou, titou, béne, hop ! Ham-ham à la camoto !.. Trad. — Rrrou, petiote, viens, hop ! — Ham-ham mords-la à la patte !... Biro-lou !... ou la Trad. — Vire-le !... Tourne-la ! Détourne-la ! A la camo !... Trad. — A la patte !... At pè !.. . Trad. — Au pied !.. Pico-la !... ou pico-lou Trad. — Pique-la !.. ou pique-le. Pessigo-lo !.. . Trad. — Pince-le !... Toco-lo !... Trad. — Touche-le !... Dèicho-lou ! Trad. — Laisse-le !... Passo delà !.. Trad. — Passe delà !.. Passo darrè !... Trad. — Passe derrière !.. Pujo naut !... Trad. — Monte haut !... Au-dessus le la bête pour la forcer à descendre. 6 82 SOCIÉTÉ D'HISTOIRE ET D'ARCHÉOLOGIE DU GERS. Hè-lou béngue !.. Trad. — Fais-le venir !.. Hè-lou déuara !.. Trad. — Fais-le descendre !.. Aux noms de chiens mentionnés dans la notice du présent chapitre, il faut ajouter, pour les chiennes, Balento — Vaillante, Soumiso — Obéissante. Le nom de Bergcro est habituellement donné de préférence à la chienne chargée de garder les vaches ; celui de Pastouro, à celle qui a la garde des moutons. Dictons Un boun pastou porto la capo Quau tems que fasco. Trad. — Un bon pasteur porte la cape — Quelque temps qu'il fasse. Lou boun pastre fa lou boun avê. Trad. — Le bon berger fait le bon troupeau. Tout ço qui ei à la court, Ei deu màrrou. Trad. — Tout ce qui est et naît au bercail, — Est du bélier. Uelho que badalho Perd sa boucado. Trad. — Brebis qui bâille — Perd sa bouchée. Fedo trop coumptado, Lou loup l'a manjado. Trad. — Brebis trop souvent comptée, — Le loup l'a mangée. Voyez, en outre, plusieurs proverbes répartis dans le courant de la notice. Chants de transhumance ou de travail L'AULHADO LE TROUPEAU DE MOUTONS — Quin t'en ba l'aulhado, aulhè, Quin t'en ba l'aulhado ? — Bèt que-m ba l'aulhado, aulhè, Bèt que-m ba l'aulhado. PREMIER TRIMESTRE 1930. 83 — Quin t'en ba l'aulhado, aulhè, Quin t'en ba l'aulhado ? — Lous moutous arrequincats, L'aulho escarrabillado. Quin t'en ba l'aulhado, aulhè, Quin t'en ba l'aulhado ? — Mau que-m ba l'aulhado, aulhè, ' Mau que-m ba l'aulhado. — Quin t'en ba l'aulhado, aulhè, Quin t'en ba l'aulhado ? — Lous moutous soun embrumats, Las aulhos entecados. — Quin t'en ba l'aulhado, aulhè, Quin t'en ba l'aulhado ? - Plâ que-m ba l'aulhado, aug'an, L'an qui bié, dilhèu pas tant. [Gascogne] Var. — I. Coumo ba... Coum t'i ba... — 3. L'aulhado en ba pas ta plan. — 4. Coub l'anado passado. — 7. ... deebrats, — 8. Las aulhos arrousados. — II. L'aulhado en ba mieulhe angan. — 12. Que l'anado passado. — Lous agnets qu'en soun hort bèts. — 16. Las aulhos fort galhardos. » Trad. — Comment va le troupeau, berger, — Comment va le troupeau ? — Mal va le troupeau, berger, — Mal va le troupeau. /* — Comment va le troupeau, berger, — Comment va le troupeau ? — Les moutons sont mal en point, — Les bebis malades. /* Comment va le troupeau, berger, — Comment va le troupeau ? — Bien va le troupeau, berger, — Bien va le troupeau. ** — Comment va le troupeau, berger, — Comment va le troupeau ? — Les moutons sont regaillardis, — La brebis éveillée. *** — Comment va le troupeau, berger, — Comment va le troupeau ? — Bien va le troupeau, cette année, — L'an qui vient peut-être n'ira-t-il pas aussi bien. » Le troupeau ne va pas aussi bien — Que l'année passée. ** Les brebis ont été touchées par la rosée *** Le troupeau va mieux cette année — Que l'année passée. *** Les agneaux sont fort beaux, —- Les brebis très gaillardes. » Autre version -Plâ que-m ba l'au - lhade, au-gan, - L'an qui bié di -Iheu pas tan.» Quin t'en ba l'aulhade, aulhè, Quin t'en ba l'aulhade ? — Plâ que-m ba l'aulhade, aug'an, L'an qui bié, dilhèu pas tant » Qu'an passât capsus Bagés, La terre desirade. Lou mati soun à l'oumprè, Lou brèspe à la soulane. — Labets, que hèts, bous, aulhè ? — Droumi dens la cabane. Pensam à ha lou miussat, Lèu après la lhebade. 84 SOCIÉTÉ D'HISTOIRE ET D'ARCHÉOLOGIE DU GERS. Puch, quoand èm arregoulats, Batèm la calhade. De ço qui èm drin fatigats, Drin loegn qu'ei l'aiguete. Mes certes, nou èm trop talats, Soubén bebém leitote. Ço qui-ns da plâ de chégri, Las crabes mancaben. Tapoc, n'auram, au mati, Leit qui desiraben. En passan à l'arrè-plâ, S'y soun esbarjades. Lous carbouès de Labedà, Las y an espleitades. — Quin t'en ba l'aulhade, aulhè, Quin t'en ba l'aulhade ? — Plâ que-m ba l'aulhade, aug'an, L'an qui bié, dilèu pas tant. » [Vallée d'Ossau, Béarn, Bigorre] Trad. — Comment va ton troupeau, berger, — Comment va ton troupeau ? — Il va bien mon troupeau, cette année, — L'an qui vient peut-être pas autant. » *** Ils ont passé par-dessus le Bager, — La terre désirée. *** Le matin ils sont à l'ombre. — Le soir à l'abri. ^ — Que faites-vous, berger ? — Je dors dans ma cabane. *** Nous pensons à faire le déjeûner — Dès que nous sommes levés. *** Puis, quand nous sommes satisfaits, — Nous battons le caillé. *** Ce qui nous fatigue un peu — C'est que l'eau est un peu loin.. *** Mais, certes, nous ne sommes pas malheureux, — Nous buvons souvent du lait. ** Ce qui nous donne du souci, — C'est que nos chèvres manquent. *** Aussi, n'aurons-nous pas, demain matin, — Le lait que nous désirons. *** En passant par l'arrière-plateau, — Elles se sont effrayées. *** Les charbonniers de Lavedan — En ont profité. Les ont prises et exploitées *** — Comment va ton troupeau, berger, — Comment va ton troupeau ? — Il va bien mon troupeau, cette année, — L'an qui vient, peut-être pas autant. » C'est sous la forme du rondeau que ce chant est surtout populaire en Gascogne. Voyez la note qui accompagne la mélodie instrumentale, propre à la danse, classée pour cette raison dans le deuxième chapitre, tome 1er, p. 169. Mais l'esprit béarnais ne s'est pas tenu pour satisfait du sens de la version gasconne, réduite à une énumération arbitraire et de caractère général. Parti du même point, il a donné au dialogue un tour intime, à la fois précis et plus local, en insistant sur certaines particularité de la vie des pasteurs ossalois et lavedanais. De là, une émanation de terroir autrement forte. Son timbre offre une évidente parenté avec la batterie d'ordonnance L'Appei », réglementaire sous le règne de Louis XV. J'ai découvert cette analogie par hasard, en compulsant pour une tout autre fin l'ouvrage de Georges Kastner Manuel général de musique militaire à l'usage des Armées Françaises Paris, Firmin Didot, 1848, lequel contient la notation musicale de la sonnerie réglementaire. Celle-ci, il est vrai, repose sur des temps ternaires — mesure à six-quatre; tandis que binaires sont les temps du rondeau gascon — mesure à deux-quatre. Mais c'est là une différence d'ordre rythmique qui ne modifie point la ligne mélodique, identique dans les deux cas. L'origine du chant populaire ne semble pas douteuse rapporté de la caserne par quelque soldat gascon du Bien-Aimé, l'air fut adapté à la danse méridionale; il conquit rapidement la province entière et y est resté, de nos jours encore, extrêmement en faveur. A suivre. PREMIER TRIMESTRE 1930. LUDOVIC MAZÉRET 1859-1929 PAR M. L'ABBÉ S. DAUGÉ C'est avec une grande surprise et une pénible émotion que nous avons appris, à Noël seulement, le décès de notre excellent et laborieux confrère, M. Ludovic Mazéret, survenu à Bordeaux le 19 décembre, à la suite d'une opération chirurgicale. Pour ne pas frapper sa vieillemère, qui porte ses go ans, demeurée à Condom et lisant quotidiennement la chronique locale de la première à la dernière ligne, les correspondants publicistes avaient été délicatement priés de ne pas signaler cette mort à leurs lecteurs. Notre Bulletin, organe de la Société Archéologique du Gers, dont M. Mazéret fut membre dès la première heure et propagateur zélé, se doit de témoigner ses regrets de la disparition de ce collaborateur infatigable et fidèle et de saluer resepctueusement sa mémoire. I Ludovic Mazéret était né à Marsolan en 1859. Son inclination pour l'étude se manifesta de bonne heure et dès son enfance. Il fut poussé vers les sciences naturelles par son contact avec le savant abbé Goussard, un prêtre libre, qui était allé à Tressens, annexe de Marsolan, et auquel Ludovic Mazéret enfant servait la messe. Cet ecclésiastique, collaborateur occasionnel de la Revue de Gascogne, était condomois. Avec quelque, membre de sa famille, il fut à la tête, à Condom, d'une société artistique qui créa une fabrique de vitraux peints. Elle a fourni des verrières à la cathédrale de cette ville, à Caussens, et à d'autres églises. Il quitta la France vers 1875 avec son frère. Ils s'établirent ensemble à Santo Domingo, capitale 86 SOCIÉTÉ D'HISTOIRE ET D'ARCHÉOLOGIE DU GERS. de la République Dominicaine, aux Antilles. C'est là que l'abbé Goussard mourut, en 1883 ou 1884. L'abbé Goussard n'avait-il pas donné quelques principes de langue latine au petit Ludovic ? Peut-être, car M. Mazéret nous a toujours affirmé avoir un peu étudié cette langue. Mais cette étude ne dut pas être poussée très loin ; car Mazéret entra bientôt à l'Ecole Normale d'Auch pour devenir instituteur public. Pendant son séjour à l'Ecole Normale, il fit connaissance de M. l'abbé Dupuy, savant naturaliste, professeur au PetitSéminaire d'Auch, qui a laissé de précieuses études sur la flore de notre pays et qui a été longtemps célèbre par ses originalités. L'abbé Dupuy était lectourois par sa naissance. Il s'atta-. cha au jeune élève de l'Ecole Normale, qui portait tant d'ardeur à l'étude de la botanique, de la minéralogie et de l'entomologie, sciences dans lesquelles il s'était lui-même spécialisé. Ensemble, pendant des vacances, ils explorèrent les rives de l'Auchie, et furent assez heureux, en grattant le sol, d'en extraire quelques témoins qui certifient, qu'aux temps préhistoriques, une faune, aujourd'hui disparue, y vivait. II Il ne nous appartient pas de suivre Ludovic Mazéret pendant sa carrière dans l'enseignement. Elle s'écoula toute dans le Gers ; mais elle nous semble s'être exercée sur bien des points du département. C'est peut-être heureux, car nos études locales n'y ont rien perdu. Il consacrait ses vacances, ses jours de congé, les heures de loisir que lui laissaient ses occupations professionnelles à chercher, à vérifier, dans notre région, l'application des données qu'il avait des sciences de la botanique, de l'entomologie, de la géologie, de la préhistoire, des échantillons qui retenaient l'attention de son esprit chercheur. Et il éprouvait une grande satisfaction à les publier. PREMIER TRIMESTRE 1930. 87 Quand il prit sa retraite, c'est à Condom, patrie de Madame Mazéret, qu'il vint se fixer. Il fut nommé archiviste et bibliothécaire de la ville à la place de Joseph Gardère, décédé peu auparavant. On fit souvent appel à son dévouement pour beaucoup d'oeuvres ou d'institutions condomoises, et ce ne fut pas en vain. Il fut même, un moment, membre du Conseil Municipal; mais cela ne dura pas. Son caractère et son tempérament n'étaient pas faits pour la lutte et les mêlées des partis. Foncièrement honnête et droit, quoique bon et conciliant à l'excès, il était demeuré très indépendant, et nous croyons qu'aucun parti ni personne n'aurait pu le domestiquer. Par dessus tout, il aimait les siens. III Quand on allait le voir dans son cabinet de travail, car à Condom il travailla comme pendant toute sa vie et plus encore, on se trouvait dans un vrai musée. Une partie était remplie par des livres et des papiers précieux, ses meilleurs amis; mais la plus grande place était tenue par ses boîtes d'insectes qu'il avait commencé à garnir au temps de ses rapports avec l'abbé Dupuy; et il les avait complétées par sa collaboration et ses échanges avec l'abbé Delherm de Larsenne, un autre savant et respectable ecclésiastique, mort curé-doyen de Gimont, avec lequel il a entretenu une correspondance assidue, à une époque de sa vie. On y voyait encore toutes sortes d'outils et d'armes en silex et des pointes de flèches en quantité considérable, des ossements et des poteries des temps préhistoriques, des poids de tisserands, une ample collection de clés anciennes, beaucoup d'autres choses enfin qui font la joie des collectionneurs, des antiquaires, des amis des sciences qui le passionnèrent jusqu'à la fin. Nous avions fait sa connaissance avant sa venue à Condom ; mais à partir de ce moment, nos relations furent plus suivies. 88 SOCIÉTÉ D'HISTOIRE ET D'ARCHÉOLOGIE DU GERS. Que de fois il nous a introduit dans son cabinet de travail pour nous donner, avec une amabilité et une obligeance jamais lassées, le document dont nous avions besoin pour nos travaux personnels ! Notre conversation se prolongeait souvent des heures entières. C'est en rappelant ces souvenirs qui nous sont si chers que nous pouvons aujourd'hui écrire cette notice pour honorer sa mémoire. IV Toute l'oeuvre de Mazéret n'est pas dans ce qu'il a publié. Il laisse de nombreux cahiers de notes 60 à 80, fruit de ses glanages dans les mairies, les minutes notariales des villes et des villages où s'est écoulée sa vie laborieuse, ou dans celles des cités voisines plus importantes. On sait combien sont précieux les renseignements qu'on trouve dans ces vieux registres pour l'histoire seigneuriale, religieuse, civile, artistique, monumentale et archéologique de nos petites cités. Ces renseignements aident à la grande histoire provinciale ou nationale et font connaître les progrès économiques du pays. L. Mazéret lui-même nous en a donné la preuve dans ses articles par exemple dans les Guerres civiles deMonfort au seizième siècle en cours de publication dans notre Bulletin; dans les Artistes de passage à Gondrin; dans les notes et documents sur la famille de Broqueville, etc... Il faut remarquer cependant qu'il vint relativement tard à notre histoire et à notre archéologie locales, ou au moins c'est tard qu'il publia quelque chose du fruit de ses recherches; et M. Brégail nous a affirmé avoir poussé Mazéret à publier à l'époque où il était instituteur de Monfort. Jamais d'ailleurs, Mazéret ne s'éloigna de ses inclination premières pour les questions d'entomologie, de géologie, de préhistoire. Jusqu'à son dernier jour, il poursuivit ses observations, ses investigations, ses rapports et sa correspondance avec leurs spécialistes. Ce PREMIER TRIMESTRE 1930. 89 serait un grand dommage si ses papiers venaient à se perdre où devenaient inutilisables. V La liste complète, de ses études ou articles serait difficile à établir. Son ami, M. Fernand Larnaude, dans une petite notice nécrologique qu'il lui consacre et qu'il a fait paraître dans la Gazette Condomoise 25e année, n° 52, 28 décembre 1929, dit qu'il a collaboré à 12 revues, et que le nombre de ses articles atteint presque le nombre de 300. Nous avouons ne pas connaître toutes ces revues et tous ces, articles et nous regrettons de ne pouvoir les signaler ici. Mais nous savons qu'il en a donné dans des revues spéciales à l'entomologie, à la préhistoire, à l'archéologie et à l'histoire locales, et aussi dans les journaux, en particulier dans la Gazette Condomoise. Voici les publications que nous connaissons à ce jour Bulletin de la Société Archéologique du Gers, entre 1901 et 1930, 35 articles dont on peut lire la nomenclature aux tables de cette publication parues aux années 1909, page 123 et 1926, p. 197. A ces études, il convient d'ajouter celle sur Monfort en cours de publication. Bulletin de la Société préhistorique de France qui publia deux études de Mazéret, en 1906, 1907 et 1908., Bulletin de la Société des traditions populaires de 1914, où il publia Traditions locales et légendes de valeur trsè inégale qui ont été rééditées dans la Gazette Condomoise entre le Ier mars 1924 et août 1925. Etudes sur la Révolution Française à Condom, dans la Gazette Condomoise entre 1920 et 1924. Lauraët; monographie de cette commune pendant la Révolution Française, parue avant la guerre dans la Gazette Condomoise, et en tirage à part, chez Bousquet, Imprimerie Nouvelle, Condom. 90 SOCIÉTÉ D'HISTOIRE ET D'ARCHÉOLOGIE DU GERS. LE Bulletin du Comice agricole de Condom et de l'Armagnac a publié de Mazéret une étude sur le Commerce en Gascogne à travers les âges. Les Chroniques de l'Eglise de Condom, fort vol. in-8° de 493 pages, illustré. Condom, Imprimerie Nouvelle Adolphe Bousquet, 1927. Outre ces publications, nous savons qu'il y en a d'autres de L. Mazéret, notamment sur des questions d'entomologie, qui ont paru dans des revues spéciales ; mais nous ne les connaissons pas. Les lecteurs de notre Bulletin s'intéressent d'ailleurs préférablement à celles qui ont l'histoire et l'archéologie gasconnes pour objet. Et sur ce point, nous croyons avoir été assez informé. Son étude sur Le Commerce en Gascogne à travers les âges a été composée postérieurement aux Chroniques de l'église de Condom; mais elle a dû paraître dans le même temps que ces hroniques elles-mêmes. VI Ce dernier ouvrage, la plus importante des publications de Mazéret par le sujet et les dimensions, a été sévèrement jugé. Notre amitié et le respect que nous gardons à la mémoire de l'auteur ne peuvent pas nous faire dire que ce soit sans raison. C'est regrettable, mais c'est un ouvrage qui n'est pas à point. On dirait que l'auteur a eu l'inconcevable parti pris de ne tenir compte d'aucune publication récente ou moderne sur la question celles de Gardère, de M. l'abbé Clergeac et quelques autres. Il y aurait trouvé beaucoup d'éclaircissements qui lui auraient fait éviter un certain nombre d'erreurs ; et ils ont du poids ces ouvrages, puisque les plus considérabes s'appuient sur des documents de la Bibliothèque du Vatican. Les historiens de l'avenir ne lui pardonneront pas d'avoir imaginé et créé, de toutes pièces, un peuple des Condomii. A l'époque pré-romaine, romaine et gallo-romaine, le sol de la ville actuelle PREMIER TRIMESTRE 1930. 91 de Condom, au confluent de la Baïse et de la Gelle, n'était qu'une forêt ou un marécage. On n'y a jamais trouvé le moindre vestige de la civilisation de ces temps-là. Les premiers établissements ne paraissent pas y être venus avant le VIIe ou le VIII" siècles. Les traces de la vie humaine antérieures ne se constatent qu'à une, deux ou deux lieues et demie de distance de la ville. C'est un manque persistant d'esprit critique qui lui fait consacrer des pages, hélas ! nombreuses, aux termes étymologiques des noms de lieu, aux voies gallo-romaines affluant vers Condom qui n'existait pas. Souvent d'ailleurs, en l'entendant, on aurait pu croire qu'il possédait à fond et qu'il parlait couramment la langue ceitique. C'était une manie. Manie encore le mélange, dans une étude archéologique ou historique, de l'appoint préhistorique, géologique ou paléontologique qui, plus d'une fois, déconcerta Philippe Lauzun, Adrien Lavergne, Alphonse Branet et M. René Pagel, chargés de la direction et de la rédaction de notre Bulletin. Telle étude sur Tressens n'at'elle pas été retirée de la publication, même après une composition typographique coûteuse, pour une raison semblable ? Manie encore, mais celle-ci plus bénigne, que le mélange, dans un texte, de citations multipliées à l'infini, de lambeaux de phrases du document original. Ne vaut-il pas mieux, lorsque le document mérite d'être regardé de si près, d'en montrer la valeur dans une étude sérieuse, courte ou approfondie, et de livrer le document lui-même in extenso ? Des documents, des documents locaux qu'il a été seul en état de connaître et de faire connaître, Mazéret en a cherché et en a trouvé en grand nombre. Soit qu'il les signale, soit qu'il les analyse, soit qu'il les publie, on peut s'en rapporter à sa probité. Il n'en a pas signalé de nouveaux qui soient antérieurs à la fin du XVe siècle. Mais il a eu cependant le mérite de s'initier lui-même, avec patience, à la paléographie, et d'arriver, pour les XVIe et XVIIe siècles, à d'excellents résultats. En cela encore, il a montré dequel travail profond et opiniâtre il était capable. Il ne s'est jamais épargné à la peine. Sa robuste constitution lui a 92 SOCIÉTÉ D'HISTOIRE ET D'ARCHÉOLOGIE DU GERS. permis de travailler longtemps, comme dans la période de sa jeunesse. Toutefois, ce n'est pas impunément qu'on prolonge ses travaux jusqu'à une heure avancée. Les longues veilles consacrées à la préparation des Chroniques de l'église de Condom et au Commerce gascon à travers les âges, dans la dernière partie de sa vie, éprouvèrent cruellement sa santé et doivent compter pour beaucoup dans les progrès rapides du mal qui l'a emporté. Il laisse aux travailleurs isolés et dépourvus de moyens pouvant faciliter leur tâche, un exemple remarquable de l'ardeur et de la persévérance à une besogne dure et modeste, mais indispensable pour le développement des sciences historiques et archéologiques de notre glorieuse province. PREMIER TRIMESTRE 1930. 93 CHRONIQUE. SÉANCE DU 6 FEVRIER 1930. PRESIDENCE DE M. DE SAEDAC, PRESIDENT. Sont présents MM. Aubas, abbé Bourgeat, Brégail, Castaignon, abbé Daugé, Hugon, Lacomme, Lahille, Monlaur, Nassans, Richon, Saint-Martin et de Sard'ac. M. le Docteur BRANET d'Auch, présenté par MM. l'abbé Daugé et de Sardac, est admis à faire partie de la Société Archéologique du Gers. Il est procédé à l'élection du Bureau. A l'unanimité, l'Assemblée renouvelle leurs pouvoirs aux membres sortants. M. Lahille, trésorier, expose ensuite la situation financière de l'exercice 1929, résumée dans le tableau ci-dessous RECETTES Restant en Caisse au 31 décembre 1928 Dépôt an compte-courant, au 31 décembre 1928 150,35 Cotisations \ arriérées de 1928, 60 francs — de 1929, Vente d'ouvreges 786,20 Subvention du Conseil Général Don de M. Branet, ancien conseiller d'Etat 100,00 Arrérages de rentes 200,00 Total •.. DEPENSES Impression du Bulletin Frais d'envoi du — 159,10 Frais de recouvrement et de correspondance 292,80 Frais divers chauffage, éclairage, balayage assurance.. 209,60 Reliure du Bulletin 14,00 Abonnement au Bulletin de l'Union du Sud-Ouest 30,40 Subvention pour l'érection de la Statue d'Artagnan 500,00 Total des Dépenses Excédent des recettes — = 94 SOCIÉTÉ D'HISTOIRE ET D'ARCHÉOLOGIE DU GERS. AVOIR AU 1Er JANVIER 1930 3 Obligations et 4 bons du Crédit national Fonds de la Caisse d'Epargne 76,47 Dépôt aux Chèques postaux 292,85 En Caisse Total de? fonds libres Avoir total L'excédent des Recettes sur les Dépenses est relativement important, ajoute M. Lahille, mais il faut prévoir un surcroît de dépenses. Le relèvement incessant du salaire des ouvriers les majorations successives du prix du papier, les frais généraux, tous les jours plus élevés, obligent notre imprimeur à augmenter le prix de la feuille du Bulletin. Si le prix de l'abonnement était porté de 12 à 15 fnancs, on pourrait ajouter quelques pages au bulletin et le rendre plus intéressant par de nombreuses gravures. L'assemblée accepte le nouveau prix de la cotisation qui sera encore inférieur à celui des revues similaires. Sur la proposition de M. l'abbé Bourgeat, il est décidé que le Bulletin publiera désormais, chaque année, un résumé de découvertes et des incidents archéologiques susceptibles d'intéresser nos lecteurs Quelques membres ont exprimé le désir de voir rétablir le banquet qui réunissait autrefois des collègues fort éloignés. L'assemblée consultée en vote le principe. M. le Président rappelle que le 63e Congrès des Sociétés Savantes s'ouvrira à Alger le 24 avril 1930. Il engage les membres de la Société à y assister nombreux et à demander à M. le Ministre, avant le 21 mars, une carte de Congressiste donnant droit à une réduction fin prix du voyage. M. BHÉOAIL lit la suite de son étude La Révolution dans le Gers. » Il traite de la période de la Législative. Il exposa successivement l'organisation intérieure, les mesures prises par le Directoire départemental pour favoriser les opérations commerciales, atténuer la crise financière et monétaire, nourrir la population pendant ces deux années de disette et mettre un terme aux souffrances des pauvres. L'organisation de la justice est à créer de toutes pièces il s'y applique de son mieux. Les irisons sont insuffisantes pour recevoir les nombreux accusés; les taudis où on les entasse sont si infects que les surveillants redoutent d'y entrer pour visiter les détenus. Les pouvoirs publics font de louables efforts pour remédier à ces maux; ils n'y parviennent que très imparfaitement. M. AUBAS, fait un tableau rapide des derniers jours de l'Empire dans le département du Gers. Il fait connaître les dispositions prises par l'Administration pour rassurer les populations affolées par l'ap- PREMIER TRIMESTRE 1930. 95 proche de l'ennemi et souligne le dévouement des Auscitains pour les malades et les blessés confiés à leurs soins. N Il décrit ensuite les enthousiastes réceptions faites à Auch à Son Altesse Royale le duc de Bourgogne et dont la troisième faillit être compromise par les violentes protestations des régiments de la garnison de la ville et d'une partie de la population contre la suppression du drapeau tricolore. Il est cinq heures, la suite de l'ordre du jour est renvoyée à la prochaine Séance. SEANCE DU 6 MARS 1930. PRESIDENCE DE M. DE SARDAC, PRESIDENT. Etant présents MM. Brégail, Castaignon, Chauvelet, Cocharaux, Lacomme, Lahille, Monlaur, Richon et de Sardac. M. Paul MASSIÉRA, Principal du Collège de Condom, présenté par MM. Gardère et Pellisson, est admis à faire partie de la Société archéologiquqe. M. le Président donne lecture d'une lettre de M. le Chanoine de Castelbajac qui propose à l'assemblée une excursion archéologique dans la région des Pyrénées-Orientales. L'itinéraire qu'il en trace paraît fort séduisant. L'assemblée l'accepte en principe, le soumettra à une étude attentive et prendra une décision dans une très prochaine séance. M. le Président donne ensuite connaissance d'une demande de M. Cocharaux, chargé de l'impression du Bulletin de la Société. Les prix consentis par lui, il y a trois ans, ne correspondent plus, dit-il, aux salaires actuels des ouvriers, aux nouveaux prix du papier et aux frais divers tous les jours plus onéreux. Il demande que le prix de la page du Bulletin, pour un tirage de 525 exemplaires, soit porté de 11 fr. 85 à 20 francs. L'augmentation paraît sérieuse et M. le Président consulte le Trésorier. Celui-ci réserve sa réponse. Il lui paraît nécessaire d'étudier de très près les conséquences financières des nouveaux prix demandés et propose de renvoyer à la prochaine séance la décision à prendre. Il en est ainsi décidé. L'Académie de Montauban va célébrer le I 01' Juin 1930 le 2me centenaire de sa fondation; elle serait heureuse que la Société Archéologique du Gers voulut bien se faire représenter par un de ses membres aux solennités organisées à cette date. 96 SOCIÉTÉ D'HISTOIRE ET D'ARCHÉOLOGIE DU GERS. M. BRÉGAIL, poursuivant l'intéressante lecture de son étude sur la Révolution dans le département du Gers, fait l'historique des tendances opposées des monarchistes et des révolutionnaires pendant la période de la Législature ainsi que des agissements de ces deux partis. Il montre le rôle important que joua, à ce moment, le premier organe politique de la presse dans le département du Gers, expose l'application des lois relatives à l'incinération des titres de noblesse, les conséquences de la journée du 10 Août 1792 dans notre département et les incidents provoqués par la mise en accusation du général La Fayette. L'ordre du jour étant épuisée, la séance est levée à 5 heures. Le Gérant COCHArAUX. SOCIETÉ D'HISTOIRE ET D'ARCHÉOLOGIE DU GERS La SOCIÉTÉ D'HISTOIRE ET D'ARCHÉOLOGIE DU GERS, fondée en 1891, reconnue par arrêté du 29 mai 1894, a pour but l'étude des monuments, de l'art et de l'histoire dans l'ancienne province de Gascogne et plus particulièrement dans les pays qui ont formé le département du Gers. Elle se propose de publier des ouvrages ou documents originaux relatifs à cette histoire. Les demandes d'admission sont adressées au PRÉSIDENT, et, après l'avis conforme du Bureau, elles sont présentées par lui à la séance ordinaire suivante. Le montant de la cotisation est fixé à la somme de DOUZE francs. Pour l'étranger, frais de poste en sus, soit 4 francs. Adresser tout ce qui regarde la rédaction et l' envoi du Bulletin, les réclamations relatives à l'omission ou au retard des livraisons à M. AUBAS, secrétaire-archiviste de la Société Archéologique, 8, rue Voltaire, à Auch. Tout ce qui regarde l'administration paiements, demandes d'anciennes livraisons, etc., doit être adressé à M. LAHILLE, trésorier, 1, place Puits-deMothe, Auch. Pour les tirages à part des communications, s'adresser à M. COCHARAUX, imprimeur, rue de Lorraine, Auch. Il sera rendu compte, sauf les convenances, de tout ouvrage dont il aura été envoyé un exemplaire. Chèques postaux C/C 4975 Les membres de la Société Archéologique ont tout intérêt et sont priés d'adresser le montant de leur cotisation au trésorier en se servant du chèque postal. Modèle d'adresse TOULOUSE O/C 4975. M. LAHILLE, Trésorier de la Société Archéologique du Gers, 1, place Puits-de-Mothe, d Auch. Le coût du mandat est de 0 fr. 25, quelle que soit la somme envoyée. Les bureaux de poste et facteurs-receveurs leur délivreront gratuitement les formules de mandats-cartes spéciales au service des chèques postaux. Il suffira d'y inscrire le montant de la somme envoyée avec le numéro et l'adresse ci-dessus. AUCH. — IMPRIMERIR COCHARAUX, RUE DE LORRAINE. BULLETIN DE LA SOCIETE D'HISTOIRE ET D'ARCHEOLOGIE DU GERS xxXIme ANNÉE. — 2me Trimestre 1930 AUCH IMPRIMERIE BREVETÉE F. COCHARAUX 18, RUE DE LOBBAINI, 18 1980 SOMMAIRE Pages Le Gers pendant la Révolution suite, par M. BRÉGAIL 97 A Vic-Fezensac La Vie privée au xviE Siècle, par M. Z. BAQUÉ 109 Prégent de Bidoux, par M. Ch. DESPAUX 121 Les Chansons Populaires des Pyrénées Françaises suite, par M. Jean PODEIGH 128 Notices des Prêtres et Religieux de Condom pendant la Révolution suite, par M. Joseph GARDÈRE 138 Fleurance Notes d'Histoire locale suite, par M. Noël CADÉOT 153 Les derniers jours de l'Empire, à Auch, par M. Au BAS 167 Chronique 175 DEUXIÈME TRIMESTRE 1930. 97 COMMUNICATIONS. LE GERS PENDANT LA RÉVOLUTION PAR M. BRÉGAIL. Suite La fuite du roi. — Accomplie le 20 juin 1791, la fuite du roi n'est connue dans le Gers que le 25. A la séance du directoire, tenue dans la matinée de ce jour, Lafargue, vice-président, informe ses collègues qu'un courrier extraordinaire arrivé à trois heures du matin lui a porté une lettre ministérielle annonçant l'enlèvement du roi et de la famille royale ; » à cette lettre sont joints les décrets de l'Assemblée nationale par lesquels elle s'empare du pouvoir exécutif provisoirement vacant. Après un moment de stupeur, le directoire, dont l'émotion est à son comble, décide de publier une proclamation aux habitants du Gers Voici, déclare-t-il, le moment qui doit décider si nous serons à jamais libres ou si l'anarchie nous donnera de nouvelles chaînes. Un coup terrible vient de frapper d'étonnement tous les esprits le roi et la famille royale ont été enlevés par des manoeuvres coupables. Rassurons-nous, citoyens, une grande nation ne peut jamais périr. Elle ne doit craindre que ses propres transports. C'est surtout dans les temps de troubles qu'un peuple qui veut être libre doit être sourd à toute autre voix qu'à celle de ses magistrats; il sait que la force ne peut se trouver que dans l'ordre et dans une parfaite soumission aux lois. Reposez-vous, citoyens, sur vos administrateurs; quels que soient les éve- 98 SOCIÉTÉ D'HISTOIRE ET D'ARCHÉOLOGIE DU GERS. nements, ils n'abandonneront pas le poste que vous leur avez confié et ils sauront mourir, s'il le faut, pour vous défendre » Cette proclamation est suivie d'un arrêté dont les dispositions essentielles sont les suivantes 1° Le conseil général du département sera convoqué d'urgence ; 2° Les municipalités veilleront au maintien de la tranquillité générale, arrêteront les perturbateurs, interdiront tout attroupement ; 3° Le " règlement de discipline » des bureaux de poste aux lettres du 20 février dernier sera remis en vigueur; 4° A la diligence des municipalités des corps de garde seront établis aux portes des relais, à l'effet de visiter les voyageurs et d'examiner leurs papiers; 5° Les citoyens sont invités à payer les impositions arrièrées dans le plus bref délai. Le lendemain, 26 juin, un courrier extraordinaire apporte au département, une lettre par laquelle le directoire de la Gironde annonce à celui du Gers, l'arrestation du roi a Varennes. Cette importante nouvelle est transmise de brigade en brigade au département des Landes et à celui des Hautes-Pyrénées. Le département de la Gironde, a lui-même appris l'événement par une lettre des citoyens Nérac et de Sèze, députés à l'Assemblée nationale et datée de Paris, le mercredi 22 juin à minuit. Le directoire de la Gironde invite celui du Gers à renouveler dans ces circonstances périlleuses le serment de maintenir la liberté et la constitution. » De plus, les deux administration départementales promettent de se communiquer réciproquement les mesures prises pour entretenir la paix et opérer le salut de la chose publique. » Après s'être livré aux transports de joie les plus vifs et les plus touchants » le directoire du Gers arrête que la nouvelle de l'arrestation du roi sera portée sur-le-champ et par affiches à la connaissance des habitants. Le lendemain, 27 juin, il convoque en session extraordinaire le conseil DEUXIÈME TRIMESTRE 1930. 99 général et décide d'envoyer une adresse aux gardes nationales du département. Ce même jour il reçoit une circulaire de Delessart ministre de l'intérieur confirmant l'arrestation du roi. La nouvelle de la fuite de Louis XVI avait répandu la consternation dans le département et en particulier parmi les membres du directoire qui eurent peur, semble-t-il, malgré la ferme et fière contenance qu'ils affectèrent. La nouvelle de l'arrestation du roi provoqua au contraire une très grande joie. Parce qu'on avait retrouvé le monarque on se crut sauvé, ce qui prouve combien on était profondément royaliste dans le Gers. L'évènement de Varennes n'y provoqua nulle agitation, nul mouvement antimonarchique; néanmoins la confiance dans le roi était ébranlée, l'esprit national s'éveillait. Action des députés du Gers au sein de l'assemblée constituante. — Pendant que les administrateurs du département sont aux prises avec des difficultés de toutes sortes et sans cesse renouvelées, quelle action exercent les députés du Gers au sein de l'assemblée constituante ? A vrai dire leur rôle est assez obscur. Un seul attire un moment l'attention de l'assemblée, c'est Blaise Sentetz qui prend une part très active à la discussion sur les nouvelles institutions judiciaires justices de paix, tribunaux de district et tribunaux criminels. Il se fait particulièrement remarquer en signalant l'omission dans le code pénal de tous les crimes contre la divinité. Il pose en principe que la croyance en Dieu est le premier frein des passions déréglées chez tous les peuples civilisés et que la religion révélée reste une des bases essentielles de la constitution française. Aussitôt des murmures de désapprobation s'élèvent dans l'assemblée. Ces murmures redoublent lorsqu'il demande la peine de mort contre l'athéisme et contre le sacrilège public. Des huées accueillent sa proposition. Oui, pour la première fois » interrompt ironiquement Prieur de la Marne. La majesté du sujet ne nous permet pas de trancher cette question » déclare 100 SOCIÉTÉ D'HISTOIRE ET D'ARCHÉOLOGIE DU GERS. Baumetz d'Arras, et, sur cette observation l'assemblée passe à l'ordre du jour. Adrien Pérez prend la parole avec Rewbell, le 12 novembre 1789, dans la discussion sur la division du royaume ; il demande que des municipalités soient crées non seulement dans les villes, mais aussi dans les campagnes; quant aux districts ce sont des rouages nécessaires dans la machine politique, mais pour des raisons d'économie on devrait n'en créer que six par département. A la séance du 8 août 1791 le marquis de Lusignan proteste contre la suppression de la noblesse héréditaire. Avec ses collègues d'Angosse, de Luppé, Guiraudez et Ducastaing, il fait partie des 270 députés qui signent la protestation contre les décrets suspendant l'exercice de l'autorité royale. Sources et Bibliographie. Archives du. fiers. — L. 125. FIHOI. .- Annales de la ville d'Auch, opus. cit. Journal Officiel. LE MONITEUR » de 1791. N° 66 liste des sociétés des Amis de la constitution affiliées à celle de Paris et N° 341 La société populaire d'Auch félicite l'Assemblée nationale de son décret contre les émigrés. A TARROURIECH Bibliographie politique du département du Gers pendant la période révolutionnaire. Paris,1867. Aubry, éditeur. Fédération des gardes nationales du département du Cers faite Auch le 4 juillet. I790. 111-16 de 48 pp. s. d. A Auch, chez Duprat imprim. du roi. CASTEX ; La période révolutionnaire à Eauze. Bul, de la Soc. Arch. du Gers, t. XII et XIII. CASTEX ET LAFFARGUE Etudes d'Histoire révolutionnaire à Eauze. Revue de Gascogne. Nouv. série. 1. IX et XI. Administration Départementale. Conflit avec l'ancienne administration provinciale. — Dès que l'administration départementale est constituée, David et Tarrible, membres du directoire, sont délégués pour recevoir DEUXIÈME TRIMESTRE 1930. 101 des anciens administrateurs provinciaux les pièces de comptabilité et les états relatif au département 26 juillet 1790. Peu de jours après, anciens et nouveaux administrateurs entrent en conflit le bureau des impositions qui vérifie les comptes de l'ancienne administration provinciale a conçu des doutes. En présence de cette situation, le conseil du département arrête qu'il sera demandé aux anciens administrateurs de rendre leurs comptes sur la gestion des dix dernières années et en particulier sur la distribution des grains et foins accordés par le' ministre à la ci-devant généralité dans des temps calamiteux ». Or, M. de Boucheporn refuse les éclaircissements qui lui sont demandés et d'autre part la ci-devant commission intermédiaire provinciale ne veut point consentir une nouvelle reddition de comptes. En présence de ces refus le conseil général décide qu'au besoin on contraindra les anciens administrateurs à rendre de nouveaux comptes par une décision de justice 28 novembre 1790. Or, les nouveaux tribunaux n'étant pas encore créés le différend ne peut leur être soumis et l'affaire n'aura pas de suite. La Bastille de Palloy. — Le conseil général tient sa première session du 3 novembre 1790 au 31 décembre de la même année. Le Ie 1' décembre, il reçoit du citoyen Palloy entrepreneur des démolitions de la Bastille trois caisses contenant divers souvenir de l'illustre prison. Tous les départements ayant reçu un envoi semblable, celui du Gers ne peut manquer d'avoir sa part de débris sacrés dans cette distribution générale. Us lui sont apportés par un voiturier de Blois nommé Fillion qui reçoit 115 1. pour frais de port. Les trois caisses sont ouvertes séance tenante en présence des administrateurs; elles contiennent 1° Une pierre rectangulaire de 65 cm. sur 96 cm. avec une épaisseur de 8 cm. Sur l'une des faces l'effigie du roi Louis XVI est gravée en creux au milieu d'un ovale. On y lit les inscriptions suivantes à la partie supérieure Ex unitate libertas. Anno primo 1789 ; autour de l'effigie Louis X VI par la grâce de Dieu et la loi constitutionnelle 102 SOCIÉTÉ D'HISTOIRE ET D'ARCHÉOLOGIE DU GERS de l'Etat roi des Français ; à la partie inférieure Cette pierre vient des cachots de la Bastille; 2° Une reproduction en plâtre de la Bastille mesurant 38 cm. de hauteur sur 57 cm. de largeur. L'intérieur est évidé afin que l'on puisse se rendre compte des constructions intérieures et de leur disposition; 3° Un boulet une cuirasse, un sachet contenant des cendres ; 4° Trois volumes des mémoires de Latude; Trois exemplaires du Procès verbal des électeurs de la ville de Paris ». Un volume intitulé Prise de la Bastille ». 5° Un étui de fer blanc contenant le plan de la Bastille et quatre dessins divers encadrés et sous verre. La pierre de la Bastille et la reproduction en plâtre de la célèbre forteresse sont conservées au musée d'Auch salle du rez-de-chaussée. Les biens nationaux. — Le décret du 2 novembre 89 met tous les biens du clergé à ladisposition de l'Etat à charge par celui-ci de pourvoir aux frais du culte, à l'entretien de ses ministres et au soulagement des pauvres. Il n'est fait d'exception qu'en faveur des établissements religieux consacrés aux malades et aux indigents. Les ventes, confiées aux directoires des districts commencent en février 1791. Mais beaucoup de biens sont affermés; d'autres continuent à être régis par les anciens bénéficiaires ecclésiastiques qui sont autorisés à retenir sur leur produit le traitement à eux accordé. Les adjudications se poursuivront pendant une très longue période. Il est vendu environ 150 chapelles votives ou églises paroissiales désaffectées, quelques anciens cimetières, des emplacements d'anciennes églises et enfin des matériaux de démolition provenant d'édifices religieux. Ces lots sont généralement de peu de valeur; à l'adjudication, les plus importants ne dépassent guère une dizaine de mille francs; les plus modestes atteignent une cinquantaine de francs. DEUXIÈME TRIMESTRE 1930. 103 Par contre la vente des monastères et églises des communautés religieuses produit des sommes considérables, citons par exemple, le couvent des carmélites d'Auch fr.; le couvent des ursulines de Fleurance fr.; l'abbaye des bernardins à Gimont fr.; l'abbaye cistercienne de Flaran près de Valence fr. . Ces ventes n'augmentent pas autant qu'on l'eut souhaité le nombre des petits propriétaires, car la plus grande partie des biens nationaux est acquise par de riches bourgeois. Il y a parfois conflit entre le directoire et les municipalités au sujet de l'attribution de certains biens-. Tel est le cas suivant Le prieur de l'abbaye de Lacazedieu, dom Gaspard, ayant déclaré une somme de livres, le directoire charge les officiers municipaux de Beaumarchés de se rendre à l'abbaye escortés par la garde nationale pour recevoir cette somme et la verser à la recette de Nogaro. Les officiers municipaux reçoivent en effet les livres mais ils prétendent les garder au profit de la commune de Beaumarchés. Le directoire se voit obligé d'user de contraite pour que la somme en question soit versée dans la caisse de l'état. La question des subsistances. — Au mois d'août 1791 la situation économique du département se révèle tout à coup au directoire sous un aspect sinistre; les greniers sont vides et la hideuse famine semble sur le point d'apparaître. Les grains de l'année précédente sont complètement épuisés et la récolte de 1791, presque nulle, permettra tout au plus d'atteindre le mois de novembre. La sécheresse constante et les chaleurs torrides qui régnent depuis quatre mois ont fait périr le maïs, les légumes et les fruits, c'est-à-dire tout ce qui pourrait être de quelque secours, faute de blé. Cependant l'hiver approche, les routes en très mauvais état vont devenir impraticables et les frais de transport déjà très élevés vont faire hausser prodigieusement le prix des denrées de première nécessité. Il manque des subsistances pour quatre mois à une population de plus de âmes soit un déficit de sacs de grains. Que faire dans ces difficiles conjonctures 1 Le directoire consterné ne voit qu'un moyen 104 SOCIÉTÉ D'HISTOIRE ET D'ARCHÉOLOGIE DU GERS. de conjurer le péril puiser dans les fonds publics pour faire des approvisionnements. En conséquence il arrête qu'un commissaire sera envoyé à Toulouse, dans le Lauragnais et le Quercy pour y acheter sacs de grains blés, maïs, fèves ou jarrosses et même une plus grande quantité si le prix, sur les lieux, ne dépasse pas 19 livres le setier. Dès que l'on connaîtra les quantités achetées par ce commissaire un autre sera envoyé à Bordeaux pour compléter les approvisionnements jusqu'à concurrence de sacs Arrêté du 12 septembre 1791. Le premier commissaire achète à Gimont 300 sacs de blé à 16 1. 10 s. en assignats prix fort élevé; à Toulouse 100 setiers de blé à 19 1. en assignats et 500 setiers de fèves à 12 1. en assignats. Le commissaire, écrivant au directoire pour rendre compte de ses opérations lui fait savoir que les achats sont très difficiles parce que la plupart des vendeurs veulent être payés en argent. A Villefranche le blé vaut 19 1. 10 s. le setier. La commission et le port l'augmentent de 7 à 8 sols. Or, ces prix dépassant la limite indiquée, le commissaire déclare qu'il n'achètera que s'il reçoit de nouveaux ordres. Le directoire lui répond qu'il l'autorise à acheter à raison de 20 1. le setier et même davantage. Séance du 18 septembre 1791. Le danger extérieur. — Le voisinage de la frontière des Pyrénées et les dispositions du gouvernement espagnol à l'égard de la France inspirent aux administrateurs du Gers de vives et continuelles inquiétudes. Le 30 juin 1791 arrive à Auch la nouvelle, d'ailleurs inexacte, de l'irruption d'un régiment espagnol sur le territoire français. Aussitôt la population auscitaine est prise d'une folle panique et les administrateurs du département eux-mêmes perdent un peu de leur sang froid. Us se croient menacés' d'un danger immédiat, et, sur leur ordre la ville est mise en état de défense tout comme si une armée ennemie se fut trouvée à une ou deux lieux de l'antique et paisible capitale de la Gascogne. C'est un branle-bas général réquisitions, distributions d'armes et de munitions, patrouilles, état de siège, recherches minutieuses dans les meubles de l'intendant DEUXIÈME TRIMESTRE 1930. 105 de Boucheporn et de l'abbé Pizon, etc. Tous les citoyens prennent les armes. On met en batterie de vieux canons réquisitionnés nuitamment et à la hâte à l'Isle-de-Noé chez les de Noé et au château de Lapalu commune de Moncassih chez les de Béon. Du haut de la tour qui domine la ville des guetteurs scrutent anxieusement l'horizon. Enfin, de jour et de nuit les soldats de la garnison 7e régiment d'infanterie ci-devant Champagne et 5e régiment de cavalerie ou RoyalPologne patrouillent dans les campagnes. Bientôt on s'aperçoit de la fausseté de la nouvelle qui a provoqué tous ces préparatifs militaires; pourtant, les mêmes craintes renaîtront, le 12 août 1791 lorsque le département des PyrénéesOrientales avisera celui du Gers que la frontière se garnit d'Espagnols et qu'une invasion prochaine est à prévoir. Travaux des administrateurs. — Le conseil ^général qui se réunit à l'ancien hôtel de l'intendance décide que la publicité de ses séances présentant les plus grands avantages » l'entrée de la salle des délibérations sera libre. Le 23 novembre 1790 il apprend que certaines municipalités du canton de Villecomtal font des démarches pour entrer dans le département des Hautes-Pyrénées lequel tend à s'agrandir au détriment de celui du Gers. Il reçoit une députation des maîtres en chirurgie » de la ville d'Auch qui présentent un mémoire sur des projets d'établissements sanitaires publics 23 nov. 1790 puis une députation de la municipalité de Mirande qui vient exprimer ses sentiments patriotiques 27 nov. 1790. Le directoire se préoccupe d'assurer un service régulier de relations postales avec Paris. A cet effet un estaffette » se rendra tous les jeudis à Montauban au passage du courrier de Paris à Toulouse pour y prendre livraison des correspondances à destination du Gers. Il devra apporter les dépê- ' ches au bureau de poste d'Auch tous les vendredis entre 7 heures et 8 heures du matin. Ce service mis à l'adjudication échoit au sieur Piquet pour la somme annuelle de 760 1. Séance du 22 déc. 1790 et du 1er janvier 1791. Le 25 décembre 1790 le district de l'Isle-Jourdain infor- 106 SOCIÉTÉ D'HISTQIRE ET D'ARCHÉOLOGIE DU GERS. me le conseil général que l'ancien vicaire de cette commune continue de faire des baptêmes et des enterrements. Le conseil lui répond que les ministres d'un culte autre que ceux payés par la nation ne peuvent constater valablement les naissances, les morts et les mariages d'où dépend l'état civil des citoyens ». Le conseil général s'occupe avec activité des travaux publics et en particulier de l'amélioration des routes. L'un de ses membres, Saint Pierre, lui présente un intéressant rapport sur un projet de navigabilité de l'Adour et de la Baïse. 27 nov. 1790. L'administration départementale reçoit communication de nombreuses adresses au roi pour l'inviter à sanctionner les décrets relatifs aux troubles religieux et aux émigrés ; citons parmi ces adresses celles de la Lozère, de la Creuse 6 déc. 1790, du Var 9 déc. 1790, de 1500 citoyens de Montpellier etc. Le 29 avril 1791, David est nommé procureur-général syndic provisoire en remplacement de Seissan de Marignan qui démissionne pour raison de santé. La constitution de 1791 et les élections générales. — Les travaux de l'assemblée nationale touchent à leur terme et elle achève enfin cette constitution de 1791 qui a déjà été appliquée partiellement par voie de décrets. Les élections nécessitées par son application ont lieu à Auch du 2 au 11 septembre 1791 dans l'église des Cordeliers. Il s'agit d'élire 1° Les neuf députés du Gers qui iront siéger à la Législative; 2° Trois députés suppléants; 3° Un président du tribunal criminel, deux hauts-jurés, un accusateur public, un greffier; 4° Dix-neuf administrateurs du département; 5° Un procureur-général-syndic. Les opérations électorales qui sont présidées par le citoyen Descamps de Lectoure donnent les résultat suivants DEUXIÈME TRIMESTRE 1930. 107 Députés Descamps Bernard de Lectoure; Laplaigne Louis-Antoine de Miramont ; Laguire Joseph de Gachiot près d'Eauze; ,2/ Ichon Pierre-Louis natif de Gémosac dans la Gironde ; Latan•' Jean-Baptiste de Cazaubon ; Tartanac Jean de Flamarens; Barris Pierre-Joseph-Paul de Montesquiou; Maribon-Montaut Louis de Montréal; Cappin Joseph de Cazaubon. Députés suppléants Bourdens curé de Noé, Dandrieu et Lagrange. Tribunal criminel Président David Jean-Frix. Hlauts-jurés Pérès et Daubons. Accusateur public Passerieu. Greffier Cassius. A dministrateurs du département Deguilhem, Dargassies Pugens, Gros, Laffargue, Lamamie, Paris-Lasplaignes, Dieulouhec, Saint-Pierre, Lantrac, Sautiran, Daste, Domerc, Batbie, Demoulin, Francain, Laclaverie fils, Dutoya, Benquet. Soit 19 membres sur les 36 dont se compose le conseil général qui est renouvelable par. moitié. Procureur-général-syndic Barbeau-Dubarran. Tous les députés du Gers à la Législative sont des hommes de loi magistrats, procureurs, avocats sauf MaribonMontaut, ancien mousquetaire et Ichon ci-devant supérieur des prêtres de la congrégation de l'Oratoire à Condom. Ces deux derniers prendront rang parmi les plus ardents montagnards, les autres, et, en particulier Laguire et Cappin feront partie de la grande masse des indécis ou des indépendants, des observateurs ou des indisciplinés, qu'on nommait le Marais ». David Jean-Frix, président du tribunal criminel, ex procureur au sénéchal d'Auch est un modéré. Parmi les administrateurs, le plus marquant est sans conteste le jeune médecin Lantrac François-Michel natif de 121 Laguire fut nommé à. la. place' de Barbeau-Dubarran qui, élu député par 149 voix sur 169 votants, refusa d'accepter le mandat qui lui avait, été confié. On ignore le motif de son refus. 108 SOCIÉTÉ D'HISTOIRE ET L'ARCHÉOLOGIE DU GERS. Saramon. Il deviendra chef du parti montagnard gersois et nous le verrons successivement membre du conseil général du département, membre du directoire, procureur-généralsyndic, agent national du district d'Auch et député du Gers à la chambre des représentants en 1815. C'est un homme cultivé, très actif, éloquent, brave, énergique, impétueux, qui incarne la révolution dans le Gers avec ses angoisses, ses haines, ses colères terribles, ses tristesses, ses répressions cruelles, sa guillotine enfin, mais aussi ses sublimes enthousiasmes patriotiques, ses gloires radieuses, ses élans généreux et superbes. Il n'est pas une page de l'histoire révolutionnaire du Gers sur laquelle son nom ne soit profondément gravé. Deguilhem, Gros, Dutoya, Laclaverie, Daste et Desmoulin marchent sur ses traces à l'avant-garde de la révolution, les autres administrateurs ont des tendances plus ou moins modérées. DEUXIÈME TRIMESTRE 1930. 109 A VIC-FEZENSAC LA VIE PRIVÉE AU XVIe SIÈCLE PAR M. Z. BAQUÉ. 10. — Le costume et l'habitation. — La variété des étoffes que mentionnent les actes de notaire de Vic-Fezensac montre de façon nette que nos aïeux du xvr siècle avaient pour la parure une passion qui ne le céderait en rien au goût du jour. Ainsi, entre 1551 et 1554, pour le compte du marchand Jean Roques, François Vergnes écrit des actes de reconnaissance dans lesquels sont mentionnnés le drap per s de Saint-Jehan, le drap pers de Normandie, le drap viscorrtte de Berry, le drap noir de Chasteau-Roux, le drap brun de Nyort, le drap rouge de Paris, le drap rougat de Ville franche, le drap blanc clair de Rosset, le drap gris de Vire le drap gris de Pridoyn, le drap tanné du Roy, le drap gris vial°t, le drap noir de la Chasteneroy. Comme on le voit, les modes masculines ne trahissent point l'uniformité ; l'engoûment seul pour les changements de formes dûs à la mode faisait défaut. Que l'on scrute les détails du trousseau donné aux filles ou que l'on examine l'ordonnance du costume des ouvriers que représentent les vitraux d'Auch — qui sont du xvr siècle — on s'aperçoit que le vêtement est presque immuable en sa coupe s'il est plein de diversité dans sa couleur . Les hommes portaient un justau corps qui ne descendait pas plus bas que les hanches, serré à la ceinture par une courroie de cuir ou une écharpe rouge ou bleue. La culotte les vêtait de la ceinture aux genoux et leurs jambes étaient serrées dans des guêtres de cuir ou d'étoffe grossière et forte. Sur la tête, un bonnet. C'est le costume que portent encore les habitants des montagnes, Béarnais, Basques, Catalans, costume qui donne à leur personne un tour vif et dégagé ». 1 1 R. PAGEL .- Bull. Soc. Arch. du Gers ; 4* trim. 1912. 110 SOCIÉTÉ D'HISTOIRE ET D'ARCHÉOLOGIE DU GERS. Chez les femmes, le vêtement se réduit à trois parties la tunique, la robe et le capuchon dont la forme est toujours la même. Les grands seigneurs, les riches marchands, aux jours de fête, sont " plus au long vêtus » ; ils ont un surtout drapé qui les enveloppe jusques aux pieds. C'est la tenue de tous les personnages de premier plan représentés par les vitraux d'Auch ; tenue de riches. Ce qu'on ne voyait pas s'harmonisait d'ailleurs avec ce qu'on voyait. Le sire d'Albret apparaît un jour vêtu d'une robe longue en velours garnie de fourrure et doublée de taffetas bleu. Un pourpoint de drap cramoisi couvre ses épaules ; sa chemise est en fine toile de Hollande. Quand il chevauche, sa petite robe à cape, plus modeste, est faite de camelot tanné et doublée de drap violet. Autour de lui circulent ses officiers vêtus de drap noir et violet et ses trois pages en robe de velours noir doublé de bleu et en pourpoint de ratin avec des lacets et aiguillettes. » 1 La chemise commence seulement à se répandre ; chez les bourgeois et les gens du peuple elle est encore inconnue.. Il y avait donc parmi la foule, aux jours de foire ou de fête, de quoi charmer l'oeil des badauds. Pourtant les lieux n'étaient point faits pour mettre les scènes populaires en valeur. Les rues de Vie, très étroites, débouchaient à angle droit sur un axe principal assez tortueux qui porte aujourd'hui les noms de rue Cassaignoles, rue du Coeur-deVille, rue du Triomphe, rue Touade, rue du Barry. L'agglomération était enclose entre des murs et des fossés occupant d'une part la route nationale actuelle des Quatre-Chemins » à l'embranchement de la route d'Eauze d'autre part l'actuel Chemin de ronde » et le Chemin de la Brèche. Un peu à l'écart étaient les Quartiers du Château inclus entre la Place actuelle, le Moulin et le fossé du Foirail. Le Quartier Marcadère séparait les deux noyaux de Vie. Les arceaux n'y étaient pas construits ; mais une halle couverte reposant sur 25 piliers de pierre occupait la place du terre-plein actuel. Depuis ce terre-plein jusqu'à l'Osse, en bordure des murailles qui allaient de la rue Delort jusqu'à la rue La Fayette, à la place de l'Hôtel-de-Ville et des maisons qui bordent la place s'étendait le foirail, établi donc, comme partout extra muros. 2 ACHILLE LUCHAIRE .- Alain le Grand p. 51. DEUXIÈME TRIMESTRE 1930. 111 Il existe encore, çà et là, notamment dans la rue Touade et dans la rue du Barry des habitations du xve et du xvIe siècles maisons Bedel Nadal... Ce sont des constructions en pans de chêne entrecroisés de madriers en X. Le remplissage des vides est fait avec de la terre battue, ou mieux des briques minces posées à plat. Le premier étage déborde sur le rez-de-chaussée, dont les murs sont construits en pierre, matériaux communs. De cette façon on écarte du pied des murs les eaux tombant de la toiture et on assurait à la maison une base solide que ne lui auraient pas donnée les pans de bois. Les fenêtres du premier étage sont croisées de meneaux massifs sculptés tout comme l'encadrement. Il en est de bien conservées dans la maison Lamarque qui donne sur une courette derrière le Cinéma Brana. L'ardoise est inconnue et toutes les maisons sont invariablement couvertes de tuiles creuses demi-cylindriques. Les maisons du seizième siècle se voient encore dans le quartier Marcadère, rue des Cordeliers, rue Carboire immeubles Dantin, etc.. Elles sont de pierre et non plus de bois ; elles présentent à côté de la porte étroite une large baie, voûtée en berceau qui n'est pas une fenêtre, mais une ouverture de magasin. Quand les deux volets étaient ouverts, une tablette mobile aux gonds scellés sous l'accoudoir se relevait horizontalement pour servir de table d'étalage.; A l'exemple du Juif algérien de nos jours qui trône dans les Souks, le boutiquier gascon du seizième siècle ne faisait point entrer les clients dans sa maison ; ils les laissait dans la rue, libres d'examiner les marchandises que du dedans il leur présentait sur la tablette. Le pittoresque des rues vient de la multiplicité des enseignes parlantes qui se détachent en potence de la façade des maisons. Le marchand de vin signale son auberge par un rameau de genièvre brous fiché au mur ; le chirurgien barbier met à sa porte des plats de cuivre consciencieusement fourbis ; le maréchal-ferrant accole sur une panoplie un nombre respectable de fers orthopédiques ; le sabotier exhibe une chaussure de géant ornée d'un bout à la poulaine qui s'enroule en volute, etc.. Les fantaisies ne se comptent pas. L'ameublement des maisons était toujours très sommaire. Un lit avec des sièges de bois et des coffres arcos c'était tout ce qui'on voyait dans les chambres ; une table massive, un banc contre le mur, 112 SOCIÉTÉ D'HISTOIRE ET D'ARCHÉOLOGIE DU GERS. un rudimentaire vaisselier il n'y avait guère autre chose dans les cuisines outre la cheminée et l'évier. La nourriture n'était guère plus variée que le mobilier car les pommes de terre et le maïs étant inconnus, le blé constituait le fonds de l'alimentation. Chaque famille cuisait ses bouillies ou façonnait ses miches après avoir fait moudre son blé, mesure après mesure, aux moulins à vent de Martin et de Cassagnieu ou aux. moulins à eau du Chapitre et de l'Aoumet, établis sur l'Osse. Pane la queue pour attendre son tour ou la reprise d'une saute de vent était un menu fait de la vie courante! que concrétisait l'expression de Porto d'Esperobent don née à la sortie du faubourg du Barry dans la direction des moulins à vent. La viande de porc, consommée à l'état frais ou sous forme de confits et de pâtés, était d'usage très courant. Chaque famille élevait son ou ses porcs ; de nombreux arrêtés consulaires réglementant la promenade quotidienne des ménagères menant leurs pourceaux sur les terrains vagues appelés, padouens padouen de Notre-Dame, padouen de la Pradette, padouen à l'ouest du Foirail actuel. La charcuterie était l'objet d'un trafic important et les droits de place mentionnent les tarifs du maoucousinat. Ce mot trahit la malice populaire qui ne s'exerçait pas toujours sans doute à bon droit. La viande de veau n'est nulle part mentionnée. A une époque où les prairies artificielles n'étaient pas connues et où une paire d'animaux représentait un capital important, l'herbe des prairies ne nourrissait que des bêtes de travail. Il n'y avait point dans les fermes d'élevage du bétail de croît et le petit nombre d'élèves ne tlonnait que des animaux de remplacement. On ne tuait que de vieux animaux ; la viande de vache faisait l'objet de ventes échelonnées au cours des mois d'hiver. Le mouton était moins rare, comme il se conçoit dans un pays où la vaine pâture était de règle sur les jachères et les friches. Les vignes sont mentionnées à chaque page des vieux registres de notaires ou flans de plus vieux livres dénommés Cartulaires, blanc et unir de Sainte-Marie d'Auch. Le vin était la boisson commune et de nombreuses auberges attiraient les oisifs. Les droits d'octroi distinguaient le vin de la paroisse du vin forain » vendu dans les auber- DEUXIÈME TRIMESTRE 1930. 113 ges ce qui laisse croire à des ventes importantes et à une consommation dépassant la production du lieu. 11. — Les métiers. — La corporation des marchands, surtout celle des marchands d'étoffe, est particulièrement nombreuse. A une époque où,l'instruction n'est pas très répandue, ce sont les notaires qui tiennent — de façon spéciale — les livres de comptes. Toute affaire qui ne se traite pas au comptant fait l'objet d'une reconnaissance notariée. De là vient que les minutes des. notaires nous sont une mine de renseignements. La boutique du seizième siècle n'est guère qu'un dépôt de marchandises ; le lieu de vente, c'est la place marcadère, où les jours de foire, sur des planchers volants, on vend de tout. Les jours de marchés donnent une animation particulière aux bourgs à demi importants. Vic-Fezensac avait 4 foires avant-veille des Rameaux, 8 mai, 16 août, 6 novembre ; les ménagères des campagnes viennent y vendre leurs poulets, leurs laines, leurs légumes, toutes choses que cité le Tarif du Souquet que nous avons publié 3 ; les hommes mènent leurs bestiaux sur le foirail ; tous viennent ensuite racheter des choses utiles pour autant qu'ils auront vendu de leurs produits. Les marchands locaux subissent la concurrence de confrères assez lointains qui arrivent aux jours de foire. Tels sont Méric de Castaing, marchand à Créon en Juliac ; Jean Cayssin, marchand d'Arrnous eu la juridiction de Beaumarchais ; Jaymes de Pujos, marchand de Là Montjoie en Agenais ; Arnaud Guillaume d'Auxion, marchand d'Ordan ; Guillaume Bosonx, marchand d'Ayguelinte. Certains négociants étrangers ont à Vie des dépôts de marchandises le 1er février 1554, Gilbert La Pierre, marchand et bourgeois de Toulouse est dans ce cas et Arnaud de Pomerède, son fondé de pouvoirs, vend en son nom 232 sacs de blé à raison de 2 pistolets d'or, le pistolet valait 45 sols tournois, le sac égalant la conque. Le 10 décembre 1553, Jean de Ger, marchand de Riguepeu, déclare devoir 39 livres à Sire Pierre Lendormy, marchand d'Orléans, absent et représenté par Jean Darrioau, d'Eauze, son fondé de pouvoirs. La Renaissance se laisse deviner par la citation de professions artistiques ou intellectuelles. Le 27 janvier 1553, Etienne Peyrecave, 3 Voir troisième partie, paragraphe 18. 114 SOCIÉTÉ D'HISTOIRE ET D'ARCHÉOLOGIE DU GERS. librérc de la pille du Vie, est témoin d'un accord ; un demi-siècle plus tard un autre libraire sans aucun doute un sien parent, est dénommé Pierre Lacave. Jean Mairot est painctre de Vie. Bernard Cotin exerce le métier d'orfèbre ; un de ses confrères natif de Niort et domicilié de Bergerac maistre orphèbre et graveur, est pourvu par les soins de la jurade d'une boutique dont le lonaigc sera, payé par le sieur Sorbets, consul... attendu qu'en la présente ville n'y a personne de son mestier... » Arnaud Dizault, est verrier au Barry ; Arnaud Laigne pastissier du Btizadoix vient à propos démontrer qu'au milieu du xvi" siècle les gens ne mouraient pas de faim... Mais ce sont les étoffes qui, sous les appelations les plus diverses, reviennent sans cesse comme occasions de contrats. On trouve cités la toile de Laval, la toile de Campans, le taffetas de Lyon, le brunet noir de Rouen, le drap gris de Poitiers, le drap de Normandie couleur moreau... Chaque ville semble avoir possédé un type particulier dans la fabrication duquel elle se spécialisait. La variation du type ne concernait pas nécessairement la couleur ou la qualité ; la largeur de l'étoffe et la longueur de la pièce étaient caractérisées par une appellation locale. Vic avait son modèle le 29 mai 1554, Me Jean Roques vend un drap d'arrouset faict à l'usage de lad. cille de Vie, de longueur doutze cannes et largeur cinq parus troy quartz pour 5 écus petits,'' sols bons ». De nombreux actes citent le drap d'arrouset de Vie », ayant toujours les mêmes dimensions. Nous ne répéterons pas le nom de toutes les professions que nous avons vu citer. Du xve au xvr siècle l'évolution économique ne s'est guère fait sentir. Vergne donne des noms français aux métiers que nommait en latin Odet Dufaur 4 ; mais la variété des conditions reste à peu près la mêmeAntoine Espaignol, payrolier de Nérac » figure souvent dans les registres ; c'est un prêteur à la petite semaine car dans tous les contrats qu'il signe, ses vendeurs se réservent très souvent la faculté de rachat. Les cordonniers sont très nombreux et un bon nombre savent signer par leurs initiales. Comme témoins instrumentaires signent souvent Jean Espaignol, avocat ; Jacques Murat, médecin ; Etienne Pierrecave, libraire ; 4 Voir quatrième partie ; cliap. premier. DEUXIÈME TRIMESTRE 1930. 115 Pierre Dugay, bachelier ; Pierre du Gay, tissier de laine ; Pierre Aragon, avocat ; Bernard Passeray ; Vidal Fleuriot, apothicaire ; Jacques Bexuron, son confrère de Tonneins ; Clarac, cyrurgien ; Dubascou, notaire. Les transactions se chiffrent au moyen d'unités très diverses au milieu desquelles on se débattrait malaisément, n'était le tableau ci-dessous. Valeur des Monnaies au XVIe siècle, évaluées en livres tournois. LIVRES SOLS DENIERS OBSERVATIONS Baquete 3/4 i,es 4 font le liard Blanc 4 1/2 blanc = 6 baquetes Carolus 10 Caulen=lenli-baquete 3/8 ; Kn 1587 les 4 deniers morDenier morDenier 3 ! laiis ne valaient que 7 Denier morlan 1337 1 3/ 4 { deniers tournois. Denier d'or à l'écu 6 Un double 10 Une double 2 Doublet 6 Ecu sol 2 il en 1556 Ecu sol 3 depuis 1556 Ecu petit ; 1 - Ecu couronné I2 6 1354, Ecu d'or couronné , ., 1384 florin 13 6 florin vaut 9 Jacques Franc de roi , 1583 Franc d'argent j 2 1593 Franc de Béarn 15 aussi franc bordaloïs Florin comtal de Bigorre 15 Jacquès 4 1/2 vaut 3 oboles Liard 3 Liard guranès 5 Livre d'or 2 10 Noble à la rose 6 15 g°l bon 1 6. Sol gros ou sol Jacques Sol morlan 2 3 pour-, rentes aux comtes Sol morlan 3 esigneurs xnu rentes pour Sol tournois 1 12. — A la campagne. — L'histoire de Vic-Fezensac serait incomplète si elle ne relatait que les souvenir de la cité. Une banlieue existait comme de nos jours, aussi étendue et plus peuplée peut-être, et les minutes notariées du xvr siècle conservent le souvenir de lieux disparus appelés Las Caberguéros région du Petit, Las Crampes Vers Meilhan, La Coume du Souquet, au Barnana, au Cassou, Las 116 SOCIÉTÉ D'HISTOIRE ET D'ARCHÉOLOGIE DU GERS. Sabuquéros, Trémoulet, Saint-Elix, Harrias, Mondrille... Par ailleurs, on a plaisir à relever des noms existant toujours Justous, Babazan, Bauduhe, Pipé, Berné, Terreblanque, Jolibert, Le Boutté, Nalies Lard, Pimbat, La Coste, L'Argenté, Faget, Broquens, Pont de Laumet, Caillou, Carboire, Riant... Quantité d'artisans du bourg possèdent des champs ou des vignes qu'ils travaillent aux jours de chômage. L'artisan est partiellement rattaché à la terre ; l'agriculture est mal différenciée de l'artisanat. Les bourgeois enrichis par le commerce ont aussi des propriétés foncières matérialisant leurs bénéfices ; ils les font travailler par des métayers. Les baux à ferme du xvI siècle ne montrent guère de différence avec ceux que l'on souscrit de nos jours ; tout au plus peut-on remarquer une habitude quasi-générale, d'exprimer en nature le revenu des choses louées. Ainsi le 22 janvier 1566, Domenges de Maufic prend à ferme deux vignes appartenant à Pierre Colombat pour 5 années et 5 cueillettes... promettant de payer chaque année 11 pipots de vin, la bien travailler de toutes oeuvres nécessaires à peyne de payer les intérêts et ny couper aulcun arbre, ains en y planter de nouveaux ». Les cessions de cheptel sont particulièrement nombreuses ; il semble que tout capital prêté le soit en vue d'une fin précisée et que le bail à cheptel qui matérialise le capital prêté soit préféré à la reconnaissance d'une somme. Les précautions du prêteur sont toujours multiples. Ainsi Le 12 février 1566, Gaixot du Bousquet, de Bhan reconnaît tenir en gazailhe, à demy gain et perte, suivant la coustume du Fezensac, île Jean Petit de Roques, liabitant de Vie, une asnesse d'un cajnlal de 3 escuts petits, laquelle il a devers soy ; promet la bien notirris, ne la vendre jms sans son Sire et. l'admener en la présente ville, toutefois qu'en sera, requis. » Une formule analogue est utilisée pour cession de sept chiefs de brebis à laine 7 tètes d'un capital de 3 escuts et demy petits ». Les contrats de métayage ne montrent pas toujours en présence un maître tout puissant et un bordier résigné. Il arrive parfois qu'un noble appauvri cède une propriété en mauvais état sur laquelle le métayer placera un cheptel lui appartenant et dont la totalité du croît DEUXIÈME TRIMESTRE 1930. 117 lui appartiendra. Les plus grandes précisions sont apportées aux droits et aux devoirs réciproques ; témoin l'acte ci-dessous que pourraient avaliser des contractants vivant aujourd'hui Le 27 novembre 1556 Noble Jehan de Baulat, sieur de la Salle de Carget, baille à ferme à Pierre de la File dit Mandil.. aux conditions suivantes... La Salle de Carget ou de tout jour le bordier a accoustumé à demeurer, avec lesjardins, pathus, terres bois, preds, et autres réservé le pred barrat delà le molin de Carget 5 et le pred de la Font puis le champ jusques au chemin public ; led. La File sera tenu aller deumerer pendant et durant le temps espasse de 6 ans à, partir de la Toussaint dernière ; pendant lequel, temps, led Fitc sera tenu bien et duement travailler les terres en bon père de famille. Et chascun fournira la moitié des semences ; aussy tous fruicts se partiront 6 par moitié sur la pile. Sera tenu faire fossés, planter arbres, entretenir le boys et autres arbres ne sera led, La Fite tenu couper aulcun chêne sans la permission dud. Baulat. ; Est accordé entre les parties que si l'ung ou, l'autre durant ce temps, se vouloit partir de lad. Société le porra faire et celuy qui se faschera sera tenu advenir l'autre 3 mois auparavant, à peyne de dommagesintérêts. Led. La Fite sera tenu et qmurra prendre en forme de gazailhe 7 bestail boyer 8 et uultre bestailhs, la graère 9 duquel se payera pour moitié sur la, pile, du profit duquel led. Sr. de Carget ne tirera rien ; bien y porra led. Sieur y pettre une vache au profit de laquelle led. Fitte n'aura aucune part. Led. Sr. sera tenu, chascun an bailler aud. Fitte pour entretenir toute ferrure, pour sarcla et pour dailha et accousturer le foin, 4 escuts petits sans qu'il soict tenu luy fournir aultre chose. Et luy a baillié un aret garni de toute ferrure, fuste et cordes, que à la fin led. Fitte sera tenu luy rendre en mesme estat qu'est à présent; et une charrette avec deux roues pour fumier. Les oyes, poules, chapons, gélines, oeufs et fermaiges se partiront par moitié. 5 Ses races se montrent sur l'Auzoue entre Bajonne et la Bâtisse. 6 Se partageront. 7 Gaizailhe cheptel. 8 Bestailh boyer bétail d' espèce bovine. 9 Graère nourriture d'hiver. 118 SOCIÉTÉ D'HISTOIRE ET D'ARCHÉOLOGIE DU GERS. Entre vendeurs et acheteurs de terre intervient un système de mesures qui n'est point au seizième siècle, celui qu'on rattache à la toise et qu'imposera plus tard la royauté centralisatrice. L'unité de longueur est le patm, en principe la largeur de la paume de la main depuis l'extrémité du pouce jusqu'à l'extrémité de l'auriculaire. Le pam légal de Vie équivaudra plus tard à 100 lignes ; aux alentours de Vie, sa longueur variera de 98 à 101 lignes. L'unité de surface est Yescat soit un carré de 14 pams de côté ; il équivaut donc à 16 centiares 49. Le boisseau valait 9 escats ; la mesure ou quartau, 8 boisseaux ; la concade, 8 mesures ; l'arpent, 4 concades. La conquade surface sur laquelle on semait une conque soit un sac de blé valait 47 ares 48, soit 4 mesures ou 32 boisseaux, ou 288 escats. L'unité de mesure des grains était le sac 86 litres 89 qui se subdivisait en 4 mesures, ou 32 boisseaux. Il fallait 8 boisseaux de 2 litres 72 pour faire une mesure de 21 litres 72. Le même nom boisseau, s'appliquait à une capacité ou à la surface qu'on pouvait emblaver avec elle. Le bois de chauffage se vendait à la canne cube qui avait 8 pams de long, 8 de haut et 5 et demi de largeur 1 mc 1,8046 x x 1,24 4 mc. 040 On vendait le vin à la barrique 241 litres subdivisée en 4 pipots de 60 1. 32 ; le pipot valait 8 veltes de 7 1. 54 ; il fallait 4 pots de 1 litre 885 pour faire une velte. Au milieu du train-train des occupations quotidiennes, des échappées joyeuses se produisaient à l'occasion des cérémonies religieuses, ou des survivances païennes, ou de notables évènements domestiques. Noël, Pâques, le Coeur-Dieu, Toussaint sont les grandes fêtes religieuses qui jalonnent l'année. Le Carnaval survivance des bacchanales, est l'occasion d'une mascarade burlesque qui clôture la série des liais d'hiver. Les feux de joie de la Saint-Jean et la bûche de Noël, rappellent les solennités du culte du soleil au moment des deux solstices. Les épousailles sont l'occasion d'un repas monstre, auquel on convie les parents les plus éloignés, et d'un bal qui réunit tout le voisinage. Elles sont précédées d'une cérémonie burlesque — la porto- DEUXIÈME TRIMESTRE 1930. 119 leit — pendant laquelle garçons et demoiselles d'honneur accompagnent les meubles de la fiancée lit et coffres du domicile des parents au domicile de l'époux ne s'interrompant de chanter le long du chemin que pour échanger des quolibets, voire plus, avec les gens trouvés sur le pas des portes. La fête patronale décidée par le patronyme de l'église — ici Saint Pierre — était aussi l'occasion de cérémonies religieuses alternant avec des réjouissances traditionnelles au nombre desquelles le festin, le bal et la tournée des bateleurs tenaient la plus grande place. Toutes ces fêtes sont mentionnées dans les minutes notariées» ; elles revenaient chaque année et la tradition voulait qu'elles fussent fêtées avec éclat. Il ne faut donc pas voir Kus aïeux du xvIe siècle sous la figure que La Bruyère donnait à ses paysans un siècle plus tard. Sans doute il y avait des grêles, des disettes et des épidémies ; sans doute il y avait parfois des émeutes, des échauffourées où le paysan supportait les excès des soudards catholiques aussi bien que ceux des soudards protestants ; sans doute, faute de machines le travail était dur parfois... Mais, comme nous l'avons dit à l'occasion de la vie au XVe siècle, il y avait des jours de liesse point rares, et les gens étaient loin de toujours mourir de faim. 13. — La vie intellectuelle. — D'ailleurs il existait dans Vic au XVIe siècle une école de garçons, tenue par deux maîtres — le régent latiniste et le régent écrivain 10 — ce qui prouve que des préoccupations d'ordre plus élevé co-existaient à côté des soucis matériels. Il nous manque des données sur la fréquentation de ces écoles et nous ne voudrions conclure, en l'absence de textes ou que l'instruction était très répandue, ou que l'organisation des écoles n'était qu'un trompe l'oeil. Toutefois, nous avons pu constater dans les registres de notaires que bon nombre d'artisans signaient les actes, au moins des initiales de leurs noms ; que de nombreux cordonniers qui interviennent souvent comme témoins instrumentaires signent de façon fort lisible. Même les analphabètes se donnent des airs d'élégance en se créant, à titre de signature, un monogramme parfois savoureux tels sont le graveur Cotin, et Antoine Meilhan. Manaud de la Croix signe 10 Voir troisième partie, chap. IV. 12,0, SOCIÉTÉ D'HISTOIRE ET D'ARCHÉOLOGIE DU GERS. M. L. 4- ; les couturiers Lebé et Bordeneuve adoptent, comme signature, une arabesque figurant une paire de ciseaux. Les femmes ne signent jamais. Les gens instruits ont des préoccupations artistiques et, à l'exemple de son compatriote et contemporain Salluste du Barthas, un notaire vicois s'amusait à taquiner la muse... Le premier livre imprimé à Auch est de 1533 et vraisemblablement, les livres à lettres de molle » commencèrent à se répandre dans la seconde moitié du xvIe siècle. Avec eux l'instruction put se répandre davantage. La Réforme est intimement liée à la diffusion des livres nouveaux. Aussi voit-on à partir de 1550, les protestants apparaître à Vic-Fezensac. Ce sont chez les intellectuels qu'ils se recrutent et autour du notaire protestant Vergnes viennent signer comme témoins instrumentaires Me Pierre Dugay, Me Pierre Aragon, avocats ; Bernard Passery, médecin, Jacques Bexuron appothicaire de Tonens », Vital Fleurian, autre apothicaire, Sanson Clarac, syrurgien à Vic, Dubascou, notaire, etc.... Le 17 octobre 1665, le notaire vicois Paul Dupuy délivra au ministre protestant Michel Corday un grand nombre d'expéditions d'actes de mariage et de testaments protestants qui furent au xvIe siècle les ouailles de ses prédécesseurs. Mais ceci dépasse le cadre de la vie privée ; dans l'histoire de VicFezensac, un chapitre entier doit être consacré spécialement au protestantisme. A suivre. DEUXIÈME TRIMESTRE 1930. 121 PRÉGENT DE BIDOUX PAR M. CH. DESPAUX Aussitôt qu'un personnage est devenu célèbre, bien des pays s'empressent de le revendiquer comme un de leurs fils; quelquefois, à force de recherches, la vérité finit par s'établir. Il en est d'autres qui passent dans le ciel lumineux de l'histoire comme ce brillants météores, laissant après eux une suite ininterrompue d'actes de valeur, de faits d'armes glorieux, de victoires même, que la légende grossit et qui ont ainsi acquis à leur patrie une brillante renommée. Le devoir de l'histoire n'est pas seulement de consigner les événements auxquels ils ont été mêlés, mais aussi de rechercner leur lieu d'origine et tout ce qui se rattache à leurs débuts dans la vie avant d'arriver à la notoriété due à leur vaillance. C'est ce que nous essayons de faire pour Prégent de Bidoux dont le nom figure avec honneur dans tous les ouvrages sur la marine française. Dans son intéressant travail Viris lllustribus Vasconioe » M. Bibal a consacré quelques lignes à ce vaillant marin, ce qui nous. a encouragé à faire des recherches sur ce personnage que l'on savait gascon et peut-être de Bidouze, ancienne baronnie de Béarn. A côté de la légende il y a le côté historique et, bien que le nom de ce vaillant amiral soit connu de bien des lecteurs, nous espérons, grâce à nos recherches, faire revivre cet homme extraordinaire avec l'auréole de gloire qui lui est bien due. C'est sous Louis XII que le nom de Prégent de Bidoux devient célèbre. En 1497, est créée la charge de général des galères, dont il fut le premier titulaire, ses premiers faits d'armes, avaient eu lieu au service de l'ordre de St Jean de Jérusalem, auquel il appartenait; il est probable aussi, que Prégent avait eu la direction des gaières de France, sous les ordres du duc d'Orléans, dans les campagnes de 1494 et 1495. 122 SOCIÉTÉ D'HISTOIRE ET D'ARCHÉOLOGIE DU GERS. En 1501, la flotte de Philippe de Ravestein quitta le mouillage de Naples pour aller combattre les Turcs. Là, Prégent de Bidoux trouva le moyen de se signaler; n'écoutant que son ardeur belliqueuse et son désir de venger le nom chrétien, il quitta les côtés d'Italie et cingla, avec ses quatre galères, la mer d'Ionie, où il coula à fond presque tous les navires mahométans qu'il y rencontra. En 1502, il revenait avec ses quatre galères intactes et peu au courant de ce qui se passait en Italie, il fut surpris de se voir menacé par toute la flotte d'Espagne; il évita un engagement qu'il n'aurait pu soutenir et gagna le port d'Otrante, pour s'y mettre sous la protection des Vénitiens. Devant l'attitude hostile du gouverneur et ne pouvant sortir du port sans tomber au milieu de la flotte ennemie, le vaillant marin prit une résolution extrême et brûla ses galères, se faisant jour par terre avec ses équipages, au milieu des ennemis; il gagna les territoires qui restaient encore aux Français en Italie. La mer étant son unique élément, Prégent ne tarda pas a remonter sur des vaisseaux; il rejoignit, avec deux galères et sept caraques, une flotte qui se formait à Marseille, pour aller à Naples porter secours aux troupes françaises, qui n'avaient pu tenir jusqu'à leur arrivée. Il se tint dans ces parages, dans l'espoir de tenter quelque coup de main contre la flotte d'Espagne, commandée par Villa-Marino ; mais celui-ci, sachant à quel redoutable adversaire il avait affaire, s'empressa de filer vers l'île d'Ischia, où il coula quelques bateaux pour encombrer le passage. Le commandant espagnol, refusa également le combat devant Gaëte. Mais les galères espagnoles, ayant pris le large, Prégent de Bidoux leur donna la chasse, les força de se retirer à Naples et ravitailla Caëte. Il devait avoir une certaine fortune, car fors de l'expédition du royaume de Naples, Prégent avait armé à ses frais quatre galères et en vertu de sa charge, il avait le commandement de toutes les galères de la flotte française, sous les ordres toutefois de Philippe de Ravestein à qui sa commission de général de vaisseaux de haut bord, donnait le commandement en chef de l'armée navale. Le mauvais temps contraria cette expédition. En 1513, l'illustre Prégent de Bidoux opéra une nouvelle des- DEUXIÈME TRIMESTRE 1930. 123 cente en Angleterre, aussi glorieuse que celle de l' année précédente. Il débarqua avant la fin de la même année, avec le capitaine Charles Lartigue, son ami et son compatriote, dans le comté de Sussex, où il brûla la ville de Brightelastone. En faisant des recherches sur le capitaine Charles Lartigue, dont le nom est bien gascon, peut-être aurons-nous la bonne fortune, de trouver aussi le lieu de naissance de son ami et compatriote Prégent de Bidoux. Le pape Jules II, n'ayant pu réussir par la force des armes, fulmina alors des excommunications contre les principaux chefs de l'armée française, sans en excepter Bayard, le chevalier sans peur et sans reproche, excommunications d'ailleurs, auxquelles les prélats de France, avaient d'avance répondu, en déclarant juste et necessaire, la guerre contre les prétentions temporelles du pape. Jules II, après avoir essuyé de nouvelles défaites, obtient du roi d'Espagne qu'il formât, avec les Vénitiens et lui, contre la France, une ligue à la quelle il affecta l'épithète de Sainte Ligue. Furieux contre la France il avait envoyé onze galères vénitennes et une à lui avec un nombreux corps d'émigrés gênois, avec lesquelles il espérait soulever un parti puissant en sa faveur. Mais six galères provençales, conduites par Prégent, entrèrent dans le port de Gênes et chassèrent honteusement la flotte vénitienne et pontificale. En 1513, après la mort de Jules II, Louis XII entreprit de recouvrer le Milanais et l'Etat de Gênes. Là, nous retrouvons Prégent avec neuf galères provençales; il force les habitants de Gênes à ouvrir leurs portes aux Français et à leurs partisans. Après cette expédition les galères regagnèrent les ports de Provence. Sur l'ordre qu'il en avait reçu, Prégent quitta les côtes de Gênes et entra dans l'Atlantique avec quatre galères pour lutter contre les Anglais qui menaçaient les côtes de France. C'est ici que se place un événement qui suffirait à rendre illustre à jamais un homme ce mer. Prégent, attaque la flotte anglaise forte de quarante-deux voiles, la traverse fièrement et coule un de ses bâtiments. L'Amiral Howard qui commandait la flotte anglaise, jaloux de la réputation de Prégent, résolut de l'attaquer. Prégent de Bidoux dans le terrible passage du Four, s'était posté dans une anse près du Conquet, entre deux rochers et sous la pro- 124 SOCIÉTÉ D'HISTOIRE ET D'ARCHÉOLOGIE DU GERS. tection d'un double retranchement garni d'artillerie. L'Amiral anglais s'embarqua sur une galère et se fit suivre d'une autre, il se fit seconder par deux ramberges et plusieurs barques légères, les gros vaisseaux ne pouvant approcher à cause du manque de fond. Visant la galère de Prégent, il s'élance sur elle, l'aborde et saute avec dix-sept hommes sur le gaillard d'avant. Quinze des siens avaient attaché au cabestan de leur bâtiment, le cable de l'ancre qu'ils avaient jeté dans la galère française pour s'y accrocher avec le dessein de filer le cable si le feu venait à prendre aux galères; mais l'équipe de Prégent ayant coupé le caille, lord Howard vit sa galère s'éloigner et resta avec ses dix-sept hommes sur le bâtiment français. Prégent, reconnaissant à son écu doré, un personnage de distinction, se précipite sur lui et, le saississant à bras le corps, engage avec lui une lutte effroyable plusieurs fois les deux rivaux tombent l'un sur l'autre et se relèvent couverts de sang. Enfin ayant terrasé son adversaire, Prégent lui tendit une main généreuse et lui offrit la vie, ainsi qu'aux dix-sept hommes qui l'avaient suivi, Howard refuse. Nouvelle et plus et terrible lutte encore; assaillis à coups de piques, les anglais désespérés, se précipitent dans les flots; leur amiral fait comme eux, il fit des efforts inouis pour se faire donner aide, mais ne put y réussir, il disparut dans l'abîme .A quelque distance, Prégent aperçut un bâtiment anglais arborant le drapeau blanc, avec trois médiateurs de rang illustre, qui venaient demander des nouvelles du grand amiral d'Angleterre, Prégent de Bidoux ne répondit qu'en montrant la mer couverte de cadavres anglais dans la chaleur du combat, on n'avait pas fait de prisonniers. Pour tirer tout le fruit de sa victoire, il fit voile aussitôt vers les côtes d'Angleterre. Quoique séparé de sa petite escadre par un coup de vent, l'intrépide Marin, aborde avec une seule galère, dans le comté de Surrey. Il y brûle plusieurs villages et châteaux et, après avoir ramassé un butin précieux, revint avec un plein succès à Brest, quoique poursuivi par la flotte de Thomas Howard, qui avait succédé à son frère, dans la charge de grand amiral d'Angleterre. Dans cette glorieuse expédition, Prégent perdit un oeil, mais ce malheur ne l'arrêta pas longtemps La même année, il combat, avec ses galères, le 10 août 1513, contre la flotte anglaise. La flotte française, à laquelle il s'était joint, DEUXIÈME TRIMESTRE 1930. 125 attaqua les anglais, bien qu'elle fût deux fois inférieure en nombre, elle fracassa ou coula la moitié des vaisseaux ennemis. Ce combat naval eut lieu à la hauteur de Saint-Mahé, sur les côtes de Bretagne. La flotte anglaise prit la fuite et fut poursuivie jusque sur les côtes d'Angleterre. Lorsque la paix fut conclue avec l'angleterre en 1513, Prégent de Bidoux, voyant que sa patrie n'avait plus besoin de ses services, se démit de sa charge de général de galères de France, pour se rappeler ses voeux de chevalier de St Jean de Jérusalem. Cet ordre venait de l'élever à la dignité de Grand-Prieur de St Gilles en Province. Il était allé aussitôt partager les dangers des chevaliers ses frères qui étaient alors aux prises avec les Mameluks d'Egypte d'un côté et les Turcs de l'autre. Nous retrouvons Prégent, gouverneur de l'île de Cos, au moment où trente galères turques allaient combattre la flotte du Grand-Maître, Villiers de l'Isle-Adam, apres avoir débarqué quelques troupes pour dévaster et piller l'île. Il chargea si vigoureusement ceux qui avaient débarqué, qu'ils se jetaient pêle-mêle sur leurs vaisseaux et se rembarquèrent au plus vite. Ayant appris par des prisonniers que le gros de la flotte ottomane suivait de près et marchait sur Rhodes, il envoya demander au GrandMaître la permission de se rendre auprès de lui au poste du danger. De Villiers de L'Isle-Adam, qui connaissait ses talents et sa longue expérience reçut cette offre avec reconnaissance et le félicita de son zèle. Prégent, sans plus tarder, se jeta dans un brigantin, déjoua par son habileté nautique toutes les escadres ottomanes qui sillonnaient la mer, et entra de nuit dans le port de Rhodes. Le GrandMaître l'embrassa avec effusion, lui renouvela ses louanges et le chargea de visiter les différents postes de la Place, avec le commandement de toutes les batteries, conjointement avec Didier Tholon de Sainte Jaille, bailli de Manosque. Pendant le siège mémorable de Rhodes, Prégent de Bidoux et Sainte-Jaille dirigeaient l'artiilerie, démontant toutes les pièces des assaillants. Tous les chevaliers furent héroïques, malgré le nombre considérable des assaillants On citera toujours les noms de du Mesnil, de Grimereaux et surtout de Prégent de Bidoux, qui choisissait toujours les postes les plus exposés. Il reçut à la gorge un coup de mousquet dont il eut le bonheur de guérir. 126 SOCIÉTÉ D'HISTOIRE ET D'ARCHÉOLOGIE DU GERS. Abandonnés par toutes les puissances chétiennes, les chevaliers furent obligés de capituler, et le premier Janvier 1523, toute la flotte de Rhodes appareilla emportant les malheureux réfugiés; le vaisseau du Grand-Maître suivait portant à son grand mât, à la place du pavillon de l'Ordre, une bannière sur laquelle on lisait autour de l'image de la Vierge ayant son fils mort entre ses bras, cette inscription en latin Dans mon extrême affliction il est mon unique espérance ». Pendant l'été de 1524, sous le règne de François 1er, les armées de terre et de mer de Charles-Quint attaquaient la France de tous côtés, mais le sentiment national, avait acquis une énergie capable de s'élever aux plus sublimes efforts. Le 19 Août, Marseille est assiégée, le port était bloqué par une flotte de dix-huit galères, commandée par Hugues de Moncade, amiral de Charles-Quint. Mais les ennemis trouvèrent à Marseille, une belle et valeureuse résistance, que dirigeait en partie le vieux Prégent de Bidoux, accouru de Malte, pour consacrer son reste d'existence, au service de son pays. Pendant ce siège, qui dura 41 jours, les femmes de Marseille, sans distinction de rang, se conduisirent héroïquement, elles élevèrent de leurs mains une muraille derrière celle que les boulets avaient fait écrouler ; on l'appela le rempart des Dames, en l'honneur de celles qui l'avaient construit. Les ennemis furent obligés de lever le siège et furent vigoureusement poursuivis par la flotte française. En 1528, nos armes avaient éprouvé des revers, la marine était mal commandée ; François 1er eut mieux fait d'en donner le commandement à Prégent de Bidoux, au lieu de l'envoyer remplir une mission en Espagne. A son retour, la galère qu'il montait rencontra une galiote turque, toute chargée de captifs chrétiens. Le vieux marin, n'hésite pas un instant, il court sur elle, lui jette le grappin et l'aborde. Il se fit une horrible boucherie d'un bord à l'autre. Prégent, retrouvant toute l'ardeur de sa jeunesse pour combattre les ennemis du nom chétien et pour sauver ses frères esclaves, s'engage au plus fort de la mêlée; il est victorieux, enlève la galiote musulmane et délivre cent cinquante chrétiens, mais ce n'est qu'après avoir reçu plusieurs larges blessures. Il amarina sa conquête et la conduisit à Nice, où il mourut au DEUXIÈME TRIMESTRE 1930. 127 mois d'Août de la même année 1528, des suites de ses blessures. Il était âgé de soixante ans et en avait passé plus de quarante à la mer. Retracer la vie extraordinaire de Prégent de Bidoux, qui méritait mieux qu'une simple notice, nous a paru faire oeuvre de patriotisme, en faisant admirer le courage de cet illustre gascon, dont la gloire peut rivaliser avec celle des héros dont s'enorgueillit la marine française. P. S. — Nous avons pu mener à bien cette modeste étude, en utilisant le savant ouvrage de Léon Guérin, Histoire Maritime de la France, l'histoire titulaire de la Marine. Dans l'ouvrage de Spont, se trouve aussi un travail sur Prégent de Bidoux. Nous avons trouvé d'utiles renseignements dans l'Histoire des Chevaliers de Rhodes, par Eugène Flandin. 128 SOCIÉTÉ D'HISTOIRE ET D'ARCHÉOLOGIE DU GERS. LES CHANSONS POPULAIRES Des Pyrénées Française PAR M. JEAN POUEIGH Suite AUSSAU ! DAB MAS AULHETES OSSAU ! AVEC MES BREBINETTEs Au pè d'acet gran pic nébè, bis Bère balée que j'abè ! Aùssàù ! Dab mas aulhetes, Aùssaù ! Jou m'en y bau ! Qu'ei lou pais deus Aussalés, Pais de gaujou de plasès. Lou mes de mai qu'ei arribat, Las mountagnes qu'an berdurat. Anem, pastous, qu'ei eau puja, Las anesques s-ban débéia. A tu, labri, toque déra, Decap à case ban ana. Dansaram lous sauts aùssalés, Ibis Minjaram coque é burré fresc. Aùssaù ! Dab mas aulhetes, Aùssaù ! Jou m'en y bau ! [Vallée d'Ossau] Trad. — Au pied de ce grand pic neigeux, bis — Se trouve une belle vallée. — Ossau ! — Avec mes brebinettes, — Ossau ! — Je m'y en vais. *** — C'est le pays des Ossalois, — Pays si beau, si plaisant. *s — Le mois de mai est arrivé, — Les montagnes ontverdoyé. *%. — Allons, pasteurs, il faut monter, — Les brebis vont s'éveiller. *V— A toi, labrit, touche-là, — Droit à la maison nous allons. ** — Nous danserons, les sauts ossalois, bis — Nous mangerons gâteau et beurre. frais. — Ossau ! — Avec mes brebinettes, - Ossau ! — Je m'en y vais ! Ceci n'est autre que la populaire chanson d'amour Au berdurè, à laquelle les pasteurs transhumants ont ajouté un texte de circonstance, et dont ils modifièrent le refrain d'amoureux devenu ainsi pastoral. DEUXIÈME TRIMESTRE 1930. 129 On remarquera aussi la proche parenté des deux mélodies la ligne est ici restée la même, quoique simplifiée et moins contemplative. Sous la forme mélodique ci-dessus, ce chant est d'ailleurs répandu davantage. La version ossaloise l'agrandit, l'élargit, l'amplifie — caractère d'où résulte, certes, une musicalité plus magnifiquement expressive. Mais quel qu'en soit le rythme, l'accent en demeure toujours pathétique ; dans les landes planes, comme le long des chemins d'estivage ou sur les pâturages des sommets, les bergers béarnais lancent de tout leur coeur nostalgique ce cri de fervent amour vers leurs montagnes Aussau ! Mas amourettes !... » . • COT D'AUISQUE E COT D'ARBASI COL. D'AUBISQUE ET COL D'ARBAZE Cot d'Auisque e cot d'Arbàsi Mante-r-u n'as bist passa Permou qu'ères sou passàtge A goarda qui tourne e ba. Ni à Groute ni à Groutère Ni à l'entour deus Milharis, Nou s'y parech nade aute baque Ni per lou sé ni pou moti. Ni per lou sé ni pou mati. 130 SOCIÉTÉ D'HISTOIRE ET D'ARCHÉOLOGIE DU GERS. Hountacabe, Hountacabe, N'aurès bist à Hounderou ? — Au sarratot de las pèires Que s'arréble lou bastou. [Vallée d'Azun] Var. — 2. Trop bèt u... Trad. — Col d'Aubisque et Col d'Arbaze — Plus d'un pasteur avec son troupeau tu en as vu passer, — Parce que tu étais sur le passage — De qui revient et va garder le bétail. /* Ni à Groute ni à Groutère — Ni à l'entour de Milhares, — On n'y voit nulle autre vache — ni le soir ni le matin. /;,. Fontaine de la combe, — M'aurais-tu vu Hounderou ? — Au monticule des pierres lieu-dit — Il pèle son bâton. Le poète Michel Camélat, qui m'a dicté ce chant, n'a conservé le souvenir que des trois strophes précédentes. Mais la poésie complète en comptait davantage assurément. Les deux cols d'Aubisque et dArbazc sont situés dans la partie la plus haute et la plus sauvage de la route qui, des pittoresques Kaux-Bonnes en Béarn, mène à Argelès du 'Lavcdan. La chanson suivante, Gados y Platjncts, fait également allusion à ces lieux de pâturages où les pasteurs béarnais et bigourdans voisinent, en raison de leur situation aux confins du Béarn et de la Bigorre. GADOS Y PLAGNETS GADOS ET PLAGNETS DEUXIÈME TRIMESTRE 1930. 131 Autre mélodie Gados y plagnets, Terre' desirade, Nou y a terre au moun Qui ta plâ m'agrade. Nou y a terre au moun Qui ta plâ m'agrade. U miliou d'ausèts Que-y canden l'aubade. Dinquio qu'ère noeit Lou sou y arrajabe. Oulhes y moutous, Tout que m'y prababe. Baques y betèts, Tout que-y cournejabe. Si-b haréts en-ça, Lous deu cot d'Arbaze ? Que-b daram boudé, Coulât y calhade. Que-b daram boudé, Coulât y calhade; Aus de Cauderés Que daram lèit caude. [Vallée d'Ossau, Vallée d'Azun] Var. — I. Garrocs e Plagnets, — Arbéos e Béos, — 12. Que belasseiaben. — 14. Que tumasseiaben. Trad. — Gados et Plagnets, — Terre désirée, — Il n'y a terre au monde — Qui si bien me plaise. *** Il n'y a terre au monde — Qui si bien me plaise. — Un milllion d'oiseaux — Y chantent d'aurore. *** Jusqu'à la nuit — Le soleil y donnait. *** Brebis et moutons, — Tout y prospérait. *** Vaches et veaux, — Tout y poussait les cornes. Viendriez-vous de ce côté, — Les gens du col d'Arbaze ? *** Nous vous donnerons du beurre, — Du coulé » et du caillé. *** Nous vous donnerons du beurre, — Du coulé » et d ucaillé; — A ceux de Cauterets — Nous donnerons du lait chaud. Gados et lPagnets sont les noms de pâturages — quartiers de montagnes — situés sur la route des Eaux-Bonnes à Argelès, dans la région du col d'Aubisque et du col d'Arbaze. Les pâturages de Cauterets ne sont pas loin de là. Le village d'Arbéost se trouve dans les mêmes parages ; celui de Béost est proche de Laruns. Des chemins de montagne mettent en communication, par le col de Louvie, Béost — dans la vallée d'Ossau, Arbéost — dans la vallée d'Ozoun, et Arrens — dans la vallée d'Azun. 132 SOCIÉTÉ D'HISTOIRE ET D'ARCHÉOLOGIE DU GERS. LARUNS, CAP DE MOUNTAGNE LARUNS, TETE DE MONTAGNE Laruns, cap de mountagne, bis La nèu que-y toumbe lèu. bis Lous baquès s'en debaren Enta-u pèis de Bourdèu. L'u qu'a plegat balise, L'aute ba plega lèu. La permère journade, Crouts de Buzy s'en ban. A la borde d'Arribe, Aquiu que descargan. Lia segounde journade, Dret au Pount-Loung s'en ban. Y à la ritournade, Bile de Pau passan, Per y croumpa gulhetes, Gulhètes y ribans, Ta las bères hilhotes, Lou béroi més de mai. De Laruns que nous n'èren, Nou, ni tapoc de Bioust; Deu Bic de haut qu'en èren, bis Deu Bic de haut qu'en èren, bis [Vallée d'Ossau] Var. — 17 .... joenes — 22. De la commune de Goust. Tard. — Laruns, tête de montagne, — La neige y tombe tôt. *** Les vachers en descendent — Jusqu'au Pays de Bordeaux. *** L'un a plié bagage, — L'autre va plier bientôt. * La première journée, — A la Croix de Buzy s'en vont. *** A la métairie d'Arribe, — Là ils font halte. *** La seconde journée, — Droit au PontLong s'en vont. *** Et au retour, — Par la ville de Pau ils passent. *** Pour y acheter des aiguilles, — Des aiguilles et des rubans. * Pour les jolies fillettes, — Le joli mois de Mai. * De Laruns ils n'étaient pas. — Non, ni non plus de Béost; *** Du Vic de haut ils étaient, — De Gabas et de Goust. Chant de transhumance des pasteurs ossalois. DEUXIÈME TRIMESTRE 1930. 133 C'est à la vérité, le seul chant pyrénéen de transhumance que nous possédions, qui traite, et exclusivement, des conditions mêmes de la transhumance. Pièce rare et d'un exceptionnel intérêt. Les deux étapes du voyage y sont nettement indiquées Buzy — où les pasteurs font halte pour passer la nuit, après la première journée de marche — est situé, au sortir de la vallée d'Ossau, à l'embranchement des routes de Laruns 19 kil. et d'Oloron 15 kil. à Pau 20 kil. ; l'arrivée aux landes du Pont-Long, au-delà de Pau, marque le second jour, le terme de l'exode pastoral. Goust et Gabas sont des hameaux du haut d'Ossau, non loin des Eaux Chaudes et du Pic du Midi, sur la route de Laruns à Panticosa en Espagne. La variante du dernier vers s'explique par le fait que de nombreuses communautés ou communes libres existaient en Béarn. On dit aussi, en Ossau Laruns, cap de mountagne, qu'en ès *tant renoumat, Sinou que l'arriusé que t'a tant desgradat ! Trad. — Laruns, tête chef de montagne, tu es si renommé, — Mais le ruisseau devenu torrent t'a si dégradé ! ET RAUELHET CHANT POUR RAMENER LES TROUPEAUX 134 SOCIÉTÉ D'HISTOIRE ET D'ARCHÉOLOGIE DU GERS. Cric à ses bêtes Des e oueit ans n'y a que jou mountàgni Per campeja de lou bestia. Esquiu !... Oh ! Hou !... Oh ! Hou !... Des e oueit ans n'y a que jou mountàgni James dam pastou nou-m barreja. Digats, digats, pastoureleto, M'en dichaiots-bous barreja ? — Nàni, nàni, pastou tan fine. Per que n'y auio trop de bestia. — Eras mountagnos soun fort grandos, Et bestia rai, ja y cabera. » Et pastouret n'auio io roso Naut cops et dio que n' flourira. Et pastouret que preng 'ra roso Ta pla la boun bouli douna. » Ra pastouro, quoand bi era roso, Le dichèc bite barreja. Et pastou damb era pastouro, E lou bestia dam lou bestia. Mes quoand benguèc la brespadeto, Ra pastouro s'boutèc à Ipoura. Que plourats-bous, pastoureleto, Qu'auets aro de tant ploura ? N'auets perdutch 'ra counoulheto, Ou se boun manquo det bestia ? — Det bestia rai, jou nou m'en chauti, Et bestia rai, ja tournara. Jou n'ai perduch 'ra counoulheto, E nous pouirei pas mes hiala. Que bous m'auets deshounourado E sensé ré per me douna. DEUXIÈME TRIMESTRE 1930. 135 Que digueran lotis mius de caso, Qu'ouro me bejon arriba ? — Calhau, calhau, Catarineto, Digun cap nou n'en sabiera. — Despuch pla louegn, la mieuo maire, De ta loegn que m'en beja, E tabé lou mieu paire, A 'ras coulous m'en counougueira. » Esquiu !... Oh ! Hou !... Oh ! Hou !... [Vallée de Bcthmalc, Vallée du Salat] Trad. — Dix-uit ans Il y a que je vais à la montagne *** Pour mener paître le bétail. — Esquive !... Oh ! Ho !.. Oh ! Ho !... *** Dix-uit ans il y a que je vais à la montangne, — Jamais avec aucun pasteur je n'ai mêlé mon troupeau au sien. /» Dites, dites, petite pastoure, — Me laisseriez-vous mêler ? *** — Nenni, nenni, pasteur si rusé, — Parce qu'il y aurait trop de bétail.**. — Les montagnes sont fort étendues, — Et' le bétail aisément y contiendra. » ** Le pastoureau avait une rose — Qui neuf fois le jour fleurira. *** Le pastoureau prend la rose — Aussi bien je vous la veux donner. » *** La pastoure, quand elle vit la rose, — Le laissa vite mêler. *** Le pasteur va avec la pastoure, — Et le bétail de l'un avec le bétail de l'autre. /* Mais quand vint le soir, — La pastoure se mit à pleurer. *** Pourquoi pleurez-vous, petite pastoure, — Qu'avez-vous maintenant à tant pleurer ? & Avez-vôus perdu la quenouillette, — Ou vous manque-t-il du bétail ? *** — Du bétail guère je ne me soucie, — Le bétail reviendra bien. *** J'ai perdu ma quenouillette — Et je ne pourrai plus filer. *** Vous m'avez déshonorée — Et sans rien me donner comme dédommagement. *** Que diront mes parents — Lorsqu'ils me verront arriver ? g* — Taisez-vous, taisez-vous, Catherinette, — Personne ne le saura. *** — Du plus loin ma mère, — D'aussi loin qu'elle m'apercevra, *** — Et aussi mon père, — A mes couleurs le connaîtront. » Esquive !... Oh ! H.... Oh ! Ho !... t Autre version Margaridou, Margarideto, Bous m'en dichaiots barreja ? 136 SOCIÉTÉ D'HISTOIRE ET D'ARCHÉOLOGIE DU GERS. — Nàni, nàni, pastou boun drolle, Per que n'y auio trop de bestiat. » Tant que l'a pregountado, la Margarido, Elo l'en deicho barreja. Et pastou damb era pastouro, E lou bestiat dam lou bestiat. Que n'an perduch eras gouelhetos D'abe trop e trop barrejat. S'en boutée à ploura, la Margarido, De n'abé perduch lou bestiat. Noun plourets cap, la Margarido, Ras gouelhetos se troubaran. Qu'en tournaras dema, la Margarido, E ja n'tournarem barreja. » Lou lendouma, Margarideto Tournauo ambe lou bestiat. De ta louegn que l'en poudec bése, Elo li parlo de barreja. Mes, at cap de nau méses, Un beroi hilhet arriba. Sera et pastou dera Margarido, Ras gouelhetos ja n'goardara. [Vallée de Biros] Trad. — Marguerite, petite Marguerite, — Me laisseriez-vous mêler mon troupeau au vôtre ? *** — Nenni, nenni, pasteur bon garçon, — Parce qu'il y aurait trop de bétail. » *** Tant il a supplié Marguerite, — Qu'elle l'a laissé mêler. ** Le pasteur va avec la pastoure, — Et le bétail de l'un avec le bétail de l'autre. *** Ils ont perdu les brebinettes — D'avoir pai trop mêlé. *** Elle s'est mise à pleurer, Marguerite, — D'avoir perdu le bétail. *** Ne pleurez plus, Marguerite, — Les brebinettes se trouveront. *** Revenez demain, Marguerite, — Et nous recommencerons à mêler. » *** Le lendemain, Marguerite — Revenait avec le bétail. *** D'aussi loin qu'elle put le voir, — Elle lui parla de mêler. Mais, au bout de neuf mois, — Un joli garçon arriva. *** Il sera le pasteur de Marguerite, — Les brebinettes il gardera. Les pasteurs du Couserans et d'une partie du Comminges font entendre cette chanson, non seulement en gardant leurs bêtes mais surtout en les menant et les ramenant de l'étable aux pâturages. C'est donc un chant de transhumance autant que de travail, coupé par les appels, les cris, les interjections. DEUXIÈME TRIMESTRE 1930. 137 En outre du vocable typique de Rauelhet, donné comme titre à cette chanson, on remarquera le verbe mounlagna ou amountagna, qu'emploient fréquemment en langage courant tous ceux qui, des vallées hautes, s'élèvent davantage encore vers la haute montagne. Il ne figure que dans la seule poésie betmalaise; les autres versions, telles qu'elles m'ont été dictées, suppriment les deux premiers couplets et commencent au .troisième. L'air majeur de Bethmale et la varianite mineure du Salât sont d'un magnifique caractère, à la fois limpide et profond. La mélodie en majeur de Biros se rapproche fort de celle de Bethmale, elle a peut-être plus de souple fantaisie, mais moins de pureté ample et sereine. À suivre. 138 SOCIÉTÉ D'HISTOIRE ET D'ARCHÉOLOGIE DU GERS. Notices des Prêtres et Religieux de Condom PENDANT LA RÉVOLUTION PAR M. JOSEPH GARDÈRE. C Suite. CXXIV. — LASSRRE .Jean. Lasserre Jean, né à Condom, paroisse Saint-Pierre, le 24 octobre 737, de harles asserre, marchand, et de arie Laarthe 1041, d'abord vicaire de Pcli, est nommé petit prébendier du Chapitre ca~ thédral de Condom, le 14 novembre 1765, et il prend possession le même jour 1042. Grand prébendier le 30 septembre 1775 1043, sur la résignation de son frère, il se démet de sa petite prébende le 4 octobre suivant 1044 ; nous le trouvons à partir de décembre 1774, vicaire à Saint-Michel jusqu'en octobre 1786 1045, époque à laquelle il est nommé curé de Caussens 1406, et où il se démet de sa prébende diaconale. Il était alors docteur en théologie. Jean Lasserre, qui administra la paroisse de Caussens jusqu'en 1793, devait prêter les serments du 26 octobre 1790, du 14 août 1792 et du 19 fructidor An V 1047.. II remit ses lettres de prêtrise au maire de Caussens et l'aurait requis, sur son refus de les recevoir, de les porter au district. Il assista, paraît-il, processionnellement au brûlement du Christ et des images de l'église et encensa l'arbre de la liberté ; il ne craignit pas d'ailleurs d'annoncer à ses paroissiens qu'il ne leur avait prêché jusque là que du charlatanisme » 1048. Le 10 messidor An III, les citoyens de la commune de Caussens demandèrent, en vertu de la loi du 11 prairial, la disposition de l'église dont on avait fait le Temple de la Raison », la maison d'école, etc.. ! et le 14, le citoyen Jean Lasserre, prêtre, habitant dans ce moment de la commune de Condom, se présenta devant le maire et les officiers municipaux de la commune et leur dit que lorsque 10411 Regist. par. de Saint-Pierre. 1042 Minutes de Pierre Lacapère. élude Pélisson. 1043 1044 Acte du 6 octobre 1775 inimités Lacapère, lude. Pélisson. 1045 1045 Regist. de la par. Saint-Miche] de Condom. UHfi Registres paroissiaux de Caussens. 1047 Il prête le serment du 19 fruotidor An V à. Condom, le 24 du même mois. Hefi'isir. délibér. inuiiicip. Condom. 1048 Notes sur cet ecclésiastique. Arch, de l'évêché d'Agen. DEUXIÈME TRIMESTRE 1930. 139 sous l' empire de la terreur qui a tenu longtemps la frence asservie, il a été forcé, comme tous ses pareils, à cesser les fonctions de son ministère, il n'a fait que plier aux circonstances impérieuses contre l'impulsion de son coeur. Aujourd'hui que la frence régénérée protège sous l'égide de la justice et des lois la liberté des personnes et des propriétés, il s'empresse de faire connaître à la municipalité de Caussens, le uoeu constant de son coeur pour un état inséparable en conséquence qu'il se dispose à en reprendre les fonctions auxquelles il n'a. jamais entendu, reconcer lors même qu'il a été forcé de les suspendre rétractant à cet égard toute déclaration contraire qu'il pourrait avoir faite, de laquelle déclaration, dans quels termes et sous quelle dénomination qu'elle ait été faite, de laquelle déclaration nous avons concédé acte au, citoyen Lasserre qui, a signé avec nous Lasserre, La fite, Lafite, pr. dela c, Bajolle, secret. » Le 1er thermidor suivant le citoyen Lasserre fit sa déclaration d'exercice du culte catholique dans l'étendue de la commune et requit acte au maire et aux officiers municipaux de sa soumission aux lois de la République et on lui donna acte 1049. Le 24 messidor An III, il fait sa soumission d'exercer le ministère d'un culte dans l'étendue de la commune de Condom en vertu de la loi du 11 prairial précédent *05fl. Il figure dans les Etats des pensionnaires ecclésiastiques du district de Condom de l'An III comme domicilié à Condom 1051, et dans le Tableau des prêtres et ecclésiastiques dont l'administration municipale a reçu les déclarations en exécution de l'article 6 de l'arrêté du département du 21 brumaire An VI, envoyé à Auch le 4 pluviôse An VIII 1052. . Jean Lasserre fait, le 8 brumaire An IV, la déclaration contenue dans La loi du 7 vendémiaire précédent ; et il exerce le culte à Condom dans les églises de Saint-Michel et de Saint-Barthélémy jusqu'en nivose An VI 1053. Il rentre alors à Caussens, en l'An VI, et, à partir du 14 pluviôse de cette année, il dessert en même temps, Sainte-Germaine 1054. Mgr Jacoupy le maintint, malgré son passé et les conseils contraires ou opposés, le 3 thermidor An XI, dans la paroisse de Caussens qu'il devait administrer longtemps encore ; effectivement et par lui-même, 1049 Arch. municip. de Caussens. 1050 Délibér. commun, de Condom. 1051 Arch. municip. de Condom. 1052 Arch. dép. du Gers. 1053 Délibér. municip. du 8 brumaire An IV bis. 3 et 4 nivose An VI, et. Tableau relatif à l'exécution des lois du 7 vendémiaire et du 22 germinal An IV dressé par la municipalité de Condom, le 4 thermidor An V. Arch. municip. Condom. 1054 Délibérât, municip., Condom, 14 pluviose An VI. 140 SOCIÉTÉ D'HISTOIRE ET D'ARCHÉOLOGIE DU GERS. il l'administra jusqu'en 1809 ; et de 1809 à 1816, par un pro-recteur. Il dut se retirer complètement vers cette époque 1055. Jean Lasserre mourut à Condom, dans la maison de Me Gérard Lebé, anciens sous-préfet, le 9 octobre 1823, à l'âge de 85 ans 1056. CXXV. — LASSERRE Jean-Pierre. Jean-Pierre Thieux-Lasserre, curé de Montréal à la Révolution, ne prêta pas serment et fut remplacé par le sieur Antoine Nauton, son vicaire, élu à sa place par les électeurs du district de Condom, le 6 juin 1791. Il avait alors environ 67 ans ; malgré son âge, il préféra la déportation à la réclusion que sa qualité de sexagénaire aurait pu lui faire appliquer, et il passa en Espagne en vertu d'un passeport qui lui fut délivré par la municipalité de Cauterets. Il fut à ce titre rayé de la liste des émigrés par décision du directoire du département du 11 août 1793 sur la pétition de Thieux-Lasserre, son neveu, habitant à Condom, et le séquestre établi sur ses biens fut levé à la charge néanmoins par la pétitionnaire de payer les frais de séquestration 1057. Toutefois, il était à Condom en l'An VI, et l'arrêté du département du 21 brumaire rendu en conséquence de la loi du 19 fructidor qui avait rétabli celle des 29 et 30 vendémiaire dans sa rigueur, et de celle du 18 messidor, l'obligeait à quitter le territoire. Il demanda, en raison de son âge, à être placé sous la surveillance de la municipalité, conformément à une lettre du ministre qui avait été consulté et avait répondu que tout prêtre actuellement sexagénaire était autorisé à rester en France sous la surveillance de la municipalité où il résidait. Mais celle-ci, appelée à donner son avis, déclara que la loi du 18 messidor ne contenait pas d'exception en faveur du pétitionnaire qui, appelé par la loi dans une maison de réclusion comme prêtre sexagénaire, s'était, déporté volontairement d'après la notoriété publique. Par son arrêté du 7 thermidor An VI, l'administration centrale du département commit néanmoins deux médecins à l'effet de constater si le sieur Lasserre était dans l'impossibilité physique de sortir du territoire, pour être statué sur leur rapport ions. Nous avons lieu de croire qu'il fut placé sous la surveillance de la municipalité. 1055' Tableau de nomination aux étires et paroisses du département du Cers. Imprimé. 1051 Etat civil de Condom. 1057 Regisfr. des pétitions Arch. de la sous-préfecture. n° 934. 1058 Registr. des pétitions du canton de Condom, n° 337 Arch. de la souspiéfecture. — Lette du commissaire du territoire exécutif près le département du Gers David du 28 messidor An VI. et lettre de l'administration municipale de Condom à l'administration centrale du département, du 6 thermidor An VI. Arch municipales de Condom. DEUXIÈME TRIMESTRE 1930. 141 Il mourut à Montréal, le 10 brumaire An XIII, à l'âge de quatrevingt ans 1059, CXXVI. — LAURENT Jacques. Le prêtre Laurent Jacques, dont l'origine nous est inconnue, vint à Condom en l'An V. Il ne s'était pas présenté pour prêter le serment du 19 fructidor, le 5e jour complémentaire de cette année, comme nous l'apprennent les officiers municipaux dans une lettre de ce jour aux administrateurs du département 1060, mais il figure dans le Tableau des prêtres et ecclésiastiques dont l'administration municipale de Condom avait reçu les déclarations en exécution de l'article 6 de l'arrêté du département du 21 brumaire An VI, le dit tableau envoyé à Auch le 4 pluviôse An VIII 1061. Nous n'avons pas d'autre renseignement sur ce prêtre étranger à Condom. CXXVI. — DE LAVAISSIÈRE-LAVERGNE Louis-Joseph. Louis-Joseph de Lavaissière de Lavergne, prêtre du diocèse de Clermont, licencié en droit canon, était directeur du couvent de Valdome à Charenton, près Paris. Il fut pourvu d'un canonicat à Condom, le 10 décembre 1788, sur la démission de Messire Adrien-Claude de Mondion. Il prit possession de ce canonicat, à Saint-Pierre de Condom, le 14 février 1789 1062. Il se refusa à prêter serment et fut obligé de se rendre à Auch, au mois d'août 1792, un certificat d'une conduite paisible depuis la Révolution lui ayant été refusé par le Conseil général de la commune de Condom le 15 de ce mois 1063. Il ne tarda pas à obéir aux lois de la déportation. Ses meubles furent confisqués et vendus le 14 ventôse An III 1084. Ils ne produisirent que 119 livres 10 sols 1065. Il figure en sa qualité de chanoine sur la liste des prêtres de la commune de Condom sujets à la déportation envoyée par les administrateurs de la commune à l'administration du département, le 4 pluviôse An VIII 1066 dom, opta pour La vie commune en vertu du décret de septembre 1790. 1059 Etat civil de Montréal. 1060 Arch. municipales de Condom. 1061 Archives départementales du Gers. / 1062 Comptes du Chapitre de Condom, année 1789 étude Pélisson, et acte du 14 lévrier 1789 minutes Audié, étude Lagarde. 1063 Délibér. communales de Condom des 12 et 15 août 1792. 1064 Arch. du Bureau de l'Enregistrement de Condom. — Voir aussi Regist. de pétitions du district de Condom, nos 1477 et 1512. Arch. de la 1065 Regist. de recettes des biens d'émigrés Arch. dép. Gers. Q. 273, 1066 Archives départementales du Gers. 142 SOCIÉTÉ D'HISTOIRE ET D'ARCHÉOLOGIE DU GERS. CXXVIII. — LEGAIN Jean-Dominique. Legain Jean-Dominique, religieux cordelier du couvent de ConLe ConLe août 1791, il signe, avec les autres cordeliers réunis au couvent de Condom, le règlement dressé à cet effet- 1067. Il est encore au monastère le 9 mars 1792 avec les autres religieux qui l'avaient choisi pour le lieu de leur résidence ; il avait à cette époque 51 ans 1068 j. Il avait 26 ans de profession 1069. Au mois d'octobre suivant, il alla habiter la paroisse de Mansencomme, où il remplit les fonctions de desservant. Il prêta le serment du 14 avril 1792 devant la municipalité de Mansencomme seulement le 8 avril 1793. C'était trop tard. Mais le curé constitutionnel de Cassagne intercéda auprès de l'administration du district en faveur du bon religieux dont il envoyait l'extrait de prestation du serment, et il put continuer son service l070. L'évêque Bartne lui accorda, le 31 juillet 1793, des lettres de desservant pour Mansencomme et Ascous avec le pouvoir de dire deux messes dont l'une pour Ascous 1071. Mais l'administration du district le fit plus tard arrêter et l'envoya, sous la conduite d'un gendarme, à l'administration du département qui ordonna, par son arrêté du 3 pluviôse An II selon les dispositions de l'article .10 de la loi du 29e et 30e jour du premier mois de l'année républicaine courante » que le ci-devant cordelier Leguin sic sera transféré à la côte de l'Ouest de l'Afrique, et en attendant qu'il subisse sa peine renfermé dans la maison de réclusion des prêtres ». Elle décide en même temps que copie de son arrêté sera envoyé au district de Condom pour qu'il fasse séquestrer les biens du ci-devant moine Leguin » 1072. Le 9 ventôse suivant, un nouvel arrêté du département ordonnait que tous les prêtres sujets à la déportation, actuellement dans la maison de réclusion seraient traduits à Bordeaux en trois différents convois, en vertu de l'arrêté du Conseil exécutif approuvé le 6 pluviôse par le Comité de salut public qui portait que les ecclésiastiques sujets à la déportation seraient conduits de brigade en brigade par la gendarmerie nationale dans les ports de Bordeaux et de Rochefort en calculant la distance, pour les envoyer au plus voisin du lieu où ils se trouveraient. Le premier convoi avait compris un prêtre de Condom, l'abbé de Mélignan ; le second convoi fut composé de onze prêtres, dont Le1067 Le1067 de la. sous-préfecture. 1068 Regist. des délibérations municipales de Condom. 1069 Archives départementales du Gers. I.. 417. 1070 Lettre du 16 avril 1793 de Passerieu, curé de Cassagne et prestation de serment de Legain. Arch. de la sous-préfecture. 1071 Regist. épiscopaj de Barthe Arch dép. du Gers. 1072 Arch. dép. du Gers. Regist. des délibér. du directoire du département. DEUXIÈME TRIMESTRE 1930. 143 gain qui devait partir, en vertu de l'arrêté du département du 15 ventôse, le septidi suivant. Le 31 mars 1795 11 germinal An III, Legain devait être renvoyé comme infirme 1073 ; et le 3 thermidor suivant, il fait soumission d'exercer le ministère d'un culte conformément à la loi du 11 prairial 1074. Mais il est de nouveau poursuivi en vertu de la loi du 3 brumaire An IV. Toutefois il put échapper aux premières perquisitions, car nous le voyons figurer sur une liste de prêtres de la commune de Condom sujets à la déportation du 19 nivôse envoyée au directoire du département par l'administration municipale, le 19 nivôse An IV, avec cette mention On ignore où il est 1075. Nous n'avons pas d'autres renseignements sur ce religieux qui fut très populaire comme prédicateur et a longtemps vécu dans la mémoire des Condomois. CXXIX LONGA Antoine. Longa Antoine, né à Condom, faubourg du Pradau paroisse SaintBarthélémy, le 22 avril 1750, de Louis Longa, aubergiste, et de Marie Lagarde 1076, fit ses études de théologie au séminaire de Condom, où il est acolythe en 1773 1077. Vicaire à Béraut de 1776 à 1792 1078, Antoine Longa refusa solennellement du haut de la chaire, le 27 février 1791, au prône de la messe de paroisse, de prêter le serment prescrit par l'article 39 du décret du 24 juillet 1790 réglé par les articles 21 et 26 de celui du 12 du même mois concernant la Constitution civile du clergé... Le moment de prêter le serment civique est donc arrivé, dit-il, en s'adressant à la municipalité ; il est bien juste de répondre à ce que vous exigez de moi aujourd'hui. C'est avec respect et avec les plus purs sentiments de mon coeur que je vous déclare que c'est ma propre conscience qui m'oblige à vous refuser le serment et que cependant je continuerai l'exercice de mes fonctions jusqu'à ce que le directoire du district y ait autrement pourvu. » La municipalité dressa le même jour procès-verbal de ce refus et le transmit à l'administration du district en la priant instamment » de pourvoir non seulement au remplacement du vicaire mais encore à celui d'un curé résident au dit Béraut sur le même refus que pourroit faire le sieur Jaques Desterac, archiprêtre, bénéficiés sic de Condom et de Béraut, cy-devant connue sous la dénomination d'ar1073 d'ar1073 Religieuse d'Auch du 2 janvier 1892. 1074 Regist. des délibér. municipales de Condom. 1075 Arch. municip. de Condom. 1076 Regist. de la paroisse Saint-Barthélémy de Condom. 1077 Acte de mai, minutes Pélauque, étude Lebbé. 1078 Regist. de la paroisse de Béraut. 144 SOCIÉTÉ D'HISTOIRE ET D'ARCHÉOLOGIE DU GERS. chiprêtré qui dans un pareil cas rendrait la cure dud. Béraut vacante. » Il nous faut ajouter que huit jours auparavant, le 20 février, Antoine Longa avait refusé de donner lecture de la loi du 26 décembre précédent relative au serment à prêter par les évêques cy-devant archevêques et autres ecclésiastiques, fonctionnaires publics, qui lui avait été communiqué à cet effet et que lecture avait été faite le même jour à l'issue de la messe de paroisse par le premier officier municipal, Louis Ferret, en l'absence du maire 1079. Cependant le courageux vicaire ne fut pas remplacé quoiqu'il ne cessat de donner des marques de la plus grande indépendance. Il refusait notamment de lire les mandements et ordonnances de l'évêque du département, et le 18 mars 1792, nous voyons le procès-verbal de refus de lecture d'un de ces mandements à la messe de paroisse qui selon le désir de l'évêque, fut dressé par la municipalité ; laquelle fit lire le mandement, à l'issue de la messe par le secrétaire municipal qui en a bien duement expliqué la consistence dont le peuple en est satisfait. » Le même jour, 18 mars 1792, les officiers municipaux nous apprennent que le vicaire refusa de porter le saint viatique à une malade de sa paroisse sur la demande du curé de Caussens qui venait de la confesser sous le prétexte que ledit curé avoit commencé de l'administrer, il pouvoit bien l'achever ». — Ce désordre, ajoutent-ils, n'est pas encore des plus grands qui s'opposeroit annuellement à l'occasion dud. sieur vicaire puisque cette femme a eu le bonheur d'être administrée par led. sieur curé de Caussens, tandis qu'il ne se passe point d'année qu'il ne meure quelque personne sans être seulement reconcilliée, faute par led sieur vicaire d'abuser de son devoir ; les officiers municipaux de Béraut ne s'occuperont point maintenance insérer dans leurs procès-verbaux les démarches dud. sieur vicaire dans les circonstances présentes ; ils se contentoient de tracer seulement deux points de sa conduite sur les devoirs du culte ce qui prouvera aisément ses bienfaits et sa manière d'agir 1° il passe les années entières sans faire une explication d'évangile sic se contentant de dire une messe basse et souvent vêpres à l'issue ; 2° il admet les enfants de l'un et de l'autre sexe à la Sainte Table sans instruction, c'est-à-dire sans leur apprendre la doctrine chrétienne passant égallement les années entières sans faire six fois le catéchisme, de tout quoi avons dressé le présent procès-verbal le même jour et an que dessus et certifions véritable, à Béraut ce 18 mars 1792 et ont signé. » 1080 Contrairement à cette dernière mention, le procès-verbal n'est re1079 re1079 des délibérations de la municipalité de Béraut. 1080 Item. DEUXIÈME TRIMESTRE 1930. 145 vêtu d'aucune signature, ce qui nous paraît faire ressortir une preuve évidente de l'exagération des reproches qu'il contient à l'égard du vicaire. Quoiqu'il en soit, Antoine Longa dut se soumettre à la loi de la déportation. Il fut même inscrit sur la liste des émigrés du département, et ses biens consistant en maisons et terres dans la commune de Condom furent confisqués et vendus en vertu des lois sur les émigrés du 3 juin et du 13 septembre 1793, le 26 prairial An II et le 11 prairial An III 1081. Ses meubles furent aussi confisqués et vendus 1082. Ses neveux demandèrent au mois de pluviôse An V sa radiation de la liste des émigrés et le remboursement des sommes provenant du prix des biens, meubles et immeubles vendus. La municipalité de Condom consultée fut d'avis, le 27 ventôse An V, que les pétitionnaires devaient jouir du bénéfice des lois du 22 fructidor An III, 19 et 26 fructidor An IV, qui avaient rapporté celles relatives à la confiscation des biens des prêtres déportés ou reclus et qu'il y avait lieu de les déclarer créanciers de la République de la somme de onze mille trois cent soixante-neuf francs vingt-sept centimes pour le produit net de la vente des biens, meubles ou immeubles d'Antoine Longa, leur oncle déporté 1083, Antoine Longa se trouve inscrit comme vicaire de Béraut sur la liste des prêtres de la commune de Condom sujets à la déportation envoyée par les administrateurs de la commune à l'administration du département le 4 pluviôse An VIII 1084. Il fut rayé de la liste des émigrés par arrêté de l'An X ; mais il était mort dans le courant de 1800 au couvent des capucins de Séville où il s'était réfugié 1085, CXXX. — MALAVAL Guillaume. Malaval Guillaume, prêtre de la Doctrine Chrétienne, était l'un des directeurs dû séminaire diocésain de Condom au moment de la suppression de l'établissement. Il était économe de la maison et conférencier pour l'explication de l'Ecriture Sainte, il remplissait ces fonctions depuis cinq ans en 1790 1086. Il quitta Condom à la fin de 1791 1081 Relevé des biens vendus révolutionnairement eu vertu des lois sur les émigrés, nos 949 et à Arch. de la sous-préfecture. 1082 Regist. de pétitions du district, n° Arch. de la sous-préfect. et Arch. départ, du Gers. Q. 273. 1083 Registre des pétitions du canton de Condom, n° 231. Arch. de la souspréfect. Les biens immeubles avaient été vendus fr., mais on dut tenir compte du mode de paiement. 1084 Arch. départ, du Gers. L. 422. 1085 Notes manuscrites de M. Laplagne-Barris sur les émigrés. Archives de l'archevêché d'Auch. 1086 Etat des revenus du séminaire dressé le 2 novembre 1790 par le district. Arch. dép. du Gers. Q. 231. 10 146 SOCIÉTÉ d'HISTOIRE ET D'ARCHÉOLOGIE DU GERS. ou au commencement de 1792, et alla habiter Villefranche Aveyron, d'où il était peut-être originaire. Au mots de février 1793, il adressa une pétition au district de notre ville à l'effet de toucher le montant de la pension à laquelle il croyait avoir des droits, attendu qu'à l'époque de la loi du 27 novembre 1790 sur le serment des assujettis ecclésiastiques il n'était point en fonctions depuis la suppression du séminaire. II demanda, à la même époque également, par une seconde pétition, le montant de certains meubles et effets qu'il avait laissés au séminaire ; mais il n'obtint pas satisfaction 1087. Il renouvela sa demande à la fin de nivôse An III ; mais le district le débouta par son arrêté du 7 pluviôse An III, attendu qu'il n'avait pas prêté le serment du 26 décembre 1790 qu'il devait en sa qualité de fonctionnaire ; et, qu'à défaut de prestation de ce serment, la loi portant suppression des Congrégations séculières le déclarait déchu de tout traitement ; et que, d'après une lettre des officiers municipaux, les renseignements du citoyen Pène aîné, cy-devant prêtre; marié, maire de Mouchan, le cy-devant séminaire continua les fonstions de renseignement à peu près jusqu'au 20 décembre 1791, et que le citoyen Malaval exerça les fonctions de syndic dans lad. maison jusqu'au moment où le séminaire cessa toute instruction. » Le pétitionnaire rapportait bien la preuve de sa prestation de serment du 14 août 1792 ; mais le district déclara que ce serment ne l'affranchissait pas de la déchéance du traitement et du mobilier de la chambre qu'il occupait, non plus que des peines portées par les lois du 30 vendémiaire et du 22 ventôse An II 1088. Nous n'avons pas d'autres renseignements sur ce prêtre. CXXXI. — MAJAN Etienne. Majan Etienne est dit né à Saint-Girons. Nous croyons inutile de faire une longue notice sur ce prêtre déporté ou reclus 1089, qui fut inconnu à Condom. CXXXII. - MAHCON Jacques. Marcon Jacques, dominicain du couvent de Condom, âgé de 70 ans, natif de Lautéac, au diocèse du Puy en Velay, en exécution de la déclaration faite devant la municipalité de cette ville, le 11 mars précédent, déclare, devant le district de Condom, qu'il préfère la vie libre et veut se retirer au Puy en Velay. Il était aumônier du couvent de Prouillan. Il obtient du départe1087 départe1087 des pétitions du district de Condom. nos 774 et 775. Arch. de la. sous-préfecture. 1088 Regist. de pétitions du canton de Condom, n° Archives de la sous-préfecture. 1089 Archives départementales du Gers. L. 422. DEUXIÈME TRIMESTRE 1930. 147 ment son traitement de 1790 et le premier quartier de 1791. Sa pétition est du mois de mars 1791 il avait alors 69 ans 1090, CXXXIII. — MARSAN Bruno. Marsan Bruno, de Mirande, diocèse de Lombez 1091, fut tonsuré dans cette dernière ville au mois de septembre 1736. Le 27 juin 1752, il fut pourvu d'une rnanse au prieuré des Bénédictions d'Eauze où il est reçu novice le même jour il prononce les voeux le 15 octobre 1753, est ordonné sous-diacre à Lombez le 8 juin 1754, et diacre à Condom le 21 septembre de la même année. Ces divers titres de cléricature se trouvent aux archives de la souspréfecture de Condom. Ils y furent probablement déposés à l'époque où le P. Bruno put se rendre au chef-lieu du district pour obéir à l'arrêté des représentants du peuple 1092. CXXXIV. — MASSIAS Nicolas. Massias Nicolas, né le 18 février 1762 1093, à Villeneuve-sur-Lot, entra de bonne heure dans la Congrégation de l'Oratoire. Il professa pendant trois ans à l'Ecole miiitaire de Tournon, de 1786 à 1789, et vint en 1789, au collège de Condom où il professa la rhétorique jusqu'en 1792 1094. Le confrère Nicolas Massias prêta le serment civique avec les autres Oratoriens de Condom, le 27 février 1791, à l'issue de la messe de paroisse, et il prononça lui-même un discours avec le Père Ichon 1095. Nommé notable le 27 novembre suivant, avec son collègue Gerzat 1096, il s'enrola au mois de juin 1792. Il entra le 20 juin de cette année dans le 1er bataillon des volontaires du Gers, à sa formation. Massias est au 1er bataillon du Gers, en quartier à Perpignan, au mois de décembre 1792 1097. Il fut remplacé provisoirement comme professeur de rhétorique par Marquet, désigné par le principal 1098. Jean-François Lassalle, puiné, veut être nommé à la place de Massias, le 1er décembre 1792, selon un avis du district à la municipalité. Mais l'avis du district, du 14 janvier 1793, portait que la classe de rhétorique ne pouvait être regardée 1090. Regist. de pétitions du district de Condom, n° 135. 1091 Ne devrait-on pas plutôt lire Mirambeau ? N. D. L. R. 1092 Archives de la sous-préfecture de Condom 1093 Archives départementales du Gers. L. 503. 1094 Reg. du collège de l'Oratoire de Condom. 1095 Arch. départ, du Gers Journal patriotique du Lot-et-Garonne du 5 mars 1791. 1096 Regist. des délibérations municip. de Condom du 27 novembre 1791, 18 juin 1792. — Regist. des pétitions du district de Condom, n° 648. Archives de la sous-préfecture. 1097 Regist. de pétitions du district de Condom Arch. dép. du Gers, L. 210, n° 1098 Regist. des pétitions du district, n° 648. Arch. de la sous-préfecture. 148 SOCIÉTÉ D'HISTOIRE ET D'ARCHÉOLOGIE DU GERS. comme vacante, la loi conservant la place au citoyen Massias qui servait la République dans le bataillon des volontaires du département ; qu'il ne pouvait être question que d'un remplacement provisoire du citoyen Massias ; que ce remplacement est fait par Marquet que le principal a chargé de la classe de rhétorique ; qu'il n'y avait pas lieu par conséquent de nommer Lassalle à la place de Massias 1099, Nous trouvons ce dernier colonel d'artillerie après le 18 brumaire. Il quitta depuis la carrière des armes pour la diplomatie et devint Consul général à Dantzig en 1807. Napoléon le créa baron de l'Empire. Il publia depuis un grand nombre d'ouvrages littéraires, philosophiques et politiques. Nicolas Massias devait mourir à Baden-Baden, le 23 janvier 1848 1100. CXXXV. — MAURIN Jean-François-Ignace. Maurin Jean-François-Ignace, né à Toulouse le 13 mai 1737, de Jean Maurin et de Jacquette Dader, religieux minime, fut curé de Beaufort, district de Muret, dans les premiers temps de la Révolution. Le 13 thermidor An III, il déclara au district de Toulouse qu'il faisait sa résidence à Condom et qu'il voulait y être payé. Aussi le voyons-nous figurer comme curé dans les Etats des pensionnaires ecclésiastiques domiciliés dans la commune de Condom de l'An VI et de l'An IX 1101, dans un Etat informe de l'An IV, et dans le Tableau des prêtres constitutionnels du 25 vendémiaire An XI. II avait prêté les serments du 26 octobre 1790, du 14 août 1792 et du 19 fructidor An V 1101. Il mourut à Condom le 19 messidor An XII 1103. CXXXVI. — MÉLIGNAN DE Jean-Eugène-Lambert. Jean-Eugène-Lambert de Mélignan, né à Condom le 21 octobre 1752, de Messire Bernard de Mélignan, écuyer, seigneur de Trignan, et de noble dame Marie-Louise de Frère-Saint-Pau 1104, était chanoine de Condom et vicaire-général avant la Révolution. Lorsqu'il prit possession de son canonicat, le 15 mars 1780, il était licencié en droit canon, aumônier de Madame Victoire de France et vicaire général. Ce bénéfice vacant par le décès de Messire Jean de Castillon de Careoste, docteur en théologie, prévot et chanoine, lui avait été accordé le 8 janvier 1775 par brevet de Sa Majesté à laquelle 1099 Regist. des délibér. du district. 1100 On peut consulter sur le baron Massias les principaux recueils biographiques. 1101 Archives départementales du Gers. L. 502, 1102 Archives municipales de Condom. 1103 Etat civil de Condom. 1104 Regist. parois, de Saint-Pierre de Condom. DEUXIÈME TRIMESTRE 1930. 149 il était dû à cause de son joyeux avènement à la couronne ». Lorsque le brevet du canonicat lui fut accordé, il était sous-diacre au séminaire de Saint-Sulpice. Il ajouta bientôt à ses titres celui d'abbé commendataire de l'abbaye de Saint-Léon 1106. Le 5 novembre 1785, l'abbé de Mélignan se démit de son canonicat à cause des fréquents voyages qu'il était obligé de faire pour son service auprès de Madame Victoire. Mais trois jours après il prenait possession de la dignité d'archidiacre majeur » en notre église la seconde après la pontificale », vacante par le décès de Jean Daguilhe 1107. Messire de Mélignan figure parmi les signataires du Cahier des plaintes, doléances et remontrances du clergé des deux sénéchaussées de Nérac et Casteljaloux en Albret dressé le 3 août 1789. Il avait également assisté, comme député du Chapitre, à l'Assemblée du clergé de la sénéchaussée de Condom, les 10, 11, 12 et 13 mars 1789, et 11 avait chanté la messe du Saint-Esprit dans la chapelle épiscopale à la demande de l'Assemblée, le 13 mars, avant la nomination du député, qui fut M. Laborde, curé de Corneillan. Il devait quitter le sol de la République le 5 mai 1793 ; mais il comparaît encore, le 21 juin, devant le Conseil général du département avec un vicaire général d'Auch 1108. Un membre du Conseil, le citoyen Passerieu, chargé de faire le rapport, déclana que Mélignan n'était pas fonctionnaire public puisque I'évêché de Condom avait été supprimé mais tombait dans l'espèce du décret du 21-23 avril 1793 » qui prononçait la peine de la déportation contre ceux qui n'auraient pas prêté le serment de la liberté et de l'égalité prescrit pas la loi du 15 août ; en conséquence il ne demanda pas la peine de mort », mais conclut simplement à la déportation. Le Conseil adopta les conclusions du rapporteur et prononça la déportation ; mais vu, porte la décision, que le Ministre de l'Intérieur par sa lettre circulaire du 20 mai dernier prescrit aux corps administratifs de suspendre l'exécution de tels jugements jusqu'à ce qu'il donne avis de les effectuer arrête que Mérignan sic sera retenu dans les greniers de I'évêché qui seront réparés et assurés à cet effet » 1109. 1105 Actes du 15 avril 1775 et du 15 mars 1780 minutes Lacapère, étude Pellisson. 1106 Actes des 14 et 15 mars 1780, et du 5 novembre, 1785 minutes Pugens, étude Pellisson. 1107 Actes du 5 novembre 1785 et du 8 novembre même année minutes Pugens et Lacapère étude Pellisson, 1108 LAMAZOUADE La persécution contre le. clergé du département du Gers, p. 115. ' 1109 Registre des procès-verbaux des délibérations du Conseil du département. Archives départementales du Gers. Q. 2. 150 SOCIÉTÉ D'HISTOIRE ET D'ARCHÉOLOGIE DU GERS. Le vicaire général de Condom fut, depuis, traduit à Bordeaux pour subir sa peine ; et c'est ainsi que nous le voyons figurer sur une liste des prêtres déportés du département arrêtée le 9 ventôse An II 1110. Il y est par erreur désigné sous les prénoms de Jean-Anselme, pour Jean-Eugène. D'après un certificat des officiers de santé de la commune de Bordeaux du 29 nivôse An III, qui constatait son état d'infirmité, l'administration du département de la Gironde le classa, par son arrêté du 29 nivôse An III, dans la catégorie des prêtres reclus. Mais il paraît avoir été renvoyé comme malade 1111. Il était alors à Bordeaux. Il fut paraît-il, renvoyé comme malade et transféré au Petit Séminaire, à Auch 1112. Le 5 floréal An V, il est mis en état d'arrestation à Condom, où il se trouvait sans passeport depuis quelques jours et où sa présence fomentait des divisions dont les suites pouvaient devenir funestes a la tranquillité publique. » Toutefois l'administration municipale ordonna, le lendemain, sa mise en liberté sur le vu d'un certificat de l'administration du canton de Mézin qui attestait que Mélignan'était compris au nombre des habitants de cette ville 1113. Le Souverain Pontife l'avait nommé vicaire apostolique sede vacante » ; et le curé constitutionnel de Moncrabeau avait déjà écrit, le 20 août 1795, à Grégoire qu'il semait partout, avec Lapanouse, les principes les plus dangereux », et que les deux ci-devant vicaires généraux avaient déjà fait rétracter les serments exigés par les lois, notamment celui de la liberté et de l'égalité par de nombreux prêtres 1110. Arch. dép. du Gers. L. 422. — L'arrêté du 17 ventôse An II portait que tous les prêtres sujets à la déportation, actuellement, dans la maison de réclusion, seraient traduits à Bordeaux en trois différents convois. Mélignan est désigné pour faire partie du premier convoi avec 14 autres prêtres et devait partir le nonidi suivant ; et cela, en vertu de l'arrêt du Conseil exécutif approuvé le 6 pluviôse par le Comité de Salut public qui portait que les ecclésiastiques sujets à la déportation seraient conduits de brigade en brigade par la gendarmerie nationale dans les ports de Bordeaux et de Rochefort, en calculain la distance pour être envoyés au plus voisin du lieu où ils se trouvaient. Au second convoi devait partir Leguain arrêté du département du 15 ventôse An II et 10 autres prêtres le septidi prochain après le 15 ventôse. Le troisième convoi, composé de quatre prêtres, devait partir le septidi prochain après le 27 ventôse, d'après l'arrêté nouveau du département, Archives départementales du Gers. Q. 2. 111 Arrêté du départ, du Gers Vu la pétition de Mélignan, actuellement à l'hôpital de Bordeaux, tendant a ce que vu ses infirmités, il ne soit pas déporté mais placé dans l'exception deslois du 29 et 30 vendémiaire, et par conséquent renvoyé au chef-lieu du département du Gers pour être réuni aux prêtres sexagénaires al l'appui de sa pétition, il avait, présenté les certificats, le département du Gers invite le département du Bec d'Ambez à faire constater par des officiers de santé l'état d'infirmité, et dans ce cas renvoyé à. Auch » Arrêté du département du Gers, 11 ventôse An III Arch. départementales du Gers. Q. 2. 112 Semaine Religieuse d'Auch, n° du 2 janvier 1892. 1113 Registre des délibér. municipales de Condom. Délibér. municip. du canton de Mézin du 26 brumaire An VI. Arch. municip. de Mézin. DEUXIÈME TRIMESTRE 1930. 151 constitutionnels. Ces Messieurs pleins de zèle, continue le curé de Moncrabeau, ne négligent rien pour faire accroire que le pain que les prêtres constitutionnels distribuent est un pain tout à fait empoisonné. Enfin, ils disent hautement qu'il est très douteux qu'on ait suivi le Pontifical dans l'ordination des évêques constitutionnels et ceux-ci dans celle des prêtres qu'ils ont faits. » Plusieurs paroisses ne veulent que des prêtres non sermentés ou qui se soient rétractés. Lapanouse et Mélignan ont grand soin de leur en envoyer... » 1114 L'ancien vicaire général continuait évidemment, en l'An V, à fomenter les divisions » et à semer les principes les plus dangereux ». Au commencement de l'année suivante, il résidait encore à Mézin. Atteint par la loi'du 19 fructidor., il demanda en vain de jouir du bénéfice de l'exception accordée par une lettre du Ministre de la police en faveur des prêtres infirmes ou sexagénaires. Ses infirmités n'ayant pas paru suffisamment constatées, il fut condamné, le 22 frimaire An VI, à partir pour l'Espagne dans les vingt-quatre heures 1115, et la condamnation fut exécutée. Arrêté dans le département des Landes, nous le trouvons encore, le 2 germinal An VIII, détenu dans les prisons d'Agen sous le coup de l'arrêté de déportation 1116. Il ne tarda pas à être mis en liberté et revint à Mézin où il exerça Je culte dans un oratoire, le curé de Mézin étant constitutionnel. L'abbé de Mélignan' devait être nommé chanoine titulaire d'Agen !en l'An XI, lors de la reconstitution du diocèse d'Agen par Mgr Jacoupy 1117. Le 20 thermidor An X 18 août 1802 il adhère au Concordat dans une lettre adressée à M. Tartas, sous-préfet de Nérac. Il lui dit qu'il fait de coeur et d'âme et avec l'affection la mieux sentie » la déclaration suivante Je soussigné déclare que j'adhère à la Convention passée le 26 messidor An IX entre le Pape et le Gouvernement Français et que je suis dans la communion des évêques nommés par le Premier Consul et institués par le Saint-Siège. » Il pense que le Concordat était de nature à calmer les passions et il ajoutait en postscriptum P. S. — Je ne doute pas que tous les prêtres de cet arrondissement ne se fassent un devoir de vous envoyer une adhésion aussi juste et aussi nécessaire ; ils s'empresseront de vous donner cette preuve de leur patriotisme et de leur zèle éclairé pour la religion. » Voici la note dont Mgr Jacoupy fait suivre le nom de l'abbé de Mélignan, qu'il présentait pour le poste de chanoine Ancien archi1114 archi1114 de l'Agenais, année 1879, pp. 234-235. 1115 Regist. de l'administration du départ du Lot-et-Garonne. 1116 Arch. dép. du Lot-et-Garonne Registre des arrêtés du département. 1117 Tableau- imprimé de l'organisation du diocèse d'Agen. 152 SOCIÉTÉ D'HISTOIRE ET D'ARCHÉOLOGIE DU GERS. diacre et vicaire général de Condom, une des plus considérables parties du nouveau diocèse, est par là aussi nécessaire à son administration qu'un père l'est à ses malheurs. » 1118 Il devait mourir chanoine d'Agen, dans cette ville, rue du Pont-deGaronne, le 2 février 1834 1119. A suivre. 1118 Arch. de I'évêché d'Agen. — La note qui donne ce renseignement le donne comme abbé de Pessan avant la Révolution. 1119 Etats civil d'Agen. DEUXIÈME TRIMESTRE 1930. 153 FLEURANCE. NOTES D'HISTOIRE LOCALE PAR NOËL CADÉOT. Suite VI. TROUBLES RELIGIEUX ET POLITIQUES DU XVIe SIÈCLE Comme celle de la plupart des petites villes en général, l'histoire de Fleurance perd quelque peu de son intérêt à partir de l'avènement de François 1er. Durant le règne de ce prince, avide de fêtes, d'amours et de gloire, notre pays de Gaure, en effet, semble avoir vécu quelques années de tranquillité sans qu'aucun événement mémorable soit venu troubler sa vie politique Nous avons dit ailleurs qu'en montant sur le trône de France, François 1er avait renouvelé aux habitants les privilèges dont ils jouissaient déjà. Or, il résulte d'une reconnais-' sance générale fournie par les consuls de Fleurance, le 1er septembre 1525, que ces privilèges avaient été étendus. 1 Cette reconnaissance, faite devant noble François de Ferrant, seigneur de Gaujac et Anduze et Georges de Nossé, procureur du roi en la ville et comté de Pézenas, tous deux députés par les trésoriers de France, modifiait, en effet, en partie, les coutumes en usage. L'instrument présenté par Mes Noël Aubusson et Raymond Carreter, consuls de Fleurance, assistés de Bertrand Blanc, Gùyraud Pruet, Bernard Solom et Jean Valent, habitants de la ville, peut se résumer brièvement ainsi Le roi demeure seul seigneur, art. 3 ; — il n'a dans Fleurance, ni château, ni capitaine, art. 5, ni prévôt, ni officiers, si ce n'est un bayle qui prêtera serment aux consuls art. 8. — Le moulin à trois meules sur le Gers et un moulin à foulon 1 Archives communales, A A 3, liasse, 2 pièces, papier. 154 SOCIÉTÉ D'HISTOIRE ET D'ARCHÉOLOGIE DU GERS. restent la propriété du roi, mais les habitants ne seront plus obligés d'y faire moudre leur blé art. 23. — Dans le comté de Gaure le roi demeure seul possesseur des six forêts celles du Ramier, de Sempuy, de l'Homme-Mort, près de Sempuy, de la Marthe, de Lalanne et de Pouy-petit ; dans ces forêts les habitants conservent le droit d'usage bois mort pour le chauffage et bois vif pour la réparation des ponts et des murailles de la ville, art. 39. Dans la juridiction de Fleurance les droits d'oubliés 2 et de censires 3 avec les tailles art. 10, ainsi que le droit de lods et ventes 4 sont au profit du roi. Ce dernier conserve au territoire de Saint-Urbary un droit d'agrier 5, de neuf gerbes, une art. 28. Les consuls maîtres des portes de la ville, sont chargés d'organiser le guet art. 7. — Ils tiennent du roi, à foi et hommage, la place et le pourtour de celle-ci, les padouencs 6 et " saillies » de la ville, ses fossés et un bois dit Bois de la Ville, situé près de la forêt du Ramier et d'une contenance d'environ 60 arpents art. 32. Les habitants de Fleurance sont exempts de corvées art. 41, du droit de fournage les trois fours existants ayant été démolis faute de bois pour les chauffer art. 15, des dîmes au profit du roi art. 27 ; — ils auront la faculté de pêcher dans toutes les rivières de la contrée art. 40. Les Grands Jours. Dans la première moitié du xvie siècle, nous n'avons à signaler qu'un seul événement intéressant notre cité mais un 2 L'oublie, dans le droit feodal ancien. consistait dans l'obligation par les vassaux d offrir eu seigneur une sotte de pains ronds et plats, fait de pâtisserie légère les oublies ; dans la suite de droit fut remplacé par une somme d'argent. 3 La censire était une redevance fixe due au seigneur qui avait donné un héritage à cens et à rente. 4 Lods et rentes ces deux mots toujours accouplés, constituaient un droit unique assimilable aux droits de mutation de notre époque. Il était du au seigneur qui autorisait l'aliénation d'un lief ou d'une censive. Suivant la coutume des différents lieux, cette redevance pouvait varier du cinquième au douzième du prix de la vente. 5 L'agréer ou champart eaïupi partus était un droit perçu par le seigneur sur une part de fruits. 6 Les padouencs on désigne, de nos jours encore, sous ce nom, les dépaissances communales de berges et enclaves de la rivière. DEUXIÈME TRIMESTRE 1930. 155 événement d'importance dont le souvenir s'est perpétué durant trois siècles dans la mémoire de nos aïeux. Il s'agit en effet, des assises du Parlement de Toulouse tenues à Fleurance, en 1542, et connues sous le nom de Grands Jours. De prime abord, il paraît étrange qu'une localité de minime importance, comme Fleurance, ait été choisie pour la tenue de ces grandes assises de justice. Dans le ressort du Parlement de Toulouse, on le sait, les Grands Jours se tinrent dans des villes importantes comme Nîmes, Le Puy, Béziers, Montpellier. L'ordonnance royale du 22 juillet 1542, prescrivant ces assises, est motivée par la grande multitude et affiuènce des causes » demeurées à expédier et aussi par le désir de relever les justiciables des dépens, peines et travaux » en évitant à ces derniers des voyages et séjours onéreux. 7 Cette ordonnance fixait à un mois et demi la durée des Grands Jours du 15 septembre à la fin d'octobre pour juger et vider les procès des sénéchaussées d'Armagnac et de Bigorre, prévôtés et judicatures y ressortissant, des judicatures de Gaure, Comminges, Verdun, Rivière, du comté de Foix, de la vicomte de Couserans et seigneurie d'Aspet, c'est-à-dire de toute la partie de la Gascogne qui était dans le ressort du Parlement de Toulouse. On ne peut manquer d'observer que la plupart des judicatures convoquées à cette occasion à Fleurance, étaient beaucoup plus rapprochées de Toulouse, siège du ressort, que ne l 'était le chef-lieu de Gaure. Et on est amené naturellement à rechercher les raisons qui ont pu justifier le choix de Fleuîance. ' Nous en trouvons une explication dans les lettres données par le roi, à Lyon, sous la date du 29 août 1542. Par ces lettres, en effet, il est enjoint aux magistrats de ce même Parlement de Toulouse de continuer à travailler toutes affaires 7 Lettres données à Messiguay le XXIIe jour de juillet 1042. Registres au Parlement de Toulouse — Ces lettres sont rapportées dans l'Histoire générale de Languedoc, t. xII, p. 527. 156 SOCIÉTÉ D'HISTOIRE ET D'ARCHÉOLOGIE DU GERS. cessantes, à l'extinction des nouvelles erreurs qui s'étaient glissées dans son ressort ». 8 D'autre part, le savant auteur de l'Histoire du Parlement de Toulouse nous assure que les magistrats préposés à siéger aux Grands Jours de Fleurance eurent surtout pour mission de rechercher et de châtier les partisans de la Réforme ». Dans la ferme croyance de ces temps, abjurer la foi commune, c'était renier la patrie elle-même et se séparer de l'histoire nationale et des traditions séculaires du royaume. Les parlementaires vivaient avec cette pensée que ce serait trahir la France et s'attaquer à la couronne que de déserter la vieille cathédrale des aïeux pour le temple de la religion nouvelle. 9 Si donc, il est admis que, sous couleur de liquidation de procès en cours, le but réel des grandes assises de Fleurance consistait principalement dans la répression des idées nouvelles, il faut logiquement en conclure que la doctrine de Calvin avait déjà fait des adeptes dans notre contrée. Mais nous ne connaissons aucun document, aucun fait, qui puisse constituer une preuve à cet égard. Dans tous les cas, il est incontestable que non loin du pays de Gaure, en Agenais notamment, où Mélanchton 10 était venu prêcher la nouvelle doctrine en 1529 et 1530, certains consistoires faisaient preuve d'activité et de prosélytisme. La cour de Nérac, au surplus, était un foyer d'agitation calviniste Gérard Ruffi, trésorier de la cathédrale de Meaux, devenu plus tard abbé de Clairac, puis évêque d'Oloron sous le nom de Roussel, prêchait en 1527 devant Marguerite de Navarre. 11 Calvin lui-même, en 1534, vint se mettre sous la protection de Marguerite de Valois, très tolérante pour les réformés il se réfugia dans cette même cour de Nérac où Théo8 Théo8 générale de Languedoc t. x. 9 DUBEDAT . Histoire du Parlement de Toulouse, tome 1er. 10 Philippe Scbwarzerd. dit Métanchton. originaire du duché de Bade rut un des disciples préférés de Luther ; il devint à la mort de celui-ci le chef incontesté des protestants d'Allemagne. Auteur de plus de 300 ouvrages, il s'efforça d'amener un accord entre toutes les fractions de la Réforme et même entre la Réforme et le catholicisme. 11 G. Roussel, né aux environs d'Amiens, chapelain de Marguerite d'Angoulème en 1526, se brouilla définitivement avec Calvin lorsqu'il devint évêque d'Oloron 1536. DEUXIÈME TRIMESTRE 1930. 157 dore de Bèze 12, fervent calviniste et le plus éloquent de tous les disciples, vint le remplacer. 13 La proximité de ces divers foyers de calvinisme à cette époque, suffit-elle à expliquer le choix de Fleurance pour la tenue des Grands Jours ?... 14 Deux ans auparavant 1540 le parlement de Bordeaux avait tenu ses Grands Jours à Agen. Etait-ce dans le même but ? Il se peut, car la royauté s'inquiétait fort des progrès de la Réforme et l'édit de Fontainebleau, en 1540, avait enjoint à tous les baillis, sénéchaux et procureurs du royaume, sous peine de privation de leurs offices, de rechercher et poursuivre les protestants et de les livrer au jugement des cours souveraines. Quoi qu'il en soit, le second président du Parlement de Toulouse, Me Durand de Sarta était chargé de présider les Grands Jours de Fleurance. Il était assisté à cet effet de douze conseillers dont deux clercs ou en tenant lieu Pierre de Lagarde, Pierre de Saint-Martin, Jean Bousquet, François de Nupces, Simon Raynier, Bertrand de Rességuier, François Bertrand, Jean Daffis, Jean de Teula, Odet Daries, Antoine de Malras et François de Lafont. Un avocat général, les substituts du procureur général, les greffiers civil et criminel et les huissiers habituellement attachés à la cour, accompagnaient ces magistrats. 15 Imagine-t-on le remue-ménage, l'afflux de population, le mouvement inusité, joint à l'attrait de la curiosité, que dut provoquer à Feurance, en plein XVIe siècle, l'arrivée et le séjour durant un mois et demi de cette cour de gens de robe ? 12 Théodoré de Bèze 1519-1605, un des chefs du parti calviniste, assista au Colloque de Poissy 1561. Il joua un rôle important dans les tentatives de conciliation des Eglises de France. A la mort de Calvin il devint le chef de l'Eglise de Genève 1564. 13 SAMAZEUILH Histoire de l'Agenais, du Condomois et du Bazadats, tome II. 14 Il est à regretter que l'histoire du Protestantisme dans les pays d'Armagnac n'ait pu jusqu'à présent, tenter le chercheurs. Les origines, du protestantisme dans le Sud-Ouest restent obscures. Dans les différents ouvrages sur la matière, le Huguenots eu Bigorre Durier, les Huguenots en Comminges Lestrade, les Guerres de Religion. dans le Quercy Cabié, les incursions ces religionnaires, relatées avec une nombreuse et intéressante documentation, se situent surtout à partir de la troisième période des guerres religieuses. 15 Lettres de Messiguay déjà citées. 158 SOCIÉTÉ D'HISTOIRE ET D'ARCHÉOLOGIE DU GERS. En dehors des serviteurs attachés à la personne, il faut encore tenir compte de la foule innombrable des avocats, des plaideurs, des huissiers, des sergents et tous autres agents subalternes. Il est grand dommage que les délibérations communales de cette époque aient disparu de nos archives. 16 Elles auraient pu nous apprendre sans doute, dans quelles conditions ces hauts magistrats avaient été logés à Fleurance et l'accueil qu'ils avaient reçu de la part des consuls et de la population. Par contre, nous sommes renseignés sur les émoluments perçus par les gens du Parlement durant la période des Grands Jours. 17 En dehors du traitement usuel, le président recevait 5 livres par jour d'indemnité et les conseillers, 3 livres 10 sols de même que les gens du roi. Mais en quel immeuble de Fleurance fut tenue la session des Grands Jours ? Un de nos compatriotes, aujourd'hui disparu, a décrit tel qu'il l'avait vu dans sa prime jeunesse, le local dans lequel les magistrats du Parlement rendirent leurs sentences. 18 Ecoutons le narrateur Une grande porte à deux battants s'ouvrit et je pénétrai dans une salle qui donnait froid et dont l'aspect me serra " le coeur. Elle était absolument nue deux croisées très es pacées en rompaient seules les lignes ; le plafond à pou trelles divisé par de grandes poutres était fort élevé et " semblait avoir été peint ; la cheminée construite en briques " était belle par ses proportions, et, d'ailleurs, sans décora" tions d'aucune sorte ; sur le carrelage en désordre, on voyait " çà et là des fleurs de lys entaillées ; tout autour régnait un lambris en bois de noyer de deux mètres de hauteur et entre " le lambris et le plafond la muraille toute nue me parais" sait avoir eu ou bien attendre encore des tapisseries. » Cette description était précédée de quelques détails sur 16 Les registres des délibéral ions communales conservées aux archives de Fleurance sous la cote BB ne commencent qu'à l'année 1649, encore que les premiers registres aient été allégés de nombreux feuillets. 17 Dubédat. ouvrage cite. Eng. Lapierre, conservateur des archives de l'ancien Parlement de Toulouse Le Parlement de Toulouse. 18 Revue de Gascogne 1878 Les Grands Jours à Fleurance, par Jules FRAYSSINET. DEUXIÈME TRIMESTRE 1930. 159 la maison remarquable par son ancienneté et par un certain air de simplicité et de grandeur. Construite en pans de bois, ajoute notre narrateur, elle avait traversé des siècles, et sa solidité était encore à toute épreuve ; elle avait un aspect " sévère avec ses fenêtres à croisillons rares et grandes et l'auvent de sa toiture très avancé. » Malgré toute cette abondance de détails il n'était pas possible de retrouver l'immeuble désigné pour la bonne raison qu'il avait disparu au siècle dernier. L'antique maison historique des Grands Jours, profanée par la pioche des démolisseurs avait fait place, vers 1858, à une nouvelle construction en maçonnerie. Nous savons néanmoins qu'elle occupait l'emplacement de l'immeuble portant actuellement le n° 87 de la Castelnau. 19 Premières guerres civiles. Malgré les repressions que le pouvoir royal, champion du catholicisme, fit subir aux protestants, le nombre des religionnaires s'accroissait sans cesse. D'une manière générale, les premiers protestants furent des personnes cultivées, ayant, pour le moins une honnête aisance, ou une situation sociale solidement établie. Ce furent surtout des magistrats judiciaires ou consulaires, des gens de robe et d'épée, des nobles, des avocats, des médecins. Mais peu à peu le peuple acceptant à son tour cette sorte de liberté religieuse qu'il percevait dans la doctrine nouvelle, la transforma aussitôt pour en faire une liberté politique et sociale. Alors l'agitation prit son caractère d'acuité. La religion fut le prétexte, plutôt que le motif, des guerres ou plus exactement des actes de barbarie qui caractérisent le xvIe siècle. Dans le Sud-Ouest, plus encore que partout ail-, 19 Désireux de connaître la maison des Grands Jours » nous avons interrogé, il y a fort longtemps, M. Jules Frayssinet de Fleurance, retiré a Beau. mont-de-Lomagne, auteur de la notice parue dans la Revue de Gascogne. Très aimablement, notre compatriote, nous fit savoir qu'il s'agissait de l'immeuble Morlan acquis par M. Latour vers le milieu du siècle dernier. D'autre part, M. Martial Latour, fils de l'acquéreur, a bien voulu nous confirmer l'exactitude des renseignements que nous avons recueillis, de son vivant. 160 SOCIÉTÉ D'HISTOIRE ET D'ARCHÉOLOGIE DU GERS. leurs, la liberté de penser ou la volonté d'établir une réforme, n'ont eu rien de commun avec les violences, les pillages, les meurtres, les incendies, les viols perpétrés journellement avec une égale sauvagerie, par les deux partis en opposition. 20 A partir de la seconde moitié du xvIe siècle seulement, les manifestations des religionnaires, des huguenots, comme on les appelait, se multiplièrent dans la contrée qui nous occupe. A Mauvezin, regardé alors comme une nouvelle Genève, il n'y avait pas encore un seul protestant en 1551 et l'établissement, dans cette ville, du premier pasteur de la religion réformée date de 1555. 21 Presque aussitôt des églises réformées s'érigèrent dans le pays. 22 A Lectoure se tenaient des réunions de plus de personnes venues de 60 villages environnants le nombre des religionnaires augmentant chaque jour finit par inquiéter les localités voisines qui demeuraient réfractaires à la Réforme. Fleurance et le comté de Gaure n'avaient point accepté les idées des novateurs. C'est du moins ce que semble dire l'historien de la Gascogne lorsqu'il assure que, de son temps, les Fleurantins firent des efforts pour rester également éloignés des protestants et des ligueurs. Nous verrons cependant que ces efforts furent insuffisants pour empêcher les religionnaires de se rendre maîtres de Fleurance. Il est hors de doute qu'à un moment donné, les religionnaires de Lectoure envisagèrent d'envahir le comté de Gaure pour y semer la ruine et la désolation. A cette époque troublée, la violence la plus sauvage semblait être l'unique façon de faire des conversions. Biaise de Monluc, 29 toujours au service du roi, depuis son retour d'Italie, où il s'était couvert de gloire, fut averti des desseins des religionnaires lectourois. Sans hésitation, il 20 J. LESTRADE Les Huguenots en, Comminges, introduction. 21 J. PHILIP DE BARJEAU Le protestantisme dans la vicomté de Fezensaguet. 22 MONVEZUN Hist. de la Gascogne, tome V, p. 265. 23 Blaise de Lasseian-Mansencome, seigneur de Monluc, naquit aux environs de Saint-Puy, à. Sainte-Gemme ; page du duc de Lorraine, 11 entra dans la carrière des armes à 17 ans, se fit remarquer durant les guerres d'Italie. Charles IX le nomma lieutenant général en Guyenne et en 1574, il fut fait maréchal des armées royales. DEUXIÈME TRIMESTRE 1930. 161 écrivit à MM. de Peyrecave et du Bosc, capitaines huguenots de Lectoure, qu'il allait organiser la défense contre leurs bandes, non, sans au préalable prévenir le roi de ce qui se passait " Nous avons entendu par quelques advertissemens qui nous ont esté faitz, que vous autres de la nouvelle religion avès délibéré venir en la comté de Gaure et aux environs destruire nos temples et mettre tout en ruyne, comme faictes aux autres lieux, et pour ce que cecy nous pouroit estre reproché de Sa Majesté et de ses ministres, si nous le vous endurions, de l'advis et conseil de tous les gentilshommes de ladite comte et de tous les consulats, je vous escris ceste présente et vous prie de la part de tous que ne vous mettes à l'essay d'exécuter une telle entreprise sans avoir une commission du roy ou de ses ministres, car si vous le faictes, les tous ensemble, sommes délibérés de prendre les armes et de défendre nos églises jusques à ce que sadite Majesté nous aye mandé son vouloir et intention ; et pour ne venir à ung si maulvois commencement de nous faire la guerre les uns aux autres, je vous prie de ne commencer de vostre côté, car du nostre personne ne cherche à vous faire desplaisir, n'en ayant charge du roy ne de personne, auquel j'envoyé et ministres le doble de ceste lettre, affin que s'il en advient inconvénient qu'il ne soit point trouvé que le mal viet de nous. » 24 Cette lettre écrite en 1560 dut être suffisante pour calmer les ardeurs belliqueuses des Huguenots. Il ne paraît pas, en effet, que ceux-ci aient tenté de mettre leurs projets à exécution. Cependant l'édit de janvier 1562 autorisant l'exercice du culte dans les campagnes avait exhalté les passions des huguenots. Préalablement à l'édit les protestants s'étaient réunis les dernier dimanche de juin et le dimanche suivant à Lectoure, pour célébrer la cène publiquement et en armes. 24 Colelction manuscrite de Dupuy, volume 588. — Cette lettre qui ne se trouve pas dans les Commentaires de Monluc a été reproduite par M. D. de Thezan dans une étude sur Valence-sur-Baï'se parue dans la Revue de Gascogne, année 1870. 11 162 SOCIÉTÉ D'HISTOIRE ET D'ARCHÉOLOGIE DU GERS. Ces assemblées déjà provocantes devinrent vite menaçantes. Monluc venait de recevoir commission du roi avec per mission de lever gens à pied et à cheval pour courir sus " aux uns et aux autres qui prendroient les armes. » Il n'accepta cette mission qu'à la condition d'agir de concert avec Burie 25, lieutenant du roi de Navarre en Guyenne, voulant que celui-ci eust sa part au gasteau » 26. Sur ces entrefaites, la ville de Lectoure, après être passée au pouvoir du roi, était retombée par surprise, au commencement d'avril 1562, aux mains des protestants. Plusieurs villes de Gascogne s'étaient soulevées contre les catholiques les religionnaires plus remuants inquiétaient fort les localités avoisinantes qui leur demeuraient hostiles. Dans les premiers jours de mai de cette même année, Monluc craignant les entreprises des Lectourois avait placé sa compagnie dans La Sauvetat. Mais les consuls d'Auch, joints au grand vicaire qui administrait le diocèse en l'absence de l'archevêque, demandèrent des secours à Monluc. 27 Ils les priaient de venir en toute diligence audict Auch ou autrement que tous se mettoient en pièces les uns les autres. » 28 Avec sa compagnie, Monluc eut tôt fait de ramener le calme dans Auch. Il renvoya ensuite ses soldats à La Sauvetat tandis qu'il se dirigeait sur d'autres points de la Gascogne où les luttes se multipliaient avec une violence accrue. Prise de Fleurance. — Pendant que Monluc guerroyait aux environs de Moissac, il fut informé que ceux qui es" toient dans Lectoure estoient sortis en campaigne, faisant une infinité de ravages sur les gentils-hommes et partout là où ils en pouvoient prendre. » 29 25 Charles de Coucys, sieur de Burie, Gemozac, Lonzay. Saint-Sulpice et autres lieux, I492-1565 avait été lieutenant à la compagnie de Barbezieux et gentilhomme de la chambre et de la maison du roi. Il demeura lieutenantgénéral en Guyenne de I543 à 1505. 26 Commentaires de Monluc, livre V. 27 Le cardinal Hippolyte d'EsIe était archevêque d'Auch mais nou résidant. 28 Commentaires de Monluc. 29 Commentaires de Monluec. DEUXIÈME TRIMESTRE 1930. 163 Vers la fin de juin 1562 en effet, les Religionnaires s'étaient emparés, par escalade, de La Sauvetat et, un mois après, ils entrèrent dans La Romieu où ils massacrèrent tout le chapitre. Dans les premiers jours de septembre, ils étaient les maîtres de Terraube, après un combat violent dans lequel une quarantaine d'hommes de la garnison trouvèrent la mort, 30 Il est probable que cette incursion des Religionaires ne se termina pas sans que ceux-ci entrassent dans Fleurance. S'il faut ajouter foi à une tradition orale, plus de 1200 catholiques, dont la plupart s'étaient réfugiés dans l'église, auraient péri sous les coups des assaillants ou au milieu des flammes des incendies allumés par les protestants. Il est toutefois hors de doute que l'église reçut la visite des bandes huguenotes qui la dévastèrent. En effet, l'église d'Auch aida les habitants à réparer les mutilations commises lors de ces événements, notamment en faisant remettre en état le baptistère qui existait antérieurement. Les fonts baptismaux qu'on voit dans notre église paroissiale, immense vase de pierre de forme octogonale, accusent le passage des Huguenots. On peut lire ces mots gravés dans la pierre " Vesana plbs hereticorum me destruxit et Ecclesia Auxitana me reparavit MDLXIII ». La tourbe insensée des hérétiques m'a détruit et l'église d'Auch m'a de nouveau réparé en 1564. Cette inscription suffirait à prouver le passage des Huguenots à Fleurance et les actes de vandalisme auxquels ils se livrèrent. Mais un autre document établit d'une manière péremptoire que l'église de Fleurance, comme celle de SaintHerbary, 31 avait, au moins en partie, été dévastée. far un acte du 20 juin 1595, Dominique Bastard, marchand, agissant en qualité de syndic des consuls de Fleurance et au nom des habitants, s'engageait à faire réparer les dégâts commis par les protestants dans les églises de Saint30 Saint30 de Monluc. — Histoire de Gascogne de Monlezun, t. V., page 284. 31 Saint-Herbary ou Saint-Urbary Saint-Hilaire, ancienne paroisse de Lagarde, annexe de Fleurance, à 5 kilomètres. 164 SOCIÉTÉ D'HISTOIRE ET D'ARCHÉOLOGIE DU GERS. Herbary et de Fleurance. Il lui était alloué pour ces réparations une somme de 148 écus 9 sols, somme arrêtée à la suite de la visite faite par le commissaire expert spécialement délégué à cet effet. Le montant de ces réparations devait être pris sur l'archevêque d'Auch, pour 115 écus, 15 sols ; sur le chapitre Sainte-Marie, pour 23 écus, 36 sols, 3 deniers ; sur le recteur de Fleurance, pour 9 écus, 1 sols, 9 deniers. 32 Le couvent des Augustins, le seul existant à Fleurante à cette époque, fut également saccagé et les titres de cet établissement disparurent dans les flammes ou restèrent ensevelis sous les décombres 33 Le Manuscrit de l'église de Fleurance, ne laisse aucun doute sur l'incursion des Religionnaires. C'est du moins ce que rapporte le Dr E. Desponts, dans son étude sur les Anciens hôpitaux de Fleurance, comme le tenant de son frère, l'abbé Desponts, qui avait collaboré à la rédaction de ce manuscrit. 34 L'expédition des protestants contre Fleurance est encore confirmée par une délibération consulaire d'Auch M. de La Mothe-Rouge 35 envoyé à Auch par Monluc, expose aux consuls assemblés qu'il y avait lieu de faire bonne garde afin de n'estre aussi surprins des seditieulx » comme l'ont été plusieurs autres villes, Fleurance, Aubiet, etc.. 36 32 Acte retenu par Me Arquery, notaire royal à. Auch. Cotte pièce a été reproduite par M. de la Hitte il Documents inédits sur les troubles du xvIe siècle en Gascogne Rente de Gascogne, 1884. 33 Bibliothèque communale d'Auch Manuscrits de Daignari du Sendat, vol 72, p. 896. 34 Le Manuscrit de l'Eglise de Fleurance. plusieurs fois cité dans ses travaux, par l'abbé Lagleyze qui en possédait divers extraits, dont nous avons une copie, est et demeure introuvable. Les doyens de Fleurance qui se sont succède depuis quarante ans, nous ont déclaré ne pas connaître ce précieux document. Faut-il donc le considérer comme irrémédiablement perdu ? Bien mieux, le 25 avril 1844, l'abbé Desponts. vicaire de Fleurance faisait hommage au conseil municipal d'un ouvrage manuscrit dont il était l'auteur, intitulé Histoire de Fleurance et de son église. Cet ouvrage était, sans doute, rédigé d'après les documents de la paroisse. Ce second manuscrit a également disparu. Nous ne l'avons jamais vu dans les archives communales, non plus que nos prédécesseurs qui cependant avaient eu soin, pour en éviter la dispersion de faire relier en volume les papiers et documents d'archives. 35 M. de La Mothe-Bouge, fidèle compagnon de Monluc pendant la première guerre civile, était avec lui à Toulouse, à Bordeaux, devant Lectoure. en 1562. Archives historiques de la Gironde, t. 36 Archives municipales d'Auch, Délibération consulaire du 22 décembre 1562, BB, 5, f° 159, v°. DEUXIÈME TRIMESTRE 1930. 165 Les protestants réussirent-ils à se maintenir à Fleurance ? Ce n'est pas probable. Ils durent en être chassés sur-le-champ. Peut-être évacuèrent-ils la place après y avoir accompli leurs méfaits. Toujours est-il qu'une enquête faite en 1595 Archives de l'archevêché établit nettement que Fleurance, avec Auch et Marciac, furent les seules villes du diocèse qui surent se garder des hérétiques durant les troubles du seizième siècle. 37 Nous sommes fondés à admettre que les protestants évacuèrent Fleurance à la nouvelle de l'arrivée des troupes que Monluc envoyait vers Lectoure. Deux compagnies de gens de pieds et 30 salades 38 de la compagnie de Monluc à la tête desquelles se trouvait le capitaine Peyrot, 39 arrivèrent en effet à Fleurance le 15 septembre 1562. Peyrot apprenant que les protestants lectourois avaient pris le chemin de Saint-Puy pour aller rejoindre,les 600 huguenots de Béarn, conduits par le capitaine de Mesmes, 40 ordonna à Baratnau 41 qui se trouvait à Fleurance avec sa compagnie d'aller se placer entre Lectoure et Terraube ces deux localités étaient alors au pouvoir des Religionnaires. A l'appel de Peyrot, qui batailla autour de Terraube, Monluc vint assiéger Lectoure et après diverses escarmouches, les assiégés demandèrent à capituler, 21 septembre 1562. Cette capitulation mit un terme aux désordres dans la contrée et le combat de Vergt, en Dordogne, consacrant la victoire des armées royales sous les ordres de Monluc, amena pour quelque temps le calme dans toute la Gascogne. Cette année 1562, une des plus lamentables de notre his37 his37 Notice sur Fleurance. 38 A partir du xvIe siècle, la salade désignait à la fois le casque d'acier et l'homme qui le portait. 39 Pierre Bertrand de Monluc, surnommé le capitaine Peyrot, second fils de Blaise de Monluc et d'Antoinette Ysalguier., 40 Jehan de Mesmes, de Mont-de-Marsan, avait été mis en mars 1562, à la tête des protestants réfugiés en Béarn et en Bigorre qui se proposaient d'aller à Genève. Il fut arrêté et entonné à Condom, en 1565. 41 Jean de Monlezun, sieur de Baratnau et. de Montestruc, avait, reçu en 1562 une commission pour lever 500 hommes de pied. Il était maréchal et gouverneur d'Armagnac en 1570. 166 SOCIÉTÉ D'HISTOIRE ET D'ARCHÉOLOGIE DU GERS. toire, ouvrait clans la France entière l'ère attristante des guerres civiles qui se succédèrent jusqu'en 1589, avec des alternatives de paix armée. En prétendant imposer sa foi à l'adversaire chaque parti, avec un acharnement féroce, ne fit qu'entasser massacres sur massacres. On eut dit tous les fous de France » a pu écrire Michelet et un autre historien a pu constater que jamais le royaume n'a présenté un spectacle aussi horrible, même pendant la guerre de Cent Ans, où le mal n'a pas été à ce point général. » 42 A suivre 42 BATIFFOL Le siècle de la Renaissance. DEUXIÈME TRIMESTRE 1930. 167 LES DERNIERS JOURS DE L'EMPIRE, A AUCH et les Visites de Son Altesse Royale, le duc de Bourgogne PAR M. AUBAS La guerre entre la France et l'Europe coalisée contre nous, tourne mal. En dépit des victoires de Lutzen, de Bautzen et de Dresde, nos soldats battent en retraite. Les ennemis sont tous les jours plus nombreux; la confiance dans le succès final de nos armes va s'affaiblissant ; le découragement gagne nos campagnes. Le Préfet du Gers, dans sa lettre du 2 décembre 1813 aux Maires des communes, essaie de rassurer ses administrés, de relever leur moral et d'atténuer la fâcheuse impression, produite un peu partout par la levée de hommes. Il exalte leur patriotisme, montre la nécessité de défendre le sol national et fait un tableau navrant de l'invasion menaçante. .... Sans parler, ici, de l'opprobe d'obéir au farouche étran ger, songez bien que ce ne sont pas des vivres, de simples impositions que l'ennemi vous demanderait, ce sont d'im placables vengeances qu'il voudrait exercer; ce sont de longues humiliations dont il voudrait éteindre le souvenir " dans l'incendie de nos villes, dans la destruction de nos mo numents, dans le ravage de nos campagnes; il ne pillerait pas seulement pour profiter mais pour nuire ; il ne requerrait pas inégalement des hommes, des chevaux, des denrées, mais il égorgerait jusqu'aux femmes et aux enfants ; il brû lerait tout ce qu'il ne pourrait emporter. Qui donc, parmi vous, refuserait de concourir, par tous les moyens, à repous ser la guerre et ses horreurs hors de nos frontières 1. 1 Journal du Gers. Archives départementales. 168 SOCIÉTÉ D'HISTOIRE ET D'ARCHÉOLOGIE DU GERS. Le 6 janvier 1814, le commissaire extraordinaire de l'Empereur, le comte Caffarelli, lance de Toulouse une proclamation pour mettre la population en garde contre les promesses trompeuses des souverains étrangers et pousse le cri de Français ! Aux armes ! » Les alliés franchissent partout nos frontières avec des paroles de paix, mais leurs premiers actes les démentent; ils révèlent l'esprit de vengeance et la fureur. Le fléau des réquisitions a épuisé le pays; des bandes sauvages, étrangères à tout sentiment humain, se dispersent dans nos campagnes, maltraitent les enfants, insultent les femmes. Le nouveau préfet, M. Bessières, exhorta les hommes valides à défendre leurs foyers menacés; les nouvelles et retentissantes victoires de l'Empereur, provoquent un vif enthousiasme dans tout le département et font renaître l'espoir de la délivrance. En apprenant ces succès, le maire de Mirande ordonne de sonner les cloches en signe de réjouissance. Trompés par ces sonneries, les paysans des environs croient que quelque parti ennemi menace la ville et que le tocsin les appelle aux armes. Ils se saisissent à la hâte de piques, de lances, de fourches, de fusils de chasse et courent au secours de leur cheflieu de canton. Détrompés, ils prennent part à la joie générale et aux réjouissances qui durèrent toute la nuit 2. Mais l'ennemi poursuit toujours sa marche victorieuse; notre département est sérieusement menacé. Le Préfet donne aux maires et à la population des instructions précises, ordonne de faire arrêter et conduire à Auch les militaires isolés, voyageant sans feuille de route, ainsi que ceux qui feignant les alarmes, répandent dans les communes l'agitation, l'épouvante et provoquent la désobéissance aux ordres de l'administration. Des combats violents sont livrés dans les Basses-Pyrénées, 2 Journal du Cers. Archives départementales, DEUXIEME TRIMESTRE 1930. 169 sur les rives de l'Adour et de nombreux blessés sont dirigés vers les villes voisines restées libres. Une ambulance a été établie sur la place de la Mairie d'Auch. Elle fonctionne admirablement et c'est un spectacle émouvant que celui qu'offrent jour et nuit, les dames et les jeunes filles de la ville, prodiguant les soins les plus affectueux à nos vaillants soldats. Les sacrifices coûtent peu quand il s'agit de secourir ceux qui ont versé leur sang pour la défense du pays. Toutes les maisons sont ouvertes aux blessés; tous rivalisent de zèle et de désintéressement. On pourrait citer les noms de beaucoup de femmes qui sacrifièrent tout à ce service pénible et de tous les instants ; nous relèverons seulement celui de Mademoiselle Barciet qui les surpassa toutes et mourut victime de tant de dévouement et d'abnégation. La résistance aux progrès incessants de l'ennemi est vaincue. Le 2 avril, le Sénat nomme une commission de cinq membres chargée du gouvernement provisoire et le 3 avril, après l'échec de la mission du duc de Vicence près des souverains étrangers, décrète que Napoléon Bonaparte est déchu du trône et que le droit d'hérédité est aboli dans sa famille. Le lendemain, les maréchaux consultés par l'Empereur, lui conseillent d'abdiquer. Abandonnés de tous, il renonce à la lutte. Il abdique le 6 avril. Ainsi le duel à mort que l'Angleterre avait provoqué était fini l'Anglais avait vaincu. Les troupes anglaises et portugaises entrèrent dans la ville d'Auch sans combat. Le conseil municipal se réunit le 22 mars. Le Maire et les adjoints déclarèrent qu'ils avaient donné leur démission depuis le moment où les troupes étrangères s'étaient rendu maîtresses de la ville. Ils ne revinrent sur leur décision que sur les instantes prières de l'assemblée. Ils vécurent d'ailleurs en très bonne intelligence avec les chefs des armées ennemies. Privé des journaux de Paris, Auch ignorait l'abdication de 170 SOCIÉTÉ D'HISTOIRE ET ARCHÉOLOGIQUE DU GERS. l'Empereur et le retour des Bourbons. Un voyageur, venant de Toulouse, apporta le décret du Sénat et fit le récit des événements qui avaient suivi. Aussitôt l'imprimerie est assiégée, les feuilles sont arrachées des mains des ouvriers et publiées dans toute la ville. Les habitants et les officiers anglais arborent la cocarde blanche et se livrent à une grande joie. Le soir du 15 avril, le Maire d'Auch, accompagné du conseil municipal, des officiers anglais et d'un détachement de la garde municipale, se présente sur la place de la Mairie. La foule l'acclame ; le drapeau blanc est hissé au faîte de l'Hôtel-deVille. Le Maire pousse le cri de Vive le roy ! » et la foule répond par ceux de Vive Louis XVIII ! Vive lord Wellington ! Vivent les Anglais ! Vivent les souverains étrangers ! » Les mêmes acclamations retentissent sous la voûte du porche de la cathédrale et les manifestants accompagnent la municipalité jusqu'à la porte de la Mairie. Le dimanche suivant, un Te Deum est solennellement chanté à l'église Sainte-Marie; vainqueurs et vaincus se prodiguent des témoignages d'affection. M. Lagrange, pro-vicaire général, termine la cérémonie par un discours fort apprécié sur les bienfaits de la paix. Le 17 avril 1814, le Maire d'Auch, M. Thore, qui avait fidèleemnt servi l'Empereur et prêté serment de fidélité et dévouement fait voter par son conseil municipal une adresse au gouvernement provisoire de laquelle nous détachons les deux phrases Quel Français pourrait se refuser à sanctionner de coeur les actes qui, en assurant le retour du souverain légitime, nous offrent la garantie d'un bonheur permanent ». Les Membres du Conseil Municipal de la ville d'Auch hâtent, par leurs voeux, le moment fortuné où, remonté sur le trône de ses pères, Louis-Stanislas-Xavier, roi de France DEUXIÈME TRIMESTRE 1930. 171 recevra le serment de fidélité, d'obéissance et de dévouement de ses fidèles sujets ». 3 Dans la séance du 24 mai, le même maire s'écrie Le retour d'un descendant du Grand Henri au trône de ses pères est une de ces circonstances qui fesant succéder en France, à vingt-deux ans de calamités, la perspective de la paix et du bonheur, doit être aussi celle d'offrir à sa majesté l'expression de notre amour et de notre respect ». Première visite à Auch de Son Altesse Royale le duc de Borgogne. Le 25 avril 1814, le Maire de Jegun est officiellement informé que S. A. R. le duc de Bourgogne, venant de Bordeaux, traversera le territoire de sa commune dans la matinée du 26. Il donne aussitôt l'ordre d'élever un arc de triomphe sur la route d'Auch au point où le prince royal doit changer de relais. Grâce au dévouement de tous, un monument simple et imposant, se dresse bientôt à l'endroit désigné. Il se compose de colonnes reliées par trois arceaux en forme de portique au milieu desquels flotte le drapeau blanc, encadré de fleurs de lis sur fond d'azur. Le lendemain matin, le Préfet du Gers, le secrétaire général, les conseillers de préfecture, le Maire d'Auch et ses adjoints, arrivent vers dix heures. Le maire et l'adjoint de Jegun, le coneil municipal, le curé-doyen, le curé de Lézian suivis d'une foule immense sont déjà là, La route est couverte de fleurs et de verdure. A onze heures, une sonnerie de cloches et des vivats nourris annoncent l'arrivée de S. A. R. Le Maire de Jegun, à la tête d'un long cortège s'avance vers le Prince, lui souhaite la bienvenue, décrit l'enthousiasme des populations en apprenant le rétablissement des Bourbons sur le trône de France et le supplie de déposer aux pieds de Sa Majesté l'expression du respect et de l'amour de tous pour le Souverain légitime », 3 Pages 328 et 329. D. 7. Archives municipales d'Auch. 172 SOCIÉTÉ D'HISTOIRE ET D'ARCHÉOLOGIE DU GERS Le duc de Bourgogne repartit au milieu des vivats et des acclamations. Le lendemain matin, 27 avril, la ville d'Auch reçut à son tour Son Altesse royale, le duc de Bourgogne et donna à ce prince les témoignages les plus éclatants de son amour et de son attachement à la famille royale. M. Sentex, qui remplaçait le Préfet absent, le harangua longuement, l'assura du dévouement et du respect de toutes les populations du département et termina en ces termes son discours vivement applaudi Puisse votre auguste Epouse, Monseigneur, goûter de douces consolations dans une heureuse postérité. » Puissiez-vous, de concert, retracer les vertus de Blanche et de saint Louis, faire longtemps jaillir du trône, les prin cipes sacrés de la religion et de la moralité publique, seuls garants du repos et de la prospérité des Nations. » La garde nationale d'Auch était rassemblée à la PorteNeuve; les troupes anglaises et portugaises étaient également sous les armes. Le Prince se rendit ensuite à la cathédrale. Il fut reçu par l'évêque d'Agen et le clergé du diocèse. Il entra au milieu des cris de Vive le Roi ! Vive le duc de Bourgogne ! Vive les Bourbons ! » La vaste nef contenait à grand'peine la foule nombreuse accourue de fort loin. Il fut ensuite reçu à l'hôtel de la Préfecture par M. le Maire d'Auch qui présenta les fonctionnaires de la ville et du département, et lui donna l'assurance qu'ils étaient tous animés d'un profond sentiment de respect et de fidélité pour leur souverain légitime. Deuxième visite de Son Altesse Royale le duc de Bourgogne à Auch. Trois mois s'étaient écoulés depuis le passage de Monseigneur le duc de Bourgogne à Auch. La population auscitaine manifesta un si vif désir de revoir le Prince dans sa ville que celui-ci voulut bien lui accorder une seconde visite. Elle eut DEUXIÈME TRIMESTRE 1930. 173 lieu le 24 juillet 1814. La réception fut plus brillante, plus enthousiaste encore que la 1re. Le duc revenait de Bayonne où il était allé visiter la ville et le port. Instruite de l'heure de son arrivée, la population, presque tout entière se porta à sa rencontre et, avec la garnison d'Auch, composée des 15e et 29e régiments de chasseurs à cheval, la garde urbaine, qui avait repris ce jour-là son service depuis longtemps interrompu et une garde d'honneur formaient une double haie de civils et de militaires tous également dévoués au nouveau gouvernement. Le Prince arrive à trois heures de l'après-midi. Il est accueilli aux cris de Vive le roi ! Vive le duc d'Angoulême ! Les mêmes acclamations l'accompagnent jusqu'au coeur de la ville où il entre au son des cloches mêlé au bruit du canon. Aux portes du carrosse se tiennent à cheval M. le lieutenant-général Doumerc et M. le Maréchal-de-camp Barbeau. Les autorités communales et départementale suivent dans les autres voitures. Dans le parcours des rues d'Etigny et Dessoles, Son Altesse paraît remarqur avec plaisir les ingénieuses décorations des maisons particulières. Des guirlandes de feuillage et de fleurs traversent la voie publique en tous sens formant de vrais berceaux de verdure ornés de couronnes, de devises et d'inscriptions. Sur la place royale se dresse un arc de triomphe, aux formes monumentales, imposant dans sa simplicité, portant au-dessus de l'entablement ces mots A l'heureux retour; nos voeus sont accomplis ». Le Conseil Municipal, dans sa séance du 22 juillet 1814, avait sollicité l'autorisation de donner le nom d'Angoulême à la rue qui unit la place royale à la place de la Cathédrale. Il avait obtenu satisfaction et des plaques portant ces mots en lettres d'or Rue du duc d'Angoulême » étaient fixées aux quatre extrémités de la voie. L'illustre visiteur gagne l'Hôtel de la Préfecture, préparé pour le recevoir dignement. Les autorités civiles et militaires de la ville, les représentants de toutes les administrations, 174 SOCIÉTÉ D'HISTOIRE ET D'ARCHEOLOGIE DU GERS. la noblesse, les chevaliers de l'Ordre de Saint-Louis, de la Légion d'Honneur, les officiers en retraite et de simples particuliers sont successivement reçus par Son Altesse Royale. Elle répondit à tous les discours avec une bonté, une grâce exquises et retint à sa table, les généraux Doumerc, Barbeau, les colonels du 15e et du 29e, le sous-préfet, le maire d'Auch, MM. Sentex, l'abbé Lagrange, de Mousquères, commandant de la garde urbaine, de Vic, de Soupets, de Laclaverie aîné et de Cugnac. Le soir, il reçut plusieurs dames de la ville; il les accueillit avec cette courtoisie, cette distinction qui semblent l'apanage des descendants de Louis XIV. A neuf heures du soir, le duc d'Angoulême descendit sur la terrasse entouré d'un cercle nombreux de privilégiés admis à venir lui présenter leurs hommages. Il parut s'intéresser au feu d'artifice tiré en son honneur et aux accents de la musique de la garde urbaine qui fit entendre les deux morceaux de circonstance Vive Henri IV » et Où peut-on être mieux qu'au sein de la famille ». Tout concourut à donner à cette fête un éclat exceptionnel. La soirée était superbe; la brillante illumination répandait au milieu de la nuit une vive clarté dont tout le monde goûtait la douceur et le charme. Le peuple manifesta son contentement par des feux de joie, allumés dans les divers quartiers de la ville et par des danses qui ne cessèrent qu'au matin. Le lendemain, 25 juillet, le Prince se rendit à la Cathédrale. Il y fut reçu par M. l'abbé Lagrange, prit place sous le dais porté par quatre chanoines et entendit la messe. En sortant de l'église, il monta à cheval, passa la revue des 15e et 29e régiments de chasseurs qu'il félicita de leur bonne tenue. La voiture s'avança à ce moment et le duc de Bourgogne prit la route de Toulouse au milieu des vivats d'une foule nombreuse accourue de fort loin. DEUXIÈME TRIMESTRE 1930. 175 Le parcours d'Auch à Toulouse fut une suite de manifestations enthousiastes. Des arcs de triomphe se dressaient à l'entrée de tous les villages et les populations, venues de tous côtés, formaient une double haie, saluaient le Prince de leurs acclamations et de décharges de mousqueteries. Les habitants de Gimont se distinguèrent entre tous. Les maisons de la Grand'Rue, jusqu'aux plus humbles, étaient pavoisées de fleurs, de verdure et les fenêtres ornées de nombreux drapeaux blancs. A' suivre CHRONIQUE. SEANCE DU 3 AVRIL 1930. PRESIDENCE DE M. DE SARDAC, PRESIDENT. Sont présents MM. Brégail, Cadéot, le chanoine de Castelbajac, l'abbé Daugé, Hugon, Lahille et de Sardac. M. le Président rappelle à l'assemblée qu'elle a renvoyé à la réunion d'avril la décision à prendre sur le projet d'excursion proposé par M. le Chanoine de Castelbajac. Après un examen très attentif de la proposition et une étude sérieuse des divers, itinéraires, les membres présents décident que la date du voyage sera définitivement arrêtée dans la prochaine séance. M. Aubas s'était plaint à maintes reprises du retard apporté à la publication du Bulletin dont on lui avait confié la préparation. Ses réclamations n'ayant pas trouvé l'écho qu'il espérait, il donna démission de secrétaire. Dans une lettre à M. le Président, M. Cocharaux, imprimeur, reconnaît le bien fondé des plaintes de M. Aubas ; il expose les causes multiples et imprévues qui ont causé les retards successifs dans la publication des trois derniers bulletins. Il exprime ses regrets, s'engage à faire diligence et à regagner, dans l'année 1930, les cinq mois de retard. M. Lahille, trésorier, expose ensuite que. le prix de vingt francs la page demandé par M. Cocharaux pour l'impression du bulletin lui paraît exagéré. L'état actuel des finances et de la Société ne lui permet pas, malgré le. relèvement de la cotisation, de consentir a payer une somme supérieure à dix-huit francs. Il demande à M. Cocharaux d'accepter ce dernier prix. Celui-ci y consent et s'engage à fournir gratuitement les enveloppes des bulletins et les adresses. M. CADÉOT, poursuivant son étude sur la commune de Fleurance, expose avec des détails très intéressants, les troubles religieux et politiques qui couvrirent le pays de ruines et de deuils. 176 SOCIÉTÉ D'HISTOIRE ET D'ARCHÉOLOGIE DU GERS. M. LAHILLE donne lecture du travail de M. Baqué sur la vie privée au xvIe siècle, à Vic-Fezensac. M. Baqué souligne l'originalité du costume, le pittoresque de la rue et la simplicité de l'ameublement. Il dresse le tableau des nombreux métiers et des multiples occupations des habitants, peint l'animation de la ville les jours de marché, fait revivre les vieilles coutumes des paysans et des bourgeois à cette époque déjà lointaine. L'ordre du jour étant épuisé, la séance est levée à quatre heures. SÉANCE DU 5 JUIN 1930. PRESIDENCE DE M. DE SARDAC, PRESIDENT. Etaient présents MM. Brégail, Chauvelet, Lahille, Monlaur, Nassans, Richon et de Sardac. Sont admis à faire partie de la Société Archéologique 1° M. MAURENS Henri, négociant à Fleurance, présenté par MM. Noël Cadéot et de Sardac ; 2° M. l'abbé ARGAGNON, curé de Labastide-Savès, par Samatan, présenté par MM. l'abbé Dambielle et Monlaur ; 3° Mlle TROULA, 3, rue de la Monnaie, à Condom, présentée par MM. Cocharaux et Lahille. M. BRÉGAIL donne lecture de son étude La révolution dans le département du Gers ; La fuite du roi, dit M. Brégail, ne fut connue à Auch que le 25 juin. Elle causa une très vive émotion au sein du Directoire. Celui-ci fit publier une proclamation aux habitants du Gers pour les rassurer et leur imposer une confiance qu'il n'avait pas lui-même. La nouvelle de l'arrestation du roi à Varennes provoqua partout une grande joie et rétablit la confiance. L'administration est transformée. Un grand conflit éclate entre les nouveaux agents et les anciens qui refusent de rendre compte de leur gestion. Les tribunaux n'étant pas encore organisés, l'affaire n'eut pas de suite. Les biens du clergé, mis à la disposition de l'Etat, furent vendus à de riches bourgeois qui édifièrent de scandaleuses fortunes, mais ne profitèrent guère, au peuple. Seule la vente des monastères et des communautés religieuses produisirent des sommes importantes. Les récoltes sont très mauvaises ; le Directoire départemental fait de louables efforts pour nourrir les populations, s'impose de nombreux sacrifices et pendant que le peuple souffre, l'Espagnol menace notre frontière, affole les provinces du sud-ouest. Les élections a l'Assemblée Législative confient le pouvoir à des hommes sages et modérés sauf Maribon-Montaut, ancien mousquetaire et Ichon, ancien supérieur des prêtres de la Congrégation de l'Oratoire de Condom qui, tous les deux, prennent rang parmi les plus violents Montagnards ». La séance est levée à 3 h. et demie. Le Gérant COCHARAUX. SOCIÉTÉ D'HISTOIRE ET D'ARCHÉOLOGIE DU GERS La SOCIÉTÉ D'HISTOIRE ET D'ARCHÉOLOGIE DU GERS, fondée en 1891, reconnue par arrêté du 29 mai 1894, a pour bat l'étude des monuments, de l'art et de l'histoire dans l'ancienne province de Gascogne et plus particulièrement dans les pays qui ont formé le département du Gers. Elle se propose de publier des ouvrages ou documents originaux relatifs à cette histoire. Les demandes d'admission sont adressées an PRÉSIDENT, et, après l'avis conforme du Bureau, elles sont présentées par lui à la séance ordinaire suivante. Le montant de la cotisation est fixé à la somme de DOUZE francs. Pour l'étranger, frais de poste en sus, soit 4 francs. Adresser tout ce qui regarde la rédaction et l'envoi du Bulletin, les réclamations relatives à l'omission ou au retard des livraisons à M. AUBAS, secrétaire-archiviste de la Société Archéologique, 8, rue Voltaire, à Auch. Tout ce qui regarde l'administration paiements, demandes d'anciennes livraisons, etc., doit être adressé à M. LAHILLE, trésorier, 1, place Puits-deMothe, Auch. Pour les tirages à part des communications, s'adresser à M. COCHABAUX, imprimeur, rue de Lorraine, Auch. Il sera rendu compte, sauf les convenances, de tout ouvrage dont il aura été envoyé un exemplaire. Chèques postaux C/C 4975 Les membres de la Société Archéologique ont tout intérêt et sont priés d'adresser le montant de leur cotisation au trésorier en se servant du chèque postal. Modèle d'adresse TOULOUSE C/C 4975. M. LAHILLE, Trésorier de la Société Archéologique du Gers, 1, place Puits-de-Mothe, à Auch. Le coût du mandat est de 0 fr. 25, quelle que soit la somme envoyée. Les bureaux de poste et facteurs-receveurs leur délivreront gratuitement les formules de mandats-cartes spéciales au service des chèques postaux. Il suffira d'y inscrire le montant de la somme envoyée avec le numéro et l'adresse ci-dessus. AUCH. — IMPRIMERIE COCHARAUX, RUE DE LOBBAINE. BULLETIN DE LA DU GERS XXXIme ANNÉE. — 3me Trimestre 1930 et 4me AUCH IMPRIMERIE BREVETÉE F. COCHARAUX 18, RUE DE LORRAINE, 18 1930 TROISIÈME ET QUATRIÈME TRIMESTRES 1930 177 COMMUNICATIONS. LES CHANSONS POPULAIRES Des Pyrénées Française PAR M. JEAN POUEIGH Suite Pastourelles diverses ADIU, BIELLE E BILHÈRES ADIEU, BIELLE ET BILHÈRES Au coigt de Marie Blangue, bis Las planes deu Benou, Que la doun doun dène, Las planes deu Benou, Que la doun doun dou. Au soun de la tecouère U arbre cargat de flous. Que j'a bère pastoure Qui-n goarde lous moutous. 12 178 SOCIÉTÉ D'HISTOIRE ET D'ARCHEOLOGIE DU GERS Ere s'ei adroumide A l'oumbre deu bruchou. Quoand ere s'en desbelhe, Perguts n'a tous moutous. Ailas ! de jou, praubete, Ailas ! moun darrè jour ! Si m'en bau ta moun père, Prénera lou bastou; Si m'en bau ta ma mère, Mourira de doulou; Si m'en bau ta moun frère, Passara l'arraujou . M'irèi au bèt bouscatge, Ce um hèn lous auserous; Beberèi à l'aiguete, Coum hèn lous pesquitous. » Oy ! lous baquès de Bielle Que soun bous coumpagnous. Que la s'an anlhebade Taus bousquets deu Benou. Quoand ere j'ei entrade Blanguc n'ei coum lou sou; Quoand ere s'té debens la bigne, Nègre coum u carbou. Adiu, Bielle e Bilhères, bis Las planes deu Benou, Que la doun doun dène, Las planes deu Benou, Que la doun doun dou. Y pecherèi l'erbète, Coum hèn lous agnerous; [Vallée d'Ossau] Trad. — Au col de Marie-Blanche, — Les plaines du Bénou, — Que la don don daine, — Les plaines du Bénou, — Que la don don don. **H Au sommet de la hauteur — Est un arbre chargé de fleurs. i.** Il y a belle bergère — Qui garde ses moutons. * Elle s'est endormie — A l'ombre du buisson. ,** Quand elle se réveille, — Perdus sont les moutons. / Hélas ! de moi, pauvrette, — Hélas ! mon dernier jour est arrivé. ^ Si je vais trouver mon père, — Il prendra le bâton; **H Si je vais trouver ma mère, — Elle mourra de douleur; *** Si je vais trouver mon frère, — Il passera sa rage sur moi. /* Je m'en irai au bocage, — Comme font les petits oiseaux; *'* Je brouterai de l'herbe, — Comme font les petits agneaux; ..** je boirai de l'eau claire, — Comme font ies petits poissons. » ** Mais les vachers de Bielle — Sont de lions compagnons. *** Ils lont enlevée — Vers les bosquets du Bénou. J\t Quand elle y est entrée, — Blanche elle est comme le soleil; *** Quand elle en est sortie, — Noire comme un charbon. *** Adieu, Bielle et Bilhères — Les plaines du Bénou, — Que la don don daine, — Les plaines du Bénou, — Que la don don don. Chant fort répandu en Ossau, où sont situés les villages de Bielle et de Bilhères. Bielle est l'ancienne capitale de la vallée, assise au pied du mont Bénou. Bilhères s'accroche au-dessus, à mi-chemm des pâturages, — les plaines du Bénou. Tout en haut, le col de Marie-Blanche sert de passage entre les vallées d'Ossau et d'Aspe. Le début de la chanson varie suivant les localités. A Bielle et à Bilhères il n'est pas question de Au coigt de Marie Blanguc ». Ce premier vers est remplacé par " Adiu Bielle e Bilhères » à Bielle, et par Adiu, adiu, Bilhères », à Bilhères. La poésie s'arrête souvent après la douzième strophe. Comme aussi, une autre version remplace les 13e, 14e, 15e et 16e versets par les deux suivants M'en harèi bourrassetes Dab hoelhes d'aberou. M'en harèi esplinguetes Dab bèt broc d'aragnou. TROISIÈME ET QUATRIÈME TRIMESTRES 1930 179 Trad. — Je me ferai des langes — Avec des feuilles de jeune sapin. Je me ferai des épingles — Avec un joli bout des épines de prunellier. La mélodie, que j'ai notée en rythme ternaire, se chante aussi et à Bilhères notamment sur un rythme binaire. Mais ce caractère décidé en dénature le sentiment pastoral, que le lent balancement des trois parties du temps conserve tel que les montagnards le cadencent. Une seconde version mélodique existe, qui me fut dictée à Bilhères encore; elle est à deux-quatre, et toute différente de ligne; moins intéressante musicalement que la première et assurément plus récente, cette mélodie ne méritait point d'être publiée ici. On la trouvera insérée dans les Reclams de Biarn e Gascougne Avril 1923, p. 116, auxquels je l'ai communiquée. LA BERGÈRE AUX CHAMPS N'y a rien d'aussi charmant Que la bergère aux champs; Quand elle voit la pluie, Désire le beau temps, Afin que la bergère Puisse passer son temps. 180 SOCIETE D' HISTOIRE ET D ARCHEOLOGIE DU GERS Son aimant va la voir, Le matin et le soir, En lui disant " La belle ! La belle, éveillez-vous ! Les montagnes sont claires, Le soleil est partout. » Quand la bergère entend La voix de son aimant, EU' met sa robe verte, Son joli cotillon, S'en va ouvrir la porte A son aimant mignon. Berger, mon doux berger, Où irons-nous garder ? — Là-haut, sur la montagne, Joli vallon il y a Nous garderons ensemble, Parlera qui voudra. — Berger, mon doux berger, Qu'aurons-nous pour dîner ? — Un plat de bécassines, Un autre de perdrix, Afin que la bergère Eusse plus d'appétit. — Berger, mon doux berger, Qu'aurons-nous pour souper ? — Un plat de pommes vertes, Un autre de gâteaux, Et du bon vin d'Espagne Que j'ai dans mon manteau. — Berger, mon doux berger, Où irons-nous coucher ? — Là-bas, dans cette plaine, Un vieux château il y a Nous coucherons ensemble, Parlera qui voudra. — Berger, mon doux berger, J'entends quelqu'un marcher; Peut-être c'est mon père, Qui vient pour nous chercher. Embrassons-nous, dit-elle, Et laissons-le passer. » [Foix, Couserans] Var. — 5. Et moi pauvre bergère, — 6. Comment passer mon temps. — 11. Les moutons sont en plaine, — 26. Et de quoi vivrons-nous ? — 27. Nous vivrons d'alouettes, — 28. De perdrix, de gâteaux, — 44. ... crier; — 47. Couchons-nous sur l'herbette. Pastourelle charmante, pour le moins, autant que la pastoure elle-même. Populaire entre toutes, de la Gascogne au Languedoc, et dans la France entière. Parmi les très nombreuses variantes pyrénéennes, l'une d'elles précipite le rythme du majeur et le ponctue d'allègres E roun loun loun. — E roun lan lai. Mais combien le grave mineur de notre seconde mélodie a plus de caractère et évoque mieux la bergère en montagne ! TROISIÈME ET QUATRIÈME TRIMESTRES 1930 181 LA BERGERE E LOU BIGNE LA BERGÈRE ET LE VIGNERON Quoand lou bignè s'en ba à la bigne, bis A la bigne per trabalha. bis Bère bergère l'y bié bédé Bignè, sount bous lous abrignous ? — Bergère, entrat dehéns la bigne, Bejats si-n y a de boste goust. » Quoand ère 'sté dehens la bigne, Nou n'y trouba nat au sou goust. Bergère, entrat dens la cabane, Aquiu n'aurat au boste goust. » Quoand ere esté dens la cabane, Que n'y trouba u au sou goust. Las auts bergères que l'an criden Bergère, oun as lous tous moutous ? — Que-us èi là-bach, 'n aceres prades, Que-us me goarden lous auts pastous. — Bergère, nou-t hides aus ômis, Sustout aus qui soun jougadous. 182 SOCIÉTÉ D'HISTOIRE ET D'ARCHÉOLOGIE DU GERS De mati joguen las doubletes, De part de brèspe lous doublous. E puch, après, quoand se retiren, Cèrquen de brut à lurs maisous; Gahen la barre de la porte, Trucs e patacs sus Mariou. Si èren aqueres las proumessès Qui m'abès dit en han l'amou Labéts qu'èren mouchouèrs de sede; Are, qu'ei lates d'aberou. — Labéts, tu qu'ères ma mestresse bis Are, nou-n soi, jou, serbidou. » bis [Vallée d'Ossau] Trad. — Quand le vigneron s'en va à la vigne, — A la vigne pour travailler. *** Belle bergère l'y vient voir — Vigneron, sont-ils bons les brugnons ? *** —Bergère, entrez dans ma vigne, — Voyez s'il y en a à votre goût. » *** Quand elle fut entrée dans lavigne, — Elle n'en trouva pas un à son goût..*** Bergère, entrez dans la cabane, — Là, il y en aura à votre goût. » Quand elle fut entrée dans la cabane, — Elle en trouva un à son goût. *** Les autres bergères lui crient — Bergère, où as-tu tes moutons ? ** — Je les ai là-bas, dans ces prairies, — Me les gardent les autres bergers. * — Bergère, ne te fié pas aux hommes, — Surtout à ceux qui sont joueurs. *** Le matin ils jouent les doubles, — L'après-midi les doublons. *** Et après quand ils se retirent, — Ils cherchent querelle à leur maisonnée ; *** Ils saisissent la barre de la porte, — Coups redoublés sur Marion. ** Si c'étaient là les promesses — Que tu m'avais faites en faisant l'amour *** Alors c'étaient les mouchoirs de soie, — A présent, ce sont gaules de jeune sapin. ** — Alors, tu étais ma maîtresse — A présent, je ne suis pas, moi, ton serviteur.» TROISIÈME ET QUATRIÈME TRIMESTRES 1930 183 LA BERGÈRE ET LE CAVALIER Chanson d'une aimablo bergèro Qui est là dans ces vallons, Gardant ses blancs moutons Le long d'un bois, sur la fougèro, 'Il a su bien attraper Un jeune chivalier. La bergère est au pâturageo, Lorsque vient à passer Ce joli chivalier. Il aperçoit son beau visageo, Et voyant ses beaux yeux N'en devient amoureux. Le chivalier mit pied à terro Et, sans point d'embarras, Estaquo soun chival A un piquet de la barrièro, Croyant de caresser Cette raro beauté. La pastouro ruseyo et fino, S'est mise à crier Mes moutons sont au blé ! J'entends là-bas quelqu'un qui crido Attendez-moi ici ! Je m'en vais revenir. » La bèlo, passant par darrièro, Dret au chival est allée, Dessus elle y est mountée; Harditoment gagno la plaino, Frappo del esperoun Coum' un gaillard dragoun. Arrête, belle, je t'en prio, Rête-toi un moument, Si tu as le cor vaillant; Sur mon cheval, dans ma vanso, Moun or et moup argent N'est enfermé dedans. 184 SOCIETE D'HISTOIRE ET D'ARCHEOLOGIE DU GERS — Gardez mes moutons à ma plaço, Vous sirez bon berger, Mon père est bon fermier Vous donnera pa et froumageo, Le leit de ses berbis Pourra vous rafraîchir. — Ah ! que les fill' ont de maliço, Dit l'chivalier plourant J'ai perdu cinq cents francs Mon beau chival et ma variso; Maudit soit-y l'amour Qui m'a jougué ce tour. » [Foix, Couserans] D'origine française, cette forme de L'Occasion manquée a dû donner naissance à la version romane placée ci-après, sous le titre, qui lui est propre, de La Perdits. Mais la pastoure pyrénéenne se borne à bafouer son galant d'occasion; tandis que notre franciote » bergère lui dérobe son argent — tout comme nous le verrons faire à la jeune Isabeau. LA BERGERE ET LE CHASSEUR DU ROI A l'âge de quinze ans, mon père me marie; bis M'envoie-t-aux champs pour les moutons garder Moi qui étais trop jeunette, je m'en suis allée. A l'ombre d'un grand bois, je me suis endormie. Vient à passer un beau chasseur du Roi; Il me dit La bergère, n'avez-vous point froid ? Bell', si vous avez froid, vous n'avez qu'à le dire. J'ai mon manteau, je vous en couvrirai; Mon joli coeur en gage, je vous l'offrirai. — De votr' manteau, ni d'vous, guère ne m'en soucie... Quoique j'en sois, jeun' fille à marier, J'ai mon honneur encore, je veux le garder. TROISIÈME ET QUATRIÈME TRIMESTRES 1930 185 — Pour qui le gardez-vous, bergerette ma mie ? — Je l'veux garder pour mon» mignon berger; Au son de la musette, m'apprend à danser. — Belle, de ton mignon, n' faut pas que tu t'y fies S'est engagé au service du Roi; Je suis son capitaine, je peux le savoir. — Mon père dans Paris n'a connaissance amie, bis Le Roi Bourbon est si brave garçon Reviendra de la guerre, mon amant mignon. » [Couserans, Gascogne, Languedoc] Var. — 1. A l'âg' de quatorze ans... — 2. Il m'a donné en gage un bouton doré, — 3. Je suis fille honnête, je veux le garde. — Et moi, jeune bergère, m'faut toujours marcher. — 4. ...buisson, la belle s'est endormie. — 6. Qui demanda La belle, si vous avez froid ? — Réveillez-vous la belle, n'auriez-vous pas froid ? — 7. Si vous avez froid, nous ferons couverture — 8. Avec mon manteau gris et ma capote aussi — 9. Mon petit coeur en gage, s'il vous fait plaisir. — 10. De votre gentil coeur, je vous en remercie . — 11. Y a pas trois jours que j'en suis mariée; — 12. L'anneau de ma main blanche, je veux le garder. — 13. Belle, de ton honneur, que veux-tu donc en faire ? — 14. Je l'veux garder pour mon mignon berger, — 16. Qui joue de la musette et qui me fait danser. — 16. De ton mignon berger, ne fais pas tant la fière. — 18. ...depuis hier au soir. — 19. Qu'il se soit engagé, ce n'est point impossible — 20. Je l'vois descendre, là-haut dans ces vallons — 21. Eh bien ! monsieur, bonsoir, nous partons. — Reviendra de la guerre, nous nous mariederons. LA BERGÈRE ET LE FILS DU ROI Entre Paris et Besançon, Il y avait une bergère, Qui gardait ses blancs moutons Le long de la rivière. Un jour, le loup sortant du bois Avecque sa bouche ouverte, La plus belle de son troupeau La belle en fit la perte. 186 SOCIÉTÉ D'HISTOIRE ET D'ARCHÉOLOGIE DU GERS La belle s'y est mise à pleurer Sainte Vierge Marie ! Celui qui m'rendra ma brebis Il sera mon amie. » Le fils du Roi n'entend cela, Il met la main à son épée; S'en va faire un tour au bois, La brebis a trouvée. Tenez, belle, votre brebis, Remettez-la avec les autres; J'vous ai fait un grand plaisir, Vous m'en ferez un autre. — Eh ! oui, Monsieur, avez raison; Pour vous payer de vos peines Mon pèr' tondra les moutons, Il vous donnera la laine. — Je ne suis pas marchand drapier, Ni revendeur de laine; Permettez-moi un doux baiser Pour soulager mes peines. — Attendez donc vingt et un ans, Je sera fille gentille, Nous parl'rons de fair' la cour Sur l'herbette fleurie. » [Foix, Gascogne, Languedoc] Var. — I. ...Saint-Denis, — 3. ... brebis. L'une des plus anciennes pastourelles de la lyrique française. On en trouve traces dès le treizième siècle. Certains auteurs la connaissent sous le titre de La Brebis sauvée du loup. La chanson Mon père avait cinq cents moutons, classée quelques pages plus loin, traite même sujet et présente un texte en partie semblable à celui-ci. LA BERGÈRE E LOU PASTOUREL LA BERGÈRE ET LE PASTOUREAU Abal, dins la pradeto, A tout le tour d'un roc, Cèrqui mas amouretos, Las trobi pas enloc. Si tant las èi cercados, Troubadetos las èi, A naut, sus la mountagno, Que garda sous agnèls. TROISIÈME ET QUATRIÈME TRIMESTRES 1930 187 Diu de bounjoun, bergèiro ! Benets bous sèire aci, Sus la berdo fougèiro, Manjaren l'esperti. » Tout coupant la panoto, Quel brigand trahidou, Sus ma blanco gauteto, M'a raubat un poutou. Praqui ben à passa Un chibaliè ou dous Atal, atal, bergèiro, Fai bous baisa's pastous ? — Perque atal le baisi, Perque atal me plai; Le pastourèr m'agrado, Le boli acountenta. — Se qu'ende ièu, bergèiro, Ne boulguios faire atal, Te croumparai 'no raubo E mai un debantal. — Moussu, nou bous counégui, Nou sàbi pas d'oun èts; Croumpats bostros raubetos A las que couneguèts. » [Mirepoix, Sault] Var. — 1. Un joun, que s'y proumeno, — 2. Y a 'n pastre malhurous — 3. De cabano en cabano — 4. Ba cerca sas amours. — 6. ... a, — 8. ... lou bestia. — 9. En digues-tu... —11. Mas paraulos doucetos — 12. Fan creiche tous agnets. Trad. — Là-bas, dans la prairie, — Tout autour d'un rocher, — Je cherche mes amours —Et ne les trouve nulle part. *** Tant les ai cherchées, — Que trouvées les ai, — Là-haut sur la montagne, — Qui garde ses agneaux. *** Dieu de bonjour, bergère ! — Venez vous asseoir ici — Sur la verte fougère. — Nous mangerons le goûter. » *** Tout en coupant le pain, — Ce brigand traître, — Sur ma blanche joue, — M'a ravi un baiser. ** Par là vient à passer — Un chevalier ou deux — Ainsi ainsi, bergère, — Vous vous faites embrasser par les pasteurs ? *** — Parce qu'ainsi je l'embrasse, — Parce qu'ainsi me plaît; — Le pastoureau me convient, — Je le veux contenter. ***— Si avec moi, bergère, — Tu voulais faire ainsi, — Je t'achèterais une robe — Et aussi un tablier. *** — Monsieur, je ne vous connais pas, — Je ne sais pas d'où vous êtes; — Achetez vos robes — A celles que vous connaissez. » Cette pastourelle n'est point localisée dans la région languedocienne de la chaîne où je l'ai recueillie, à Montferrier, à Montségur et à Bélesta. La partie gasconne la chante également, mais la bergère y témoigne de moins de complaisance envers le pasteur et l'on n'y voit point défiler de cavaliers. Comminges et Couserans m'ont livré plusieurs pièces de cette forme-là, dont Cénac-Moncaut a publie une version, sous le titre Lou Pastou refusat. 188 SOCIÉTÉ D'HISTOIRE ET D'ARCHÉOLOGIE DU GERS LA BERGÈRE ET SON FRÈRE SIMON Un chevalier vient à cheval, Et il s'en va dans la prairie Bonjours, bergère, bergerie. Combien gardez-vous de moutons ? Vous et moi nous les garcterons. — Je les garderai bien sans vous, Retirez-vous, amant volage, Voici la pluie, voici l'orage, Voici le temps qui va change, Je vous prie de vous retirer. — Belle, si tu voulais m'aimer, Là-haut, dedans une chambrette, j'ai une tant jolie boursette, Le diamant d'or que j'ai au doigt, Si tu m'aimais, seraient pour toi. » Quand la belle n'entend parler Du diamant d or, de la boursette, Par terre son bâton ell' jette Garde les moutons qui voudra, Avec mon amant je m'en vas ! » Quand ils fur'nt au milieu du bois, La belle s'est jetée par terre Relève-toi, soeur malheureuse, Relève-toi de l'abandon, Car je suis ton frère Simon. — Puisque mon frère vous étiez, Pourquoi m'avoir si tourmentée ? Ne dites rien à ma mère, Ni à quelqu'un de mes parents, Car je passerais mal mon temps. [Foix, Couserans] — Mais nos parents n'en sauront rien, N'y aura que toi et moi, la belle. » La leçon ariégeoise est incomplète il y manque notamment les couplets du début, où le frère de la bergère, Simon, revenant après sept ans d'absence, s'inquiète de sa soeur et fait à leur mère gageure de la débaucher. Mais telle quelle, le sens en est suffisamment complet. Et ceci prouve derechef que le peuple a tendance à ne retenir d'une chanson que les couplets essentiels. TROISIÈME ET QUATRIÈME TRIMESTRES 1930 189 LA BERGÈRE ISABEAU Tout près du rivageo, Le long d'un ruisseau, Etant à l'ombrageo, La jeune Isabeau, Gardant son troupeau Dans le bois suletto, Son coeur y languit De voir son ami. M' suis approché d'èlo, Je me suis assis, J'y ai dit " La bèlo, Votre bergerie M' fait venir ici, Sous ce bel feuillageo, Et ma compagnie S'il vous fait plaisir. » Me répondit-elle Monsieur, pourquoi non ? Les amours sont belles En toute saison. L'ombrage est fort bon Sous ce bel feuillageo, Les amants y vont Chanter des chansons. » J'ai pris ma musetto, Mon petit bioulon, Assis sur l'herbetto, Chante une chanson. La jeune Isabeau, Charmée de l'entendre, Quitte ses sabots, Danse sous l'ormeau. La voyant si bèlo Et si dégagée, J'y ai dit La bèlo ? Voudriez-vous m'aimer ? — J'aime mon berger Qui est joli et sage, Et je l'aimerai Tant que je vivrai. — Ton berger, la bèlo, N'est qu'un paysan, Il est bien dommageo Qu'il soit ton aimant. Quitto ton troupeau, Ta fortune est faite De cinq mille francs Je t'en fais présent." 190 SOCIÉTÉ D'HISTOIRE ET D'ARCHÉOLOGIE DU GERS La bergèro, fino, L'a pris cet argent, Faisant bonne bino A son courtisan. Dans le même instant N'a pris sa houletto, S'en va dans les champs R'joindre son aimant. Petite fripouno, Rends-moi cet argent; C'est pas la manièro Qu'on fait aux aimants. — Je m'en anirai Dedans mon villageo, Avec mon berger Je me marierai. » [Foix, Couserans] Var. — 4. Bèlo l'Isabeau. — 9. Je m'approche... — 14. ...bert... — 21. Les amours sont bons. — 32. Sur le vert gazon. — 34. Les pieds dégagés. — 36. Voudrais-tu.... — 57. ..coquine. — 616. Avec cet argent. Assez répandue en Toulousain, Foix, Couserans, Comminges, la chanson de la jeune et belle Isabeau est également populaire dans les Alpes, le Vivarais et autres provinces. Elle narre à sa façon la traditionnelle aventure de la bergère courtisée par un homme de qualité et le frustrant, non seulement de sa propre personne, mais encore de son argent à lui. Des diverses variantes mélodiques notées par moi, et toutes de même type, j'ai choisi celle de la fuxéenne vallée de La Barguillère, en conservant au texte sa forme patoisée. BERGÈRO NANÈTO BERGÈRE NANETTE Ma maire m'a lougado Per garda lous moutous; bis Per garda lous moutous, Bergèro Naneto, Per garda lous moutous, Bergèro aNnoun. Jou n'en gardi pas gaire, N'ai pas que trento-dous. Les gàrdi pas souleto, M'ai lougat un pastou. TROISIÈME ET QUATRIÈME TRIMESTRES 1930 191 A cado rebirado Me demando un poutou. Un poutou n'es pas gaire, Moussu, prenets-boun dous. Soun paire, à la finèstro, N'entend aquel discours Ac dirai à ta maire Que toutjoun fas l'amour. — Elo ja l'a prou faito, Aro n'es à moun tour. — Se fas atal, ma filho, Tastaras del bastoun; bis Tastaras del bastoun, Bergèro Naneto, Tastaras del bastoun, Bergèro Nanoun. » [Foix, Toulousain]. Trad. — Ma mère m'a louée — Pour garder les moutons; — Pour garder les moutons — Bergère Nanette, — Pour garder les moutons, — Bergère Nanon. *** Je n'en garde pas beaucoup, — Je n'en ai que trente-deux. *** Je ne les garde pas seulette, — J'ai loué un pasteur. *** A chaque répartie — il me demande un baiser. *** Un baiser n'est pas grand'chose, — Monsieur prenez-en deux. » *** Son père, de la fenêtre, — Entend ce discours *** Je dirai à ta mère — Que toujours tu fais l'amour. *** Elle l'a assez fait, — Maintenant c'est à mon tour. *** Si tu fais comme cela, ma fille, — Tu goûteras du bâton; — Tu goûteras du bâton, — Bergère Nanette, — Tu goûteras du bâton, — Bergère Nanon. » Autre version Quoand n'èri petitoto, Gcardàbi lous aucous; bis Goardàbi lous aucous, Bergèro Naneto, Goardàbi lous aucous, Bergèro Nanou. Aro que-n soui granoto, M'en goàrdi lous moutous. Jou nou-n goardi pas gouaire, Nou n'èi que bint-e-dous. Tout dio que-us hèi pèche A l'oumbro d'un bruchou. L'aut' sé, quoand m'aplegàbi, Troubèi lou joen pastou. 192 SOCIÉTÉ D'HISTOIRE ET D ARCHEOLOGIE DU GERS Hou ! bergèro Naneto, De qui soun lous moutous ? — Lous moutous soun deu meste, Ra pastouro de bous ». Arc nou-s goardi soulo, L'èi pres ta coumpagnou. A cado rebirado Que-m balho un poutou. Be-m dise à ta maire Que jou que-t hèi l'amou. — Naneto qu'es trop joèno En ta parla d'amou. — Marnai, l'abets prou hèits, Adaro qu'ei à jou. L'èrbo deu prat tant courto Dio e noeit crech à pous; E jou tabé, ma maire, Créchi coum bèro flou; bis Créchi coum bèro flou, Bergèro Naneto, Créchi coum bèro flou, Bergèro Nanou. [Vallés de Bethmale, Gascogne.] Var. — 31. Tau bèn'ras joènos hilhos — 32. Au pè de lour amou. Trad. — Quand j'étais petiote, — je gardais les oisons; — Je gardais les oisons,— Bergère Nanette, — Je gardais les oisons, — Bergère Nanon. /* Maintenant que je suis grandette, — Je garde les moutons. î* Je n'en garde pas beaucoup, — Je n'en ai que vingt-doux. *** Toute la journée je les fais paître — A l'ombre d'un buisson. /* L'autre soir, quand je me retirais, — Je rencontrai le jeune pasteur. *** Ho ! Bergère Nanette, — A qui sont les moutons ? *; Les moutons sont au maître, — La pastoure est à vous. » ..** Maintenant je ne les garde plus seule, — Je l'ai pris le jeune pasteur pour compagnon. ,>* A chaque répartie — Il me donne un baiser. ,*s Je vais dire à ta mère — Une je t'ai fait l'amour. ** — Nanette, tu es trop jeune — Pour parler d'amour. j% Maman, vous l'avez assez fait, — Maintenant c'est à moi de le faire. ,*.s L'herbe du pré tant courte — Jour et nuit croit régulièrement selon le rythme du pouls ; *** Et moi aussi, ma mère, — Je pousse comme une jolie fleur; — je pousse comme une jolie fleur, — Bergère Nanette, — Je pousse comme une jolie fieur, — Bergère Nanon. » L'aventure de la bergère qui se laisse ou non embrasser par un berger de son choix ou par quelque cavalier passant, se retrouve diversement traitée en bien des leçons Voyez plus haut, La Bergeiro c lou Pastourel. Comment, devant la similitude, la divergence, l'interpolation des différents textes, démêler avec certitude ce qui appartient en propre à la poésie de telle chanson plutôt qu'à telle autre ? La version de Foix se chante tout le long de la vallée de l'Ariège, dans le Toulousain et au-delà. La version de Bethmale — commune au Couserans, au Comminges, à la Bigorre — se retrouve également identique en Béarn, sauf que le pasteur de la bergère Nanette s'y appelle Ninon, et que, çà et là, la. première strophe reste analogue à celle par quoidébute la fuxéenne. L'air original semble être celui de Foix, d'une absolue netteté de ligne sur un rythme franc de montagnarde. Ce timbre, évocateur du nasillement de la musette, TROISIÈME ET QUATRIÈME TRIMESTRES 1930 193 a subi ailleurs maintes déformations. La seule variante intéressante est la mélodie que j'ai notée en Bethmale; dans cette vallée, notre chanson de danse a transformé sa cadence et son caractère pour devenir un chant contemplatif, d'expression adorable et de coloris pastoral. LA BERGÈRE SEULETTE Un jour, tout en me promenant Le long d'un petit bois charmant, J'ai entendu la voix d'une bergère Qui chantait bien une chanson nouvelle. De si loin qu'elle m'aperçut, La bergère ne chanta plus Chantez, chantez, mon aimable bergère, Recommencez cette chanson nouvelle. — O mon aimant, ne puis, chanter, Car suis seulette dans ces prés, J'ai mon troupeau là-bas, dans le bocage, Je crains le loup qu'il ne fasse ravage. 13 194 SOCIÉTÉ D'HISTOIRE ET D'ARCHÉOLOGIE DU GERS — O ma bergère, si tu veux, Nous le garderons tous les deux; Nous en irons là-bas, dans le bocage, Nous y prendrions le plaisir à l'ombrage. — O vignerons, tailleurs du bois, Coupez la vigne du haut en bas; Ne coupez pas le sarment de la treille, Qui fait couler le vin dans la bouteille. — Et au plus bas nous la couperons, De ce bon vin nous en boirons; De ce bon vin qui brille dans le verre, Qui fait chanter la jeunesse sur terre. Buvons un coup, buvons-en deux, A la santé des amoureux; A la santé de ma chère maîtresse, Sans oublier l'aimant qui la caresse. [Couserans, Foix]. Var. — 5. ... que j'ai entendue, — 7. ... aimable pastourelle, — 8. Finissez donc... — 10. ...boues; — 14. Nous nous marierons tous les deux; — Nous y trouverons des fontaines merveilles, — 16. Nous y prendrons des plaisirs sans pareilles. — 19. ...la branche... — 20. Qui nous maintient... — 24. ... à merveille. Les trois dernières strophes n'ont aucun rapport avec les quatre qui les précèdent. Cependant, interpolé ou non, ce texte m'a été plusieurs fois dicté de la sorte en pays ariégeois. Disparate qui se représente ailleurs, puisque deux autres versions précédemment recueillies dans les Alpes et en Vendée, offrent un assemblage analogue. Et cela donne à penser que la poésie de la chanson ne nous est point parvenue avec son sens complet. La mélodie a, tonalement, grand caractère. TROISIÈME ET QUATRIÈME TRIMESTRES 1930 195 LA COUFESSIOU LA CONFESSION Jou me coufèssi, Pèro, Le cor plè de doulou, D'abé, sus la fougièro, Badinat ambé Pierrou. Pertant, m'en disputèri, M'en défendèri prou; Mes que pot la coulèro Countro 'n janti pastou ? — Tu n'as pecat, droulleto, Countro toun Salvadou ! Counvertis-te, pauroto, Abandouno Pierrou. Diu nous aimo en boun paire, Aimo la counverciou, Mes nous pardouno gaire Sense la countriciou. — Jou cresi pla, moun Paire, Que vous abets rasou; Mes ièu noun podi gaire Abandouna Pierrou. El à ièu toutjoun penso, L'aimi d'ambé furou; Doublats la penitenso Mes laissats-mé Pierrou. — Toun Pierrou n'es qu'un diable — Sigui l'abets pas bist N'es un pastou aimable E n'es pas l'Antecrist. Es en-là que m'espèro, Ièu m'en bau le trouba, Adissiats dounc moun Pèro Tourni pus coufessa. » [Foix.] Var. — 4. Laissa fe lou Pierrou. — 8. ...poulit pastou ? — 9. Abets pecat, bergèro. — 11. Reuentis-t'en... — 19. Mès couci pourrio faire — 20. De n'aima pas Pierrou ? 196 SOCIETE D' HISTOIRE ET D' ARCHEOLOGIE DU GERS — 21. Ièu la'imi ambé counstenso, — 22. El m'aimi ambé furou. — 26. Pèro, qu'abets- bous dit ? — 29. Es al bosc... — 31. Tournarai pas pus, Pèro, — 32. Jamai pus coufessa. Trad. — je me confesse, l'ère, — Le coeur plein de douleur, — D'avoir, sur la fougère, — Badiné avec Pierre.. — Pourtant je me disputai, — Je me défendis beaucoup; — Mais que peut la colère — Contre un gentil berger ? *** Tu as péché, fillette, — Contre ton Sauveur ! — Convertis-toi, pauvrette, — Abandonne Pierre. — Dieu nous aime en bon père, — Il aime la conversion, — Mais il ne pardonne guère — Sans la contrition. ** Je crois bien, mon Père, — Que vous avez raison; — Mais moi je ne puis guère — Abandonner Pierre. — Lui pense toujours à moi, — Je l'aime avec passion; — Doublez la pénitence, — Mais laissez-moi Pierre. *** Ton Pierre n'est qu'un diable ! — Sûrement vous ne l'avez pas vu; — C'est un berger aimable — Et il n'est pas l'Antechrist. — il est là-bas qui m'attend, — Je m'en le retrouver. — Adieu donc, mon Père, — Je ne reviendrai plus me confesser. » Populaire surtout dans les régions languedociennes. La mélodie, inédite, est celle du Haut-Foix. Dans le Bas-Foix, le Toulousain, le Lauraguais, le Carcassès, cette pastourelle, d'une forme spéciale et relativement peu ancienne, m'a été chantée sur un autre timbre de caractère moins plein-air, mais de même type et beaucoup plus répandu que celui-ci. Soleville et Lambert l'ayant déjà publié — et ma version s'avérant identique à la leur — il devenait superflu d'en reproduire ici la notation. DEBAT LA HUÈLHE DE L'ALOUM SOUS LE FEUILLAGE DE L'ORMEAU Debat la huèlhe de l'aloum, Que j'abè ue pastourèle Qu'abé la bouts d'ue damisèle.... [Gascogne]. TROISIÈME ET QUATRIÈME TRIMESTRES 1930 197 Trad. — Sous le feuillage de l'ormeau, — Il y avait une bergère — Qui avait la voix d'une demoiselle... Il m'a été impossible de retrouver la suite de la poésie dont M. l'abbé Sarran — Loti Cascarot — ne m'a chanté que ce tercet. Variante ou non de la leçon si répandue de L'Occasion manquée, le thème en doit avoir trait à quelque rencontre entre bergère et cavalier aventure classique et nombreuse, au cours de laquelle la farouche pastoure déploie avec succès la ruse féminine pour sauvegarder sa vertu. A moins que ce ne soit une version de la chanson placée immédiatement à la suite. La mélodie valait à soi seule d'être recueillie et tirée de l'oubli. On la dirait surgie du fond des siècles médiévaux, dans toute l'admirable grandeur de son chant grégorien. Cette pureté, le capulet de la pastourctte gasconne l'a jalousement conservée, intacte aussi. DELA LA RIBE DE LA MÈ DELA RIVE DE LA MER Delà la ribe de la mè, bis Cante la pastourèle, Tran la deran lan la, Cante la pastourèle. Ere cante tan bèlement Ressemble à la Serène. Lou hilh deu Rouè l'entén chantè, Deu lotgis de soun père. Qu'a demandat à souns laquais " Qui est cette Damisèle ? 198 SOCIÉTÉ D'HISTOIRE ET D'ARCHÉOLOGIE DU GERS —Damisèle que nou n'ei nou, Qu'en ei ue pastourèle. — O pastourèle, cante donne La cansou qui ei tan bère ! Jou que't harè u bèt presént, E daré courdou de séde. — Courdou de séde nou-n boui pas, — U baisat de bous, pastoure. — Per u baisat, ni dus, ni trés, bis Chibalè, nou restes més, Tran la deran lan la, Chibalè, nou rèstes més. » [Vallée d'Ossau.] Trad. — Delà la rive de la mer, — Chante la bergère, — Tran la deran lan la, — Chante la bergère. ** Elle chante si joliment — Quelle ressemble à la Sirène. Le fils du Roi l'entend chanter — Du logis de son père. ** Il a demandé à ses laquais — Qui est cette Demoiselle ? *** — Ce n'est pas une demoiselle. — C'est une bergère. ** O bergère, chante donc — La chanson qui est si belle ! *** Je te ferai un beau présent, — Un cordon de soie je te donnerai. *** Cordon de soie je ne veux pas. — Un baiser de vous, bergère. *** Pour un baiser, ni deux, ni trois, — Chevalier, ne restez pas plus longtemps, — Tran la deran lan la, — Chevalier, ne restez pas plus longtemps. » EN ACERES MOUNTAGNES DANS CES MONTAGNES En aceres mountagnes Darrè lou bosc d'Assou Que j'a bère pastoure Qui goarde lous moutous. Lou barou de Tresbiles 1 Que passe cassadou Diu bous aide ! pastoure Soi boste adouradou. — Nou adouret pas encoère Barou au mens à jou. Moun pai nou n'a parcèle Ni oulhes ni moutous. — Bèle nou-n boui parcèle Ni oulhes ni moutous Mes que-t boui hica daune Moulhè deu tou barou; Sept ans t'èi perseguide Per sègues y bruchous. — Are adichat pastoures Las qui et au bosc d'Assou Que digats à moun père Que s'en sèrque u pastou Lou barou de Tresbiles Que se m'emporte à jou 1 La baronnic de Troisvilles se trouvait dans la Soule et en Barétous. Troisvilles est une commune des Basses-Pyrénées, arrondissement de Mauléon. TROISIÈME ET QUATRIÈME TRIMESTRES 1930 199 Darrè lou bosc d'Assou ». En aceres mountagnes, Var. — 8... serbidou. [Vallée d'Ossau.] Trad. — Dans ces montagnes, — Derrière le bois d'Asson, /* Il y a belle pastoure — Qui garde les moutons. *** Le baron de Troisvilles — Passe en chassant \ Dieu vous aide ! Bergère, — Je suis votre adorateur. „** N'adorez pas encore, — Moi, du moins. *** Mon père n'a ni terre — Ni brebis ni moutons. *** Belle, je ne veux ni terre, — Ni brebis, ni moutons, *** Mais je veux te faire la maîtresse, — La femme de ton baron; ./* Je t'ai poursuivie durant sept ans — Par derrière haies et buissons. *% Maintenant, adieu, pastoures, — Celles qui êtes au bois d'Asson, **» Et dites a mon père — Qu'il se cherche un berger. .** Le baron de Troisvilles — M' emporte avec lui, *** Dans ces montagnes, — Derrière le bois d'Asson. » Contrairement à tant d'autres bergères éconduisant et bafouant le galant de bonne condition, la pastoure béarnaise finit par écouter son baron de soupirant et elle accepte l'invitation au voyage ». Mais, comme nombre de poésies particulières au Béarn, celle-ci porte l'empreinte du terroir elle localise la classique rencontre dans les lieux mêmes où la tradition nous l'a transmise. Asson se situe en effet, près de Nay, et non loin de la vallée d'Ossau. L'air de cette pastourète est le même que celui de la chanson Mountagnes soun mountagnes, qu'on trouvera ci-après avec la mélodie notée. IL Y A AU MOINS CINQ OU SIX ANS Il y a au moins cinq ou six ans Que je n'ai pas vu mon aimant. Il s'en est engagé Au service du Roi 200 SOCIETE D 'HISTOIRE ET D 'ARCHEOLOGIE DU GERS Ne pensant plus à moi. Je suis au plus grand désespoir De ne pas le savoir Quand pourrai le revoir. » Au bout de sept ans tout au plus Son cher aimant est revenu. Droit au logis s'en va Sa mère il y trouva Ses amours demanda. La mère répond à l'instant Ma fille est dans le champ Qui rêve à son aimant. » Sitôt l'aimant, sans plus tarder, S'en va chercher ses amours demandés La trouva sous l'ormeau Qui gardait son troupeau En tournant son fuseau. Y a dit Adieu, mon tendre coeur, Donne-moi tes faveurs , Je suis ton serviteur. — Pour mes faveurs, ah ! que nenni Mon serviteur est loin d'ici. Il s'en est engagé Au service du Roi, Ne pensant plus à moi. Je suis au plus grand désespoir De ne pas le savoir Quand pourrai le voir. — Mais, la bell', depuis ce temps-là, Tu ne me reconnais donc pas ? Voici le diamant Que je pris en partant, Je t' l'apporte à l'instant, Amandonne donc tes brebis Les restant de ta vie, Pour suivre ton ami. — Vous portez le diamant au doigt C'est là que je vous reconnois. Vous étiez en partant Comme un grand paysan, Il y a bien changement Vous voilà maint'nant retourné, Bien peigné, bien frisé, Comme un bon grenadier ! » [Couserans, Foix, Languedoc] Var. — 3. Il s'était... — 6. Mon coeur est au désespoir — 7. De ne jamais savoir — 8. Quand pourrais-je le voir. — 11. Au logis il s'en va. — 12. La belle n'y est pas. — A sa mèr' la demanda. — 16. Seriez-vous son aimant ? — Sans plus tenir d'autres discours, — 18. L'aimant va chercher ses amours. — 22. Adieu ma mie, mon petit coeur. — 41. Puisque tu portes mon diamant, — C'est oui donc vrai que tu es mon aimant. — 43. Tiens, Nicolas,— 44. Je te donne mon bras. — 45. Sors-moi de l'embarras — 46. J'abandonne donc mes brebis, — 47. Le restant de ma vie, — Pour suivre mon ami. L'une des rares chansons populaires où le soldat, revenant au pays, est un amant et non point un époux qui rentre dans ses foyers. Les aventures de ce dernier ont fourni la matière de plusieurs leçons qu'on trouvera classées plus loin, au Chapitre IX, parmi les récits et narrations dramatiques. La mélodie de la présente pastourelle miroite et se balance au rythme calme d'une agreste limpidité. TROISIÈME ET QUATRIÈME TRIMESTRES 1930 201 IL Y A SIX MOIS QUE C'ÉTAIT LE PRINTEMPS Il y a six mois que c'était le printemps, J'étais assis' sur l'herbette naissante; J'ai mon troupeau ma famille bêlante, J'ai commencé mon devoir à quinze ans On dit partout que je suis innocente. J'ignorais tout, jusqu'au nom de l'amour; Rien ne troublait mon troupeau, ma chaumière, J'allais au bois, je restais la dernière, En m'amusant je filais tout le jour Je ne craignais que les loups et ma mère. Par un beau jour vint à passer Colin Que fais-tu là, mon aimable bergère ? — Je suis ici, dans ce bois solitaire; Tire-moi donc de ce mauvais chemin. — Donne le bras confie-toi à ton frère. » Au lieu du bras je lui donne la main, Lui promettant les amours les plus tendres; De l'amitié je ne puis me défendre, J'aurais voulu allonger le chemin Du doux plaisir que j'avais à l'entendre. Adieu, la bell', je te quitte à l'instant, C'est pour aller voir une autre bergère; Elle est là-haut, sur la verte fougère, Qui dit tout bas Viendra-t-il, mon aimant, Qu'ai-je donc fait qui puisse lui déplaire ? 202 SOCIÉTÉ D'HISTOIRE ET D'ARCHÉOLOGIE DU GERS — Ingrat berger, vois-tu pas ma douleur ? Adieu, l'ingrat, puisque tu m'abandonnes, Ne suis-je pas fraîche comme la rose ? Ton souvenir est gravé dans mon coeur... » Plus de cent fois ell' répète la chose. [Couserans, Eoix]. Var. — 26. ...tu vas donc me quitter ? Bergerie dix-huitième siècle, dont l'Ain, les Alpes, le Poitou, ont déjà livré plusieurs versions. Notre mélodie, identique en Foix et Couserans, diffère totalement de cells précédmment notées dans les autres régions. JAMES. JAMES SERE BERGRRE JAMAIS, JAMAIS JE NE SERAI BERGÈRE Jamès, jamès seré bergère, bis. Ni las berbits nou goardarè. bis. Car jou non sè coume se goarden Ni coume s'an à pasturè. Si jou. là-bach à la ribère, Dab lous chibaus bàu t'abéurè. Dab lous chibaus bàu t'abéurè, Si jou, là-bach à la ribère, Quoand jou m'y pensi esta soulete, Moun bel ami au ras de mouè. Tant qu'a durat lou maridage, Lous agnèrous s'en soun alè, Enta las bordes de moun père, Là oun abèn accoustumè. Ailas ! à Diu de jou, praubète ! A-noèit, batude jou-n serè, De moun père ou bien de ma mère Ou de très frais qui jou e n'è. — Ja m anram en sendourage Ta Nouste-Dame de Piété. TROISIÈME ET QUATRIÈME TRIMESTRES 1930 203 Ja haram dise dues misses, A l'entertan de las dues mises, bis L'ue per bous, l'aute per mouè. La malici se-us passarè. bis [Vallée d'Ossau.] Trad. — Jamais, jamais je ne serai bergère, — Ni les brebis je ne garderai. *** Car je ne sais comment elles se gardent — Ni comment on leur donne à manger. *** Si moi, là-bas à la rivière, —Je vais faire abreuver les chevaux, * Quand je crois d'y être seulette, — Mon bel ami est à mon côté. *** Tant qu'a duré le mariage, — Les' agneaux s'en sont allés, ** Vers les métairies de mon père, — Là où ils avaient accoutumé d'aller. Hélas ! Dieu de moi, pauvrette ! — Ce soir, battue je serai *** Par mon père ou par ma mère — Ou par les trois frères que j'ai. *** Nous irons en pèlerinage — A Notre-Dame de Pitié. *** Nous ferons dire deux messes, L'une pour vous, l'autre pour moi. * Durant qu'on dira les deux messes, — Leur colère passera. En Ossau, passe-carrère et branle, cette pastourelle a été adoptée comme chanson de travail par les faucheurs du pays de Sérou. On trouvera la version ariégeoise de la vallée de l'Arize et son admirable mélodie parmi les Cansous dalhaires du chapitre suivant. L'AUTRE JOUR, DANS LA PLAINE L'autre jour dans la plaine, En gardant mon troupeau, j'ai contemplé mes peines Tout le long du ruisseau; L'on y trouve de l'ombrage Et lui me conduisait J'entre dans le bocage, 204 SOCIÉTÉ D'HISTOIRE ET D'ARCHÉOLOGIE DU GERS Mon berger me suivait. Je ne vois plus Clitandre Amour, dis-moi pourquoi Il ne vient plus m'attendre, Il s'éloigne de moi ? Pour lui j'étais si bonne, J'étais sur le gazon; Ingrat, tu m'abandonnes Sans aucune raison. La jolie tourterelle, Qui chante dans le bois, Oh ! quelle est très fidèle, EU' répète ma voix ! Il m'appelait ma mie, le lui disais mon coeur; Nous goûtions de la vie Le plus parfait bonheur. [Couserans.] LA SOULE BERGEROTE LA SEULE BERGERETTE La soule bergerote Qui jou bouloui aima, Au loc de m'escouta, La couquinote, S'arrit à tout moument De moun tourment. " Quin bos que jou t'aimi ? Qu'es lou darrè biengut; Si jou abi la bertut De-t ha refounde, Dilhèu biéré lou tems Que-ns aimarèm. » [Béarn.] Var. — 1. Ue pastourclete — 3. La fripounéte. Trad. — La seule bergerette — Oue je voulais aimer. — Au lieu de m'écouter, — La coquillette, — Se rit à tout moment — De mon tourment. /* Comment veux-tu que je t'aime ? — Tu es le dernier venu; — Si j'avais la vertu — De te faire refondre, — Peut-être viendrait le temps — Que nous nous aimerions. » ou peutêtre, alors, nous aimerions-nous. L'une des mélodies dont l'expression tendre et mélancolique caractérise le mieux l'air du terroir béarnais. TROISIÈME ET QUATRIÈME TRIMESTRES 1930 205 MALUROUSE BITE QUE L'A DE PASTOU PÉNIBLE EXISTENCE QUE CELLE DU PASTEUR Malurouse bite que la de pastou, E mei maladite si-n ei aimadou ! Qu'en aimabei ue dens lou mè cledat, Que la-n èi perdude, Diu ! lou machant hat ! Pastoure cruelle, perque m'as deichat ? Digues, infidèle, s'as mièlhe troubat, E s imoun aulhade nou bau pas autant Coum la de qui trobes dab l'aute galant ? — Jou qu'en soulete hens lou bernata Nou sabi praubete, quin me retira; Qu'èi cridat boylère ! dab tain de splendou, Que n'èi trigat goaire de bède u pastou. — Tourne-m doun las joies qui jou t'abi dat, En goardan las aulhes au ras dou cledat, Las aberagnetes e lous esquilhots Qui jou t'en cracà bi sou nas cious esclops ». [Vallée d'Azun, Béarn.] Trad. — Pénible existence que celle du pasteur, — Et plus triste encore s'il est amoureux ! — Moi, j'en aimais une dans mon bercail, — Et je l'ai perdue, Dieu ! Quel triste sort ! *** Cruelle bergère, pourquoi m'as-tu quitté ? — Dis, infidèle, si tu as trouvé mieux, — Et si mon troupeau ne vaut pas autant — Que celui que tu trouves avec l'autre galant ? *** — Moi j'étais seulette dans l'aulnaie — Je ne savais, pauvrette, comment en sortir; — J'ai crié à l'aide ! avec tant de force, 206 SOCIÉTÉ D'HISTOIRE ET D'ARCHÉOLOGIE DU GERS Que n'ai tardé guère à voir un berger. * — Rends-moi donc les bijoux que je t'ai donnés — En gardant les brebis dans le parc, — Les noisettes et les noix — Que je cassais entre mes sabots. » Pastourelle où se décèle l'influence de d'Espourrins. Elle n'est donc populaire qu'à demi, et ne remonte guère qu'à la seconde moitié du dix-huitième siècle. MON PÈRE AVAIT CINQ CENTS MOUTONS Mon père avait cinq cents moutons Dont j'étais la bergère. Dont j'étais la bergère Dondaine, dondaine, dondon, Dont j'étais la bergère Don. Le premier jour que j' les gardai, Le loup m'en a pris quinze. Un chevalier vient à passer, Ramena la quinzaine. Eh ! donc ! que me donnerez-vous, La belle, pour ma peine ? — Beau chevalier, d'nos blancs mouNous partag'rons la laine. [tons — Je ne suis pas marchand de drap, Ni revendeur de laine. J'aimerais mieux un doux baiser, La belle pour ma peine. — Beau chevalier, j'ai mon berger, Il en aura l'étrenne. Mon père fait le taffetas, bis Ma mère, la dentelle. Ma mère la dentelle, Dondaine, dondaine, dondon, Ma mère la dentelle, Don. [Poix, Gascogne, Languedoc] Var. — 1. ...six cents moutons. — 2. Moi j'en suis... J'en étais... — 10. Me les rend tous les quinze. — 13. Beau chevalier, qui êtes si beau, — Quand nous ton- TROISIÈME ET QUATRIÈME TRIMESTRES 1930 207 drons nos blancs moutons, — 14. Vous aurez de la laine. — 15. De la laine je n'en veux pas, — 16. Je veux ton coeur en gage. — 17. — Mon coeur en gag', vous n' l'aurez pas — 18. Jusqu'à mon mariage. L'une des pastourelles françaises les plus répandues, et sous cette forme mélodique immuable. Sa poésie, en raison des similitudes qu'elle présente avec celle de La Bergère et le Fils du Roi, classée plus haut, semble n'être qu'une variante — moins vieille sans doute mais tout aussi populaire, sinon davantage — de cette chansons-là, dont l'ancienneté est incontestable. MOUN PÈRE M'A PROUMÈS U DOU MON PÈRE M'A PROMIS UN DON Moun père m'a proumes u dou bis Que-m boulè dau marit barou. Mas bères amouretes, Tant bouléri parla dab bous, Mes que nou pouts. [Vallée d'Ossau.] Trad. — Mon père m'a promis un don — Il voulait me donner un mari baroa — Mes belles amours, — Je voudrais tant parler avec vous, — Mais je ne le puis. La poésie complète de ce chant a été placée sous l'air de branle, portant même titre, qui se trouve noté plus haut, dans le deuxième chapitre. Seul, le refrain diffère et a pris ici le tour galant que réclame un passe-carrère. La musique a pareillement transformé son expression. Ainsi, de la même chanson, le Béarnais sait faire à son gré une danse, une aubade, une pastourelle. Clle-ci aurait aussi bien pu être classée parmi les amoureux réveillés. Mais, en raison de son texte pastoral, il a paru préférable de ranger cette version mélodique, chantée par un pasteur ossalois, dans la catégorie des cantes aulhères. 208 SOCIÉTÉ D'HISTOIRE ET D'ARCHÉOLOGIE DU GERS MOUNTAGN ES SOUNT MOUNTAGNES MONTAGNES SONT MONTAGNES Mountagnes sount mountagnes, Mountagnes de Suzou; Que j'a bère pastoure Qui brilhe coum lou sou. Ere n'éi saludade Per dus aulhès biarnés, Y, même, courtisade Per Nouguès de Caudérés. Trabèrse las mountagnes, Sègui soun aimadou; Que lèche lous de case En gran desoulaciou. Diran que l'an panade; Aco n'éi qu'u abus. Mes jou m'en soi anade. Que nou-m bederats plus. Suou gazou que la pause A l'oumpre deu genè, Que-u ne hè la proumesse De la quita jamè; La pastoure estounade D'enténe lou pastou, Que-u dit toute rusade Si-b trufarèts de jou ? » [Vallée d'Ossau.] l'ar. — 1. Dm ! d'acéres mountagnes, — 4. Qui-n goarde lous moutous. —- 15. Adichat, lous de case, — 16. Bous auts... — 17. Si-n gàuse,... — 23. Que-u respoun, la rusade. Trad. — Montagnes sont montagnes, — Montagnes de Suzou ; — Il y a belle bergère — Qui brille comme le soleil. — Elle est saluée — Par deux bergers béarnais — Et, même, courtisée — Par Nouguès de Cauterets. ** Elle traverse les monta- TROISIÈME ET QUATRIÈME TRIMESTRES 1930 209 gnes, — Suit son amoureux ; — Elle laisse ceux de la maison sa famille — En grande désolation. — Ils diront qu'on l'a ravie; — Cela n'est qu'une erreur. — Mais moi je m'en suis allée. — Adieu, vous ne me verrez plus. J^ Sur le gazon l'amoureux la pose — A l'ombre du genévrier — Il lui fait la promesses — De ne la quitter jamais; — La bergère étonnée — D'entendre le berger, — Lui dit toute maligne — Vous moqueriez-vous de moi ? » La version que m'a chantée le vieux Jean Lacrouts, de Bescat, donne Sézou. Mais Suzou, qui figure dans un autre texte pareillement ossalois, prend une signification plus localisée du fait que le col de Pombie, situé dans le voisinage immédiat du Pic du Midi d'Ossau, se dénomme aussi col de Suzon. A moins — et c'est l'opinion de l'abbé Laborde — qu'il s'agisse plutôt de montagnes qui sont sous le soleil, autrement dit au sud; dans ce cas, il faudrait écrire sus-sous de sub sole. . L'OURO DE LA PASTOURO L'HEURE DE LA BERGERE Tout en rebenén de la guerro, Jou rencountri uno pastourèlo, Qu'èro bèlo coumo le soulelh. James s'a bist res de parelh. De tant bèlo que l'an bejèri, Alprèps d'elo jou m'assietèri, En li dirén Diu de bounjoun, Bèlo, noun farios pas l'amou ? — Moussu, bous que pourtats l'espado, Mai l'espado carabinado, Bourduro blanco, plumo al capèl, N'abèts pas l'aire d'un pastouret. — E bous tabé, pastoureleto, Pourtats cofo pla plissadeto, E bostis bèlis coutilhous Soun pas per garda les moutous. 14 210 SOCIÉTÉ D'HISTOIRE ET D'ARCHÉOLOGIE DU GERS Anén, anén, pastoureleto, Anén, anén-nous à l'oumbreto, A l'oumbreto d'un aibre round, N'en parlarén d'en fa l'amou. — Ja m'en poudets teni 'scusado, Que ma maire m'en a cridado; Moussu, tournats douma maiti, Troubarets la pastouro aci. » Le galant n'a cap manquai l'ouro, L'ouro qu'abio dit la pastouro, Mes quand ne fec al mèmo loc, N'a cap bist la pastouro en-loc. Ah ! se jamés tournabo l'ouro, L'ouro que tenio la pastouro, Quand sa mai mêmo passario, La pastouro ja 'mbrassario ! » La pastouro n'èro en finèstro, Penchenabo sa blanco tèsto. Sa blanco tèsto soun bel péi rous, Se trufan de soun amourous. [Foix.] Var. — 1. Là-bas, le loung de la ribièro. — 2. Y a uno tant bèlo bergèro — 3. Qu'èro poulido coumo le jour. — 4. Les pastourels li fan l'amour. — 8. Per bous jou me mori d'amour. — 9. D'un pastourel n'abets pas mino — 10. Al coustat pourtats carabino — 11. E ganso blanco al capel. — 14. N'abets pas l'aire d'une bergèro; — 15. Bostro coufuro de broca... dentello — 16. Aco bous demoro fort pla. — 19. ...sapigno, — 20. Mignouno, la mou r boun fario. — 32. Milo poutous jou li fario. Trad. — Tout en revenant de la guerre, — Je rencontre une bergère, — Qui était belle comme le soleil, — Jamais ne s'est vu rien de pareil, £* De tant belle que je la vis, — Auprès d'elle je m'assis, — En lui disant Dieu de bonjour, — Belle, ne feriez-vous pas l'amour ? *** Monsieur, vous qui portez l'épée, — Même l'épée carabinée, — Bordure blanche, plume au chapeau, — Vous n'avez pas l'air d'un berger. v*. El vous non plus, bergerette, — Vous portez coiffe bien plissée, — Et vos jolis cotillons — Ne sont pas pour garder les moutous. *** Allons, allons, bergerette, — Allons, allons-nous-en à l'ombrette, — A l'ombrette d'un arbre rond, — Nous parlerons de faire l' amour. *%, — De cela vous pouvez m'en tenir excusée, — Car ma mère m'a appelée; — Monsieur, revenez demain matin, — Vous trouverez la bergère ici. » i** Le galant n'a pas manqué l'heure, — L'heure qu'avait dit la bergère, — Mais quand il fut au même endroit, — il n'a vu la bergère nulle part. ,f% Ah ! si jamais revenait l'heure, — L'heure où je tenais la bergère, -— Quand sa mère elle-même passerait, — La bergère j'embrasserais ! » *** La bergère était à la fenêtre, — Elle peignait sa blanche tête, - Sa blanche tête, sa belle chevelure rousse, — Se moquant de son amoureux. TROISIÈME ET QUATRIÈME TRIMESTRES 1930 211 Autre forme de L'Occasion manquée. Rare en Gascogne, elle est surtout populaire dans toute l'Anège et les régions limitrophes de Languedoc et de Catalogne. Les timbres catalans et languedociens ont été écartés comme trop peu significatifs. La mélodie notée accuse le pur type montagnard dans toute sa rudesse fuxéenne. LO PASTORET LE PASTOUREAU Jo m'en llevo de mati, De matinet à punta d'auba; Agafo mon sarronet, M'en vaig dret à la montanya. Valdria mes soleta dormir, Que d'un pastor ser la namorada; Valdria mes soleta dormir, Qu'un pastoret s'enamori de mi ! Quand à la montanya so, Vaig venir ma mamorada; Me la vaig venir plorant, Tot lo meu cor s'abruxava. Me l'gafo per un bras I la fico à la barraca; Quand à la barraca so, Vaig venir los meus contràris. Pastoret, bon pastoret, Ahont tens la namorada ? — La tinch aqui, aprop de mi, Ben tapada ab la samarra. — Pastoret, bon pastoret, Tens lo llop en la ramada; De las ovellas que hi tens La meitat son degolladas. — Valdament ho fossen tots, No deixare la barraca. » Ai ! canço, qui treta t'ha ? Ai ! canço, qui t'ha dictada ? — M'ha dictat un pastoret Que n'es un fill de la plana; N'es de la plana d'en bas, Aigua fresca y regalada. 212 SOCIÉTÉ D'HISTOIRE ET D'ARCHÉOLOGIE DU GERS Valdria mes soleta dormir, Valdria mes soleta dormir, Que d'un pastor ser la namorada; Qu'un pastoret s'enamori de mi ! [Andorre, Catalogne, Cerdagne] Trad. — Je me lève de bon matin, — De bon matm à pointe d'aube; — Je prends ma cape, — M'en vais droit à la montagne. — Mieux vaudrait dormir seulette, — Plutôt que d'être l'amante d'un pasteur; — Mieux vaudrait dormir seulette, — Plutôt qu'un pastoureau ne s'énamoure de moi ! *** Quand j'arrive à la montagne, — Je vois venir mon amante; — Je la vois venir pleurant, — Tout mon coeur se brise. „.** Je la prends par un bras — Et la fais entrer dans la cabane; — Quand je suis à la cabane, — Je vois venir mes parents. /s Pastoureau, bon pastoureau, — Où est ton amante ? — Elle est là, près de moi, — Bien troussée dans ma mante. *** — Pastoureau, bon Pastoureau, — Tu as le loup dans le troupeau; — Des brebis que tu gardes — La moitié sont égorgées. ./,„ Lors même qu'elles le seraient toutes, — Je n'abandonnerais pas la cabane. » Aïe ! Chanson, qui t'a composée ? — Chanson, qui t'as dictée ? *** L'a dictée un pastoureau.— Qui est fils de la plaine; — Il est le fils de la plaine d'en bas. — Eau fraîche et délectable. *** Mieux vaudrait dormir seulette, — Plutôt que d'être l'amante d'un pasteur — Mieux vaudrait dormir seulette,— Plutôt qu'un pastoureau ne s'énamoure de moi ! LO PASTORET DE MOLLA LE PASTOUREAU DE MOLLA A la vila de Mollà Un pastoret n'hi habia, Qu'en guardant el bestià, Tôt sovint lo malehia. Ajudau, ajudau, Verge Maria de Queralt ! TROISIÈME ET QUATRIÈME TRIMESTRES 1930 213 Sa estimada anà à ciutat De serventa en casa rica; Sa estimada l'ha deixat I l'anyora i la somica. Sempre vora'I bestia El pastoret se delia I resolgué abandonâ La montanya i la familia. Quand va esse à la ciutat, S'en va anâ à la casa rica A trobâ, tôt encisat, A la seva dolça amiga. Al preguntar, decidit, Per la seva jove aimia, Li respon el seu marit Que alli ella no hi vivia. Ajudau, ajudau, Verge Maria de Queralt ! [Catalogne.] Trad. — En la ville de Molla — Il était un pastoureau, — Qui tout en paissant le bétail, — Très souvent le maudissait. — A l'aide, à l'aide, — Vierge-Marie de Queralt ! *** Sa bonne amie s'en est allée à la cité — Servir en riche maison ; — Sa bonne amie l'a laissé. — Et l'agnelle et l'ânesse. *** De toujours voir son bétail — Le pastoureau se languit — Et résolut d'abandonner — La montagne et la famille. *** Quand il arrive à la cité, — S'en va vers la riche maison — Pour retrouver, tout ému, — S'a douce amie. *** A sa demande, faite d'un air décidé, — Pour s'informer de la sienne jeune amie, — Lui répond le mari le maître de la maison — Que déjà elle ne demeure plus là. — A l'aide, à l'aide, — Vierge Marie de Queralt ! PASTOURELETO, HO ! BIRGERETTE, HO Que fas aci touto souleto ? Ho ! Pastoureleto, Ho ! Pastourelo, 214 SOCIÉTÉ D'HISTOIRE ET D'ARCHÉOLOGIE DU GERS Que fas aci touto souleto ? — Ièu ne gardi mai belounetos, Ho ! O chibaliè, Ièu ne gardi mai belouneto. — Bouldriots pas uno coumpagneto ? — Ièu m'aimi mes resta souleto. — Nous assietarén sus l'erbeto ? — Nani, l'erbeto ei bagnadeto. — Be n'espandirion la capeto. — Ne l'abets pas bous croumpadeto. — Ièu te'n dounario une espado. — Ièu noun soun pas filho d'armado. — Be la dounarios à toun paire. — Nani, moun paire es un lauraire. — Be la dounarios à toun fraire. — Nani, moun fraire es un dalhaire. — Be la dounarios à ta maire. — Nani, ma maire es fialaire. — Mes qui t'en a ta pla 'nsegnado ? — Ja n'es moun paire ande ma maire. — Ja ! lei bouldrio sabé brullàdis. — Ja ! ne fousquessos, bous, la flambo. — Ja ! te bouldrio sabé negado, Ho ! Pastoureleto, Ho ! Pastourelo, Ja ! te bouldrio sabé negado. — Ja ! fousquessos, bous, le gourg d'aigo, Ho ! O chibaliè, Ja fousquessos, bous, le gourg d'aigo. » [Foix.] Var. — 8. ...es trop fresqueto. — 10. La capeto n'es trop estreto. — 16. ... fauchaire. — 22 la palho. Trad. — Que fais-tu ici toute seulette ? Ho ! — Bergerette, Ho ! — Bergère, — Que fais-tu ici toute seulette ? — Je garde mes belles petites brebis, Ho ! — O chevalier, — Je garde mes belles petites brebis. *** — Voudrais-tu pas une compagnie ? — Je préfère rester seulette. ** — Nous nous assiérons sur l'herbette ? — Nenni, l'herbette est mouillée. *** — Eh ! Nous étendrions la cape. — Ce n'est pas vous qui l'avez achetée. *** — Je te donnerai une épée. — Je ne suis pas fille d'ar- TROISIÈME ET QUATRIÈME TRIMESTRES 1930 215 mée. *** — Eh bien ! tu la donneras à ton père. — Nenni, mon père est laboureur. — Eh ! bien, tu la donneras à ton frère. — Nenni, mon frère est faucheur. *** — Eh ! bien, tu la donneras à ta mère. — Nenni, ma mère est fileuse. *** — Mais qui t'a si bien enseignée ? — C'est mon père avec ma mère. * — Ah ! je les voudrais savoir noyés, Ho ! — Bergerette, Ho ! — Bergère, — Ah ! je te voudrais savoir noyée, — Ah ! que vous fussiez la mare d'eau, Ho ! — O chevalier, — Ah ! que vous fussiez la mare d'eau. C'est là un débat amoureux dans le genre de ceux que nous avons déjà vus. En d'autres régions méridionales, la bergerette qui garde ici ses belles petites brebis prend le nom de Jane d'Aimé allant quérir de l'eau à la fontaine, et le chevalier devient le fils du Roi. La mélodie a bien le caractère de plein air montagnard des chants dialogués — boilères et cantes de bouts, chansons de voix — dont pasteur et pastoure se renvoient de loin les répliques. Le cri de Ho ! énergiquement poussé à la fin de certains vers en sonorité prolongée, est caractéristique de ces appels destinés à franchir une grande distance et à parvenir, malgré l'éloignement, jusqu'à l'interlocuteur invisible. LA PASTOURO A LOUGA LA BERGÈRE A LOUER Bos-te louga, gentio pastoureleto, Bos-te louga per moun troupel garda ? — Obé, moussu, me lougarèi, Bostre troupel, moussu, jou gardarèi. — Quant bos gagna, gentio pastoureleto, Quant bos gagna per moun troupel garda ? — Dus esclops nous, un debantal, E cinq escuts per semmano me cal. 216 SOCIÉTÉ D'HISTOIRE ET D'ARCHÉOLOGIE DU GERS — Trop bos gagna, gentio pastoureleto, Trop bos gagna per moun troupel garda Unis esclops, un debantal, E tres escuts, n'es tout ço que te cal. — Ta boun marcat ne soni pastoureleto, Ta boun marcat gardi pas lou bestia; A loc d'escuts lou mieu pastou. » Per centenats me balho de poutous. » En certains endroits, cette dernière strophe est remplacée par la suivante — Que te cal mai, gentio pastoureleto, Que te cal mai, jou te le dounarèi ? — Un pastourel que sio Fidel. E que m'ajude à garda lou troupel. » [Foix, Couserans] Trad. — Veux-tu te louer, gentille bergerette. — Veux-tu te louer pour mon troupeau garder ? — Oui certes, monsieur, je me louerai, — Votre troupeau, monsieur, je garderai. *** — Combien veux-tu gagner, gentille bergerette, — Combien veux-tu gagner pour mon troupeau garder ? — Deux paires de sabots neufs, un tablier, — Et cinq écus par semaine il me faut. *% — Tu veux trop gagner, gentille bergerette, — Tu veux trop gagner pour mon troupeau garder; — Une seule paire de sabots, un tablier, — Et trois écus, ce'st là tout ce qu'il te faut. *** — A si bon marché je ne suis pas bergerette, — A si bon marché je ne garde pas le bétail; — Au lieu d'écus mon doux berger — Par centaines me donne des baisers. » — Que te faut-il de plus, gentille bergerette, — Que te faut-il de plus, je te le donnerai ? — Un berger qui soit fidèle — Et qui m'aide à garder le troupeou ». Autre version TROISIÈME ET QUATRIÈME TRIMESTRES 1930 217 Variante mélodique Bos-te louga, beroje pastourete, Bos-te louga ta goarda lou bestia ? — Obé, moussu, jou-m lougarèi, Boste bestia jou goardarèi. — Quoant bos gagna, beroje pastourete, Quoant bos gagna per goarda moun bestia ? — Tres pas d'esclops, u debantau E dets escuts, moussu, que-m eau. — Trop bos gagna, beroje pastourete, Trop bos gagna per goarda lou bestia. — Dus pas d'esclops, u debantau E cinq escuts labets me cau. — Que-t derèi pa, beroje pastourete, Que-t derèi pa, ta' que-us goardias de pla. — Si èi pas, moussu, jou' mingerèi, E la mesture decherèi. — Que-t derèi bi, beroje pastourete, Que-t derèi bi, tant que sies aci. — Si èi bi, moussu, ta bebe u cop Jou-b quitterèi l'u pa d'esclops. » Quoand ere este, bouère peu bert bouscatge, Nouste moussu biste l'y ba trouba Eh ! dounc, moussu, que bienat ha ? Jou goardi pla boste bestia. 218 SOCIÉTÉ D'HISTOIRE ET D'ARCHÉOLOGIE DU GERS — Quin te ba pla, beroje pastourete, Be-t ba donne pla moun beroi debantau ! — Dechat aco, nou-m hasiat mau, Nou-m farfouilhet lou debantau. » Quoand lou moussu l'abou prou farfouilhade, Que-u demanda si lou co hase mau — Si-b y tournat, moussu, gn'aut cop, Jou-b fouterèi u cop d'esclop ! » [Béarn, Bigorre] Var. — 7. Cinq escloupets, cinq debantaus. — 8. E cinq escuts per semmane que-m eau. — 11. Dus escloupets, u debantau, — 12. E tres escuts per semmane que-t dau. Trad. — Veux-tu te louer, jolie bergerette, — Veux-tu te louer pour garder le bétail ? — Oui, certes, monsieur, je me louerai, — Votre bétail je garderai. *** — Combien veux-tu gagner, jolie bergerette, — Combien veux-tu gagner pour garder mon bétail ? — Trois paires de sabots, un tablier — Et dix écus, monsieur, voilà ce qu' il me faut. % — Tu veux trop gagner, jolie bergerette, — Tu veux trop gagner pour garder le bétail. — Deux paires de sabots, un tablier — Et trois écus alors il me faut. *** — Je te donnerai du pain, jolie bergerette, — Je te donnerai du pain, afin que tu les gardes bien les bêtes. — Si j'ai du pain, monsieur, j'en mangerai, — Et la mêture je laisserai. /* — Je te donnerai du vin, gentille bergerette, — Je te donnerai du vin tant que tu seras ici à mon service. — Si j'ai du vin, monsieur, pour boire un coup — Je vous abandonnerai une paire de sabots. » *** Quand elle était pastoure dans le vert bocage, — Notre monsieur vite l'y va trouver — Eh ! donc, monsieur, que venez-vous faire ? — Je garde bien votre bétail. *** — Qu'il te va bien, jolie bergerette, — Comme il te va donc bien mon joli tablier ! — Laissez cela, ne me faites pas de mal, — Ne farfouillez pas mon tablier. » /* Quand le monsieur l'eut bien farfouilléc, — Il lui demanda si le coeur lui faisait mal — Si vous y revenez, monsieur, une autre fois, — Je vous f... un coup de sabot ! » On sait, par le Livre de raison de Burdos », que cinq écus, une paire de sabots, un tablier, constituaient autrefois les gages — soutude — de la servante — gouje — en Béarn. Fort répandue en Languedoc et en Gascogne, La Pastoure à Louga se retrouve presque partout identique à la forme de la première leçon. La béarnaise offre du texte une broderie qu'il était intéressant de publier, malgré sa gaillardise le tablier de la bergère, en effet, est un accessoire important des pastourelles où la ruse n'entre point en action pour écarter un séducteur trop entreprenant. TROISIÈME ET QUATRIÈME TRIMESTRES 1930 219 LA PASTOURO RUSADO LA BERGÈRE RUSÉE Un joun, dins lou bouscàtge, Me passejan tout soul, Dessul gazoun, Un joun, dins lou bouscàtge, Me passejan tout soul, Besi lusi 'n mainàtge, Un joun, dins lou bouscàtge, Besi lusi 'n mainâtge, Al trabès d'un restoul. Gn'in douni la guignado Per beire se bendrio Ou que fario, Gn'in douni la guignado Per beire se bendrio; Elo s'es aprouchado, La pastouro rusado, Elo s'es aprouchado, E m'a dit que boulio. Gentio pastoureleto, Boun bouldrio dire un mot Sus un fagot, Gentio pastoureleto, Boun bouldrio dire un mot, Sietado sus l'erbeto, Gentio pastoureleto, Sietado sus l'erbeto Descargats lou fagot. — Lou fagot que jou porti N'es un pauc espignous E dangerous, Lou fagot que jou porti N'es un pauc espignous; Moussu, jou boun exorti, Del fagot que jou porti, Moussu, jou boun exorti, Prenets gardo as brounchouns. » 220 SOCIETE D' HISTOIRE ET D' ARCHEOLOGIE DU GERS Li n'ai jougat un aire Que m'a calgut cessa Sens pus tarda, Li n'ai jougat un aire Que m'a calgut cessa Crento que lous segaires, Tant que jougabo l'aire, Crento que lous segaires Benguessoun à passa. La pastouro rusado M'a dit Deichats-m'esta, M'en cal ana ». La pastouro rusado M'a dit Deichats-m'esta, Moussu, l'ouro es passado, Ma maire m'a sounado, Moussu, l'ouro es passado, Ajudats-m'à carga. » Dels tems que li adjudàbi A carga lou fagot, Coum un palot, Del tems que li adjudàbi A carga lou fagot, As brounchous m'espignàbi, Del tems que li adjudabi As brounchous m'espignàbi, Sens gausa dire un mot. [Foix.] Trad. — Un jour, dans le bocage, — Me promenant tout seul, — Sur le gazon,— Un jour, dans le bocage, — Me promenant tout seul, — Je vois briller une jeune fille, — Un jour, dans le bocage, — Je vois briller une jeune fille — Au travers d'un froment. /* Je lui lance une oeillade — Pour voir si elle viendrait — Ou ce qu'elle ferait, — Je lui lance une oeillade — Pour voir si elle viendrait; — Elle s'est approchée, — La pastoure rusée, — Elle s'est approchée — Et m'a demandé ce que je voulais. /* Gentille bergerette, — Je voudrais vous dire un mot — Sur un fagot, — Gentille bergerette, — Je voudrais vous dire un mot, — Assise sur l'herbette, — Gentille bergerette, — Assise sur l'herbette — Déchargez votre fagot. /* — Le fagot que je porte — Est un peu épineux — Et dangereux, — Le fagot que je porte — Est un peu épineux; — Monsieur, je vous conseille, — Du fagot que je porte, — Monsieur, je vous conseille — De prendre garde aux épines.» *** Je lui ai joué un air — Qu'il m'a fallu cesser — Sans plus tarder, — Je lui ai joué un air — Qu'il m'a fallu cesser — Sans plus tarder, — Je lui ai joué un air — Qu'il m'a fallu cesser — De crainte que les moissonneurs, — Tant que je jouais l'air, — De crainte que les moissonneurs — Ne vinssent à passer. *** La bergère rusée m'a dit » Laissez-moi en repos, — Il faut que je m'en aille ». — La bergère rusée — M'a dit Laissez-moi en repos, — Monsieur, l'heure est passée, — Ma mère m'a appelée, — Monsieur, l'heure est passée, —- Aidez-moi à charger mon fagot. » *** Pendant que je lui aidais — A charger le fagot, — Comme un maladroit, — Pendant que je lui aidais — A charger le fagot, — Aux épines je me piquais, — Pendant que je lui aidais — Aux épines je me piquais, — Sans oser dire un mot. Chanson du dix-huitième siècle, évidemment, restée très populaire dans tout le Languedoc. Favre, Lambert, Soleville, en ont publié des versions languedociennes et une quercynoise ; les manuscrits de la Bibliothèque Nationale renferment d'elle une autre version provenant également du Quercy. J'ai, pour ma part, bien des fois recueilli La Pastouro rusado dans les pays TROISIÈME ET QUATRIÈME TRIMESTRES 1930 221 fuxéens et languedociens, ce qui me permet de donner un texte plus complet. En effet, si la leçon est partout la même, les strophes 5 et 6 y figurent rarement. La mélodie ne présente, d'une région à la suivante, que des variantes insignifiantes. Elle a été notée dans La Clé du Caveau, où elle s'inscrit sous le n° 587, avec cette indication Air languedocien Un jour dans le bocage ». LA PERDITS LA PERDRIX Era bergèro s'en ba al bosc, bis Goarda sa moutounado, Ladera la la lai, Goardo sa moutounado. Un chibaliè benc à passa Que la s'en regardauo. E qu'en regardats-bous, moussu ? - Regardi ta gouelhado. — Nou regardats pas tant, moussu, Jou que soui maridado; Maridado damb un pastou, Qu'en goàrdi sa gouelhado. Estacats dounc boste chibau A 'ra pu hauto branco. Estenets doun boste mantèu Sus la fresco rousado. » E be la prenc à bèt brassat, Sul mantèu l'a coulcado. Moussu, ja-m poudets escusa, Ja'n serèi lèu tournado Mous moutounets bau ramassa, Lous bau da 'ra rebirado. Abach, abach, mous moutounets, Sourtits de 'ra rousado ! » Quoand ero hièc un bèt tros louegn, Det galant se chantauo Era perdits, quoand la tenguios, Que l'auèssos plumado ! 222 SOCIÉTÉ D'HISTOIRE ET D'ARCHÉOLOGIE DU GERS Aro nou la plumaras pas, N'a pres era boulado. — Ount s'es anado apausa ? — At castèt de soun pèro. — E qu'es anado li counta ? — Li pourta 'ra noubèro De ço qui l'èro arribat bis Et loung de 'ra ribèro, Ladera la la lai, Et loung de 'ra ribèro. » Couserans, Comminges, Bigorre, Béarn, Foix.] Var. — 1. Ouoand la bergère s'en ba tau cam... — La bergaireto al bosc s'en ba... Era hilheto d'un berge — 2. Ll bosc s'en es anado, — Tirariron lan lai. — 15. Se despoulho de soun mantèu, — 16. Dessus l'y a assietado... La coulco sus l'erbeto. — 19. Dichats-m ana bira's moutous. — 24. Per bous aus soui saubado. — 26. ...trufabo. — 27. Quoand abès la perdits pou pè, — 28. Perque nou la tenèbes ? — 31. Que s'ei anade repausa — 33. Digus nou'sab qu'y anado hè. — 36. Al bord... Trad. — La bergère s'en va au bois — Garder son troupeau de moutons, — Ladera la la lai, — Garder son troupeau de moutons. *** Un cavalier vient à passer — Qui la regardait. *** Et que regardez-vous, monsieur ? — Je regarde ton troupeau. *** — Ne regardez pas tant, monsieur, — Car je suis mariée; *** Mariée avec un pasteur, — De qui je garde le troupeau. *** Attachez donc votre cheval — A la plus haute branche. *** Etendez donc votre manteau — Sur la fraîche rosée. » *** Mais il la prend à pleins bras, — Sur le manteau l'a couchée. *** Monsieur, vous pouvez m'en excuser, — Je serai bientôt revenue * Mes petits moutons je vais réunir, — Je vais les faire tourner. ** Là-bas, là-bas, mes petits moutons, — Eloignez-vous de la rosée ! » *** Quand elle fut parvenue à une assez grande distance, — Du galant elle se moquait ** La perdrix, quand tu la tenais, — Que tu l'eusses plumée ! * Maintenant tu ne la plumeras point, — Elle a pris sa volée. *** — Où est-elle allée se poser — Au château de son père. *** Et qu'estelle allée lui raconter — Lui porter la nouvelle *** De ce qui lui était arrivé. — Le long de la rivière, — Ladera la la lai, — Le long de la rivière. » Les pastoures du Castillonnais — vallées de la Ballongue, de Bethmale, de Biros — terminent souvent la chanson par le couplet suivant Quoand et sourelh es couchadé, 'Ras bergèros embarron, Ladera la la lai, 'Ras bergèros embarron. [Couserans, Comminges.] Var. — 1. Quoand et angelus a sounatch. Trad — Quand le soleil est couché ou Quand l'angélus a sonné ,— Les bergères enferment font rentrer leurs bêtes, — Ladera la la lai, — Les bergères enferment. Le thème de l'Occasion manquée est l'un des plus vieux qu'aient mis en action les anciennes pastourelles. Depuis les temps reculés du moyen-âge, la leçon a été traitée, développée, brodée de maintes façons. On en trouve des versions similaires, bien que différentes, dans la France entière, au-delà de ses frontières, en Piémont, en Catalogne, en Espagne, et par-delà les mers, au Canada. Partout il y est question de la perdrix ou de la caille, et, plus rarement, de la poule ou de l'alouette, qu'il fallait plumer pendant qu'on la tenait. TROISIÈME ET QUATRIÈME TRIMESTRES 1930 223 La chanson La Perdits est restée extrêmement populaire dans le Couserans, le Comminges et la Bigorre. Si l'air le plus répandu s'y déroule en mineur — c'est la mélodie notée ci-dessus, on l'entend quelquefois en majeur, dans la Ballongue et aux confins orientaux du pays de Foix — c'est-à-dire aux extrémités du département de l'Ariège dans le sens de sa largeur. Ailleurs aussi, à Balaguères du Castillonnais, notamment, elle débute en majeur pour s'incliner aussitôt vers le mineur préféré. La mélodie bigourdane de la variante placée à la suite, prouve bien que le mineur est le mode qui convient le mieux et généralement à ce chant. En effet, par son rytme balancé et son contour limité, ladite notation reproduit à peu près exactement la précédente. Foix, Couserans, Comminges, Bigorre, Béarn chantent donc les mêmes paroles de La perdits sur le même timbre, lequel s'affirme ainsi doublement caractéristique par la grandeur triste de son accent, et par sa popularité étendue à presque toute la chaîne. Toutefois, le Béarn et ses immédiates approches bigorraises ont en outre modifié la poésie originale de la manière que voici. Variante E de las lanes de Bourdèu bis Que y a tant bère aulhère, Ridera la Ion la, Que y a tant bère aulhère. U moussuret biengouc à passa, Loung tems l'a regardade. Que regardats-bous, moussuret ? Jou qu'en soi maridade, Dab u berge deu nouste endret, Loung tems m'a courtisade. Estacats boste chibalet, Estacats-Iou à da'cet lire. Estenets boste mantelet Sus la fresque arrousade. Jou m'en bau bira lous moutous Ballèu serèi tournade. L'arrebirade dade e-us èi, L'Adour que la n'èi passade, 224 SOCIÉTÉ D'HISTOIRE ET D'ARCHEOLOGIE DU GERS De bint ou trente cabaliès, De touts m'en soi trufade. Atau harèi de bous, moussu, E d'aquéste encountrade. Que boulets pluma la perdits. bis Mes que s'en ei boulade, Ridera la lon la, Mes que s'en ei boulade. » [Béarn, Bigorre] Trad. — Dans Sur les landes de Bordeaux — Il y a tant belle bergère, — Ridera la lon la, — Il y a tant belle bergère. * Un petit monsieur vint à passer, — Longtemps l'a regardée. Que regardez-vous, petit monsieur ? — Moi je suis mariée, * Avec un berger de notre village, — Qui longtemps m'a courtisée. * Attachez votre cheval, — Attachez-le à la tige de ce lis. *** Etendez votre manteau — Sur la fraîche rosée. Je m' en vais retourner les moutons; — Bientôt je serai de retour. ** La retournée » je leur ai donnée, — Et l'Adour j'ai passé. ** De vingt ou trente cavaliers, — De tous je me suis moquée. *** Ainsi ferai-je de vous, monsieur, — Et de cette rencontre. *'* Vous vouliez plumer la perdrix, — Mais elle s'est envolée, — Ridera la Ion la, — Mais elle s'est envolée. » Autre mélodie Bère pastoure rencountrè, Tran lan laderai, A l'oumbre de la rose. [Vallée d'Ossau.] Trad. — Belle bergère rencontrai, — Tran la laderé, — A l'ombre de la rose. La poésie complète de ce chant a été placée sous l'air du branle Bère pastoure rencountrè, noté plus haut, dans le deuxième chapitre. Elle est fort approchante du texte qu'on vient de lire. La mélodie ne ressemble ni à celle de la chanson de danse ni au timbre véritable de La Perdits, tel que Couserans et Bigorre nous ont permis de le préciser. TROISIÈME ET QUATRIÈME TRIMESTRES 1930 225 Autre version Pastoreta, bon jorn, bon jorn ! Fa bo guardar soleta, y amor ! Fa bo guardar soleta. — Ay ! soleta no hi guardi, no ! M'hi han llogat un pastre. Y l' pastre que m'hi han llogat Fa fer la revivalla. » Cade revivalla quen don, Si l'acotxa per terra. Ay ! galant jove, dixau me anar ! Lo meu pare me crida. » Quand me van ser fora del bosci, La bella à riurer s'posa. Ay ! de que vos rieu, amor ? De que vos rieu, la bella ? — Jo me rivio del falcà Quand la perdiu tenia; Quand la tenia pel pit blanch, Quand no s'en rejuhia. Ay ! pastoreta, tornam al bosch, Cent escuts vos daria. — Ay ! ni per cent ni per dos cents Al bosch no tornaria Perqué, si tornavan al bosch, Vos me deshonrariau, y amor ! Vos me deshonrariau. » [Roussillon.] Trad. — Bergerette, bonjour, bonjour ! — Il fait bon garder seulette, et amour ! — Il fait bon garder seulette. *** — Ah ! je ne garde pas seulette, non ! — On a ici engagé un pâtre. *** Et le pâtre qu'on a engagé, — Fait faire la retournée ». *** A chaque retournée qu'il donne, — Il la couche par terre. *** Ah ! galant jeune homme, laissez-moi aller ! — Mon père m'appelle. » *** Quand ils furent hors du bois, — La belle se met à rire. *** Et de quoi riez-vous, mon amour ? — De quoi riez-vous, la belle ? & Moi je riais du faucon — Quand il tenait la perdrix; *** Quand il la tenait par sa poitrine blanche, — Quand il n'en jouissait pas. *** — Ah ! bergerette, retournons au bois, — Cent écus je vous donnerais. /* — Ah ! ni pour cent ni pour deux cents — Au bois je ne retournerais *** Parce que, si nous retournions au bois, — Vous me déshonoreriez, et amour ! — Vous me déshonoreriez. » Le texte de la version roussillonnaise s'éloigne des deux autres et se rapproche davantage des leçons françaises, dont on trouvera plusieurs pièces parmi les chansons narratives du neuvième chapitre. Le timbre aussi en diffère. 15 226 SOCIETE D'HISTOIRE ET D'ARCHÉOLOGIE DU GERS QUAND IÈU N'ERI PETIT GARÇOUN QUAND J'ÉTAIS JEUNE GARÇON Quand ièu n'èri petit garçoun Ande moun pèro, Me fasion garda lei moutous And tres bergèiros. Cado birado qu'ièu fasio, Be lai besabi; La pus jouino de toutoi trés Toujoun plourabo. Quan ièu béjèri tant de plours, Ièu m'en anèri, A l'oumbreto d'un castelhet Que m'asoumbrèri; Si m'arrinqui moun flajoule, E le sounèri; Lai damo que y èroun dedins Ne sourtisquèroun. Souno, souno, pastourelhet, Petit boun drolle ! Si ièu toun flajoulet abio, Le sounarosi. — Si bous, moun flajoulet boulets, Madoumaisèlo, Un baisat bous n'en coustara, De la pus bèlo. — Baisat auras, pastourelhet, De ma chambrièro. — Nou, boldrio-bé poi mai de bous, Madoumaisèlo. — Jamais ni comte ni baroun M'an tant charmado Coumo l'janti pastourelhet, La matinado. » [Mirepoix, Couserans.] Trad. — Quand j'étais jeune garçon — Avec mon père, — On me faisait garder les moutons — Avec trois bergères. *** A chaque fois que je les ramenais, — Je leur faisais un baiser. — La plus jeune des trois — Pleurait toujours. *** Quand je vis tant de larmes, — Je m'en allai. — A l'ombre d'un châtelet — Je me mis à l'abri. *** Je détachai mon flageolet— Et j'en jouai; — Les dames qui étaient dans le château — En sortirent. ,?;, joue, joue, pastoureau, — Bon petit garçon. — Si j'avais ton flageolet, — J'en jouerais. *%. Si vous voulez mon flageolet, — Mademoiselle, — Un baiser il en coûtera — De la plus belle. *** — Tu auras un baiser, pastoureau — De ma chambrière. — Non, je ne le veux que de vous, — Mademoiselle. *** — Jamais comte ni baron — Ne m'ont tant charmée — Comme le gentil pastoureau — Cette matinée. » Lambert en a publié une version langudocienne, de texte identique, mais dont la mélodie diffère absolument de celle-ci. Les deux airs s'éloignent du caractère TROISIÈME ET QUATRIÈME TRIMESTRES 1930 227 contemplatif que revêtent d'ordinaire — et plus spécialement en Gascogne — les chansons de bergers. Leur rythme les désignerait plutôt comme propres à la danse. QUAND LA BERGÈRE S'EN VA-T-AUX CHAMPS Quand la bergère s'en va-t-aux champs, Filant sa quenouillette, Et tout en gardant ses jolis moutons blancs Qui pâturent sur l' herbette. Un chevalier vient à passer, Lui dit Bonjour, la belle ! A qui sont-ils donc ces jolis moutons blancs Qui pâturent sur l'herbette ? — Oh ! Monsieur, ce ne sont pas des moutons; Ce sont des brebinettes Qui connaissent tant les plaisirs de l'amour, Comme la bergerette. » Le chevalier descend de cheval; L'a prise et l'embrasse, En lui disant Charmante Jeanéton, Donne-moi ton coeur en gage. — Oh ! Monsieur, vous avez grand tort, Grand tort et grand dommage, Car vous m'avez encore rien donné Pour avoir mon coeur en gage. » Le chevalier ôte ses gants blancs; Six cents louis il lui donne, En lui disant Charmante Jeanéton, Souviens-toi de ma personne. » La bergère s'en va en chantant; S'en va trouver sa mère, En lui disant Six cents louis, Que je viens de trouver sur l'herbette fleurie. 228 SOCIÉTÉ D'HISTOIRE ET D'ARCHÉOLOGIE DU GERS — Oh ! ma fille, tu en as menti, Car je vois que tes yeux me trompent; Je comprends à vos yeux Que c'est l'amour qui vous engage. — Ma mère, que ferons-nous de cet argent ? — De cet argent, ma fille, Nous en ferons de jolis cotillons, Couleur de la brebinette. » [Foix.] Autre leçon Quand la berger' s'en va-t-aux champs Tout en filant, La quenouillette à son côté. Fuseau d'argent. Son bel amant s'en va-t-après, Tout en disant N'allons-nous pas nous marier, Belle, il est temps TROISIÈME ET QUATRIÈME TRIMESTRES 1930 229 — Mon cher amant, vous me suivez A pas à pas; Retirez-vous, ça m'y déplaît, J' n' vous aime pas. — Belle, que vous ai-je donc fait ? Dites-le moi, Si maintenant vous ne m'aimez, Raison pourquoi. — Je t'ai vu battre l'aut' matin, Tant rudement, Que j'en sortis dans mon jardin, Tout tristement N'avais-tu pas l'épée en main ? Vilain amant ! Le diamant d'or que tu as au doigt, Il est à moi. — Tenez, la belle, votre anneau, S'il est à vous; Je m'en soucie de votre anneau Comme de vous. — Malheureus' fill' que j'ai été, D'avoir parlé ! J'avais un amant qui m'aimait, M' délaissée ! Ah ! s'il y avait quelqu'un ici, De ses amis, Pour aller dire à mon amant De revenir. — De revenir, ce n'est plus temps bis D' s'en repentir; Tu m'avais donné mon congé, Moi, je l'ai pris. » [Couserans, Foix]. Var. — 23. L'anneau... — 31. Et je n'avais qu'un seul amant. Chanson plutôt rare. Jérôme Bujeaud en a publié une version, analogue quant à la poésie, recueillie par lui dans l'Ouest. Je ne l'ai rencontrée, sur les routes pyrénéennes, qu'en pays d'Ariège, et par deux fois seulement. La mélodie castillonnaise vallonne sa ligne et ouate son atmosphère de rêverie imprécise; la variante fuxéenne lui oppose la fermeté de ses contours pareils à des horizons nettement découpés. QUAND LOU PASTOU S'EN BA AMOUDA QUAND LE BERGER SE MET EN TRAIN Quand lou pastou s'en ba amouda, bis Que crido la pastouro, lan la, 230 SOCIÉTÉ D'HISTOIRE ET D'ARCHÉOLOGIE DU GERS La la la la la ra la la, Que crido la pastouro. Ount anirèm, Rouseto, garda La nostro moutounado ? — Abal, abal, al founs del prat, N'ya de tant belo erbeto. — Anèm-nous dounc, Rouseto, garda, Uno petit' oureto. » Quand sounguèren al founs del prat, L'erbeto n'ei moulhado. Lou pastourel quito soun mantel Per n'y fa 'ssieta Rouseto. Aici, Rouseto, t'en cal assieta, Jougarèm uno partideto. » A forço de lai tant jouga, La neit lei n'a surpreso. Que dirai ièu al mièu papa, De n'y èstre tant restado ? — Tu n'y en diras al tièu papa Que lou loup lai trebabo. Que sens un pastourèl noubèl, bis Lou loup lai te manjabo, lan la, La la la la la ra la la, Lou loup lai te manjabo. » [Languedoc, Gascogne.] Var. — 9. ... passa. Trad. — Quand le berger se met en train, — 11 appelle la bergère, lan la, — La la la la la ra la la. — Il appelle la bergère. *** Où irons-nous, Rosette, garder — Notre troupeau de moutons ? s?i, — Là-bas, là-bas, au fond du pré, — Il y a de la si jolie herbette. *** — Allons-nous-en donc, Rosette, garder — Pendant une petite heure. ». ** Quand ils furent au fond du pré, — L'herbette est mouillée. „.** Le berger quitte son manteau — Pour y faire asseoir Rosette. *** Ici, Rosette, il faut t'asseoir, — Nous jouerons une petite partie. » — A force d'en tant jouer, — La nuit vous les a surpris. * Que dirais-je à mon père, — D'y être si longtemps restée ? £* — Tu diras à ton père — Que le loup visitait les moutons. *** Que sans un nouveau berger, — Le loup te les mangeait, lan, la — La la la la la ra la la, — Le loup te les mangeait. » On sait ce qu'il faut penser de la durée d'une petito oureto ». Lorsque nos mon- TROISIEME ET QUATRIÈME TRIMESTRES 1930 231 tagnards affirment que, d'un point à un autre, il n'y a pas plus d'une toute petite heure de chemin », la prudence commande de compter sur le double de temps et même davantage. SI COUNECHÈT MA BERGÈRO SI VOUS CONNAISSIEZ MA BERGÈRE Si counéchèt ma bergèro bis Qu'ei bèro coum lou lugra, Ouèro, ouèro, ouèro, Qu'ei bèro coum lou lugra, Ouèro, ouèro-la ! Ouèro, ouèro, ouèro, ouèro, ouèro, ouèro, Ouèro, duèro, ouèro, ouèro, ouèro, ouèro-la ! La ! Ere b'en ei auta blangue Que la nèu deu Hougara. Sa talho n'ei courto e fino Certes, pouirei l'empougna. De souns ouelhs l'amou que-s lhèbo, bis Sus soun co nou-s bou pausa, Ouèro, ouèro, ouèro, Sus soun co nou-s bou pausa, 232 SOCIÉTÉ D'HISTOIRE ET D'ARCHÉOLOGIE DU GERS Ouèro, ouèro-la ! Ouèro, ouèro, ouèro, ouèro, ouèro, ouèro, Ouèro, ouèro, ouèro, ouèro ouèro, ouèro-la ! La ! [Comminges, Bigorre, Béarn.] Var. — 3. Goère.... — 12. Las amous aus oelhs se lhebent, — 13. Sus soun co nou-s pot pausa. Trad. — Si vous connaissiez ma bergère ! — Elle est belle comme l'étoile, — Regardez, regardez, — Elle est belle comme l'étoile, — Regardez, regardez-là ! ** Elle est aussi blanche — Que la neige du Hougara. *** Sa taille est courte et fine — Certes, je pourrais la prendre entre mes doigts. ** De ses yeux, l'amour prend sa volée, — Sur son coeur il ne veut pas se reposer, — Regardez, regardez, regardez, — Sur son coeur il ne veut pas se reposer, — Regardez, regardez-la ! Cette pastourelle, d'un tour précieux et qui sent le lettré, a été faussement attribuée au poète béarnais Cyprien d'Espourrins. Vignancour la donne, à la table des matières de sa brochure Causons béarnaises de Despourri e autes, comme étant de d'Espourrins, sans cependant faire suivre le texte même de la signature, ainsi qu'il procède pour toutes les autres chansons publiées par lui; Lamazou la fait figurer parmi ses Cinquante chants pyrénéens, avec cette mention Pastorale béarnaise de Despourrins » n° 10 du recueil. Par contre, les deux éditions de Rivarès portent comme indication Auteur inconnu »; et la préface de la deuxième ajoute que ce chant paraît être venu en Béarn de la vallée de Campan ». Le certain c'est que nous n'en connaissons pas l'auteur. Outre qu'elle semble plutôt originaire de la Bigorre ou du Comminges que du Béarn, le rimailleur qui la façonna y ajouté un refrain Ouèro, ouèro, ouèro, — Ouèro, ouèro-la ! dans le goût des onomatopées que la chanson populaire affectionne. Or, les poésies de d'Espourrins, et de ses imitateurs, s'abstiennent d'introduire dans leurs strophes des répétitions, qui émaillent si typiquement nombre de productions anonymes. Ma version renferme un verset de plus — le troisième — que celles antérieurement recueillies. L'air, de coupe invariable, m'a été dicté par le tragédien Romuald Joubé, lequel tient ce chant de son grand-père maternel, aragonais de naissance établi dans le Val d'Aran, et depuis longtemps décédé. Il est à présumer que la chanson ne comportait pas primitivement autant de ouèro, ouèro. La sorte de tyrolienne qui ponctue chaque couplet a dû être ajoutée par la suite. Force nous est, cependant, de la noter telle que les montagnards se la transmettent. TROISIÈME ET QUATRIÈME TRIMESTRES 1930 233 SI M'AURET BIST MOUN AIMABLE BERGÈRE N'AURIEZ-VOUS PAS VU MON AIMABLE BERGÈRE Si m'auret bist moun aimable bergère, Aquere arrose, aquere bère flou ? Ere qui-n a tant douce la machère, Be l'an cerquei à d'ère, ere be-m cèrqu'a jou. Quauque pastou que la-m ba abé raubade ! Praubin de jou, t'oun tirarèi dounc jou ?? Qu'ani bedé si s'en seré tournade De l'oun de l'aute se prengoum tant de plasé. Qu'èi tant cercat, à la fin l'èi troubade, Que s'oumprejabe debat bèt arboulet, Y lous ausets disèn en lur lengàtge Moun Diu ! b'en soun urous aquet pa d'aimadous ! » [Vallée d'Aspe.] Trad. — N'auriez-vous pas vu mon aimable bergère, — Cette rose, cette belle fleur ? — Elle qui a la joue si veloutée ? — Moi je la cherche et, sans doute, me cherche-t-elle aussi. *** Quelque pasteur me l'aura peut-être enlevée ? — Infortuné ! De quel côté diriger mes recherches ? — Je vais aller voir si elle ne serait pas revenue — Aux lieux où, l'autre soir, nous nous sommes tant plus. *** J'ai tant 234 SOCIÉTÉ D'HISTOIRE ET D'ARCHÉOLOGIE DU GERS cherché qu'à la fin je l'ai trouvée, - Qui s'ombrageait sous un joli petit arbre, — Et les oiseaux disaient en leur langage — Dieu ! que ces deux amants sont heureux ! » SUS LAS LANES D'AULOUROU SUR LES LANDES D'OLORON Sus las lanes d'Aulourou, bis Rencountrèi ue bergère, Doundène, Sietadéte sus lou gazou, Doundou. Sietadéte sus lou gazou, Quoate cops la-n embrassèri, Sénse jamès cambia de sou. Sénse jamès cambia de sou. Quoand arribàm tau cinquième, La hère e-m dits sa rasou. La hère e-m dits sa rasou Quoand passaras tau bilàtge, Rentraras dens ma maisou. Rentraras dens ma maisou. Troubaras la taule preste. De pâ, de bi e jambou, De pâ, de bi e jambou, E de quaques coéches d'auque, De quauque ale de pijou. De quauque ale de pijou. Après coucharam à-masse, Coubertis de mouletou. Coubertis de mouletou. bis Be sera la bère bite, Doundène, Tant qu'en durara lou sou, Doundou. [Béarn, Gascogne.] Trad. — Sur les landes d'Oloron — Je rencontrai une bergère, — Dondaine, — Assise sur le gazon, — Doudon. ,** Quatre fois je l'embrassai, — Sans jamais changer de façon. *! Quand j'arrivai au cinquième baiser, — La belle me dit sa raison. *% Lorsque lu passeras au village, — Tu rentreras dans ma maison. „?* Tu trouveras la table préparée, — Du pain, du vin et du jambon. ;f"';I Avec quelques TROISIÈME ET QUATRIÈME TRIMESTRES 1930 235 cuisses d' oie et quelques ailes de pigeon. *** Après nous coucherons ensemble — Couverts de molleton. & Couverts de molleton, — Ce sera la belle vie, — Dondaine, — Tant qu'en durera le soleil les jours, — Dondon. Avant le dernier couplet, s'intercalent deux strophes trop licencieuses pour pouvoir être reproduites ici. UNO GENTIO PASTOURO UNE GENTILLE BERGÈRE Uno gentio pastouro, Tout aqueste maiti, Sietado sus l'erbeto, Tout près de soun amie, Elo l'a dit Ount bas ? Galant, tu m'abandounos, Qu'ouro tu tournaras ? Be-n siré déje ouro Que fousquesses tournat; A-n qualqu'autro pastouro Toun cor bi ei dounat ? Digoi-me la bertat. Si jamai n'as agudo Cap d'infidelitat ? — Sotto, impertinento, Sa dits soun paire atal, Toujoun fai la badino Quoand es al pastoural M'as perdudis moutous; Les pagaras, pastouro, Tu, ou toun amourous. — De bous me n'jauti gaire, Ni mai bostris moutous N'aimi mai moun fringaire Que l'àimi mai que tout; Jou l'àimi mai qu'à bous, A bous, à bostroi bordos, Toustis bostris moutous. Aqui abets lai fedos, Las gardo qui bourdra ! Soun lasso dèstre pastro, Me boli marida; Me boli marida Ambe le miu dansaire Que me ben demanda. [Mirepoix.] Trad. — Une gentille bergère, — Tout ce matin, — Assise sur l'herbe, — Auprès de son ami, — Lui a dit Où vas-tu ? — Galant, tu m'abandonnes, — Quand 236 SOCIÉTÉ D'HISTOIRE ET D'ARCHÉOLOGIE DU GERS reviendras-tu ? *** Assurément il serait déjà temps — Que tu fusses revenu; — A quelque autre bergère — As-tu donné ton coeur ? — Dis-moi la vérité, — Si jamais tu as eu — Aucune infidélité ? *** Sotte, impertinente, — Ainsi s'exprime son père, — Toujours tu fais la folâtre — Quand tu es au pâturage — Tu m'as perdu des moutons; — Tu me les paieras, bergère, — Toi, ou ton amoureux. *** De vous je ne me soucie guère, — Et pas davantage de vos moutons — Jaime mieux mon galant — Que j'aime plus que tout; — Je l'aime plus que je ne vous aime, — Vous, vos fermes, — Tous vos moutons. ;S*K Là vous avez les brebis, — Les garde qui voudra ! — Je suis lasse d'être bergère, — Je veux me marier; — Je veux me marier — Avec mon danseur — Qui vient me demander. UNE JEUNE BERGERE Une jeune bergère Chante dans le bois; bis Toujours elle chante. Toujours et toujours. Si tu es belle, Ce n'est pas le jour. bis Réunissons ensemble Ton coeur et le mien; Toujours on y pense, Toujours et toujours. — Pas tant de badinage Devant mon époux; Tout lui fait ombrage, Toujours et toujours. — Fanchon, ma belle femme, Verse-moi du vin; Toujours à plein verre, Toujours et toujours. Si tu es belle, Ce n'est pas le jour. bis [Couserans.] Par un hasard exceptionnel, cette chanson ne m'a été dictée qu'une seule fois — a Cescau, dans le Castillonnais. D'où impossibilité de rétablir un texte apparemment incomplet et qui, tel quel, dépourvu de toute signification, chante l'amour et le vin confusément après un début nettement pastoral. Mais la mélodie a grand caractère, dans sa seconde partie surtout, par l'altération — mi naturel — de la tonalité générale de sol mineur. TROISIÈME ET QUATRIÈME TRIMESTRES 1930 237 Pastourelles dialoguées. ADIEU, LA BELLE MARGOTON Adieu, la belle Margoton, Je viens te voir dans ce vallon; Je viens voir une bergère Que mon coeur a tant aimé, Une petite brunette Que mon coeur a désiré. N'ai pas moun esprit tant aprés — Moussu, nou parli pas francés, Nou soun qu'uno simplo bergèro, Nou soun pas elebado mes; Me fariots mete en coulèro, S'aici demourariots mes. — Tu ne comprends pas le françois, Ni même moi ton gros patois; Mais je saurai bien t'apprendre Tout ce qu'il y a de plus beau Et bien heureuse te rendre, Heureuse dans mon château. — Que fario de mous moutous, Se jou m'en anabo am bous ? Papa sirio à la misèro, Tout li bendrio à manca Lous moutous e la bergèro, Se consentio à m'en ana. — Ton père en serait charmé Si tu venais à m'aimer Je lui ferais sa fortune, Il aurait un coeur aimant; Prends-moi donc, charmante brune, Prends-moi donc pour ton amant. — Moussu, se n'èro pas tant joun, Me fariots mes de pou qu'un loup. Lou loup, am touto sa furio, Nou prendrio qu'un soul moutou; Bous, am bostro ruso fino, Me raubiriots moun aunou. — Adieu, la belle Margoton, Je te quitte dans ce vallon; Je te quitte, fille sage, 238 SOCIETE D' HISTOIRE ET D'ARCHEOLOGIE DU GERS Garde bien ta pureté Si quelqu'un te cherche outrage, Ce sera pour ta beauté. » [Foix, Languedoc] Var. — 4. ... Jeannetou, ... charmante Loui son. — 3. Je te vois charmante fille, — 4. Veux-tu me donner ton coeur ? — 5. Prends-moi donc, brune gentille,— 6. Prendsmoi pour ton serviteur. — 7. Jou ne coumpreni pas bosté francès. — 34. Non raubirio que tous moutous. Trad. — Monsieur, je ne parle pas français, — N'a point mon esprit tant appris — Je ne suis qu'une simple bergère, — Je ne suis pas de condition élevée; — Vous me feriez mettre en colère, — Si vous restiez ici plus longtemps. *** — Que ferais-je de mes moutons, — Si je m'en allais avec vous ? — Papa serait réduit à la misère, — Tout lui manquerait à la fois — Les moutons et la bergère, — Si je consentais à vous suivre. *** — Monsieur, s'il faisait moins jour, — Vous me feriez plus de peur qu'un loup, — Le loup, avec toute sa furie, — Ne prendrait qu'un seul mouton; — Tandis que vous, avec votre ruse fine, — Me raviriez mon onneur. » BELLE BERGÈRE, SUR LE CHAMP Belle bergère, sur le champ, Toute seulette en t'amusant, Tu gardes tes blancs moutons, Sur l'herbette, Ma brunette, Tu gardes tes blancs moutons, Sur l'herbette du gazon. — Moussu, que bous fa 'co and bous Qu'en fassio pèche mous moutous ? Se bous n'anats pas lèu d'aici, Douni l'ordre De bous mordre, Se bous n'anats pas lèu d'aici, Bous farè mordre per moun chin ! TROISIÈME ET QUATRIÈME TRIMESTRES 1930 239 — Belle bergère, si tu veux, Nous nous marierons tous deux Tu seras dans mon palais Bien contente, Bien riante, Mes servantes, mes valets Seront tous à tes souhaits. — Moussu, n'ai pas accoustumat D'èsse gardado en tout coustat. Aimi mes moun pastourèl, Ain sa capo Ou sens sa capo, Que noun pas bostre castèl, Quand sirio cent cops mes bèl ! — Ma bergère, veux-tu venir ? Nous irons nous réjoui. Tu mettras de beaux habits, Les dentelles Les plus belles, Et de beaux chapeaux garnis, Pour paraître à mes amis. — Moussu, se nou bous tirats d'aici, M'anats fourça de parti. Se benio moun amourous, Li'n fario Milo embrassados; Li'n fario milo poutous, E mémo al despieit de bous. — Je te parle poliment, Tu me réponds brusquement. Tu m'avais déjà blessé, Ma bergère Trop sévère, Tu m'avais déjà blessé, Et sans l'avoir mérité. — Quin jou bous aurio blessat ? Nou n'ai pas jamès tirât ! N'ai pas ni fusil, ni ploumb, Ni fusado, Ni grenado ! Cal que siots un bel fripoun De m' parla de la faiçoun ! — — Adieu, la belle, je m'en vais, Puisque je n'peux rien gagner. Garde tes fidèl's appas, Ma bergère En colère, Car si tu n' les gardes pas, Tu seras dans l'embarras. » [Foix, Gascogne, Languedoc] Var. — 10. Filats dounc bostc cami, — 11. Marquisot, — 12. Tros de pégot ! — 14. Bau enguicha lou labri ! — 20. Et tu auras toujours auprès — 21. Des servantes, des valets. — 22. Jou, moussu, que na'imi pas — 25. Autour de jou tant d'embarras. 52 ... poudro. Trad. — Monsieur, qu'est-ce que cela peut vous faire — Que je fasse paître mes moutons ? — Si vous ne partez pas vite d'ici, — Je donne l'ordre — De vous mordre, — Si vous ne partez pas vite d'ici, — Je vous ferai mordre par mon chien. *** — Monsieur, je n'ai pas accoutumé — D'avoir des gardes au côté. — J'aime mieux mon pastoureau, — Avec sa cape ou sans sa cape, — Que non pas votre château, — Lors même qu'il serait cent fois plus beau. *** — Monsieur, si vous ne quittez pas ces lieux, — Vous allez me forcer à partir. — Si mon amoureux venait, — Je lui ferais — Mille embrassades; — Je lui ferais mille baisers, — Et cela pour vous causer du dépit. *** — Comment vous aurais-je blessé ? — Je n'ai pas du tout tiré ! — Je n'ai ni fusil, ni plomb, — Ni fusée, — Ni grenade ! — Il faut que vous soyez un beau fripon — pour me parler de cette façon ! » Extrêmement populaire dans toutes les Pyrénées. 240 SOCIÉTÉ D'HISTOIRE ET D' ARCHEOLOGIE DU GERS BERGÈRE, MON COEUR Bergère, mon coeur, quoique tu sois belle, Moi je ne crois pas que tu sois rebelle; Je t'en prie, accorde-moi De m'asseoir auprès de toi. — Moussu, que sabets qu'aquestes praderies Soun pas accoustumats as bostes filateries; Tirats en dabant boste cami, Dechats-me à jou soulete aci. — Bergère, mon coeur, quoique tu sois sage, Moi je ne crois pas que tu sois sauvage; Tiens, voilà, pour ton présent, Cette main pleine d'argent. — Moussu, que sabets que lou qui pren s'engàtge, Jou ne m'enténi à tout boste lengàtge; Adichat, e gran mercès, Coumpréni pas boste francés. — Mon français est plus beau que tout ton langage Il n'est pas aussi sot, ni aussi siauvage; Adieu donc, bergère, mon coeur, J'en serai ton serviteur. — Quoand bous serats lou me, jou serèi pas la boste, Nou crei pas qu'at boulerén ni à caise ni à boste; Qu'at boullions ou que nou, Bous nou-b truferat de jou ! » [Béarn, Bigorre] TROISIÈME ET QUATRIÈME TRIMESTRES 1930 241 Var. — I. Veux-tu venir ce jour, charmante bergère, — 2. En gardant ton troupeau dessus la fougère ? — 3. Je te prie, accorde-moi, — 4. Si je puis aller avec toi. — 5. Moussu, nous n'abem pas d'autes praderies,— 6. Nou-ns accoustuma'n pas de taus coumpagnies; — 7. E filat boste cami, — 8. Car bous b'eslanguiret aci. — 10. Tiens, je ne crois pas que ceci t'engage. — 13. Moussu, ne crediat pas que su tant saubatge. — 17. Bergère, le français n'est pas si sauvage, — 18. Il est bien plus joli que votre langage. — 19. ... mon petit coeur, — 20. A toi toujours ton serviteur. — 21. Moussu, si bouts èts lou me, jou nou soui la boste. Trad. — Monsieur, vous savez que ces prairies — Ne sont pas habituées à entendre vos flatteries; — Passez votre chemin, — Liassez-moi seulette ici. *** — Monsieur, vous savez que celui qui prend s'engage, — Je n'entends point tout votre langage; — Adieu et grand merci, — Je ne comprends pas votre français. ** — Quand vous seriez le mien galant, je ne serais pas la vôtre mie, — Je ne crois pas qu'y consentiraient ni mes parents ni les vôtres ;— Qu'ils le veuillent ou non, — Vous ne vous moquerez pas de moi ! » BONJOUR, BELLE BERGÈRE 16 242 SOCIETE D' HISTOIRE ET D' ARCHEOLOGIE DU GERS Bonjour, belle bergère, Que fais-tu dans ces champs ? Tu endures la pluie, Le froid, le mauvais temps. Je suis ici, bergère, Exprès, dans ces beaux lieux, Pour te sortir de peine, Bergère, si tu veux. — Je ne suis pas en peine, En peine ni tourment, De garder dans la plaine Mes petits moutons blancs; Car si le temps m'ennuie, Je m'en vais hors du champ Garder mes brebinettes, Mes petits agneaux blancs. — Prends-moi, belle bergère, Prends-moi pour ton berger; Nous irons à l'ombrage, Là-bas, dedans ce bois, Et si le loup s'approche Vers ton petit troupeau, Je marcherai bien vite Défendre tes agneaux. — Monsieur le gentilhomme, Vous vous moquez de moi; Toutes ces gentillesses Sont pas faites pour moi. Cherchez des demoiselles De votre qualitéi Et laissez les bergères Qui sont pour les bergers. — Crois-moi, belle bergère, Profite de l'honneur, L'état de gentilhomme Peut faire ton bonheur. Entre dans mon carrosse, Et quitte ton troupeau, Tu seras demoiselle, Dans mon joli château. — Monsieur, tout's vos richesses, Ni carrosse, ni château, Ne me font aucune envie De quitter mon troupeau, Car les oiseaux sauvages Sont cent fois plus hardis Que les oiseaux des cages, Surtout s'ils se voient pris. TROISIÈME ET QUATRIÈME TRIMESTRES 1930 243 — Adieu, belle bergère, Je te quitte en ces lieux; L'endroit où je te laisse, Je ne le verrai plus. Tu es une fille sage, Une fille d'honneur; Je ne suis qu'un volage, Un simple voyageur. » [Couserans, Foix]. Var. — 3. Tu souffrisses. La première de ces deux mélodies est remarquable par l'ampleur de son caractère nostalgique et par le lointain de sa tonalité imprécise. Autre version Bon dia, Alieno, Aqui vinch per dirvos Que lo meu cor suspira Per vos crema d'amor; Vostre fortuna es feta Si vos veniu ab mi Vos seréu boniqueta, Sereu precioseta, Si jo no penso mentir. — Al anarmen de assi Ne estich déterminada; Qu'en tnch l'amori donada A un mes prop vehi Jo no so pas senyora Per viurer en ciutat, So simplement pastora; Lo meu pastor m'adora D'una gran amistat. — Jamai del teu pastor Seras tant estimada Ni tant ben regalada Com no seras de jo Tu seras ben vestida De domas y ducas, Llgaida de manillas; D'un princep seras digne Infante jo costat. Creu lo que jo te dich, Boniqueta pastora; Montras que trobas l'hora Me pendras per amich De res no tendras ansia Jo te faré servir. Tu tindras sens subtancia Doblas en abundancia Sols parlias ab mi. — Totas vostras rahons No las escolto gaire; Son com lo vent en l'aire, Bolan com los coloms L'amor de la nobleza, Ben vist la pobre gent, Jamai se ha vist fineza, No mes que per enveja, Cambiant com lo vent. — Al anarmen d'assi, Boniqueta pastora, Mistres que trobas l'hora Me pendras per amich Tu taras diferencia De mi à un pastor; Obran ab gran silencio, Sufrirme ab patiencia, Per trobar la millor. — Sortiu-me de devant, Vostre diseurs m'enfada ! N estich tota llaçada, Per mi sou massa gran Aneusan en bon hora A mi no m-'enganyau. L'esatt d'una pastora Vas mes que ser senyora, Y aixis nom tormentau. 244 SOCIÉTÉ D'HISTOIRE ET D'ARCHÉOLOGIE DU GERS — Puix que m'en tinch d'anar, Te demano de gracia Permetém que t'abrassia, Y antes de deixar . Jamai mes de la vida Me hayia trobat ! Que vols que jo te diga ?... Tu m'acabas la vida Sino en tens pietat. » Per nom sen diu Joan Aquest petit poeta Que la canço ha treta; Anant tot passejant, Poch à poch s'acostaba En un petit bosch d'amor, Entengui que parlaba Un senyor que probava Lo cor de Alieno. [Roussillon.] Trad. — Bonjour, Aliénor, — Je. viens ici pour vous dire — Que mon coeur soupire — Et brûle d'amour pour vous; — Votre fortune est faite — Si vous voulez venir avec moi — Vous serez ma charmante, — Vous serez ma très précieuse, — Je vous en fais le serment. *** — A m'en aller d'ici — Je ne suis point décidée; — J'ai donné mon amour — A mon premier voisin — Je ne suis pas une dame — Pour vivre à la ville, — Je suis simplement bergère; — Mon berger m'adore — D'un grand amour. *** — Jamais de ton berger — Tu ne seras tant aimée — Ni comblée — Comme tu le seras par moi — Tu seras magnifiquement vêtue — De damas et de ducas », — Recouverte de mantilles; — Tu seras digne d'un prince — Infante à mon côté. *** Crois ce que je te dis, — Mignonne pastoure; — Lorsque viendra l'heure — Tu me prendras pour amant — Tu ne manqueras de rien, — Je te ferai servir, — Ne doute pas que tu auras — Des doublons avec abondance — Si tu veux être à moi seul. *** — Tout ce que vous me dites — Je ne le crois guère, — C'est comme le vent dans l'espace — Cela vole comme les pigeons — L'amour d'un noble, — La pauvre gent le sait, — Ce n'est que de la ruse — Ou bien simple désir, — Il change comme le vent. *** — Quand je serai parti, — Mignonne pastoure, — Quand viendra ton heure — Tu me prendras pour amant — Tu feras la différence — Entre un berger et moi; — Pour moi, dans le silence — Souffrant avec patience, — J'attendrai le bon moment. *** — Allez-vous-en ! — Votre discours me trouble ! — J'en suis toute interdite, — Pour moi c'est grande nouvelle, — Votre annonce de mon heure » — Ne saurait m'induire en erreur. — L'état d'une pastoure est mieux que celui d'une infante, — Ici personne ne me tourmente. *** — Puisque tu me dis de me'n aller, — Je te demande nn grâce — De me permettre de t'embrasser — Avant de partir — Jamais de ma vie — Je ne m'étais vu ainsi ! — Que veux-tu que je te dise ? — Tu achèves ma vie — Sans avoir pitié. » *** Il a pour nom Jean — Ce petit poète — Qui a fait la chanson; — En allant promener, — Peu à peu il approcha — D'un petit bois d'amour — Et il entendit parler — Un seigneur qui mettait à l'épreuve — Le coeur d'Aliénor. TROISIÈME ET QUATRIÈME TRIMESTRES 1930 245 DIS-MOI, NANON Dis-moi, Nanon, le nom de ton village ? — Apprenets-le, moussu, que le saurets. — Dis-moi, Nanon, qui est dans ce vert bocage ? — Y aura un fat, moussu, quand y sirets. — Nàni, moussu, crégni pas le sourelh. — Entrons, Nanons, dedans ce vert bocage. — Je voudrais bien avoir ton coeur en gage. — N'èi un berge, jour le gàrdi per el. — De ton berger le bonheur est extrême. — Dichats ll'esta, se crets pas malurous. — Je t'aimerais encor plus qu'il ne t'aime. — Et jou, moussu, que l'aimi mes qu'à bous. — Je n'aime pas les belles demoiselles. — Ni jou, moussu, les fadots courtisans. — Je préfère les simples pastourelles. — E jou, moussu, les goujats de paysans. — Le bon paysan doit travailler la terre. — E bous, moussu, fasets que passeja. — Viens avec moi, ainsi tu pourras faire. — Jou boli pas, moussu, flandrineja. — Je n'aime pas ta soupe de bergère. — Ni jou, moussil, toutis bostris poulets. — J'aime mieux une soupe plus légère. — E jou, moussu, un toupi de caulets. 246 SOCIÉTÉ D'HISTOIRE ET D'ARCHÉOLOGIE DU GERS — Qui t'a appris à répondre, bergère ? — E bous, moussu, ount abets estudiat ? — C'est au château de mon très noble père. — E jou, moussu, en gardant le bestiat. — Pourquoi, la belle, es-tu si rigoureuse ? — E bous, moussu, perqu'èts tant amourous ? — Je veux, Nanon, un jour te rendre heureuse. — E jou, moussu, que me trufi de bous. — Coeur de rocher, inhumaine tigresse ! — Brabe moussu, brico m'estounarets. — Jusqu'au tombeau ta cruauté me blesse. — S'aco bous plai, moussu, donne mourisquets ! — Meurs donc, mon coeur, la bergère l'ordonne. — Nàni, moussu, que y a tems per mouri. — Je sens la mort qui vient et me tortionne. — Nou y a pas mal que n'se posque gari. » Vivez amants, vivez dans l'espérance On ne prend point la ville dans un jour; On vient à bout par la persévérance Du coeur le plus éloigné de l'amour. [Foix, Gascogne, Languedoc.] Var. — 4. U gros lourdâ... l'aura bel porc... — 5. Veux-tu venir, Nanon, sous cet ombrage ? — 8. Qn'èi un berge qui n'a pas soun parelh. — 9. Heureux berger, son... — 16. ...lou hilh d'u bon paysa. — 20. pendardeja. — 21 Je n'aime pas toutes ces bonnes chères. — 24. ...u bou plat... — 25. Qui t'a appris à me si bien répondre ? — Que te sert-il d'être tant... — 31. Si je le suis, c'est pour... — 34. ...digat ço qui boulhats. — E donne, moussu, mouriats be quoand boulhats. — 37. ... ta Sylvie te... — 38. Attendets, moussu, ... — 39. Je sens déjà la mort qui me désole — 43. Mais on prend bien... — 44. Les coeurs les plus éloignés... Trad. — Apprenez-le, monsieur, vous le saurez. — Il y aura un sot, monsieur, quand vous y serez. *** — Nenni, monsieur, je ne crains pas le soleil. — J'ai un berger, je le garde pour lui. — *** — Laissez-le en repos, il ne se croit pas malheureux. — Et moi, monsieur, je l'aime plus que je ne vous aimerais. *** — Ni moi, monsieur, les fats courtisans. — Et moi, monsieur, les garçons des paysans. *** — Et vous, monsieur, ne faites que vous promener. — Je ne veux pas, monsieur, paresser. *** — Ni moi, monsieur, tous vos poulets. — Et moi, monsieur, un toupin de choux. *** — Et vous, monsieur, où avez-vous étudié ? — Et moi, monsieur, en gardant le bétail. *** — Et vous, monsieur, pourquoi êtes-vous tant amoureux ? — Et moi, monsieur, je me moque de vous. *** — Mon bon monsieur, vous ne parviendrez pas à m'éblouir. — Si cela vous plaît, monsieur, mourez donc ! *** Nenni, monsieur, il y a temps pour mourir ! — Il n'y a point de mal qui ne se puisse guérir. La pastourelle dialoguéc de la sorte entre la bergère et un soupirant de qualité, est universellement répandue de la Méditerranée à l'Océan. La leçon reste partout TROISIÈME ET QUATRIÈME TRIMESTRES 1930 247 la même, si les variantes en sont multiples. D'ailleurs, ce genre ne date point des XVIIe et XVIIIe siècles, comme la forme poétique pourrait le donner à penser c'est là, au contraire, l'un des plus probants exemples des revêtements successifs que subit tout texte populaire, parallèlement aux transformations de la langue même. Vers le premier tiers du XIIe siècle, la pastourelle existait déjà dans le Midi de la France. Les plus anciens troubadours la cultivèrent précieusement. Et voici, témoignage du temps, un archaïque verset qu'on peut rapprocher du couplet similaire qui se retrouve, analogue sinon identique, dans plusieurs de nos poésies De ces chansons ainsi dialoguées, les plus connues sont Belle bergère, sur le champ et Dis-moi, Nanon, le non de ton village. Notons encore que la bergère répond toujours en dialecte d'oc à son interlocuteur qui lui parle en français. La leçon de Bonjour, belle bergère fait seule exception le texte de la première version est tout entier en français ; celui de la seconde en catalan. Toute pastourelle, quelle qu'elle soit, peut-être considérée comme un chant de travail des pasteurs et pastoures conduisant ou paissant le bétail. Mais, sans compter toutes les pastourètes ou bergères ressortissant par leur sujet à des catégories différentes et que néanmoins chantent les bergers, le nombre des chansons qui leur sont propres doit être complété par celles qui ont été, bien que traitant spécialement de leurs moeurs, classées dans d'autres chapitres que celui-ci. Les chansons d'amour, notamment, en renferment quelques-unes de hautement représentatives du genre pastoral. Parmi les pièces écartées de ce recueil, on retiendra les titres suivants La Filho del Pastou; Bergère, vous n'êtes pas sage; Là-bas dans la prairie et Le Petit Panier blanc — conformes aux versions antérieurement recueillies dans les Alpes; Si j'étais hirondelle ; Tout le long de la Rivière variante de L'Occasion manquée ; La Bergère et le Chasseur; Adieu, bergerette; Bonjour bergère; Il y avait une bergère — ces quatre dernières brodant la trame chansonnière de la Bergère et le Monsieur ou de La Bergère et le Gentilhomme. A suivre. 248 SOCIÉTÉ D'HISTOIRE ET D'ARCHÉOLOGIE DU GERS LE GERS PENDANT LA RÉVOLUTION PAR M. BRÉGAIL. Suite Période de la Législative. I. — Travaux du Directoire et du Conseil général. Organisation intérieure du département. — Durant le dernier trimestre de l'année 1791 le directoire du Gers s'occupe de parfaire l'organisation de ses services administratifs et de fixer le traitement de ses employés séance du 1er octobre 1791. Le département reste divisé en six districts Auch, Lectoure, Condom, Mirande, et l'Isle-Jourdain mais le nombre des cantons et des communes a notablement varié depuis l'année précédente 53 cantons au lieu de 45 ; 712 communes au lieu de 952. La superficie totale du département est de 418 lieues carrées ; il compte 310 784 habitants, parmi lesquels citoyens actifs et 518 électeurs. Le principal des contributions foncière et mobilière s'élève à 3 millions livres environ, non compris les sous additionnels " perçus par les districts et par les communes pour subvenir à leurs dépenses particulières 122. Dès le mois de mars, le directoire s'est installé avec tous ses bureaux au palais archiépiscopal dans lequel sont également transférés tous les services administratifs et judiciaires, la gendarmerie et la maison d'arrêt. La salle des séances du conseil général est ornée des portraits de Louis XVI, de La Fayette et de Bailly. L'évêque constitutionnel et son séminaire occupent les locaux de l'ancien collège lycée actuel et le collège est transféré au séminaire de la rue de l'Oratoire. Séance du 28 octobre 1791. Dans sa séance du 5 octobre 1791 le directoire arrête que la nouvelle constitution sera solennellement proclamée le di122 di122 Contitutionnel du Gers, N° 1 du 14 juillet 1792. TROISIÈME ET QUATRIÈME TRIMESTRES 1930 249 manche 23 octobre par les officiers municipaux dans toutes les communes du département. Des réjouissances publiques auront lieu le même jour. Des élections ont lieu pour nommer les administrateurs des districts. Le directoire annule celles du district de l'IsleJourdain parce qu'elles n'ont pas été conformes à la loi. 4 octobre 1791. Les conseils de district sont convoqués pour le 15 novembre 1791 et le conseil général du département pour le 1er décembre de la même année. La session du conseil général dure un mois ; dès les premiers jours il est procédé à l'élection du directoire qui se trouve ainsi composé Moysset, président, Deguilhem, Lantrac, Paris-Lasplaigne et Ratbie, membres. Le 4 décembre, à dix heures du matin, une délégation du conseil général assiste à une cérémonie organisée à Auch par la " Société des Amis de la Constitution » pour rendre des honneurs publics à la mémoire de Mirabeau. Le buste du célèbre tribun est promené dans toute la ville suivi d'un long cortège où prennent rang tous les corps constitués, la société populaire, et de nombreux citoyens et citoyennes. Le buste est ensuite transporté dans une salle de l'Hôtel de Ville où il reste exposé aux regards du public. Au cours de sa longue session le conseil général étudie les matières que la loi soumet à ses délibérations traitement des ecclésiastiques, recouvrement des impositions, maintien de là tranquillité publique, confection des rôles des contributions, travaux publics, ateliers de charité, dépôts de mendicité, bien nationaux, subsistances, etc. Un citoyen d'Auch, Alexandre Ladrix, dépose sur le bureau un projet destiné à rendre le Gers navigable. Au sujet des impositions, un administrateur déplore l'aveuglement et l'inconséquence des contribuables qui, enflammés d'amour pour la patrie négligent de s'acquitter envers elle de la dette la plus sacrée. » Séance du 11 décembre 1791. Et cependant le conseil général manque de ressources pour satisfaire aux besoins de l'administration départementale. A la date du 10 décembre 1791 il décide l'envoi d'une adresse à l'assemblée 250 SOCIÉTÉ D'HISTOIRE ET D'ARCHÉOLOGIE DU GERS nationale pour lui demander une part des fonds destinés à venir en aide aux départements dont les recettes sont insuffisantes. Les assignats et la monnaie. — Le défaut de petite monnaie provoque une gêne considérable, le papier monnaie créé par la Constituante ne comportant que des billets de 1000 et 500 livres. On en fait bien ensuite de 60 livres puis, plus tard encore de 5 livres, mais cela ne suffit pas. Lorsque les cours des assignats devient forcé, le numéraire se faisant de plus en plus rare, les opérations commerciales deviennent très difficiles ; faute de monnaie divisionnaire les objets de minime valeur ne peuvent être acquis. Pour remédier à ce regrettable état de choses le directoire du Gers prescrit aux districts de faire descendre les cloches des églises une par église et de les faire transporter à l'hôtel de la Monnaie, à Pau. Or, à la fin de l'année 1791, le directeur de cet établissement n'a pas encore livré en échange une seule pièce de monnaie ; en présence de ce manquement le conseil général décide qu'on écrira à l'Assemblée Nationale pour lui exposer le besoin urgent de petite monnaie et la prier de donner des ordres pressants à Souton, directeur de la Monnaie, à Pau 21 décembre 1791. Le besoin de numéraire est d'autant plus grand que le public s'habitue difficilement à user des assignats qui d'ailleurs perdent chaque jour de leur valeur nominale. Le 8 février 1792, le directoire arrête que les assignats ont cours de monnaie et que tous ouvriers, industriels et commerçants sont tenus de les accepter en payement. Plus tard, nous verrons apparaître les bons de confiance » ou " billets de confiance » destinés à suppléer au manque de petite monnaie. Dans toute la France il se crée des caisses dites de confiance, c'est-à-dire des comptoirs municipaux ou particuliers qui émettent des petits billets mais ces coupures étant locales n'ont de valeur qu'au lieu d'émission. Leur échange provoque parfois des agiotages scandaleux, aussi l'Assemblée Nationale interviendra pour interdire l'usage TROISIÈME ET QUATRIÈME TRIMESTRES 1930 251 de ces valeurs locales et elle fera établir des assignats de 50 sous, 15 sous, 10 sous et 2 sous. Les subsistances. — Comme dans tous les autres départements méridionaux la récolte en grains, a été déficitaire en 1791, aussi importe-t-il de remédier d'urgence à une situation susceptible d'amener des troubles graves, la faim étant souvent une mauvaise conseillère. Aussitôt après la moisson le directoire a fait opérer un recensement général de tous les grains, recensement qui a donné en substance les résultats suivants District de l'Isle-Jourdain. — La récolte quoique très modique permet d'atteindre la récolte de 1792. District de — Il s'en faut d'un mois que les provisions puissent mener à la récolte prochaine. District de Condom. — La récolte est inférieure d'un tiers à la normale ; elle ne peut assurer la consommation que jusqu'en septembre. District de Mirande. — La récolte atteint à peine la moitié du produit d'une année moyenne. District de Nogaro. — Les grains récoltés ne peuvent assurer la subsistance de la population que pour trois mois environ. District d'Auch. — La récolte n'offre que la moitié de la production d'une année ordinaire. Au mois d'août lorsque le recensement est terminé, le directoire rend compte à l'Assemblée Nationale et au roi d'une situation d'autant plus critique qu'elle est commune aux départements circonvoisins. Mais les besoins étant très pressants, dès le mois de septembre, il décide, sous sa propre responsabilité, de constituer un approvisionnement de sacs de grains et de prendre résolument dans les caisses publiques les fonds nécessaires à cet achat. Des commissaires se sont déjà mis en route pour acheter ces sacs de grains SOCIETE D HISTOIRE ET D' ARCHEOLOGIE DU GERS lorsque le ministre de l'Intérieur, par lettre du 6 octobre 1791, annonce qu'un décret de l'Assemblée Nationale du 18 septembre a mis à sa disposition une somme de 12 millions pour être prêtés aux départements ayant besoin d'être secourus. Et le ministre ajoute que les achats de grains faits isolément par les départements présentent des inconvénients et qu'il est préférable de faire des achats de grains en masse et de les distribuer entre les départements proportionnellement à leurs besoins ». Le 9 décembre 1791 le directoire suspend ses achats particuliers et décide de constituer à Auch des stocks importants de grains avec le concours de l'Etat et au moyen des fonds prêtés par lui. En conséquence le 21 du même mois, il prescrit à toutes les municipalités de recevoir des particuliers les demandes de grains. Les intéressés doivent s'engager à payer comptant le tiers du prix de la quantité demandée, les deux autres tiers étant payables dans le courant de septembre 1792. Au vu de l'état général des demandes, le directoire doit répartir l'approvisionnement en grains entre les divers districts et proportionnellement à leurs besoins respectifs ; les districts à leur tour feront la répartition entre les communes de leur ressort et enfin les municipalités distribueront le grain entre les particuliers soumissionnaires au prorata de leurs demandes. De plus le directoire rappelle à tous ses administrés les dispositions des lois relatives à la libre circulation des grains et à la protection du commerce. Malheureusement son zèle et sa prévoyance n'empêcheront pas la disette des grains de se faire vivement sentir et de faire naître un sourd mécontentement Le 27 juillet 1792 les officiers municipaux d'Auch viennent lui déclarer que la commune n'est approvisionnée ni de farine, ni de blé. Autorisation leur est accordée d'opérer des recherches chez les citoyens suspects d'avoir accaparé des grains. Ces recherches ne produisent pas de résultats ; la ville n'ayant plus de subsistances que pour deux jours on est obligé d'en aller acheter à Toulouse. TROISIÈME ET QUATRIÈME TRIMESTRES 1930 253 Organisation judiciaire. — Simplement ébauchée en 1790 l'organisation de la justice se poursuit au cours de l'année 1791 Au début de 1792 toutes les justices de paix fonctionnent et des tribunaux de district sont installés dans les villes suivantes Auch, Condom, Lectoure, Plaisance et Mirande. Toutefois le tribunal criminel reste encore à créer. Aux termes de la loi il aurait dû entrer en activité dès le 1er janvier 1792, mais diverses circonstances ne l'ont pas permis. Un arrêté du directoire fixe au 3 février la date de son installation définitive. Séance du 11 janvier 1792. Son siège est à l'ancien palais du sénéchal. On n'ignore pas que ce tribunal comprend trois juges indépendamment du président et que ces trois magistrats sont fournis chaque trimestre à tour de rôle par les tribunaux de district. Par un second arrêté le directoire donne les instructions nécessaires pour l'établissement de la liste des jurés de jugements 10 février 1792 ; de plus il fixe l'indemnité à accorder aux témoins en raison de la distance qui sépare leur domicile du siège du tribunal criminel, soit 20 sous par lieue 12 février 1792. Le nombre toujours plus considérable de détenus, oblige le directoire à s'occuper des prisons Déjà dès le mois de mars 1792 elles ne suffisent plus à recevoir les nombreux prisonniers qu'on y amène. A Auch, on ne dispose que des prisons du ci-devant sénéchal lesquelles sont absolument insuffisantes. Les infortunés prisonniers y sont entassés les uns sur les autres dans des locaux étroits, humides, sombres et mal aérés. L'air qu'on y respire est si infect que les commissaires chargés de la surveillance de ces prisons redoutent d'y entrer lors de leurs visites. Le directoire cherche un remède à cette situation déplorable. A la date du 25 mars 1792, il décide que le dépôt de mendicité ou maison de force servira de lieu de réclusion pour les condamnés de la police correctionnelle 123. Mais de nombreuses évasions démontrent bientôt que cet immeuble ne peut être utilisé comme maison de détention. Il est désaffecté par le directoire qui décide 123 Le dépôt de mendieié était établi sur la rive gauche du Gers, sur l'emplacement occupé par la partie sud de la caserne Espagne, 254 SOCIÉTÉ D'HISTOIRE ET D'ARCHÉOLOGIE DU GERS d'installer provisoirement une nouvelle prison dans la partie du palais épiscopal désignée sous le nom de vieux château » et situé au sud de la tour des Archives sur l'emplacement actuel de la place Salinis et en bordure de la balustrade de l'escalier monumental. L'évêque Barthe proteste car il voudrait installer le séminaire dans cette partie de son palais mais le directoire passe outre séances des 25 mars, 16 et 17 avril, 21 juin 1792. Le citoyen Bégué, ingénieur du département, entreprend sans délai les travaux d'appropriation et il fait acheter à Toulouse les fers destinés à la construction des grilles. Si nous en croyons le Journal Constitutionnel du Gers » N° du 21 juillet 1792, la nouvelle prison installée à l'évêché reste encore insuffisante Dans un siècle, écrit-il, où le mot humanité est sur toutes les lèvres, on voit dans la ville d'Auch des fonctionnaires publics occuper des logements somptueux qui paraissent plus propres à servir d'asile à la mollesse et à la sensualité des sybarites qu'aux dignes élus du peuple. Allusion à l'habitation de l'évêque Barthe. Non loin de ce séjour de délices et de volupté, l'on voit aussi des cachots souterrains, infects, malsains, séjour de ténèbres et de douleurs, où sous des traits défigurés, environnés d'un air qui ne se renouvelle jamais, rongés vivants des mêmes insectes qui dévorent les cadavres, des hommes, nos semblables, gémissent entassés les uns sur les autres dans un espace très resserré. Soixante-trois prisonniers de l'un et de l'autre sexe sont amoncelés dans un local qui n'a pas neuf cannes carrées de surface. Parmi ces malheureux, il n'en est pas un seul que la loi menace de perdre la vie et tous cependant peuvent trouver la mort dans ces foyers de corruption et de méphitisme.... O douleur ! il existe des innocents au milieu de ces infortunés ! » L'instruction publique. — En matière d'organisation de l'enseignement public, l'Assemblée Législative comme la Constituante n'avait fait que préparer des rapports et des projets de décrets sans les discuter ni les voter. Aussi pen- TROISIÈME ET QUATRIÈME TRIMESTRES 1930 255 dant les années 1791 et 1792 il n'y eut d'autre changement que la désorganisation de quelques écoles de l'ancien régime, lesquelles étaient dirigées en général par des ecclésiastiques. L'état de la législation scolaire ne répondait plus aux nécessités du moment et des difficultés se produisaient chaque jour tantôt dans une école, tantôt dans une autre. Certaines municipalités exigeaient que les religieux qui donnaient l'enseignement se soumissent à la loi du serment ; comme la plupart d'entre eux s'y refusaient l'école se fermait et ne se rouvrait plus faute de maîtres. A Auch les ecclésiastiques employés au collège refusèrent d'une manière catégorique le serment civique exigé des instituteurs et des professeurs par le décret du 27 novembre 1790 et par la loi du 17 avril 1791. Dans l'impossibilité de pourvoir à leur remplacement les administrateurs furent obligés de céder en gémissant » et de tolérer que des prêtres non assermentés continuent à donner provisoirement l'éducation aux élèves du collège. Cependant, l'un des professeurs, l'abbé Bonassies, ayant donné sa démisssion pour ouvrir un établissement particulier, crut pouvoir refuser le serment civique sous prétexte qu'il n'était plus fonctionnaire et qu'il ne tiendrait ses élèves que de la confiance des familles. Le procureur-généralsyndic réfuta cette prétention et le conseil général arrêta " que tous, répétiteurs, maîtres de pension, instituteurs de l'un et de l'autre sexe, quelle que soit leur dénomination, qui voudront avoir plus de quatre élèves, seront obligés de se faire autoriser par la municipalité du lieu et, en cas d'autorisation, de prêter le serment civique prescrit par la loi. » 21 décembre 1791. D'un autre côté beaucoup de pères de famille invoquaient le droit exclusif de diriger à leur gré l'éducation de leurs enfants et des les confier à des maîtres non assermentés si telle était leur volonté. Pour faire disparaître ces incertitudes et ces fluctuations de l'opinion, il était urgent de faire cesser le silence de la loi et d'établir un système général d'éducation. 255 SOCIÉTÉ D'HISTOIRE ET D'ARCHÉOLOGIE DU GERS II. — La Politique. Les partis. — A la fin de l'année 1791 tous les dirigeants du mouvement révolutionnaire paraissent sincèrement attachés à la constitution monarchique qui a été proclamée dans le département de la manière que l'on sait. Aucun d'eux ne laisse encore percer ses tendances républicaines ; par contre il en est beaucoup qui désireraient le raffermissement de l'autorité royale. L'attitude hésitante des administrateurs du Gers se manifeste en particulier dans la séance du conseil général du 19 décembre 1791. On n'ignore pas. qu'à la date du 29 novembre précédent, l'Assemblée Législative a décrété que les ecclésiastiques ayant refusé d'adhérer à la constitution civile du clergé seront tenus de prêter dans la huitaine le serment de fidélité à la nation, à la loi et au roi sous peine d'être privés de leurs pensions et considérés comme suspects. Or, le roi, encouragé par le directoire du département de Paris a refusé de sanctionner le décret. En présence de ces événements un membre du conseil général du Gers demande à l'Assemblée départementale qu'il soit délibéré sur l'étrange démarche des administrateurs parisiens et qu'une adresse soit envoyée à l'Assemblée Nationale pour lui exprimer les sentiments qu'elle jugera convenables dans ces conjonctures » Le conseil général prononce l'ajournement de cette motion délicate », lit-on dans le procès-verbal Vers le milieu de l'année 1792 et notamment après la fameuse journée du 10 août trois partis se constituent peu à peu au sein du conseil général Certains administrateurs tels que Saint-Pierre, Dutoya, Pugens, Dareix, Batbie, entendent l'ester inébranlablement attachés à la constitution monarchique ; ils représentent l'élément modéré ; d'autres qui se qualifient de patriotes ne prennent point souci d'observer la constitution et sont partisans des mesures révolutionnaires ; ils sont les plus nombreux ; à leur tête se trouvent des hommes intelligents, énergiques, résolus tels que Lantrac, Barbeau-Dubarran, Gros, Dieulouhec, Deguilhem. Un autre groupe est constitué par des hommes hésitants, timorés ou TROISIÈME ET QUATRIÈME TRIMESTRES 1930 257 qui pencheraient volontiers du côté de la contre-révolution ; ils flottent apeurés entre les deux partis précédents. Quelques-uns d'entre eux comme Dasté, Benquet et Despeaux démissionneront ; d'autres, comme Lahitte, iront rejoindre les émigrés. La presse. — Sous le titre de Journal constitutionnel du département du Gers » le 14 juillet 1792, paraît le premier organe politique qui ait existé dans le Gers. Il paraît deux fois par semaine et s'imprime à Auch chez le citoyen Lacaze. Comme son nom l'indique ce journal est avant tout le défenseur de la constitution L'instant où nous prenons la plume, écrit le rédacteur dans son premier numéro, est environné de troubles et de danger. Les ennemis du dehors menacent notre liberté ; les factieux du dedans veulent déchirer la France et l'unique point où ils se réunissent tous c'est la ruine de la constitution. Oui, la ruine de la constitution, car, la changer c'est la détruire ; en retrancher ou y ajouter quelque chose c'est la violer. La chute d'une seule pierre de cette voûte qui soutient l'Etat, opère l'ébranlement de toutes les autres et présage l'écroulement de l'édifice ». Ce même jour du 14 juillet 1792 la fête de la fédération est brillamment célébrée à Auch où sont accourus de toutes les communes du département gardes nationaux ; l'évêque constitutionnel Barthe y, célèbre la messe et une rosière, dotée par le département est épousée sur l'autel de la patrie. Le Journal constitutionnel » proteste énergiquement contre le caractère religieux donné à cette fête Pourquoi, dit-il, faire intervenir dans une solennité civique le ministre d'une religion quelconque ? N'est-ce pas faire revivre les privilèges proscrits par la constitution puisque tous les cultes étant égaux à ses yeux on ne peut favoriser l'un sans exclure les autres ». Ces libres critiques déplurent aux administrateurs du département qui, pour la plupart, subissent l'influence de l'un d'eux l'évêque Barthe ; aussi par leur ordre un numéro du 17 258 SOCIÉTÉ D'HISTOIRE ET D'ARCHÉOLOGIE DU GERS journal est brûlé publiquement 8 août 1792, puis, à partir du douzième numéro, il est contraint de cesser de paraître. Incinération de titres de noblesse. — Par application des lois en vigueur, dans sa séance du 3 août 1792, le conseil général décida que le lendemain 4 août serait solennellement célébrée la fête du brûlement des titres probatifs de noblesse, des côtes de dîmes ainsi que des parchemins relatifs aux droits seigneuriaux et aux corporations supprimées ». Cette fête eut lieu à Auch vers six heures du soir sur la place de la Liberté. Les volontaires nationaux, la gendarmerie et un escadron du 5e régiment de cavalerie formèrent un vaste carré à l'intérieur duquel virent se ranger le conseil général, les administrateurs du district, la municipalité, le tribunal du district et le tribunal criminel. Des documents en nombre considérable furent apportés au pied de l'arbre de la Liberté et on en fit un immense bûcher auquel on mit le feu. Lorsque les tourbillons de flammes emportaient dans les airs quelques lambeaux de papier non consumés, des sentinelles avaient ordre de poursuivre de la pointe de la baïonnette ces déserteurs d'un nouveau genre pour les ramener au foyer commun. A l'occasion de cet autodafé le conseil général arrêta que les armoiries peintes ou sculptées des édifices publics seraient grattées ou barbouillées en telle sorte que ces signes de supériorité d'un homme sur un autre homme soient enlevés sans nuire à la beauté des édifices ». Séance du 4 août 1792. A Auch, les commissaires désignés pour procéder au triage des papiers dans les dépôts publics, déclarèrent qu'ils avaient trouvé un arrêt rendu en 1518 par le parlement de Toulouse, condamnant six habitants de la cité d'Auch à être fouettés jusqu'à effusion de sang pour avoir manqué de respect au cardinal François de Clermont, alors archevêque dans cette ville. Cet événement était d'ailleurs commémoré par une inscription gravée sur une pierre du palais archiépiscopal située au-dessus de la porte du concierge. Sur la réquisition du procureur-général-syndic le conseil général ordonna que l'inscription serait détruite. TROISIÈME ET QUATRIÈME TRIMESTRES 1930 259 Journée du 10 août 1792. — Le 14 août, on connaît à Auch les événements qui ont précédé la déchéance du roi. Le décret de l'Assemblée Nationale, convoquant une Convention et déclarant traître à la patrie celui qui abandonnerait son poste ou ses fonctions, a été apporté par un courrier extraordinaire. Les révolutionnaires gersois, loin de désavouer le 10 août adhérèrent avec enthousiasme à l'acte si grave qui venait de s'accomplir. Le 15 avril, le directoire fit célébrer une fête en l'honneur de la suspension du roi et de la proclamation des actes du corps législatif. Huit jours après il fait célébrer une cérémonie funèbre à la mémoire des insurgés parisiens, marseillais et brestois morts pour la patrie dans la journée du 10 août ». Enfin les portraits de Louis XVI, de La Fayette et de Bailly sont enlevés, par ordre du directoire, de la salle des séances du conseil général ; de plus, des ordres sont donnés pour faire gratter l'effigie du roi sur la pierre du cachot de la Bastille, envoyée par Palloy au département dans le courant de décembre 1790. Séance du 24 août 1792. Impopularité de La Fayette. — Le général La Fayette ayant qualifié les Jacobins de factieux, les sections de Paris invitèrent brutalement l'Assemblée législative à le décréter d'accusation. La société populaire d'Auch se solidarisant avec les sections de Paris, demandait, elle aussi, le décret d'accusation contre La Fayette. A cette époque le club auscitain devenu très actif avait affilié la plupart des autres clubs du département et dirigeait l'opinion. Après le 10 août, il avait changé de dénomination les Amis de la Constitution » étaient devenus la Société des Amis de la Liberté et de l'Egalité ». En dépit de la pression des sociétés populaires, dans sa séance du 8 août l'Assemblée législative refusa le décret d'accusation contre La Fayette par 406 voix contre 224 et les députés du Gers se rangèrent tous parmi les 406 opposants. Leur vote provoqua contre eux une violente irritation. A la date du 24 août, la société populaire décida de leur écrire pour les sommer de s'expliquer Messieurs, leur dit-elle, livrons à la honte et à la flétrissure de l'opinion publique, les 260 SOCIÉTÉ D'HISTOIRE ET D ARCHÉOLOGIE DU GERS lâches qui, après avoir roté pour La Fayette ont déserté la séance du 10 août, dont on leur avait peut-être annoncé le danger... » Etes-vous de ceux-là, ajoute-t-elle en substance ? Avant de vous condamner, la société a résolu de vous entendre ; elle voudrait pouvoir vous rendre justice et sauver le département du Gers de l'humiliation de vous compter parmi les députés qui ont voté pour La Fayette et qui n'ont pas assisté à la séance du 10 août où l'on devait agiter l'intéressante question de la déchéance du roi, séance qui, n'en doutons pas, sera, retracée en traits de flamme dans les fastes de notre révolution.. » Nous connaissons la réponse du député Barris à la société populaire ; elle est datée du 8 septembre 1792 " Oui, Messieurs, écrit-il, je n'ai pas voté pour le décret d'accusation proposé contre La Fayette... On proposait contre lui un décret d'accusation, et, sans amendement, il fallait l'adopter ou le rejeter. Or, un décret d'accusation devait le conduire devant les tribunaux; il devait le soumettre aux formes rigoureuses d'une instruction dont le résultat devait être un jugement, c'est-à-dire l'application d'une loi préexistante au délit qui aurait servi de base à l'accusation... J'ai mûrement réfléchi toutes les inculpations présentées contre ce général, j'ai rappelé toutes les lois et je n'ai vu aucun fait prouvé auquel la haute cour nationale put jamais appliquer une peine prononcée par notre code pénal. Je le jure, messieurs, ce n'est pas un individu que j'ai voulu conserver, c'est la sainteté des principes que j'ai voulu conserver.... " Je passe à la journée du 10... Non, messieurs, vous n'avez pas pu croire, vous n'avez même pas pu soupçonner qu'un de vos représentants, un de vos compatriotes, fut tout à la fois un lâche, un traître, un parjure. Messieurs, je suis arrivé le premier' au lieu des séances de l'assemblée nationale dans la nuit du 9 au 10 les portes n'en étaient pas encore ouvertes, j'ai couru chez mes collègues, j'en ai l'assemblé plusieurs. A quatre heures du matin, tout était tranquille, je suis revenu chez moi. Deux heures après la générale a battu ; je suis rentré dans l'assemblée nationale et j'y ai demeuré jusqu'à TROISIÈME ET QUATRIÈME TRIMESTRES 1930 261 une heure de la nuit du 10 au 11. J'ai vu tous les dangers, je les ai tous partagés ; j'ai coopéré à tout ce qu'a fait l'assemblée... Lorsque le combat a été engagé avec le pouvoir exécutif, lorsqu'il a fallu vaincre ou être esclave, pour lors, messieurs, j'ai su comme les autres être impétueux et violent. Etranger à tous les partis, ennemi de toutes les factions je n'ai cherché que l'intérêt du peuple. » Sources et Bibliographie. Archives du Gers. — Provès-verbaux des séances du Conseil général. L. 114. Id. . — Journal constitutionnel du Gers. G. BRÉOAIL. — La presse périodique dans le Gers pendant la Révolution. — Auch, 1922. — Imprimerie Cocharaux. III. — L'Agitation contre-révolutionnaire. Troubles religieux. — Se fondant sur la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen » la législative, par son décret de tolérance du 7 mai 1791, autorise les prêtres non assermentés à dire la messe dans une église paroissiale ». Ils peuvent encore célébrer le culte dans les églises appartenant à des sociétés particulières à la condition qu'une inscription sera apposée à l'entrée pour en indiquer l'affectation. Dans les principales villes du département, les prêtres réfractaires n'usent guère de la permission d'officier dans les églises paroissiales ; ils préfèrent de beaucoup officier dans des édifices spéciaux. Mais, dans les nombreux bourgs et villages du Gers où il n'existe qu'une seule église, le prêtre réfractaire et le prêtre constitutionnel y célèbrent la messe tour à tour et s'y trouvent en contact. Plus de paix possible, le conflit est fatal. Les querelles violentes se multiplient et font présager la guerre civile. Les paroisses les plus calmes sont celles qui restent sans curés. A Estang, le curé réfractaire et son vicaire Lacomme cherchent à soulever la population contre le prêtre constitutionnel Olivier Baylin et des scènes scandaleuses se. produisent entre eux au sein du temple. Même antagonisme à Biran entre le curé constitutionnel et l'ancien vicaire. Désemparés en présence de leurs affirmations contradictoires, 262 SOCIÉTÉ D'HISTOIRE ET D'ARCHÉOLOGIE DU GERS les citoyens de cette commune imaginent de les faire discuter publiquement, or, les deux ecclésiastiques ne parviennent pas à se convaincre et les querelles continuent plus âpres que jamais. Au cours du premier trimestre de l'année 1792 l'agitation redouble de violence. Les administrateurs du district de l'Isle-Jourdain dénoncent l'attitude du prêtre Daries ex-curé de Saint-Georges et celle de son vicaire ; l'un et l'autre ont déclaré publiquement, à maintes reprises qu'ils ne veulent reconnaître aucun décret de l'assemblée nationale ». Par suite de leur action politique et religieuse leur commune devient un centre d'agitation contre-révolutionnaire. Tous les dimanches, Griffolet ex-curé de Sarrant et ses trois anciens vicaires viennent célébrer la messe accompagnés processionnellement par une foule de fidèles. Les rassemblements sont si considérables que le conseil général du département craignant des désordres ordonne au juge de paix de Cologne de surveiller étroitement l'ex-curé de Saint-Georges et son vicaire. Au besoin il devra s'assurer de leur personne conformément à la loi du 29 septembre 1791. Enfin le conseil général décide que le procureur-général-syndic invitera les prêtres non assermentés de Sarrant à s'abstenir, dans l'intérêt de l'ordre public, de se faire suivre d'une nombreuse compagnie lorsqu'ils vont célébrer le culte dans la commune de Saint-Georges. Séance du 27 janvier 1792. A Mont-d'Astarac la population est tellement excitée contre les prêtres constitutionnels que Desplax, curé de cette paroisse est victime d'une tentative d'assassinat. Le 20 janvier 1792, à huit heures et demie du matin, comme il se rend de Mont-d'Astarac à Manent pour y exercer ses fonctions pastorales, il tombe dans une embuscade formée d'une vingtaine de personnes masquées et déguisées, dont deux sont armées do fusils. Un coup de feu le blesse et le jette à terre ; aussitôt ses agresseurs l'entourent et lui font subir toutes espèces de mauvais traitements ». Ses cris désespérés attirent plusieurs personnes et les auteurs de l'attentat prennent la fuite. L'affaire est portée devant le tribunal criminel qui les TROISIÈME ET QUATRIÈME TRIMESTRES 1930 263 condamne à mort par contumace à l'exception d'un seul 124. Le 11 février 1792, Gauran, procureur-syndic du district de Lectoure, et Lagrange, maire de cette ville, se rendirent à Auch et, déclarèrent au directoire que leur ville était en proie à tous les maux ; que la discorde suscitée par les prêtres insermentés pouvait se produire ; que ces ministres d'un Dieu de paix oubliant tous les principes, foulant aux pieds toutes les lois semblaient ne consacrer leur existence qu'à diviser les citoyens et à mettre aux prises le père avec le fils, le frère avrec la soeur, l'époux avec l'épouse ; qu'en se parant du préterte des opinions religieuses ils n'avaient d'autre but que de parvenir à soulever tous les esprits contre la constitution ; que le peuple enfin las d'un tourment aussi cruel risquerait de se porter à des partis qu'il importe de détourner ; que c'est pour prévenir de pareils malheurs que le district de Lectoure et la municipalité conjurent le département de prendre dans sa sagesse les moyens les plus actifs de rendre à cette ville le calme heureux dont elle jouissait avant ces moments de crise où des têtes fanatiques ont exécuté le plan affreux de jeter le trouble clans le royaume ». Le procureur-syndic du district de Lectoure avait bien dénoncé les agissements des prêtres insermentés au juge de paix, mais à sa grande surprise celui-ci se déclara incompétent. Le directoire délibéra longuement sur les faits dont il était saisi. Il les jugea susceptibles de provoquer une crise dangereuse qu'une bonne administration avait pour devoir de prévenir Non contants, dit-il, de tenir à des idées qu'on ne leur reprochera pas tant qu'elles ne troubleront pas l'ordre public, les prêtres insermentés veulent exercer sur les consciences une gêne tyranique et substituer l'empire de leur opinion à celui de la loi même ». Il fut arrêté que l'insouciance du juge de paix de Lectoure serait dénoncée au président du tribunal criminel. L'ex-curé de Lectoure et ses deux vicaires devraient s'éloigner à plus de quatre lieues de cette ville et seraient placés sous la surveillance de la municipalité de leur nouvelle résidence. Le directoire espérait que cette 124 Voir le Journal Constitutionnel du département du Gers » page 11. 264 SOCIÉTÉ D'HISTOIRE ET D'ARCHÉOLOGIE DU GERS mesure serait efficace et qu'en éloignant les prêtres non assermentés " du foyer dont ils faisaient partir des étincelles de division on éviterait une explosion générale ». Quelqu'un proposa d'étendre les dispositions de cet arrêté à tous les ecclésiastiques non assermentés, mais le directoire hésita, soucieux qu'il était de respecter la liberté individuelle. Pour' délibérer sur cette question il demanda aux administrateurs du district d'Auch et à la municipalité de cette ville, de se joindre à lui. Dans cette importante réunion il fut établi que les réfractaires intrigaient et semaient la discorde dans les villes et les campagnes sous prétexte de jouir de cette même liberté d'opinions religieuses dont jadis on les avait vus les plus ardents détracteurs et qu'ils n'étaient guère qualifiés pour invoquer attendu qu'ils avaient refusé de souscrire au pacte constitutionnel ». Certains administrateurs déclarèrent qu'il était notoire que des prêtres non assermentés baptisaient et mariaient clandestinement et que par suite ils privaient d'état civil toute une catégorie de citoyens crime atroce » et dont ils s'étaient assuré l'impunité parce qu'ils savaient le couvrir d'un voile mystérieux, impénétrable aux regards de la justice ». D'autres firent observer que les fonctionnaires ecclésiastiques non assermentés, du séminaire et du collège, avaient entraîné dans leur parti une jeunesse trop crédule et trop faible pour pouvoir leur résister et que c'était à eux qu'il falfait imputer " la désertion presque totale du collège et le ride effrayant du séminaire ». Enfin le directoire considéra que des excès avaient été commis contre les prêtres constitutionnels et qu'il était du devoir de l'administration de les protéger et de faire cesser au plus tôt une agitation dangereuse qui tendait à se généraliser sur tout le territoire du département. Pour tous ces motifs le directoire arrêta que la mesure prise contre les prêtres insermentés de Lectoure serait étendue à tous ceux du département. En conséquence tous les cidevant curés, vicaires et autres fonctionnaires ecclésiastiques TROISIÈME ET QUATRIÈME TRIMESTRES 1930 265 ayant refusé de prêter le serment civique devaient, dans le délai de quatre jours s'éloigner à plus de quatre lieues de leur ancienne paroisse. Séance du 11 février 1792 Mais le directoire pusillanime et flottant ne veilla pas à la stricte exécution de son arrêté qui resta, dans bien des communes à l'état de lettre morte. Les délits qui en avaient provoqué la rédaction se renouvelèrent comme précédemment, ainsi la municipalité de Justian dénonça au directoire l'ex-curé de cette paroisse, lequel déclamait non seulement dans ses propos particuliers, mais encore en chaire et publiquement entre la constitution de façon à alarmer les consciences et à troubler la paix dans les familles. » Séance du 25 mars 1792. Dans cette crise des consciences religieuses l'esprit public désemparé s'énervait d'une manière très dangereuse pour l'ordre public. Ainsi dans l'est du département, des patriotes surexcités, au nombre de six mille environ, avaient conçu le projet de se porter le dimanche 20 mai 1792 sur l'Isle-Jourdain et de détruire l'oratoire des non conformistes. Un détachement du cinquième régiment de cavalerie se trouvait déjà, dans cette ville pour maintenir la tranquillité. Or, à la date du 18 mai, le chef de ce détachement demanda du renfort à son colonel en prévision des événements annoncés. De son côté, la municipalité de l'Isle-Jourdain sollicitait du directoire l'autorisation de fermer l'église dont il s'agit. Celui-ci hésita un moment devant les responsabilités à prendre. Appelé à donner son avis, le procureur-général-syndic Barbeau - Dubarran lui-même, laissa percer ses' craintes. On décida de chasser de l'Isle-Jourdain deux prêtres insermentés mais, lorsque le directoire du district voulut faire exécuter cet arrêté, le peuple se souleva. Les administrateurs du district qui avaient failli être victimes de la fureur populaire menacèrent de démissionner si le directoire ne les autorisait pas à rassembler à l'Isle-Jourdain 200 gardes nationaux pris dans les cantons du district. Le directoire leur répondit que si c'était nécessaire il enverrait dans cette ville une des cinq compagnies de volontaires nationaux en quartier à Lectoure. Séance du 23 juillet 1792. Lorsque, en juillet 1792, le conseil général du Gers fut 266 SOCIÉTÉ D'HISTOIHE ET D'ARCHÉOLOGIE DU GERS convoqué en exécution de la loi du 8 du même mois déclarant la, patrie eu danger et qu'il se déclara permanent une des premières questions qui s'imposèrent à son examen fut celle des réfractaires. Ses membres, venus des divers points du département apportaient à ce sujet des renseignements susceptibles d'alarmer le conseil. Aussi dès les premières séances fut-il demandé une vigoureuse et sévère répression des " menées fanatiques " de ces prêtres. Un membre de l'assemblée déclara qu'à Auch, lors de l'élection des officiers municipaux, il avait vu des eclésiastiques prêter sans hésitation le serment civique contraire à leurs principes, dans le seul but de coopérer à cette élection et de nommer des représentants de leur choix, Un autre déclara que les réfractaires répandaient dans les campagnes une bulle du pape collationnée par Mgr La Tour du Pin Montauban et qui frappait d'excommunication les prêtres assermentés. Il est inadmissible ajoutait-il, " qu'on paye des pensions à de telles gens tandis que de brares militaires se trounent privés de la leur, eux qui prodiguent leur fortune et leur sang pour la patrie ». Un autre administrateur observa qu'on voulait imposer aux prêtres non assermentés l'obligation de se réunir au chef-lieu du département et que cette mesure était inconciliable avec la suppression de leur pension, suppression qui avait fait l'objet d'un décret, auquel le roi avait refusé sa sanction. La discussion sur les réfractaires se poursuivit du 20 juillet au 4 août 1792, mettant aux prises les éléments modérés et les éléments avancés du conseil général. Ces derniers l'emportèrent. Les orateurs de la minorité Pugens, Dutoya, Batbie, Saint-Pierre, Dareix tout en déplorant les " maux du fanatisme ", étaient opposés à toutes les mesures de répression proposées contre les réfractaires réduction de la pension, réunion au chef-lieu, du département sous la surveillance des autorités, etc.. parce qu'elles étaient contraires à la constitution. Les Jacobins de l'assemblée départementale étaient partisans de mesures répressives très sévères et. ils ne différaient d'avis que sur le choix des moyens 125. 125 et Juournal constutitionnel du Gers " des 1 et 8 août 1792 — pp. 20 et 30. TROISIÈME ET QUATRIÈME TRIMESTRES 1930 267 Cette longue discussion se termina le 5 août 1792 par le vote d'un arrêté » aux termes duquel les prêtres non assermentés devaient se rendre à Auch poure y résider sous la surveillance des autorités à moins qu'ils n'obtinssent de la. municipalité de leur commune un certificat attestant une conduite paisible ». Leur pension à tous était réduite à 500 livres. Un instant il fut question de pourvoir au remplacement des prêtres qui, après avoir prêté le serment civique, affectaient de ne pas reconnaître l'évêque du département mais on ajourna cette mesure parce qu'on la jugea impolitique » 7 août 1792. Quant aux réguliers, l'arrêté prescrivait la réunion au monastère de Saint-Mont de tous ceux qui avaient déjà été rassemblés dans les monastères de Condom et de Nogaro en vertu des arrêtés du directoire datés du 16 juin et du 3 juillet 1791. Or, le 11 août 1792, le procureur-général-syndic donna connaissance au conseil général d'un décret de l'assemblée législative duquel il résultait que les monastères de Condom, de Nogaro, de Saint-Mont devaient être mis en vente comme toutes les autres propriétés nationales. Par suite on dut surseoir à l'exécution des articles 17 et 18 de l'arrêté du 5 août et les religieux dont il s'agit durent continuer, jusqu'à nouvel ordre, de résider à Condom et à Nogaro. Une émeute à Auch. — En janvier 1792, la question religieuse avait provoqué à Auch une véritable émeute les prêtres non assermentés de cette ville avaient été autorisés à célébrer leurs offices dans trois chapelles qui leur étaient exclusivement réservées chapelle des carmélites, chapelle des ursulines du Chemin-droit et chapelle des ursulines de Camarade. Les fidèles y affluaient tandis que les églises paroissiales où officiaient les constitutionnels restaient presque vides. En présence de cet état de choses la municipalité jacobine ordonna aux religieuses de fermer leurs chapelles au public. Le directoire du département, en majorité modéré, s'émut de cette décision qui s'écartait, disait-il, des principes de cette tolérance religieuse tant recommandée par la constitution ». De leur côté les catholiques restés fidèles à l'ancienne église 268 SOCIÉTÉ D'HISTOIRE ET D'ARCHÉOLOGIE DU GERS se rassemblèrent en foule devant les portes des chapelles conventuelles, manifestèrent tumultueusement contre les officiers municipaux et réclamèrent impérieusement l'ouverture des portes. Les religieuses affolées ne savaient quel parti prendre et gémissaient de se trouver exposées à désobéir à la municipalité ou à essuyer la fureur du peuple ». Inquiet de cette violente agitation, le directoire fit une démarche pressante auprès de la municipalité pour la déterminer à rapporter son arrêté de fermeture des chapelles. Comme elle résistait, le procureur-général-syndic en autorisa la réouverture sous sa responsabilité personnelle. La municipalité vexée donna sa démission. Alors une partie de la population se souleva. Six cents citoyens se rendirent à l'Hôtel de Ville et protestèrent avec furie contre le directoire qu'ils accusaient d'avoir forcé la municipalité à démissionner. Ensuite les manifestants se rendirent en désordre à l'ancien hôtel de l'Intendance où résidait le directoire, forcèrent les portes en vociférant et envahirent la salle des delibérations elle-même » Bientôt, lit-on dans le procès-verbal de la séance 29 janvier 1792, la barre a été franchie et la salle a été remplie de citoyens aux regards farouches et aux gestes menaçants. Le procureur-général-syndic est monté sur le bureau pour haranguer cette tourbe ; le bruit empêchait qu'il ne fut entendu et lorsque le tumulte diminuait ce n'était que pour l'interrompre brutalement. M. Paris est un peu parvenu à se faire entendre quoique fréquemment interrompu par des reproches violents contre le département ; ils étaient pris non de l'ouverture des trois églises de religieuses, mais de la misère, de la famine à laquelle le directoire ne remédiait pas. M. Paris expliquait comment le directoire avait osé, pour soulager le peuple, acheter des approvisionnements avec les fonds du trésor national ; mais dans le moment il s'est établi une confusion et un mouvement extraordinaire dans la foule. " La nuit tombait ; le concierge voulait allumer les flambeaux ; il a eu peine à se débarrasser de ceux qui l'en voulaient empêcher ; il y est parvenu ; l'on a voulu renverser le TROISIÈME ET QUATRIÈME TRIMESTRES 1930 269 bureau sur lequel ils étaient posés. Cependant la foule se portait vers M. Lafitan. M. le procureur-général-syndic qui a vu les jours de son collègue menacés, l'a repoussée d'abord avec fermeté, et, en requérant force à la loi elle a été méprisée. Il s'est vu réduit à employer les prières, les larmes ; il s'est attaché au corps de M. Lafitan, il a réclamé le respect dû au magistrat. M. le procureur-général-syndic a reçu des coups ; des bras vigoureux l'ont serré pour l'empêcher de parler. Il n'était pas un membre du district qui ne voulut secourir M. Lafitan et pas un d'eux qui ne fut outragé, qui ne reçut des coups ou qu'on ne retint avec violence. M. Lafitan a été enlevé et M. le procureur-général-syndic est tombé dans des évanouissements et des convulsions qui ont duré jusqu'à 9 heures. Un des administrateurs du district d'Auch, M. Vidaillan était allé au conseil général de la commune instruire la municipalité de ce qui se passait et l'inviter à essayer le pouvoir de la loi sur le peuple mutiné qui souillait de sang le sanctuaire de l'administration. La municipalité avait répondu qu'elle avait donné sa démission et M. Vidaillan avait inutilement renouvelé ses instances. M. Vidaillan sortait lorsque M. Soubiran, procureur-syndic du district, s'est précipité, disant que le peuple entraînait M. Lafitan, le frappait et l'allait immoler ; que la municipalité n'était pas remplacée, qu'elle existait et qu'il la requérait, au nom de la loi, d'aller prévenir la consommation du crime ; qu'alors les officiers municipaux s'étant revêtus de leurs écharpes étaient allés dégager M. Lafitan et l'avaient pris sous leur sauvegarde. M. Lafitan a dit que dans la foule qui l'emmenait, il a été frappé du poing et du bâton, que, quoiqu'il voulut marcher, on l'avait traîné par les cheveux ; que, dans la salle même des séances, il avait été blessé au front de la pointe d'une épée dont il avait détourné le coup en haussant la main. Il a dit que le peuple l'avait suivi à la maison commune où les officiers municipaux l'avaient mis en sûreté ; qu'il leur avait inutilement demandé d'abord à parler pour justifier le directoire et lui... Les administrateurs se sont demandé ce qu'étaient devenus MM. Batbie et Tarrible, leurs confrères ; ils ont paru inquiets sur leur sort ; l'on a dit 270 SOCIÉTÉ D'HISTOIRE ET D'ARCHÉOLOGIE DU GERS qu'ils avaient été menacés et frappés ; qu'un des secrétaires du département avait dérobé et mené le premier dans sa maison et que le second après avoit été menacé par un enfant de douze ou treize ans d'un coup de couteau s'était trouvé entraîné par deux citoyens dans une maison voisine appartenant à un de ses parents auquel il l'avaient remis. » Ces violences avaient soulevé dans toute la ville d'Auch une émotion considérable. Le même soir, à onze heures, le directoire se réunit chez M. Lafitan, principale victime de l'attentat, pour examiner la situation. Après avoir longuement délibéré les administrateurs prirent l'arrêté suivant Remplis d'horreur pour les événements qui ont souillé dans cette journée le sanctuaire de l'administration, mais détournant nos regards des causes qui pourraient les avoir provoqués et croyant qu'il est de notre devoir de regarder la tempête comme si nous étions sur le rivage et comme si nous n'en étions pas battus ; résistant au penchant qui nous porte individuellement à nous démettre de nos places et, craignant de laisser les habitants de ce département, même ceux de la ville d'Auch, sans intermédiaire entre eux et le pouvoir exécutif, sans administrateurs, dans l'anarchie ; cherchant moins à mettre en sûreté nos jours qu'à rendre à l'administration le ressort et le lustre qu'elle vient de perdre et qu'elle ne saurait recouvrer dans une ville où elle vient d'être insultée, avilie ; nous arrêtons que par les mesures les plus promptes et les plus sûres, nous nous transporterons dans la, ville de Mirande pour en faire provisoirement le lieu de nos séances jusqu'à ce qu'il en soit autrement ordonné par l'Assemblée Nationale et le roi auxquels il sera envoyé par courrier extraordinaire copie de ce procès-verbal... que le détachement du 5e régiment de cavalerie se transportera à Mirande pour y demeurer à la disposition du directoire. Le bataillon drr 7e régiment d'infanterie restera dans la ville d'Auch à la disposition de la municipalité à laquelle il est fait injonction de veiller sous sa responsabilité à ce qu'il ne soit attenté ni aux archives, ni aux bureaux du département, ni aux greniers où sont enfermés les approvisionnements ». Dans la nuit M. Lafitan quitta la ville. Le lendemain 30 TROISIÈME ET QUATRIÈME TRIMESTRES 1930 271 janvier, les officiers municipaux vinrent conférer avec les membres du district et les administrateurs du directoire à l'exception de MM. Lafitan, Tarrible. et Batbie. Le peuple vint en foule se masser dans les galeries qui lui étaient réservées. Il encourageait de ses applaudissements le procureur de la commune et accueillait par des murmures ou de violentes protestations les paroles du procureur-général-syndic Barbeau-Dubarran. Le procureur de la commune déclara que le calme pourrait être rétabli à Auch aux conditions suivantes 1° Subsistances abondantes procurées à la commune ; 2° Cours facile donné aux assignats ; 3° Organisation de la garde nationale ; 4° Mesures tendant à assurer la fréquentation des foires et marchés ; 5° Maintien des ateliers de charité pendant toute la durée de l'hiver ; 6° Fermeture des églises non paroissiales ; 7° Envoi des cloches de ces églises à l'atelier de la monnaie ; 8° Inscription à l'état civil des baptêmes, mariages et décès célébrés dans les églises non paroissiales. Ces exigences caractérisaient l'état d'esprit de la population auscitaine dont le mécontentement venait beaucoup plus de la mauvaise situation économique que de la question religieuse pourtant bien irritante. Les membres du directoire, pensant qu'il était sage de céder, promirent de donner satisfaction à la municipalité ; de plus considérant que la translation du directoire du département à Mirande pourrait exciter les habitants d'Auch et les porter à de nouvelles insurrections dont l'effet serait peut-être de s'entr-égorger eux-mêmes, les administrateurs décidèrent qu'ils continueraient à tenir leurs séances dans la ville d'Auch sauf à l'Assemblée Nationale de déterminer à cet égard ce qu'elle jugerait convenable à la dignité de l'administration et à l'intérêt des administrés. » Aussitôt après la séance, Barbeau-Dubarran outré des in- SOCIETE D' HISTOIRE ET D'ARCHEOLOGIE DU GERS jures et des violences dont il avait été l'objet au cours des deux journées, envoya sa démission. Cependant, le 31 janvier, une délégation étant allée le chercher, il consentit à reprendre ses fonctions en même temps que ses collègues dont le retour fut célébré par des embrassements réitérés ». A la date du 2 février, les membres du directoire reçurent une adresse de la garde nationale de Vic-Fezensac qui s'était émue des derniers événements et qui leur offrait ses bras, son sang, sa vie même pour qu'ils soient maintenus au poste glorieux que la confiance publique leur a donné ». A suivre. . Bibliographie du chapitre précédent. Archives départementales. Serie L Numeros114, 125, 137, 264. Idem. Série Q. Paul PARFOURU. - Nomenclature des édifiees religieux et civils du Gers, vendus connue biens nationaux Annuaire du Gers des années 1888, 89, 90. Archives départemetales du Gers . Procès-verbaux des séances du conseil général. L. 11 4. Archives départementales du Gers. Registre des délibérations du directoire. L. 126. Archives départementales du Gers. Bibliothéque. - Compte rendu des administrateurs au Conseil général en décembre 1791. B. 79. Archives départementales du Gers. Bibliothéque. - Procès-verbal de la session du Conseil général en décembre 1791. B. 78. J. CARDERE. - Notes sur l'instruction publique à Condom pendant la Révolution. — Revue de Gascogne. Tome XXXVII, page 309. J. GARDERE. - Le Collège de Condom. - Revue de Gascogne Tomes XXXVI. XXXVI et XXXIX G. BREGALL. — L'instruction primaire dans le Gers pendant la période, révolutionnaire. — Auch. 1899. lmp, Capin. TROISIÈME ET QUATRIÈME TRIMESTRES 1930 273 LES DERNIERS JOURS DE L'EMPIRE, A AUCH ef les Visites de Son altesse Royale, le duc d'Angoulême * Suite et fin PAR M. AUBAS. Troisième visite du duc d'Angoulême à Auch. On lit, dans le numéro du 5 décembre 1815 du journal du Gers Il paraît que Son Altesse Royale Monseigneur le Duc d'Angoulême arrivera dans notre ville le mardi 12 de ce mois et daignera nous accorder toute la journée du 13. Il vient porter sur toutes les parties de l'Administration ce coup d'oeil vivifiant qui réprime les abus, stimule la négli gence, encourage les bons efforts, récompense, au-delà de toute mesure, les succès obtenus. » Le numéro suivant apporta une rectification de date. Le Prince retarderait sa visite d'un jour et celui du 15 décembre annonça que le voyage était différé; Son Altesse aurait été subitement atteinte d'une forte fluxion. Les esprits étaient inquiets. Une députation municipale devait aller prendre des nouvelles du malade à Bayonne. En terminant, le journal faisait appel à l'union de tous. Pourquoi cet appel ? Tout n'allait donc pas pour le mieux ? Non. Les fautes du roi ou de ses conseillers ont fait de nombreux mécontents et la sympathie, que le duc d'Angoulême avait plusieurs fois témoignée à la ville d'Auch semblait bien diminuée 1° Par l'adresse du Conseil municipal à l'Empereur à son retour de l'île d'Elbe; 2° Par l'affaire du drapeau tricolore qui eut un grand * Une erreur d'impression, que le lecteur aura corrigée lui-même, s'est glissée dans la première partie de cette étude lire duc d'Angoulême au lieu de duc de Bourgogne. 18 214 SOCIÉTÉ D'HISTOIRE ET D'ARCHÉOLOGIE DU GERS retentissement dans la contrée et qui dévoilait les vrais sentiments du peuple, trop souvent étouffés par des manifestations officielles et commandées. Nous estimons que ces incidents méritent d'être connus. Adresse municipale. — L'exilé de l'île d'Elbe débarquait au golfe de Juan le Ier mars 1815 et st dirigeait vers Paris. Le 14 mars, le Conseil municipal d'Auch rédigeait cette adresse au roi Louis XVIII Au premier bruit de l'attentat inouï de cet usurpateur, de ce tyran, sous le joug odieux et sanglant duquel la France a gémi trop longtemps, vos fidèles sujets de la ville d'Auch s'empressent de renouveler aux pieds de votre Majesté, le serment de l'amour, du respect, de la soumission et du dé vouement sans bornes dont ils sont profondément pénétrés pour votre personne sacrée. Ils sont prêts, Sire, à verser avec transport, jusqu'à la dernière goutte de leur sang. Le sentiment de bonheur qu'ils éprouvent depuis que la Providence leur a rendu les descendants de saint Louis et d'Henri IV et qu'ils voient assis sur le trône, avec toutes les vertus, Louis le Désiré, leur idole et l'admiration de toute l'Europe, vous est un garant assuré, Sire, qu'aucun sacrifice ne peut nous coûter. Tels sont, Sire, les sentiments dont nous venons vous faire hommage et dont tout Français doit s'enorgueillir. Puissiez-vous, Sire, les accueillir avec autant de bonté que nous avons de plaisir à les offrir à Votre Majesté » 4. Mais l'Usurpateur, comme le Conseil le nomme, est remonté sur le trône et voici l'adresse que ces mêmes conseillers envoient le 17 avril 1815 au nouveau souverain Sire, Notre reconnaissance, autant que nos devoirs nous pres4 pres4 adresse parut sans doute compromettante sous le gouvernement des Cent Jours. Elle fut arrachée du registre des Procès-verbaux du Conseil municipal et retranscrite le 10 novembre 1815, après la chute de l'Empereur. TROISIÈME ET QUATRIÈME TRIMESTRES 1930 275 sent de venir déposer au pied du trône, le tribut de nos res pects et de notre dévouement. Ce tut à Votre Majesté que la France dut de parvenir au plus haut degré de gloire qu'il ait été donné à une nation d'atteindre. C'est à Votre Majesté qu'elle devra aujourd'hui une constitution qui doit assurer à jamais la liberté, son bonheur et sa prospérité. Trop heureux, Sire, si par le concours de nos efforts et de notre dévouement, nous pouvons nous rendre dignes de ce grand dessein ». Cette délibération, fidèlement rapportée à la Cour par la police surprit et mécontenta le Prince. Affaire du drapeau tricolore. — Napoléon fuyait vers Sainte-Hélène. Le lieutenant-général, gouverneur de la 10e division militaire ordonna à tous les Maires d'arborer le drapeau blanc sur les édifices publics et les clochers des églises. Le maire d'Auch, M. Sentex, se conforma aux ordres reçus et provoqua la manifestation anti-royaliste qu'il expose minutieusement dans le procès-verbal ci-dessous dont il donna lecture au cours de la séance du 19 juillet 1815 imposée par le Préfet 5 Le dix-huit du mois de juillet de Fan 1815, nous maire de la ville d'Auch, déclarons que sur la convocation de M. le Préfet, nous nous sommes rendu à la préfecture sur les dix heures du matin de ce jour où nous avons trouvé les princi paux fonctionnaires réunis; que là étant, M. le Préfet nous a donné lecture d'un ordre du jour de M. le Général Décaer, gouverneur de la 10e division militaire, d'une lettre de M. le baron de Vitrolles, Ministre d'Etat, ainsi que d'une procla mation de M. le Sous-Préfet. Ces trois pièces ayant pour objet d'annoncer le retour du Roi et de faire reconnaître son autorité, qu'à la suite de cette lecture M. le Préfet a invité M. Fenasse, Vicaire-général présent, à faire chanter solen5 solen5 des séances du Conseil municipal L. 7, page 364-367, Archives municipales. 276 SOCIÉTÉ D'HISTOIRE ET D'ARCHÉOLOGIE DU GERS nellement un Te Deum dans l'ancienne église cathédrale, à une heure de l'après-midi de ce jour, et que ce magistrat a déclaré vouloir y assister avec tous les fonctionnaires mili taires, civils et judiciaires qu'il a invités à cet effet. Déclarons nous, susdit maire, que nous rendant de notre domicile à la mairie et de cette dernière à la préfecture pour aller de là à l'église, nous avons été assailli par des vociféra tions séditieuses et injurieuses à la dynastie royale, lesquelles nous étoient prononcées principaliement par des soldats que nous avons jugé appartenir au 79e régiment d'infanterie de ligne, par des chasseurs des pyrénées et des gardes natio naux, et quelques-unes de ces clameurs par d'autres hommes qui nous sont inconnus et qui portoient des habits de la classe ouvrière du peuple. Déclarons encore que pendant la marche du cortège, du rant la cérémonie religieuse et pendant le reste de la journée, des cris du même genre que ceux, précités ont été entendus sur plusieurs points de la ville et que la police n'a pas cru devoir tenter de les réprimer, la garde nationale n'étant point alors en mesure de faire respecter l'autorité; Que cependant, nous, Maire, après avoir ordonné la publi cation dans la ville, des pièces proclamées le matin par M. le Préfet, nous nous sommes rendu à l'Hôtel de la Mairie pour y faire arborer le drapeau blanc et supprimer le dra peau tricolore, nous croyant assuré d'y pouvoir procéder sans crainte d'opposition quelconque, ayant reçu quelques mo ments auparavant de MM. les officiers de la garnison réunis en présence de M. le Préfet et le M. le Général la promesse qu'ils emploieroient toute leur influence sur les soldats pour empêcher de leur part toute opposition, trouble ou scandale; que là étant, nous avons fait appeller le charpentier de la maison commune que nous avons chargé d'abord de déta cher de l'horloge où il était fixé le drapeau tricolore; mais pendant l'exécution de cet ordre, des soldats du 79e régiment TROISIÈME ET QUATRIÈME TRIMESTRES 1930 277 de ligne qui gardoient le poste de la mairie, sont sortis armés, du corps de garde, ont ajusté le charpentier et menacé de tirer sur lui, s'il ne relevoit le drapeau qu'il avoit déjà déta ché; que j'ai fait aussitôt retirer cet ouvrier que j'ai enfermé dans mon cabinet pour le soustraire à la fureur des soldats; mais à l'instant six hommes armés de leur fusil et bayonnette en avant sont montés jusqu'à nous, en demandant le passage de l'horloge pour y replacer le drapeau tricolore. Nous avons résisté avec force à leur audace, et leur avons intimé l'ordre de rentrer dans leur corps de garde. Après avoir appelé le chef du poste, nous lui avons adressé de vifs reproches sur la violation du lieu de nos séances où nulle troupe armée ne devoit pénétrer sans une autorisation formelle de nous, Maire ou un autre supérieur. Cet officier nous a assuré qu'il avoit fait tous ses efforts pour arrêter les soldats dans leur dessein, de quoi nous avons été persuadé d'après les vives oppositions que nous l'avions vu faire, peu d'instants au paravant aux menaces précitées de tirer sur le charpentier. En ce moment des soldats ont remonté l'escalier plus déter minés que auparavant, mais aussi tôt l'officier s'est opposé vivement à leur marche sans pouvoir réussir; ils sont de nouveau parvenus jusques à nous, et se sont retirés sur nos ordres prononcés avec toute la vigueur dont nous étions capable. Cependant nous avons fait alors prévenir M. le Gé néral et M. le Préfet en les invitant à calmer par leur pré sence la révolte des militaires, appuyée déjà par des clameurs de quelques séditieux réunis sur la place ; mais à peine notre Commissionaire étoit sorti, qu'une troupe armée venue des cazernes s'est présentée pour soutenir les révoltés; en effet, des soldats du poste au nombre de dix à douze sont montés une troisième fois plus déterminés que jamais à replacer le drapeau tricolore. Nos ordres et nos représentations ont été, cette fois, sans effet ; la porte de l'horloge a été forcée, et les soldats après avoir replacé le drapeau tricolore sont redescendus, nous assurant que là se borneroit tout leur 278 SOCIÉTÉ D'HISTOIRE ET D'ARCHÉOLOGIE DU GERS dessein. Sur ce, M. le Préfet et M. le Général sont arrivés accompagnés de M. le Commandant de la place. La troupe s'est réunie clans le vestibule où elle a été haranguée inuti lement et ces fonctionnaires ayant jugé impossible, pour le moment, de descendre le drapeau sans compromettre la sûreté publique, nous avons déclaré publiquement que nous abandonnions l'Hôtel de la Mairie où nous n'étions pas libre d'exercer nos fonctions. Nous avons fait appeller M. Laborde notre adjoint pour nous suppléer dans tout ce qui, du ressort de nos fonctions, doit être exercé dans l'Hôtel de la Mairie, présumant bien que notre présence dans ces lieux occupés par les militaires pourroit exciter encore et qu'ils se calme roient en ne voyant plus celui qui s'étoit fortement opposé, quoique sans succès, à leur révoltant excès. Nous avons dressé le présent procès-verbal pour être remis à M. le Préfet du département. A Auch, dans notre domicile les jour, mois et an susdits ». Signé Sentex, maire. L'assemblée, composée du Conseil municipal et des fonctionnaires de la ville, convaincue que seule l'opposition de certains corps de la garnison a empêché la manifestation que la population et les autorités avaient résolu de faire pour montrer leur attachement au Roi, décide 1° Que M. le Général commandant du département sera invité à s'assurer des dispositions des officiers et des soldats; 2° Qu'il sera prié de donner aux autorités civiles, l'assurance positive, signée du chef de corps et des officiers, que le drapeau blanc pourra être arboré sur les édifices publics, sans crainte d'opposition de leur part. M. le Général commandant répond le lendemain, 20 juillet, qu'il a réuni MM. les officiers et reçu leur parole d'honneur, comme eux-mêmes l'ont reçue de leurs subordonnés, que l'arboration » du drapeau blanc ne sera nullement troublée par les militaires, tous pénétrés des bienfaits de la Restauration, TROISIÈME ET QUATRIÈME TRIMESTRES 1930 279 mais que officiers et soldats tiennent à faire observer que l'opposition n'était pas exclusivement faite par des militaires, qu'un grand nombre de personnes de la ville y avaient pris part. Le Préfet convoque en son Hôtel, à trois heures moins un quart, tous les fonctionnaires et chefs de services et écrit à M. le Maire Nous partirons en corps pour nous rendre sur la place de l'Hôtel de Ville et ce sera en notre présence que s'arbo rera le drapeau blanc et sur la Cathédrale et sur la Mairie. Il convient, Monsieur le Maire, que vous preniez à cet égard, toutes les dispositions convenables qu'à notre arri vée devant la Mairie, on tire le canon; qu'après cette salve, on arbore simultanément le drapeau blanc à l'Hôtel-de-Ville et à la Cathédrale et qu'aussitôt, on tire une seconde salve. Pour que l'ordre public soit maintenu et que la cérémonie se fasse avec calme, il faut que vous fassiez mettre sous les armes le plus de gardes nationales possibles, qu'elle fasse des patrouilles avant et après la cérémonie pour? disperser les attroupements. De mon côté j'écris à M. le Capitaine de gendarmerie pour qu'il mette sous les armes toute sa troupe, qu'il garde les avenues des deux places pour que le public n'y fasse pas foule auprès des autorités et qu'on puisse arrêter sur le » champ ceux qui voudraient s'y introduire pour commettre du trouble. Je crois convenable aussi que vous fassiez inviter les habi tans à illuminer leur maison dans la soirée. J'ai lieu d'espérer, Monsieur le Maire, qu'à l'aide de toutes ces précautions nous pourrons remplir nos voeux et ceux des habitans. » Les dispositions arrêtées furent exécutées le lendemain, 2r juillet, à trois heures de l'après-midi aux acclamations des personnes réunies et sans aucun trouble ni empêchement. Le 280 SOCIÉTÉ D'HISTOIRE ET D'ARCHÉOLOGIE DU GERS soir, la ville fut illuminée et les habitants purent librement visier les divers quartiers. Force resta à la loi, mais cet incident dut vivement déplaire à l'autorité supérieure; la médisance, la calomnie trouvèrent une oreille complaisante près des pouvoirs publics. La municipalité fit les plus louables efforts pour effacer le souvenir de ces fâcheux événements Le 25 juillet, réuni extraordinairement à la demande du Maire, le chevalier de Vie, autorisé par le Comte de Luscan, Commissaire de Sa Majesté dans le département, le Conseil municipal vota une adresse au Roi et désigna une députation à Monseigneur le duc d'Angoulême composée de MM. Chevalier de Vie, maire, Belloc aîné, Lagauzy. Sentex fils, Laclaverie et Rouilhé. Ces protestations de fidélité, de dévouement à la famille royale ne paraissaient pas suffisantes; le conseil municipal tenta d'obtenir du Prince, la promesse d'une troisième visite à Auch, mais il trouva à la cour, une vive résistance. Au mois de décembre suivant, le duc d'Angoulême était en inspection à Rayonne. Le Conseil municipal profita de cette heureuse circonstance pour supplier Son Altesse Royale de passer à Auch à son retour à Paris. Il se réunit le 10 décembre en séance extraordinaire et l'un de ses membres le procès-verbal ne le nomme pas fit en termes dithyrambiques le panégyrique du duc d'Angoulême et de la famille royale Nous touchons au bonheur de revoir, pour la 3e fois en nos murs Monseigneur le duc d'Angoulême, ce digne fils de France, si éminemment recommandable à la vénération et à la reconnaissance du peuple, ce Prince, héritier de saint Louis et semblable au Roi par son édifiante piété, descendant d'Henri TV et vaillant comme lui, juste et bon comme le Roi Martyr et Louis le Désiré ce digne successeur d'une race auguste que le ciel, dans sa prédilection, nous accorda pour faire de la France, le plus heureux pays de l'Univers... » TROISIÈME ET QUATRIÈME TRIMESTRES 1930 281 Il met le Prince en garde contre la calomnie qui a éveillé, dans l'esprit de son Altesse royale, des doutes sur le dévouement et l'affection des Auscitains pour les rois légitimes. Il fait un long récit des événements qui se sont succédés à Auch depuis un an, montre les efforts déployés pour résister à la pression de l'Empire, et expose la courageuse contenance de la municipalité devant quelques étrangers et une garnison révoltée. Le Conseil déclare solennellement qu'il fait siennes les paroles de l'orateur, que la ville d'Auch professe et professera toujours les principes d'une fidélité inviolable et sacrée à l'au guste Race régnante et seule légitime des Rourbons; elle engage son honneur, la vie et la fortune de chacun des habi tants au maintien de ces mêmes principes. Elle abjure, comme à elle étrangers, tous ceux qui ne professent pas ces principes et qui ont voulu appeller sur ses habitans la défa veur du Prince notre Libérateur ». Le Conseil municipal arrête que la présente déclaration, ainsi que l'exposé qui la précède seront mis sous les yeux de son Altesse Royale, Monseigneur le duc d'Angoulême. Il charge une délégation d'aller la lui remettre à Bayonne, de le supplier très humblement de vouloir bien assurer Notre Ron Roi que Sa Mjesté n'a pas de ville dans son royaume qui lui soit plus fidelle ni plus dévouée à son service que la ville d'Auch ». Sur la proposition de M. Sentetz, adjoint au maire d'Auch, après des considérants nombreux sur l'union de la royauté et de la religion, le Conseil prend l'arrêté suivant 1° Il sera érigé, dans l'église de Sainte-Marie d'Auch, un autel sous l'invocation de la Sainte Vierge et de saint Louis, Roi, protecteur de la monarchie française. 2° Le corps municipal se rendra tous les ans en cérémonie, le jour de saint Louis au pied de l'autel du Saint pour y entendre une messe d'actions de grâces de la Restauration 282 SOCIÉTÉ D'HISTOIRE ET D'ARCHÉOLOGIE DU GERS et pour demander au ciel la perpétuité de la Race légitime sur le trône de France. Après la messe, il sera chanté un Te Deum et dit les prières d'usage pour le roi. 3° L'autel sera construit du produit d'une souscription ouverte par le Conseil et au concours de laquelle seront appe lés les citoyens de la ville. Il sera placé dans la chapelle autrefois réservée pour le passage du cloître. 4° Une inscription, tracée au-dessus du retable, rappellera le voeu de la ville et la circonstance de sa présentation à Son Altesse Royale, Monseigneur le duc d'Angoulême. 5° La première pierre de ce monument sera solennelle ment posée pendant le séiour de Monseigneur à Auch. Son Altesse Royale sera très humblement suppliée de sceler de sa main cette première pierre ». Devant toutes ces protestations d'amour et de dévouement, le Prince aurait eu mauvaise grâce à refuser la visite que le Conseil municipal d'Auch sollicitait si humblement, et avec tant d'insistance. Il viendra le 18 décembre 1815. Il y fut reçu avec le cérémonial accoutumé. Les volontaires royaux, armés et partis au mois d'avril pour la défense du Prince, se partagèrent par escouades l'honneur de l'escorter sur toute sa route. La compagnie d'élite de la garde nationale prit, à l'entrée de la ville, la tête d'un très long cortège. La Légion du Gers formait la haie sur son passage et c'est ainsi que le duc d'Angoulême traversa lentement la ville, richement pavoisée, au milieu des acclamations de la foule. Le Préfet le reçut à la porte de l'Hôtel de la Préfecture et lui exprima le bonheur qu'éprouvait toute la population à le recevoir pour la troisième fois. Une pluie violente, soufflant en tempête, empêcha la belle illumination préparée, mais elle ne retint pas chez elle la foule qui se pressa pendant des heures aux alentours du Palais de TROISIÈME ET QUATRIÈME TRIMESTRES 1930 283 la Préfecture, où les musiciens de la ville faisaient entendre les morceaux de circonstance. Le lendemain, le Prince se rendit à pied à l'église SainteMarie. Il entendit la messe, scella la première pierre de l'autel votif offert par le Conseil municipal de la ville d'Auch. Le Maire, M. le chevalier de Vie, lui remit la délibération du Corps municipal, lui présenta les principaux fonctionnaires et les notabilités départementales. Après la cérémonie, le Prince voulut, dans une promenade dans les rues de la ville, prendre contact avec toute la population. Il monta à cheval, accompagné du préfet, du vicomte Dubouzet et visita en détail les principaux quartiers auscitains. Le soir, dans une brillante réunion à la Préfecture, le Prince se fit présenter quelques dames de la ville. Il eut, pour chacune d'elles, un mot gracieux, plein de bonté et de bienveillance. Il reprit le lendemain la route de Rayonne, heureux et ému, dit-il au Maire, de l'accueil touchant qu'il avait reçu. 284 SOCIÉTÉ D'HISTOIRE ET D'ARCHÉOLOGIE DU GERS Un Mirandais complice du marquis de Maubreuil, Henry d'Asies 1778-1840 PAR M. JEAN BARADA. Tout le monde connaît, sinon dans tous ses détails, du moins dans ce qu'elle présente d'essentiel, l'affaire Maubreuil 1 ce coup de force qui retentira dans l'Histoire 2 »; on sait qu'au mois d'avril 1814, après l'Abdication de Fontainebleau, cet aventurier, parti pour aller assassiner l'Empereur, se contenta, faute de mieux, d'arrêter sur un grand chemin la reine, de Westphalie et de la dépouiller en un tournemain des quatre millions de bijoux et des francs de numéraire qu'elle portait dans ses voitures. Or. le complice, l'alter ego de Maubreuil en cette circonstance, n'était autre qu'un gascon entreprenant, tout à fait dénué de scrupule; ce personnage est peu connu et j'avertis tout de suite le lecteur qu'il n'est pas du tout sympathique. Louis-Bernard-Henry d'Asies, que les documents de l'époque appellent aussi Dasies, naquit à Mirande Gers le 8 novembre 1776 3. Il était le second fils de noble Jean-BaptisteJoseph d'Asies 4, écuyer, baron de Barbazan, seigneur d'Estampures, Fréchède, Monmoulous, Maraston, Marsas et autres lieux, conseiller du Roi en l'élection d'Astarac, et de 1 On trouvera d'intéressants détails sur Marie-Armand de Guerry de Maubreuil 1784-1869 dans les Mémoires du chancelier l'asquier, les Souvenirs du marquis de Semallé, les Mémoires du baron de Vitrolles et surtout dans l'ouvrage de F. Masson L'Affaire Maubreuil, 1 vol. Paris. Oltendorf, 1907. 2 F. Masson L'Affaire Maubreuil, déjà cité, p. 187. 3 Etat-civil de la ville de Mirande. Naissances. 4 Et non de Pierre Dasics comme le dit V. Masson qui, d'ailleurs, fait naître Henry d'Asies à Marmande. ont. L'Affaire. Maubreuil, pp. 146, 147. Voir sur Pierre Dasies, son grand-père ; Brémond. Nobiliaire Toulousain. Toulouse, Bonnal et Gibrac, 1863, I, pp. 56, 63. TROISIÈME ET QUATRIÈME TRIMESTRES 1930 285 Dame Antoinette-Françoise-Elisabeth du Faur de Reaumont, du lieu dit Reaumont-en-Lézadois, qu'il avait épousé en 1772. Le grand-père d'LIenry d'Asies, noble Pierre d'Asies, écuyer, baron de Rarbazan, seigneur d'Estampures, Fréchède et Monmoulous avait été capitoul de Toulouse. Fort recherchée par les gentilshommes du Languedoc, cette charge, qu'il avait exercée en 1709 et en 1772, lui conférait la noblesse, mais, à l'en croire, elle lui venait de bien plus loin, car il se réclamait, d'une manière peut-être un peu hasardeuse, d'un certain chevalier d'Asies, tué en 1500 pendant les guerres d'Italie et enterré au Campo-Santo de Pise; sur son tombeau, paraît-il, se lisaient les armes de la famille d'azur à la bande d'argent, accostée de deux étoiles d'or; les d'Asies faisaient aussi état d'un sieur Dauchy qui fit monstre d'une compagnie de trois cents arquebusiers, au camp près de Chivas en Piémont, le 27 avril 1536 » et avec un peu plus de vraisemblance de Claude Dassie, capitaine de cent hommes de guerre à pied, arquebusiers morionnés, tous Français, qui passa revue avec sa troupe le 22 novembre 1,575 en la ville de Béziers » et de Pierre d'Azye, sieur de La Ville qui était en 1647, maréchaldes-logis dans la compagnie du sieur de Raradat, capitaine au régiment de la Reine; cette compagnie de chevau-légers n'était composée que de gentilshommes. Quant à la famille du Faur elle se disait de très ancienne lignée. Une des pièces d'archives que j'ai pu consulter sur elle fait mention de lettres-patentes données par Louis XI à Moulins-lez-Tours le 18 mars 1466, par lesquelles il accorde à Jehan de Coaraze l'un des autheurs de la famille du Faur de Bérat de Beaumont » et peut-être le même que l'on voit figurer parmi les compagnons d'armes de Jeanne d'Arc, certains privilèges et exemptions pour la terre de Bérat 5. 5 Toutes les pièces que je cite sont conservées dans les riches archives de la maison d'Antras Dossiers concernant les familles d'Asies, du Faur de Bérat de Beaumont, d'Asies du Faur, Vandomois, etc. et m'ont été communiquées par M. le comte d'Antras. Qu'il veuille bien trouver ici mes remerciements. 285 SOCIETE 1 HISTOIRE ET 1 ARCHEOLOGIE DU GERS Quoi qu'il en soit de ces prétentions, il n'en est pas moins certain que la famille d'Asies brillait parmi les plus en vue de Mirande à la fin du XVIIIe siècle et qu'elle allait de pair avec tout ce que l'Astarac comptait à cette époque de noble et de distingué. A l'exception d'une consultation médicale dont il fut l'objet qui constate sa présence en 1786 à l'école de Sorèze 6 où lui et son frère poursuivaient leur éducation, en attendant leur admission dans le régiment de Lorraine-Dragons où servaient déjà leurs oncles Du Faur de fiérat, je n'ai pu trouver rien de certain sur les jeunes années d'Henry d'Asies, mais il est à présumer qu'il commença de bonne heure à mener joyeuse vie. On s'amusait en effet beaucoup à Mirande dans ce tempslà. Réunions mondaines, bals, comédies de société, gros jeu surtout allaient leur train. La présence des jeunes officiers qui venaient passer leurs semestres dans leurs familles et qui rapportaient de leur régiment des habitudes de dissipation, ajoutaient aux dangers que faisaient courir aux jeunes gens les loisirs d'une petite ville. Le père d'Henry d'Asies mourut en l'an 111, le laissant ainsi affranchi de toute contrainte car sa mère qui le gâtait outrageusement et qui l'aima toujours d'une tendresse aveugle n'eut jamais le courage de s'opposer à ses écarts de conduite. En 1807, dans le désir probable de se soustraire à la conscription, il quitta Mirande pour courir le monde,, nanti de sommes considérables qu'il avait su arracher à l'incurable faiblesse de sa mère. Il se rendit d'abord à Toulouse où il faillit 6 A la fin du XVIIIe siècle, beaucoup de familles gasconnes distinguées envoyaient leurs fils dans cotte célèbre école dont le prieur, Dom Raymond Despaulx était né à Miélan Gers le 11 septembre 1726. L'Empereur, qui le tenait en haute estime, le nomma inspecteur de l'Instruction publique en l'an X. Devenu inspecteur général de l'Université au début de la Restauration, il mourut à Paris le 13 octobre 1818, dans sa quatre-vingt-treizième année. On peut consulter sur lui un excellent article de M. Cyp. Lacave La Plagne Barris, paru dans la Revue de Gascogne, XLI, pp. 225 à 234. TROISIÈME ET QUATRIÈME TRIMESTRES 1930 287 échouer dès sa sortie du port; un de ses créanciers, en effet, ayant voulu réclamer son paiement, se vit gratifier par Henry d'Asies d'un coup d'épée ce qui manqua, dit-il, le faire écrouer dans la prison du Sénéchal 7. Chose étrange et qui reste pour nous inexpliquée une lettre à lui adressée nous permet de relever sa trace à Madrid le 1er avril 1809. Il est qualifié dans ce docuemnt de capitaine aux Chasseurs à pied de la Garde Impériale; il est cependant certain qu'il n'a jamais servi dans les années impériales les recherches les plus exactes dans les archives administratives de la Guerre le prouvent. Une note de police nous dira ce qu'il advint à partir de cette époque. Cette pièce datée du 12 mai 1814, par laquelle le souspréfet de Mirande répond à une demande de renseignements du préfet du Gers, fut transmise au Commissaire provisoire de la Police générale après l'audacieux coup de main effectué contre S. M. la Reine de Westphalie 8. Vous m'avés demandé des renseignements sur une famille Dasies qu'on croit appartenir à la ville de Mirande; voici tout ce que je puis vous dire sur cette famille. Elle habite Mirande, elle est composée de la mère, qui est veuve, et de trois enfans, deux mâles et une demoiselle. La mère qui appartient à une famille distinguée est infiniment respectable par ses qualités personnelles. Son fils ayné 9, marié depuis plusieurs années, a toujours tenu une bonne conduite. Il est généralement estimé de tous ceux qui le connaissent; il a constamment habité et habite encore le département. Le fils puyné, nommé Henry Dasies, ne ressemble pas à son frère. Ruiné par le jeu, il a quitté depuis plusieurs années sa famille et son pays. Ne pouvant jouer à Mirande il se rendit d'abord à Toulouse. Il joua beaucoup, se brouilla avec la justice, subit une condamnation et fut détenu pendant un an dans les prisons de cette ville. Rendu à la liberté, il partit pour Paris, intrigua et obtint un employ clans une des administrations de l'armée française en Espagne. En effet, et sans qu'il soit possible de préciser à quelle date, 7 Lettres d'Henry d'Asies au chevalier d'Antras. Toulouse le 11 mars 1807. 8 Archives départementales du Gers. Police, 1814. 9 Jean-Joseph d'Asies né à Mirande le 18 mai 1775, marié à Eauze le 20 brumaire an VII, à Louise-Marie-Anne-Adrienne Laplaigne, mort au Castéra dans la maison de M. Daroles, hôtelier » le 27 mars 1833. 288 SOCIÉTÉ D' HISTOIRE ET D' ARCHEOLOGIE DU GERS il fut employé à cette époque par M. de Vanteaux 10 dans le service de la fourniture des Vivres-viandes à l'armée de Catalogne. On sait assez bien ce qu'était cette administration. La plupart de ceux qui la composaient étaient recrutés, au hasard des protections, parmi les aventuriers, les dévoyés, les jeunes gens de famille qui fuyaient la conscription ou qui avaient mal tourné, les fonctionnaires dont on avait bien voulu accepter la démission et qui avaient frisé les tribunaux. Tous essayaient de se garnir les mains et au lieu d'escroquer en France escroquaient à l'étranger. On comptait de plus dans la compagnie Venteaux bon nombre de royalistes et de mécontents qui trouvaient là un refuge assuré contre les rigueurs de la Police impériale. Ce fut, dans cet étrange milieu, qu'Henry d'Asies fit une connaissance qui devait le mener loin celle de Maubreuil qui, dans le même temps, avait sous-traité avec Venteaux l'approvisionnement de Rarcelonne. Dès cette époque, Maubreuil prit sur Henry d'Asies un ascendant complet. Il quitta cette armée, continue la note du sous-préfet, repassa à Mirande où il resta quelques jours et retourna à Paris où il obtint encore de l'employ dans les armées du Nord. Depuis cette époque, il n'a plus reparu à Mirande. La vie de cet homme est un tissu de courses et d'aventures. C'est un vrai chevalier d'industrie. Avec peu d'esprit et de connaissances il passe néanmoins pour très adroit, rusé et entreprenant... En 1814, nous retrouvons Henry d'Asies à Paris, toujours étroitement lié avec Maubreuil et proclamant bien haut qu'il le suivra partout ». Et, en effet, il est à ses côtés le jour de l'entrée des Alliées dans la capitale lorsque Maubreuil parcourt les rues traînant au bout d'un ruban rouge la croix de la Légion d'Honneur attaché à la queue de son cheval; avec lui 10 Psalmet Faulte de Vanteaux, né à Limoges. Page dans la Maison d'Orléans. Sous-lieutenant dans Colonel Général—Infanterie. Immigra en 1791. Volontaire dans l'armée des Princes. Lieutenant, capitaine et chef d'escadron dans les Dragons le Bylandt au service de la Hollande. Combattis à Quiberon, à l'armée des Princes, à l'année royale de Normandie où il servait comme colonel à l'E. M. de Frotté. Prit une part prépondérante aux événements qui précédèrent la première Restauration. TROISIÈME ET QUATRIÈME TRIMESTRES 1930 289 encore lorsque distribuant l'argent à pleines mains pour faire crier à la foule Vive le Roi ! Vivent les Alliés ! il entraîne sa bande vers la colonne de la Grande-Armée, prétendant jeter bas la statue de l'Empereur; avec lui enfin, lors de l'attentat contre la reine de Westphalie. Ce serait ici le cas de donner dans le plus grand détail le récit de ce coup de main, auquel Henry d'Asies doit le meilleur de sa célébrité si le récit n'en avait déjà été fait, de façon magistrale par F. Masson II. J'y renvoie donc le lecteur. Les précisions qu'il donne sur Henry d'Asies sont des plus circonstanciées et des plus curieuses. Sa mauvaise réputation était telle que lorsque la nouvelle de ce guet-apens parvint dans le Gers et que l'on en connut les auteurs, personne ne fut autrement surpris de le voir figurer parmi eux. De toutes les personnes qui le connaissent, termine le sous-préfet dans la note déjà citée, aucune ne sera surprise qu'il ait forfait à l'honneur, mais tout le monde rend justice au reste de la famille. Elle est incapable de faire le mal et d'approuver la conduite de cet enfant indigne d'elle. Il y a longtemps qu'il n'existe aucun rapport ni correspondance entre luy et ses parens. C'est donc en vain que l'on chercheroit, dans cette famille, aucun complice de la mauvaise conduite du sieur Henry d'Asies. Il faut lire dans l'ouvrage de E. Masson toutes les incroyables péripéties de cette affaire que l'on s'obstinait à ne pas tirer au clair car l'on craignait, semble-t-il, de la part des inculpés certaines révélations qui n'auraient pas été à l'honneur de Monsieur, frère du Roi, et des personnalités de son entourage. Emprisonné dès le début de l'inculpation dirigée contre lui, il fut relâché aux Cent-Jours. A cette époque, dit-il, dans une note trouvée dans ses papiers, il fut reçu avec bonté par l'Empereur qui venait d'entrer, le 17 mars, à Auxerre et chargé par lui d'une mission importante. Il ne s'explique pas sur les ordres qui lui furent transmis à cette occasion, prétend-t-il, par le major général comte Bertrand. Appréhendé de nouveau 11 Conf. L'Affaire Maubreuil, ouv. déjà, cité, passim. 19 290 SOCIÉTÉ D'HISTOIRE ET D'ARCHÉOLOGIE DU GERS à la seconde Restauration, d'Asies fut remis définitivement en liberté le 14 janvier 1816. Il s'empressa de franchir la frontière accompagné de sa maîtresse Henriette de Saint-Charles intrigante éhontée », au dire de rapports de police. Bruxelles fut le premier séjour de ce digne couple. On y relève sa présence le 28 août. Un certain M. Combe, se faisant l'écho d'une information parue dans le journal Le Nain Jaune, prétendit reconnaître, dans Henry d'Asies et sa digne compagne, des agents de M. Decazes, ce qui amena une scène violente entre eux et leur accusateur. Cette dispute, survenue au café de l'Amitié, eut son épilogue devant le Tribunal de Bruxelles où Henriette de Saint-Charles présenta elle-même sa défense 12. J'ignore quelle fut l'issue de ce débat judiciaire, mais il est probable qu'il eut pour résultat de forcer nos deux aventuriers à quitter la Relgique. En effet, on les retrouve peu après en Angleterre où s'agitait une singulière bande d'aigrefins, épaves de l'Emigration, rebut de la Révolution, détritus de la police Impériale, journalistes à vendre, pamphlétaires à acheter, habitant Londres, on ne sait pourquoi, affairés à de louches besognes pour le compte d'on ne sait qui 13. D'Asies, bientôt rejoint par Maubreuil, vivait là dans ce bourbier. D'autres gascons, de semblable moralité, s'agitaient dans cette société; parmi eux, Reaumont-Rrivazac, cousin de Decazes, ci-devant directeur de police à l'armée de Catalogne, présentement chef de la police du marquis d'Osmond, ambassadeur de France, et un certain Soubiran dont les singulières aventures ont fait l'objet d'une intéressante publication 14. Je n'ai pu savoir à la suite de quelles circonstances d'Asies se décida à rentrer en France, mais à la fin de 1816 il est détenu pour dettes dans la maison d'arrêt de Toulouse cette ville ne lui est décidément pas fa12 fa12 fait et prononcé par Mme Henriette de Saint-Charles au Tribunal le 15 novembre 1816. Imp. 4 p. p. s. 1. n. d. 13 Conf. L'Affaire Maubreuil, déjà cité, pp. 296 et 303 et passim. 14 Louis Puech. Un Aventurier Gascon. Paul-Emile Soubiran, Lectourois 1770-1855. 1 vol. tiré à. 300 exemp. Auch. Imprimerie Cocharaux, 1907. TROISIÈME ET QUATRIÈME TRIMESTRES 1930 291 vorable et comme pour s'en évader il l'incendie, on le condamne à six mois de prison. En 1819, autre mésaventure; étant à Lyon et sous le coup de graves inculpations, il est conduit à Paris, condamné sur appel à treize mois de prison par jugement du tribunal correctionnel le 23 février 1820 et écroué ensuite à la Force. On trouve quelque trace de cet événement dans la correspondance des amis de sa famille. J ai reçu de Paris, écrit de Grenoble l'un d'eux, le 18 décembre 1819 15, une nouvelle à laquelle je ne crois pas. On assure que d'Asies a été arrêté pour vol et assassinat 16 à Lyon et qu'on le conduit à Paris pour le juger voilà la preuve que ce n'est pas vrai 17. Dieu le veuille pour sa famille ! Malgré ce souhait charitable, le même correspondant est bien obligé de se rendre à l'évidence et quelques jours après, le 6 février 1820, il dit 18 Il n'est que trop vrai que d'Asies est sous les verrous. Dieu veuille pour sa famille qu'il ne soit pas condamné à une peine infamante. Présente mes respects à sa maman et dis-lui combien je prends part à son affliction. En 1821, sa famille, sa mère surtout, attend avec impatience sa sortie de prison. Madame d'Asies, écrit un Mirandais le 9 juillet 1821 19, est ravie de sa nouvelle belle-fille 20 elle m'a fait son éloge avec un enthou15 enthou15 d'H. de Vandomois, inspecteur des Douanes, avec sa mère madame la comtesse de Vandomois, née d'Antras. 16 Aujourd'hui, pour qu'il y ait assassinat, il faut mort d'homme; mais autrefois était réputé assassin quiconque attentait de propos délibéré à la vie d'autrui. Il semble donc dans le cas de d'Asies qu'il n'y ait eu que commencement d'exécution, sans cela la peine de treize mois de prison à laquelle il fut condamné paraîtrait bien légère. Au reste, ces recherches dans les archives judiciaires de Lyon et de Paris apporteraient sans doute des précisions à cet égard. 17 Il semble en effet que d'Asies aurait du être jugé dans l'endroit même où il avait commis le délit dont il était prévenu; mais probablement pour éviter des incidents d'audience et des révélations inopportunes, le gouvernement évoqua son affaire à Paris. 18 Correspondance Vandomois, déjà cités. 19 Correspondance du chevalier d'Antras, inspecteur des Eaux et Forêts, avec sa soeur, madame la comtesse de Vandomois. 20 Louise Laplaigne, épouse de Jean-Joseph d'Asies dont il a été question plus haut. 292 SOCIÉTÉ D'HISTOIRE ET D'ARCHÉOLOGIE DU GERS siasine qui ne m'a pas étonné lorsque tu sauras que Madame d'Asies, la plus jeune, a soustrait de son modique avoir une somme de deux cents francs pour la faire passer à Paris à son beau-frère, qui ne peut sortir de prison qu'ayant cette somme. Je ne sais si le pauvre Henry les trompe, mais ce qu'il y a de bien certain c'est qu'il est impossible qu'il ait obtenu la place dont il annonce avoir la commission à sa sortie de prison. Sa destination serait pour une colonie française et le minimum de cet emploi serait un revenu de francs ! La pauvre Madame d'Asies est heureuse de penser que cela peut être. Cependant j'ai cru pouvoir lui dire que lors même que le traitement de son fils ne serait pas aussi élevé, il sera toujours heureux pour lui et pour sa famille qu'il ait une place quelconque et surtout en Amérique, que les chances dans ce pays-là pour faire fortune sont moins rares que sur le continent. Voilà la situation des esprits de la maison d'Asies... Malgré l'impatience avec laquelle il était attendu à Mirande, Henry d'Asies ne se pressait pas de rejoindre son pays. Enfin, le 4 avril 1823, le Ministre directeur de la Police annonçait au préfet du Gers que le sieur Dasies, se disant commis-voyageur, avait obtenu le 25 mars dernier, un passeport pour Mirande, son pays natal ». Après lui avoir retracé en quelques lignes ses exploits et mentionné sa participation dans l'affaire du vol de diamants de la ci-devant reine de Westphalie » il l'invitait à le faire surveiller avec le plus grand soin et à lui communiquer les observations auxquelles sa conduite aura donné lieu 21. Henry d'Asies ne fit que toucher terre à Mirande où il arriva le 20 avril 1823. Il se disait employé dans la compagnie Ouvrard, munitionnaire général de l'armée qui allait opérer en Espagne. Le 21, le sous-préfet rendait compte au préfet du Gers que le Sieur Dasies était parti la veille, à onze heures du soir, pour Rayonne, dans la diligence de Toulouse à Tarbes Il a remué ciel et terre pour se procurer ici six mille francs qui lui sont, dit-il, indispensables pour commencer sa fourniture !... Je doute fort que M. Ouvrard, le munitionnaire général, connaisse le Sieur Dasies assez avantageusement pour lui confier le plus petit de ses intérêts 22. Le préfet, en communiquant cette nouvelle au ministre de 21 Archives départementales du Gers. Police. 1823. 22 Ibidem. TROISIÈME ET QUATRIÈME TRIMESTRES 1930 293 l'Intérieur, directeur de la Police générale, lui assurait qu'à Rayonne comme à Mirande, Dasies serait étroitement surveillé 23. Je savais, écrit le 25 avril 1823, le Mirandais ami de sa famille 24, le passage d'Henry d'Asies à Mirande. Je désire pour lui qu'il fasse un retour sur lui-même et que la place qu'il a, m'a-t-on dit, dans les Vivres de l'armée, lui fournisse les moyens de se créer un avenir. Ce sont là lès voeux que je forme pour ce bon diable, qui a bon coeur, mais dont la délicatesse est tout au moins douteuse. Après la campagne d'Espagne, Henry d'Asies reparut à Mirande. Il n'y revint pas seul; un enfant, qu'il présentait partout comme son fils et celui d'Henriette de Saint-Charles l'accompagnait. Avec lui il s'installa en maître clans la maison de sa mère d'où il fut impossible dès lors de le faire déguerpir. En 1824, il renvoya son fils à Madame de Saint-Charles demeurée à Rarcelonne pour gérer, disait-on, des intérêts fort importants Henry d'Asies, dit un de ses correspondants de Toulouse, le 18 décembre 1824 25, m'a effectivement fait passer deux cents francs pour payer le voyage du petit Saint-Charles. Nous attendons ce petit bonhomme tous les jours. Il couchera à la maison et s'y reposera deux fois vingtquatre heures s'il est fatigué. Je remplirai le désir de madame d'Asies en vous disant franchement ce que j'en pense. Dans les premiers jours de janvier 1825, l'enfant arriva à Toulouse sous la sauvegarde d'un domestique Le petit Saint-Charles, note le même correspondant le 4 janvier 1825 26, est parti pour Barcelone. Il a une ressemblance étonnante avec Henry; même figure, même volubilité dans le babil. Il est rare de voir un enfant de sept ans plus gentil. Malheureusement on s'aperçoit qu'il a été livré depuis le départ de sa mère à des gens du commun; ses expressions s'en ressentent quelquefois. A partir de cette époque, il n'existe plus aucune trace de cet enfant dans les correspondances conservées dans les archives de la maison d'Antras, non plus que dans les papiers 23 Ibidem. 24 Correspondance du chevalier d'Antras avec sa femme. 25 Correspondance Vandomois, déjà citée. 28 Ibidem. 294 SOCIÉTÉ D'HISTOIRE ET D'ARCHÉOLOGIE DU GERS d'Henri d'Asies. Il n'est même pas nommé dans son testament, ce qui laisse à supposer qu'il dut mourir jeune. Venant de parents aussi aventureux, on peut penser que le développement de sa carrière eût été remarquable. Si les amis d'Henry d'Asies s'empressaient ainsi à le servir, ils ne conservaient sur lui aucune illusion Tu me rendrais bien service, écrit le même correspondant de Toulouse, le 10 juillet 1825 27, si tu pouvais adroitement détourner Henry de venir ici. Je suis obligé de lui faire des honnêtetés et je lui en ferai toujours à cause de sa famille mais, entre nous soit dit, c'est une figure par trop prostituée dans ce pays-ci. Ne dis mot de cela à son neveu 28 pour qui Henry est un objet de vénération. La famille d'Henry d'Asies en général et son neveu en particulier ne tardèrent pas beaucoup à changer d'opinion sur son compte lorsqu'ils s'aperçurent de quelle manière il comptait en user avec eux. Malgré un faux départ qu'il avait esquissé en 1826, son intention étant, disait-il, de s'embarquer pour l'île de Cuba 29, il paraissait décidé à ne plus quitter Mirande. Installé chez sa mère, son premier soin avait été de faire main basse sur les papiers de famille les plus essentiels ». A toutes les réclamations qu'on lui adressait à ce sujet, il opposait les fins de non recevoir les plus bizarres. Forcé dans ses derniers retranchements, il finit par dire que ces documents lui avaient été dérobés et qu'un jour, se rendant à Auch, il s'était trouvé dans les bois de Mazères 30 face à face avec un personnage mystérieux qui avait étalé à ses yeux les papiers en question, offrant de les rendre moyennant la somme de trois mille francs. Lorsque son neveu demanda par écrit un rendez27 rendez27 28 Joseph-Antoine d'Asies, fils de Jean-Joseph d'Asios et de demoiselle Laplaigne, né à Eauze le 5 fructidor an VII, marie le 26 septembre 1836 à Clermont-Ferrand à demoiselle Emma-Sophie de Raynaud de Monts. 29 Archives départementales du Gers. Police. 1826. 30 Le château de Mazéres était avant la Révolution la maison de campagne des an hevéques d'Auch. Vendu révolutionnairement, il passa dans les mains de divers acquéreurs qui détruisirent peu à peu la magnifique forêt dont le château était entouré. TROISIÈME ET QUATRIÈME TRIMESTRES 1930 295 vous pour verser la somme en échange des papiers, une lettre anonyme l'avisa qu'on ne voulait avoir à faire qu'à Henry seul. Cette misérable intrigue prouvait, au dire d'un de ses amis que le pauvre Henry vivait toujours dans le monde des illusions ». Il n'était cependant pas leur dupe au point de négliger ses intérêts et c'est ainsi que non content d'avoir pillé sa famille pendant les cinquante-trois ans de son existence », il lui réclamait francs pour ses droits» légitimaires agrémentés de francs d'intérêts. Il entama, à ce sujet, un procès qui dura longtemps Comment se fait-il, écrivait de Paris à ce propos, un ami de sa famille 31, que le célèbre Dasies dont la vie a été si agitée, puisse se conduire ainsi ? Après avoir dépensé tant d'argent, il en demande encore ! J'espère que vous parviendrez à faire entendre raison à ce cerveau brûlé. Il entendit si peu raison qu'il fut impossible de jamais obtenir de lui qu'il quittât la maison de famille où il s'était implanté en vertu de son adage favori Prenons d'abord et puis nous verrons ». Ce fut là, rue Samatan, qu'il mourut le 16 janvier 1840 32, à l'âge de soixante-quatre ans, déshéritant sa famille au profit d'un de ses amis, ce qui inspirait à un de ses proches 33 les réflexions suivantes J'ai appris la fin déplorable de ce malheureux Henry. Oui, certainement, on doit le plaindre et non le regretter et ce qu'il y a de plus terrible c'est qu'il soit, encore dans la tombe un mauvais génie pour sa famille après ne lui avoir fait éprouver que du chagrin pendant sa vie. Cependant plutôt que d'avoir des procès, la famille d'Asies aurait pu prendre un arrangement avec M. Dagé, vu que l'héritage d'Henry sera bientôt absorbé par ses créanciers qui tomberont dessus comme un aigle sur sa proie. Toutes ses caravanes ne l'avaient guère enrichi, en effet. A sa mort, on trouva 18 francs dans sa poche et sa succession 31 Correspondance de Delcros, employé au ministère des Finances, avec madame la comtesse de Vandomois. Lettres du 7 juin 1837 et du 29 janvier 1838. 32 Etat-civil de la ville de Mirande. Décès. 33 Correspondance d'Edmond-Henry d'Antras, sous-maître de manège à l'école de cavalerie de Saumur, avec sa tante madame la comtesse de Vandomois. 296 SOCIÉTÉ D'HISTOIRE ET D'ARCHÉOLOGIE DU GERS toute entière fut prisée 719 francs 80 centimes bien mince fortune pour un homme qui avait manié tant de millions ! Dans l'inventaire qui fut dressé après son décès, on peut relever quelques articles qui jettent un peu de jour sur ses occupations habituelles. On y trouva un tapis verd de sergette avec des numéros imprimés sur icelui pour servir à jouer le jeu de la roulette; deux tapis verd en soie destinés à des jeux; trois petits paquets de déz à jouer en os; huit racloirs sans manches pour le jeu ; six petites boules d'ivoire ; trenteneuf petits étuis de bois couleur noire servant à la loterie; deux petites caisses couvertes de maroquin verd à compartiments et un petit sac de soie verte pour le jeu; deux cornets de cuir pour le trictrac ». En plus de ce matériel de joueur, on inventoria deux objets de valeur minime un lorgnon à deux branches, un peu doré et une épingle en or, montée en petits diamants plats ou petits brillants figurant une rosette ou bouquet », que l'on estima 50 francs misérable joyau pour lui qui avait eu un moment en sa possession l'éblouissant écrin de la Reine de Westphalie ! Dans ses papiers, on mentionne treize pièces relatives à la comptabilité du défunt avec Ouvrard, munitionnaire en Espagne en 1823; un reçu de madame de Saint-Charles en faveur du défunt, daté de Barcelone du 7 mai 1824, d'une somme de francs; une liasse de dix-neuf lettres de la dite dame au défunt ». A part cette correspondance qui, si elle avait été conservée, aurait peut-être permis d'éclaircir quelques points demeurés obscurs dans l'histoire de ce faux ménage, il n'y a rien là de particulièrement intéressant. Il paraît certain qu'Henry d'Asies s'était défait depuis longtemps des papiers qui auraient risqué de le compromettre. J'ai relevé parmi les innombrables écrits inspirés par l'affaire Maubreuil une production de sa plume M. Dasies à M. le comte de Semallé, 17 pp. in-8° s. d.. De l'imprimerie de Mme Jeune homme, rue Hautefeuille, n° 20. Il existe aussi un TROISIÈME ET QUATRIÈME TRIMESTRES 1930 297 Placet au Roi, 14 pp. s. d. L. G. Michaud, Imprimeur du Roi, rue des Bons-Enfants, n° 34. 1814. Cette brochure signée par Dasies, fut, parait-il, rédigée par son avocat et ami Me Couture 34. 34 Louis-Jean-Baptiste-Mathieu Couture, avocat, jurisconsulte et écrivain. Né à Amiens le 7 mars 1769. Il fut conseiller à la Cour Royale de Paris. Outre ses nombreux Plaidoyers et ses Consultations Juridiques, il a laissé plusieurs écrits; les principaux sont Plaidoyer pour Madame la marquise de Giac, demanderesse en séparation de corps contre Monsieur le marquis de Giac, défendeur. in-8° Paris, 1832. Mon Portefeuille. Réponse à un ami d'enfance, avocat à Boston, in-8° Paris. Proux, 1840; ouvrage non mis dans le commerce. Souvenirs du Théâtre-Français, in-8°, 1841. Du Système Parlementaire en France, in-8°, 1844. Il mourut vers 1848. Lorsqu'il était serré de trop près par les policiers ou par ses créanciers, Henry d'Asies se réfugiait chez Couture où il n'était connu que sous le nom de Monsieur Louis. 298 SOCIÉTÉ D'HISTOIRE ET D'ARCHÉOLOGIE DU GERS LA JUSTICE A SIMORRE AVANT 1789 PAR M. Louis SAINT-MARTIN Simorre Cimorra, Symorra était au XIe siècle la capitale de l'Astarac et, conformément à l'usage féodal, le comte exerçait sur ses terres le droit de haute, moyenne et basse justice. Comment et pour quels motifs le comte d'Astarac n'était-il pas le haut justicier à Simorre ? Il est certain que le comte Bernard et ses deux fils Sanche et Bernard tous présents à la signature de l'acte de reconstitution de la ville après l'incendie de 1141, n'élevèrent aucune protestation au sujet de la justice dans la nouvelle cité. L'Abbé se réservait le droit de juger ou de faire juger les délits par son intendant conformément à ses lois et usages D. B. Preuves ». A ce moment les comtes d'Astarac étaient les soutiens dévoués de l'Abbé. Ils changeront d'attitude au siècle suivant car la puissonce toujours grandissante du seigneur Abbé finit par leur porte ombrage. Pour se conformer au mouvement du siècle et surtout pour s'attacher les habitants, il pressentait la lutte contre les comtes d'Astarac, Bernard Ier d'Asté de Astario Abbé de Simorrre, leur accorda les lois et coutumes 1268. L'Abbé déclare donner les coutumes et usages ou franchises en tant que seigneur direct et indépendant de la ville de Simorre ». Dans cet acte d'une importance capitale le comte d'Astarac ne figure que dans la formule régnant Louis, roi de France, seigneur d'Amaneu, archevêque d'Auch, et le seigneur Bernard étant comte d'Astarac ». La suzerainteé du comte dans Simorre est fort amoindrie. TROISIÈME ET QUATRIÈME TRIMESTRES. 1930 299 D'après les coutumes et lois », l'Abbé ou son bayle jugera les diffamateurs, les médisants, les assassins, les suborneurs, les voleurs, les adultères, etc... Les divers articles énumèrent les punitions ou amendes qui devront être infligées. Il existe à Simorre, au levant de la ville à une distance de 800 mètres environ, sur la route qui conduit à Sauveterre la côte de la Justice». En cet endroit, le seigneur Abbé avait fait élever le gibet pour faire pendre les criminels. Bernard IV, comte d'Astarac commence la lutte contre l'Abbé de Simorre à qui il disputait la haute justice et les droits seigneuriaux dans la ville de Simorre et quelques localités voisines. L'Abbé Bernard II de Saint-Estier résista à ses prétentions. La guerre éclata entre les deux rivaux et, comme les seigneurs féodaux de cette époque, le comte employa la violence et ravagea les terres dépendant de l'Abbaye. La querelle fut portée en 1284 devant le roi Philippe le Hardi qui donna raison à l'Abbé. Bernard IV ne s'inclina nullement devant la sentence royale. Il reprit les armes contre l'Abbé ; celui-ci fit intervenir l'Archevêque d'Auch qui excommunia le comte d'Astarac. Bernard pour toute réponse s'empara du château de Lamaguère, propriété personnelle de l'archevêque. Bernard IV mourut en 291. Son fils Centulle II lui succéda ; moins belliqueux que son père, il ne voulut pas continuer la lutte et signa un accord avec l'Abbé à Gimont, le 29 novembre 1291. Pour assurer sa tranquillité, le 13 novembre 1297, Bernard de Saint Estier, offrit au roi Philippe le Bel le paréage à Simorre ; il lui abandonna la moitié de la justice dans cette ville et quelques autres localités Tachoires, Monties, une partie de Gaujan. Le comte d'Astarac protesta étant, disait-il le seul haut justicier dans tout son comté. Le roi démembra Simorre du comté d'Astarac ainsi que les autres localités précitées et les incorpora à la Jugerie de Rivière-Verdun. 300 SOCIÉTÉ D'HISTOIRE ET D'ARCHÉOLOGIE DU GERS Philippe IV respectait ainsi les usages de la féodalité sur le droit de Justice, mais donnait raison à qui devenait son coseigneur. A partir de cette date, 1297, le roi nomma le juge royal de Simorre ; ce dernier portait d'ailleurs le titre de Conseiller du roi. L'Abbé intervenait dans cette nomination à titre consultatif. En 1327, l'abbé de Simorre fit casser' le titre de Raymond de Vignoles nommé Juge royal de cette ville attendu que la nomination avait été faite à son insu D. Brugelles. Depuis François Ier, la vente des charges de judicature fut pratiquée au profit du trésor public. En 1601, Sully, sous les inspirations d'un financier nommé Paulet, établit un impôt annuel sur les officiers de judicature. Il s'élevait à 1/60 du prix de la charge. La paulette transforma en propriété de famille les fonctions de judicature. Quiconque avait payé ce droit pouvait transmettre sa charge par héritage ou par vente. Ainsi s'expliquent les nominations de père en fils des Daste, des d'Estève, des Souville au siège de Simorre. La paulette assurait une certaine indépendance aux magistrats, mais elle écartait des fonctions judicaires le mérite pauvre ». Grégoire. Dictionnaire d'histoire. Jusque vers l'année 1610, le juge royal se confondit avec le juge de l'Abbé. Celui-ci exigeait simplement de la part du Juge le serment de fidélité. Vers cette date, l'Abbé, MichelVictor de Fabars, nomma juge de la Temporalité Nicolas de Cardonne. Bernard Daste, juge royal, se trouva lésé dans ses intérêts; il protesta contre cette nomination et l'affaire fut portée devant le Parlement de Toulouse. L'arrêt fut rendu le 17 février 1615 ; il maintenait le juge nommé par l'Abbé en l'exercice de la justice dans la ville de Simorre et ses dépendances concurremment avec le juge royal du lieu. Il a été jugé par divers arrêts, que le roy étant en partage avec un autre, le juge est créé alternativement et ainsi TROISIÈME ET QUATRIÈME TRIMESTRES 1930 301 fut jugé le 16 février 1615 au rapport de M. d'Assesat, entre Fabars abbé commendataire de Simorre prenant le fait et cause pour Cardonne créé par lui juge aud. lieu contre Daspe Daste lieutenant du juge de Rivière aud. lieu de Simorre. Le fait était que les abbés de Simorre étant seuls seigneurs dud. lieu avaient pris le roy en paréage et parce que les anciennes Ordonnances et Arrêts, qui avait, comme j'ai dit, le Roy pour compagnon l'avait pour maître, il était arrivé que le juge établi par le, Roy avait exercé longtemps seul la justice au nom et de l'Abbé sans que l'Abbé y eut créé aucun juge, sinon depuis quelques années que le dit Fabars y avait mis le dit Cardonne pour son juge, auquel s'était opposé le dit Daspe lieutenant aud. lieu du juge de Rivière prétendant être juge pour tous deux, et disant que ce serait autrement lui ôter la moitié de son office pour lequel il avait financé, et que la plupart des autres lieutenants étalent aussi seuls aux lieux où le Roy n'avait que la moitié de la justice ; par conséquent qu'on les priverait à tous de la moitié de l'exercice de leurs charges ; que l'abbé se devait de contenter qu'il rendît la justice au nom de tous deux offrant prêter serment entre les mains de l'abbé. Au contraire l'abbé disait qu'étant seigneur par moitié, il pouvait avoir un juge, que cela demeurait décidé par l'Ordonnance du Roy Charles IX donné à Orléans, art. 25 du Règlement de la Justice où il est dit qu'aux lieux où la justice est exercée en commun sous l'autorité du Roy sous le nom d'autres personnes, il n'y aura qu'un juge pour exercer l'entière justice, lequel y sera commis de trois ans en trois ans par le Roy ou le sujet ; le Roy donc veut que le juge puisse être établi par le conseigneur, et par ces raisons, il fut jugé que le sieur Daspe, qui avait été pourvu par le Roy, exercerait alternativement avec le dit Cardonne, scavoir Daspe la première année, Cardonne la seconde et ainsi consécutivement année par année, au nom de tous les seigneurs, et depuis il a été jugé plusieurs fois conformément à cela en diverses affaires, et même dans la ville de Béziers entre le Roy ou son juge et le sieur évêque du dit lieu, auquel la cour 302 SOCIÉTÉ D'HISTOIRE ET D'ARCHÉOLOGIE DU GERS permit d'avoir un juge étant juge par moitié comme aussi dans Auch à Monsieur l'archevêque d'Auch » '. Après ce jugement, Bernard Daste, juge royal, refusa de précer serment de fidélité à l'abbé. Ce dernier le contraignit à se conformer à l'usage établi ainsi d'ailleurs qu'à son fils et successeur François Daste quand celui-ci fut nommé. De 1615 à 1789, Simorre eut 1 le juge royal désigné par le roi ; 2° le juge de la Temporalité nommé par l'Abbé. Chacun d'eux rendait la justice pour une année et alternativement. Cette complication devait être une gêne pour les justiciables, la justice, à cette époque, allait si lentement. Pouvoirs et privilèges du JUgE Royal. A Simorre, le juge royal exerce toute la justice qui appartient au roi. Il s'occupe surtout des affaires civiles ; ceux qui n'acceptent pas ses décisions peuvent aller en appel devant le Parlement de Toulouse. Pour les affaires criminelles, il doit s'entendre avec les consuls. Un arrêt du Parlement du 20 mars 1640 casse pour incompétence une procédure criminelle faite par le juge de Simorre contre le nommé Blaise Lassus, forgeron, et la sentence rendue par lui avec restitution des épices ». Le juge royal reçoit le serment de fidélité des consuls à l'Abbé et religieux, s'il est en exercice ; dans le cas contraire, c'est le juge de la Temporalité. Dans les cérémonies civiles, c'est le juge royal qui occupe la place d'honneur ; d'ailleurs c'est le plus haut fonctionnaire du roi dans la ville de Simorre. Après le service funèbre fait à l'église abbatiale pour honorer la mémoire de Henri IV mai 1610 Bernard Daste, juge royal, prononça devant la foule assemblée sous la halle un discours fort éloquent dans lequel il exalta les vertus de ce grand roi. Le juge royal présidait les assemblées consulaires 1693 ; 1 Décisions notables sur diverses questions de droit jugées par plusieurs arrêts du Parlement de Toulouse, recueillies par Messire Jean de Cambolas, 5e édition Toulouse, MDCCXLIV. livre IV, chapitre 11, p. 241. — Communiqué par M, Gustave de Carlalade. TROISIÈME ET QUATRIÈME TRIMESTRES 1930 303 répartition des tailles, conduite des soldats de milice, louage d'une maison pour l'école. Il perd cette présidence lorsque Daste, sr de Talazac achète le titre de Maire perpétuel de Simorre, conseiller du roy. A la procession annuelle de la commémoration de la délivrance de la ville, la robe du Juge royal apparaît immédiatement après la crosse de l'Abbé. Dans l'exercice de ses fonctions, le juge était assisté 1° d'un procureur qui remplissait le même office que nos procureurs d'aujourd'hui. Dans les registres paroissiaux, on relève en 1642 le nom de Martial Ducor, lieutenant du roy, en 149, Martial Ducor, procureur du roy, en 1683, celui de M. Rey avec ce même titre. Le juge royal siégeait dans une maison appelée le Parquet, située dans la rue Saint-Cérax. On lit dans le cadastre de 1740. " MM. les Officiers de Justice de Simorre tiennent un parquet dit au parquet, confrontant levant et midy, rues publiques, couchant et septentrion le sieur Passama ». JuGeS Royaux. Les Chroniques de Dom Brugelles, les archives communales, les registres paroissiaux nous ont permis de retrouver le nom de quelques juges royaux de Simorre ; mais la liste est loin d'être complète. 1297. V., juge royal prête serment de fidélité à l'abbé Auge de Montaut, après la signature du paréage. 1327. Pierre de..., prêta serment de fidélité à l'abbé ; celui-ci avait fait casser le titre de Raymond de Vignoles nommé à l'insu de l'abbé, Gardon d'Orgueil. 1380. 27 novembre. Bernard Barnic, juge royal prête serment de fidélité à l'abbé Bertrand II de Roffiac. 1401. 29 décembre. Jean de Pons Géraud, prête serment à Bertrand II. 1405. 9 novembre. Pierre Déjean, prête serment de fidélité à Bertrand II. 1540. 10 avril. Géraud de Brugelles, juge royal, prête serment de fidélité à l'abbé Octaviain de Galard. de Brassac. 304 SOCIETE D' HISTOIRE ET D' ARCHEOLOGIE DU GERS 1600. Bernard Daste ou d'Aste, juge royal. Il fut en procès devant le Parlement avec l'abbé Michel-Victor de Fabars. Celui-ci eut gain de cause et Bernard Daste fut obligé de prêter le serment de fidélité à l'abbé le 4 avril 1615. 1615. François d'Aste, fils du précédent, fut lui aussi condamné à prêter le serment lorsqu'il succéda à son père au siège de Simorre. 1625. Michel-Jean d'Aste figure comme témoin le 27 novembre 1638 au mariage de Pierre Lamasère avec Marie Ducor Jean Daste docteur et juge de la présente ville ». R. P. 1650. Jean Cérassy Destève alias d'Estève, juge royal, avait lui aussi refusé le serment de fidélité. L'abbé, Jacques de Langlade le contraignit à se conformer à l'usage. Destève avait épousé damoyselle Annette de Pondensan. Nommé conseiller au Présidial de la Sénéchaussée de Toulouse, il céda sa fonction de juge royal à son fils 1670. C'était un grand propriétaire-terrien et le registre des tailles de 1693 porte Monsieur Me Jean Céracy Destève, conseiller 102 1., 6 sols, 9 deniers ». 1670. Pol-Martial Destève, prêta serment de fidélité, en 1670, à l'abbé Jacques de Langlade. Après l'incendie du palais abbatial en 1673, Martial Destève reçut dans sa maison le seigneur abbé et lui offrit généreusement l'hospitalité. Martial Destève fut pendant de longues années syndic de l'hôpital Sainte-Catherine. Il fut remplacé comme juge royal en 1725 et décéda le 31 mars 1732, à l'âge de 82 ans. En 1706, il fut parrain de la grande cloche. En 1693, il était imposé dans le registre des tailles pour une somme de 274 1. 3 s. 3 d. 1725. 25 septembre. François de Souville juge royal conseiller du roy et son juge en chef » prête serment de fidélité à l'abbé, Henry de Puget, et au chapitre. Il avait été juge ordinaire de la Temporalité de l'abbaye de Saramon. F. de Souville avait son domicile à Sarcos, petite localité du canton de Masseube. En sa qualité de juge royal, il avait présidé la réunion consulaire qui reconnut nécessaire la réfection du livre terrier ou cadastre de Simorre 1736. 1744. Jean-Baptiste-François de Souville, né à Sarcos, fils TROISIÈME ET QUATRIÈME TRIMESTRES 1930 305 du précédent, prêta le serment de fidélité à l'abbé Louis-Jacques-François de Vocance et aux habitants de Simorre, le 23 octobre 1744, Il habitait Puymaurin Haute-Garonne. Dans les registres paroissiaux de cette commune on trouve 1750 Mariage de Jean-Baptiste-François de Souville, ancien capitoul, conseiller du roy et son juge en chef de la ville en châtellenie de Simorre, natif de Sarcos et de demoiselle Françoise Dupan, native de la paroisse de Samatan. En 1767, baptême de demoiselle Rose Scholastique Françoise, fille de " Souville, conseiller du roy, son juge dans la ville de Simorre,coseigneur de Lunax et capitoul actuel de la ville de Toulouse ». R. P. de Puymaurin. En 1786 le juge royal de Simorre se nommait Jean-Pierre Roger, avocat au Parlement, domicilié à l'Isle-en-Dodon. Il avait acheté son titre à François de Souville. La date de sa nomination a échappé à nos recherches. En 1789, il fut un des quatre délégués du Tiers-Etat, envoyés à Murat par les électeurs de l'Isle-en-Dodon, avec mission de désigner les représentants aux Etats généraux pour le Comenge et le Nébouzan. Il prit une part active aux discussions de l'assemblée des délégués et ceux-ci l'envoyèrent siéger à Versailles comme député du Tiers. Depuis l'année 1725, les juges royaux de Simorre n'habitèrent plus cette ville. Ils se rendaient au siège de leur juridiction dans les circonstances extraordinaires et les jours fixés pour interroger les parties, entendre les plaidoiries et prononcer les jugements. Souvent, ils se faisaient remplacer par un avocat de Simorre comme l'établit le document suivant Le présent livre de charges et de décharges de la Communauté de Simorre contenant vingt-cinq feuillets a été parafe par nous, Maître Pierre Dastugue avocat au Parlement en l'absence de M. le juge royal de Simorre, le 10e octobre 1781. Dastugue, adv. pour le juge absent ». 20 306 SOCIÉTÉ D'HISTOIRE ET D'ARCHÉOLOGIE DU GERS Jean-Pierre Roger clôt la liste des juges royaux de Simorre. Il ne fut pas remplacé après les élections de 1789, mais il ne siégea plus se consacrant à son mandat de représentant du peuple. D'ailleurs la Constituante modifia l'organisation judiciaire de la France. Simorre devint chef-lieu du canton de ce même nom. Et les électeurs réunis à Simorre le 4 janvier 1791, élurent comme juge de paix cantonal, un Simorrain, François-Paul Ducor, avocat au Parlement, maire de la ville. A suivre. TROISIÈME, ET QUATRIÈME TRIMESTRES 1930 307 Notices des Prêtres et Religieux de Condom PENDANT LA RÉVOLUTION PAR M. JOSEPH GARDÈRE. Suite. CXXXVII. — MIDAN Antoine. Midan Antoine est dit né à Destere ?, le 3 décembre 1728 1120. Il était religieux cordelier au couvent de Condom au moment de la Révolution. Il remplissait en même temps les fonctions d'aumônier à l'hôpital de la Charité de Piétat depuis 1780 1121, et il avait fait le service de Béraut en 1771 et 1772 1122. Il est du nombre des religieux qui aimèrent mieux continuer la vie commune que sortir de leurs couvents et nous trouvons sa signature au bas des Règlements dressés à cet effet par les Cordeliers de Condom le 10 août 1791 1123 ; leur couvent avait été désigné, le 16 juin 1791, par le département pour ceux qui ne voulaient pas abandonner la vie religieuse. Il est encore au couvent de Condom le 9 mars 1792 il était alors âgé de 64 ans 1124. Il avait 31 ans de profession 1125. Il prêta le serment du 14 août 1792 le 5 avril 1793, et comme il était malade, l'administration municipale nomma des commissions pour aller recevoir son serment à son domicile 1126, ce qui ne dispensa pas d'être bientôt reclus à Auch. Un arrêté du département du 4 mai n'admit pas les raisons d'infirmités qu'il voulut faire valoir afin d'éviter la réclusion à Auch, conformément à l'arrêté du 24 mars précédent qui ne présentait aucune exception 1127. A peine arrivé à Auch, il demanda encore qu'il lui fut permis de 1120 Registr. des pétitions du canton de Condom, n° 385. Arch. de la souspréfecture. 1121 Archives hospitalières de Condom. 1122 Registres paroissiaux do Béraut. 1123 Archives de la sous-préfecture de Condom. 1124 Reg. de délibér. municip., Condom. 1125 Arch. dép. du Gers. L. 417. 1126 Regist. des délibér. municip. Délibér. du 5 avril 1793. 1127 Reg. de pétitions du district de Condom, n° 852. Arch. de la sous-préfecture. — La persécution contre le, clergé du département du Gers, par l'abbé LAMAZOUADE, Auch 1879, p. 108. — Il avait habité environ un an chez un menuisier de la ville qui lui avait loué une chambre avec les décharges nécessaires moyennant 72 livres. Regist. des pétitions du district, n° Arch. de la sous-préfecture. 308 SOCIÉTÉ D'HISTOIRE ET D'ARCHÉOLOGIE DU GERS reprendre son poste à Condom, attendu qu'il reconnaissait l'évêque du département pour son supérieur et qu'il avait prêté le serment lorsqu'on l'en avait requis, qu'il était d'ailleurs accablé d'infirmités. Le directoire du département l'autorisa, le 22 mai, à demeurer provisoirement chez le citoyen Lamarque, vicaire épiscopal, sous la responsabilité de ce dernier ; mais le district consulté, fut d'avis, le 29 mai, qu'il n'y avait pas lieu d'accueillir sa demande, la loi qui déportait les ecclésiastiques qui n'avaient pas prêté le serment du 14 août 1792 n'admettant pas d'exception 1128. Il demanda plus tard, au mois de nivôse An II, la main levée des scellés qui avaient été apposés sur ses meubles à Condom 1129. Le 5 floréal il n'y avait pas encore eu de décision à cet égard 1130, et il ne put probablement pas en jouir. Les meubles de Midan furent d'ailleurs vendus dans le courant de l'An III ou destinés aux hôpitaux 1131. Toutefois Midan ne tarda pas à être mis en liberté, soit en vertu d'un arrêté du représentant du peuple Laurence de la fin de messidor An II probablement du 25 qui met en liberté plusieurs prêtres, dont Midan, sous la surveillance des municipalités, soit en vertu de l'arrêté du Comité de Sûreté générale du 10 vendémiaire An III. Le 3 thermidor de cette dernière année, il fait à Condom la déclaration d'exercice du culte en vertu de la loi du 11 prairial précédent, et le 28 vendémiaire An IV, il fait celle prescrite par la loi du 7 du même mois 1132. Midan devait être arrêté de nouveau en vertu de la loi du 3 brumaire An IV et conduit à la maison de réclusion à Auch. La lettre des administrateurs municipaux de Condom adressée aux administrafeurs du département, le 19 nivôse An IV, nous apprend qu'il était reclus à Auch comme prêtre insermenté 1133. Mis en liberté après la loi du 14 frimaire An V, il rentra à Condom où il exerça secrètement le culte dans des maisons particulières non déclarées 1134. Toutefois, il prêta le serment du 19 fructidor, le 29 du même mois 1135. Il devait se trouver encore sous le coup de l'arrêté du 21 brumaire An VIl porté contre les prêtres qui n'avaient pas prêté le serment dans les délais ; mais il put invoquer les exceptions portées dans 1128 Regist. de pétitions du district, n° 879. Arch. de la sous-préfecture. — Id... Arch. dép. du Gers. L. 211, n° 241. 1129 Il était reclus, à la maison de Camarade, en nivôse An II. Arch. dép. du Gers. L. 211, n° 662. 1130 Regist. de petit ions du district, n° Arch. de la sous-préfecture. 1131 Idem, nos — Regist. de recette des biens d'émigrés. Arch. dép. Q. 273. — La vente produisit 600 livres. 1132 Regist. des délibér. municip. Condom. 1133 Arch. municip. Condom. 1134 Tableau relatif à l'exécution des lois du 7 vendémiaire et du 22 germinal An IV, dressé par les administrateurs municipaux de la commune de Condom le 4 thermidor An V. Arch. municip. 1135 Reg. de délibér. municip. TROISIÈME ET QUATRIÈME TRIMESTRES 1930 309 l'arrêté du 29 floréal suivant. La municipalité déclara, le 24 prairial que la conduite du pétitionnaire réduit depuis plusieurs années à l'état de caducité » était paisible et ne paraissait offrir rien de dangereux pour la chose publique ». L'administration centrale du département put aussi le dispenser, par son arrêté du 28 prairial, de se rendre à la maison de réclusion et l'autorisa à demeurer dans la commune de Condom sous la surveillance de la municipalité 1136. Le préfet du Gers écrivit au sous-préfet de Condom, le 26 floréal An IX, que Midan Antoine avait été rayé de la liste des émigrés ; mais qu'il n'obtiendrait la remise de l'arrêté de radiation que lorsqu'il aurait fait la promesse de fidélité à la Constitution 1137. Le malheureux cordelier Midan devait mourir à Condom, le 23 prairial suivant, section Liberté, à l'âge de 76 ans 1138, CXXXVIII. — DE MOLIER Sulpice-Marie. Sulpice de Molier, né paroisse de Vicnau, juridiction de Condom, le 15 septembre 1744 de Messire Sulpice de Molier et de Dame Marie Derens 1139, entra dans la Congrégation de l'Oratoire. Il fut envoyé en Espagne vers 1783 1140, mais il était supérieur à Soissons en 1788, et il s'y trouvait encore en 1792 1141. Le 29 avril 1792, les électeurs du district de Condom, le nommèrent curé de Cannes ; mais le nouvel élu ne se montra pas disposé à se conformer à l'article 2 de la loi du 8 janvier 1792, et la cure de Cannes fut encore déclarée vacante 1142. CXXXIV. — MOULIÉ Jean. Moulié Jean, né à Condom le 16 septembre 1746, de Jean Mouvié, maître d'école et d'Anne Cointaut 1143, était hebdomadier du Chapitre de Condom depuis 1776 1144, au moment où éclata la Révolution.. Il devait mourir au seuil de la terrible époque, le 6 juillet 1791 1145. 1136 Regist. de pétitions du canton de Condom, n° 385. Arch. de la souspréfecture. 1137 Arch. municip. Condom. 1138 Etat civil de Condom. 1139 Regist. par. de Vicnau. — Il y a eu des d'Ayrenx au château de Mothe, juridiction de Vicnau au XVIIIe siècle. N. D. L. R. 1140 Regist. de comptabilité de l'ancien collège de l'Oratoire de Condom. Archives municipales. 1141 Arch. municip. — Procès-verbal d'élection des curés du district de Condom du 29 avril 1792. Regist. de la sous-préfect. 1142 D'après l'art. 2 de la loi du 8 janvier 1792, les curés nouveaux élus étaient désormais tenus de se l'aire installer dans la quinzaine du jour où ils auraient reçu l'institution canonique. — Lettre du procureur-syndic du district de Condom du 7 octobre 1792. Reg. de la sous-préfect. .— Le sieur Vignes, prêtre des Hautes-Pyrénées, fut nommé le 7 octobre suivant. 1143 Regist. par. de Saint-Pierre. 1144 Regist. de délibér. de MM. les hebdomadiers et prébendiers du Chapitre cathédral de Condom. 1145 Etat civil de Condom. 310 SOCIÉTÉ D'HISTOIRE ET D'ARCHÉOLOGIE DU GERS CXL. — OLIVIER Jérôme. Olivier Jérôme, religieux, cordelier, né à Massac ou Massas 1146, préféra continuer la vie commune à l'époque de la Révolution. Il choisit le couvent de Condom pour son lieu de résidence et il s'y trouva le 9 mars 1792. Il avait alors 36 ans 1147. Il figure parmi les volontaires qui subirent le sort le 27 mars 1793 et furent déclarés soldats en vertu de la loi du 24 février précédent 1148. Mais il prêcha, paraît-il, l'insubordination dans la partie du recrutement » où il se trouvait, et il ne tarda pas à être mis en état d'arrestation, soit pour ce motif, soit pour n'avoir prêté aucun des serments prescrits 26 décembre 1790, 17 avril 1791, 15 août 1892, soit en vertu des arrêts du département 24 et 30 mars 1793, et avoir ainsi encouru la peine de la déportation. A la séance du Conseil général du département, un membre observa que ce prêtre demandait à faire son service militaire parce que la loi ne l'obligeait pas au serment et que lors de sa désignation les arrêtés du département ne lui étaient pas connus. Le Conseil général considérant que dans les garnisons Jérôme Olivier sèmerait l'esprit d'insubordination parmi les troupes et celui de la défection dans les camps », que son caractère d'ecclésiastique n'était pas anéanti par sa désignation comme soldat, décida, le 3 juin 1793, qu'il serait conduit au directoire du district de Condom qui le ferait mener de brigade en brigade hors du territoire de la République dans l'un des Etats avec lesquels elle n'était pas actuellement en guerre 1149. Il fut déporté sur le Jeanty », en rade de l'île d'Aix 1150. Un arrêté du Comité de sûreté générale, du 11 germinal An III, ordonna sa mise en liberté immédiate et la levée des scellés qui avaient été apposés sur ses biens. L'arrêté le désigne comme " détenu sur les différents vaisseaux en rade à Rochefort, ou dans les différentes maisons d'arrêt du département 1151. Le 2 messidor An III, il est à Condom et il fait sa soumission d'exercice du culte en vertu de la loi du 2 prairial précédent. De même, le 28 vendémiaire An IV, il fait la déclaration contenue dans la loi du 7 vendémiaire 1152. 1146 Arch. dép. du Gers. L. 422. 1147 Délibér. municip. Condom. 1148 Arch. municip. Condom Regist. des soldais volontaires de la municipalité de Condom. 1149 Regist. des délibér. du Conseil général du départ. — Arch. dép. du Gers. L. 115. 1150 Semaine Religieuse d'Auch, 2 janvier 1892. 1151 Arch. de la sons-préfecture de Condom. 1152 Délibér. municip. Condom. TROISIÈME ET QUATRIÈME TRIMESTRES 1930 311 Après la loi du 3 brumaire An IV, qui ordonnait l'exécution dans les vingt-quatre heures et qui fit revivre les lois de 1792 et 1793 contre les prêtres sujets à la déportation ou à la réclusion, la municipalité de Condom essaya en vain de le faire arrêter 1153 ; ce religieux put se cacher et continuer à exercer le culte en secret. Nous trouvons son nom sur une liste de prêtres insermentés ayant résidé à Condom, sujets à la déportation, envoyée à Auch par la municipalité le 19 nivôse An IV, avec la mention on ignore où il est 1154. Il figure également sur la liste des prêtres de la commune de Condom sujets à la déportation envoyée par les administrateurs municipaux à l'administration du département, le 4 pluviôse An VIII 1155. Nous ignorons à quelle époque Jérôme Olivier quitta Condom, et nous n'avons pas d'autre renseignement sur ce religieux. CXLT. — PARENT Jean-Joseph. Parent Jean-Joseph, cordelier de Condom, se présente au district le 12 février 1793 et déclare qu'il était sorti de la communauté le 4 octobre dernier 1792 en vertu de la loi du 16 août précédent et qu'il fixait son domicile à Oyen, lieu de sa naissance district d'Oloron Basses-Pyrénées 1156. CXLII. — DON PALAZO ? Gardère ne fait que signaler Don Palazo, sans écrire sa notice, soit qu'il ait jugé inutile de le comprendre parmi les prêtres et religieux de Condom, soit que les documents lui aient fait défaut.] — N. D. L. R. CXLIII. — PASSERIEU Joseph. Passerieu Joseph, né à Condom, paroisse de Saint-Pierre, le 19 février 1746, de Joseph Passerieu, maître coutelier, et de Marie Leblond 1157, fut ordonné prêtre à Auch, le 13 juin 1772, et est vicaire à Saint-Jacques de la Bouquerie de juin 1778 à la fin de février 1783 1158. Nommé curé de Cassaigne à la fin de 1787 ou au commencement de 1783 1159, il administra cette paroisse jusqu'au Concordat. L'évêque Barthe lui accorda le pouvoir de biner, le 13 septembre 1792 pour la paroisse de Mansencomme, et le 31 juillet 1793 pour Flarambel 1160. Il fut élu, le 16 décembre 1792, officier public de la commune de 1153 Délibér. du 12 brumaire An IV. 1154 Arch. municip. Condom 1155 Idem. 1156 Arch. dép. du Gers. L. 502. 1157 Regist. par. de Saint-Pierre. 1158 Regist. par. de Saint-Jacques-de-la-Bouquerie. 1159 Regist. par. de Cassaigne. 1160 Regist. épiscopal de Barthe Arch. dép. du Gers. 312 SOCIÉTÉ D'HISTOIRE ET D'ARCHÉOLOGIE DU GERS Cassagne chargé de recevoir les déclarations de naissance, de mariage et de décès des citoyens jusqu'au mois de germinal An II 1161. Il est destitué à cette époque, d'après les renseignements de la Société populaire, en vertu de l'arrêté de Dartigoeyte du 19 nivôse, sur l'épuration des municipalités 1162, pour avoir abandonné son poste le jour de la fête de la prise de Toulon » et pour s'être retiré lorsqu'il s'agit de brûler les signes de la superstition » et avoir refusé de signer la délibération relative à l'envoi des vases sacrés et de l'argenterie de la ci-devant église 1163. Joseph Passerieu prêta les divers serments exigés par les lois révolutionnaires et nous le trouvons sur les Etats des pensionnaires ecclésiastiques du district de Condom de l'An III comme domicilié à Condom 1164. Il ne tarda pas à rentrer à Cassaigne. Le 15 frimaire An II , il s'était rendu à la commune et avait déclaré renoncer aux fonctions de son ministère et avait remis ses lettres de prêtrise, promettant en outre de vivre en sa maison en bon citoyen et en franc sans-culotte montagnard 1165. Il ne devait pas être compris dans les nominations faites par Mgr Jacoupy après le Concordat. Il mourut à Condom, le. 24 mars 1812, à l'âge de 66 ans 1166. CXLIV. PÉLAUQUE Jean. Pélauque Jean, né à Condom, paroisse de Saint-Pierre, le 11 septembre 1732 de Jean Pélauque, procureur au Présidial, et de Jeanne Garric 1167, entra dans la Congrégation des Prêtres de la Doctrine chrétienne. Il était, au moment de la Révolution, chapelain de la chapelle du Vignan desservie dans l'église Saint-Jacques de la Bouquerie et de celles de Relengon et de Darqué 1168. C'est en cette qualité de ci-devant chapelain qu'il demande une pension par lettre du 14 janvier 1791 datée de Nérac 1169. Il était aussi chapelain de la chapelle de Lartiguette, en Fourcès 1170. Vers la fin de 1792, il se retira chez son frère au presbytère de Vicnau où il prêta le serment du 14 août 1792, le 30 juin de l'année sui1161 sui1161 civil de Cassaigne. 1162 Il fut remplacé dans cette fonction par le citoyen Monteil, le 14 germinal An II Etat civil de Cassaigne. 1163 Arch. de la sous-préfecture procès-verbal du commissaire délégué en vertu de l'arrêté de Dartigoeyte. Délibér. de la Société populaire de Valence du 5 pluviôse An II. 1164 Arch. municipales de Condom. 1165 Regist. de la commune de Cassaigne et Arch. de la Condom. 1166 Etat civil de Condom. 1167 Regist. par. de Saint-Pierre. 1168 Etat des domaines nationaux Arch. municp. 1169 Regist. de pétitions du district, n° 136. 1170 Arch. dép. du Gers. L. 504 TROISIÈME ET QUATRIÈME TRIMESTRES 1930 313 vante en présence d'un délégué que la municipalité de Condom lui envoya, vu son état de santé. Le septidi de la deuxième décade de frimaire, il écrivait aux administrateurs du district qu'il s'était abstenu de toute fonction ecclésiastique depuis dix-huit mois, et qu'il promettait en son âme et conscience de n'en exercer désormais aucune par obéissance à la loi 1171. Il devait prêter le serment du 19 fructidor An V, le 28 du même mois 1172. Le 1er nivôse An II, il obtint un certificat de civisme, et le 27 vendémiaire An IV, il fait la déclaration contenue dans la loi du 7 du même mois 1173. Nous le trouvons dans le Tableau des pensionnaires ecclésiastiques du district ou de la commune de Condom de l'An III, de l'An VI et de l'An IX, comme ci-devant Doctrinaire domicile à Condom 1174. Il figure dans celui des prêtres et ecclésiastiques dont l'administration municipale de Condom avait reçu les déclarations en exécution de l'arrêté du département du 21 brumaire An VI 1175, ledit Tableau envoyé à Auch le 4 pluviôse An VIII, et dans l'Etat des prêtres constitutionnels domiciliés dans la commune de Condom, du 25 vendémiaire An XI 1176. Dans ce dernier état, il est désigné comme infirme et n'exerçant pas de fonctions. Il existe, sur cet ecclésiastique, une note sévère qui le donne comme homme de parti et ayant l'air de se faire un jeu de la religion 1177. Il devait mourir à Condom, section de Saint-Michel, le 26 septembre 1808, à l'âge de 76 ans 1178. CXLV. — PÉLAUQUE Pierre. Pélauque Pierre, né à Condom, le 23 avril 1744, de Jean Pélauque, procureur au Présidial, et de Jeanne Garric 1179 fut de bonne heure chanoine au Chapitre collégial de Larromieu 1180. Il est vicaire à 1171 Arch. de la sous-préf. de Condom. 1172 Regist. des délibér. municipales. 1173 Idem. 1174 Arch. municip. de Condom. 1175 Arch. départ, du Gers. 1176 Arch. municipales de Condom. 1177 Note fournie à l'évêché d'Agen à l'époque du Concordat. 1178 Etat civil de Condom. 1179 Regist. de Saint-Pierre. 1180 Actes des 5 et 6 juillet 1775 ; minutes Lacapère, étude Pellisson. — Le 6 juillet 1775, il prend possession de la chapelle de Saint-Yves, desservie en l'église Saint-Nicolas. 314 SOCIÉTÉ D'HISTOIRE ET D'ARCHÉOLOGIE DU GERS Vicnau en 1779 et 1780, et curé, en 1780, de cette paroisse qu'il devait desservir jusqu'à sa mort 1181. Au mois de mars 1793, il demanda l'autorisation de prendre l'autel de l'église des ci-devant Pénitents bleus pour le placer à Vicnou. Nous pensons que c'est l'autel actuel ; mais nous pensons aussi que les paroissiens furent obligés de l'acheter aux enchères 1182. Pierre Pélauque, qui était docteur en théologie, reçut de l'évêque Barthe le pouvoir de biner pour le service de Gensac, annexas de Sainte-Eulalie de Condom le 19 mai 1792. Il devait prêter les serments du 26 octobre 1790, du 14 août 1792 et du 19 fructidor An V 1183. Il prêta le premier dans l'église de Vicnau, après la messe, le 20 mars 1791 1184. Pierre Pélauque desservit aussi Saint-Martin-de-Plieux depuis le 3 mai 1792 jusqu'en octobre 1793 ; et Lialores, depuis le 28 vendémiaire jusqu'au 18 frimaire An II, en remplacement du citoyen Larroche, ci-devant curé et commandant du 5e bataillon des volontaires du Gers 1185. Il obtint un certificat de civisme le 1er nivôse An II. Le 25 prairial An III, il renouvelle sa soumission aux lois de la République et il déclare, en vertu de la loi du 11 du même mois, qu'il se propose d'exercer le culte dans l'église de Vicnau ; le 27 vendémiaire An IV, il fait la déclaration contenue dans la loi du 7 de ce mois 1186. Pierre Pélauque figure comme curé domicilié à Condom dans les Etats des pensionnaires ecclésiastiques du district et de la commune de l'An III, de l'An VI et de l'An IX 1187. Nous le trouvons encore dans le Tableau des prêtres et ecclésiastiques dont l'administration municipale avait reçu les déclarations en exécution de l'arrêté du département du 21 brumaire An VI, le Tableau envoyé à Auch le 4 pluviose An VIII 1188, et dans l'Etat des prêtres constitutionnels domiciliés dans la commune de Condom du 25 vendémiaire An XI 1189. Nommé curé de Lialores, Vicnau et Cannes par Mgr Jacoupy, le 3 thermidor An XI, il fit sa soumission à l'évêque, le 4 nivôse An XII 1190. 1181 Regist. par. de Vicnau. 1182 Arch. dép. du tiers. L. 503. 1183 Il prêta le serment du 14 août 1792 le 6 octobre suivant et celui du 19 fructidor An V, le 29 du même mois Regist. des délibér. mun. de Condom. 1184 Regist. des délibér. municip. de Condom. 1185 Regist. des pétitions du district, nos 809, 866 et 1120. Arch. de la souspréfecture. 1186 Délibér. municip. de Condom. 1187 Arch. municip. de Condom. 1188 Arch. dép. du Gers. 1189 Arch. municipales de Condom. 1190 Tableau imprimé de la circonscription des paroisses et de la nomination aux cures du départ, du Gers. Arch départementales. TROISIÈME ET QUATRIÈME TRIMESTRES 1930 315 Il était encore desservant de Lialores lorsqu'il mourut dans son domicile à Vicnau, le 3 juin 1829 1191. CXLVI. — PÉLISSIER Jean-Joseph. Pélissier Jean-Joseph, né le 19 mars 1735 à Vorey, diocèse du Puyen-Velay Haute-Loire, fut curé de Larroque-sur-l'Osse et du Pomaro de 1773 à 1793 1192. Il devait prêter les serments du 26 octobre 790, du 14 août 1792 et du 19 fructidor An V 1193. Il renonça à ses fonctions de prêtre en l'An II et déposa ses lettres de prêtrise au secrétariat du district 1194. Le 30 germinal de cette année, il se maria avec la citoyenne Anne Tadieu, servante à Larroque 1195 dont il eut plusieurs enfants une fille, Julie, née commune de Larressingle le 28 ventôse An III ; un fils, Joseph-Isidore, né à Larroque-sur-l'Osse, qui fut horloger à Condom et dont la descendance existe encore ; une autre fille, Emilie, née commune de Condom le 16 floréal An X 1196. Il figure sur les Etats des pensionnaires ecclésiastiques du district ou de la commune de Condom de l'An III, de l'An VI et de l'An IX. Il est disigné sur les premiers comme domicilié à Larressingle, sur les deux derniers comme domicilié dans la commune de Condom 1197. Jean-Joseph Pélissier devait mourir au Pomaro, commune de Condom, le 18 mai 1823 1198. CXLVII. — PELLISSON Charles-Joseph. Pellisson Charles-Joseph, fils de Barthélémy Pellisson, maître chirurgien à Francescas et de Jeanne Dugarçon, est vicaire à SaintMichel de Condom d'octobre 1786 à fin 1787, et à Saint-Pierre de 1788 à 1791 1199, n figure jusqu'en août de cette année sur les regis1191 regis1191 civil de Condom. 1192 Registres paroissiaux de Larroque-sur-l'Osse. 1193 Il prêta ce dernier le 4e jour complémentaire An V. Arch. municip. Il avait prêté celui du 14 août le 20 janvier 1793, à l'issue de la messe, devant la municipalité de Larroque-sur-l'Osse et dans le lieu de ses séances. Arch. départementales du Gers. L. 503. 1194 Regist. de pétitions du district, n° 1124. Arch. de la sous-préfecture. — Dans cette pétition on voit que Pélissier demande le paiement du double service fait au Pomaro depuis le 1er juillet. 1793 jusqu'au primidi de la 3e décade de Brumaire An II. Un arrêté du département du 20 brumaire suspendit le paiement pour les doubles services. 1195 Etat civil de Larroque. — Précédemment domciilié à Larroque-surl'Osse, il habitait alors, depuis trois mois, la commune de Larressingle. 1196 Etat civil de Larressingle et de Condom. 1197 Arch. municipales de Condom. 1198 Etat civil de Condom. 1199 Registr. par. de Saint-Michel et de Saint-Pierre. — Acte de mars 1790 minutes d'Esculap, étude Pellisson. — Registre de pétitions du dictrict, n° 111 Arch. de la sous-préfecture de Condom. 316 SOCIÉTÉ D'HISTOIRE ET D'ARCHÉOLOGIE DU GERS très de paiement pour le culte dans le district de Condom 1200. Il signe prêtre vicaire un acte de baptême à Francescas, le 4 octobre 1784. Le 4 septembre 1791, il est nommé vicaire épiscopal du Lot-etGaronne, et il signe sous ce titre, à partir du mois d'Octobre, les actes paroissiaux à Francescas ; il y ajoute celui de desservant la paroisse » en novembre et décembre ; le 27 de ce dernier mois, on trouve les mots élu curé après sa signature au bas d'un acte paroissial ; il venait évidemment d'être nommé curé par les électeurs du district de Nérac. Néanmoins, dans le courant de 1792, jusqu'au mois d'août, il signe » vicaire épiscopal desservant la paroisse », ou seulement vicaire épiscopal », et à partir du 1er août 1792, il ne signe plus que curé » de Francescas jusqu'en novembre, époque à laquelle les officiers municipaux clôturent les registres 1201- Le 13 novembre 1792, il prêtait serment comme vicaire cathédral » dans l'église du collège d'Agen, cathédrale provisoire 1202. Nous le perdons de vue à cette époque ; mais peut-être revint-il à Condom, où l'on nous assure qu'il fit partie de la Société Montagnarde de cette ville 1203. Quoi qu'il en soit, il desservait Montagnav en l'An X, et c'est en cette qualité qu'il fait son adhésion au Concordat, par déclaration datée de Nérac lieu des séances de la sous-préfecture », le 25 thermidor 1204. Il devait mourir à l'âge de 52 ans à Réaup Lot-et-Garonne, le 29 fructidor An XII. Son acte de décès le désigne comme célibataire ministre du culte catholique ». Peut-être desservait-il Réaup 1205. CXLVIII. — PELLISSON Jean-Baptiste. Pellisson Jean-Baptiste, frère du précédent, né à Francescas, le 8 mai 1760 2106, prend possession, le 3 septembre 1785, n'étant que clerc tonsuré et habitant Condom, de la chapelle de Notre-Dame des Sept-Douleurs desservie en l'église Saint-Barthélémy de Condom 1207. Il en fut le dernier chapelain. Bientôt vicaire à Bruch, il figure en cette qualité dans l'Etat des 1200 Arch. municip. de Coudons. 1201 Registres paroissiaux de Francescas. 1202 Arch. municip d'Agen et Arch. de l'évêche d'Agen. 1203 Un membre de sa famille qui a eu naguère entre les mains le Registre des délibérations de cette Société, malheureusement disparu aujourd'hui, aurait vu la signature de l'abbé Pellisson comme secrétaire au bas des délibérations. Peut-être cette signature doit-elle être attribuée à son frère. 1204 Arch. dép. du Lot-et-Garonne, série V. 1205 Etat civil de Réaup. 1206 Regist. parois. de Francescas. 1207 Minutes de Pugens, étude Pellisson. TROISIÈME ET QUATRIÈME TRIMESTRES 1930 317 prêtres insermentés dressé le 22 mars 1791 par le district de Nérac. Mais il ne devait pas rester longtemps insermenté, car le 4 décembre suivant, il est nommé curé de Bruch 1208. Il est vicaire épiscopal à partir du 13 novembre 1792. Il figure dans un Etat de prêtres, dressé en 1794, comme ayant abdiqué ses fonctions 1209 il dut les reprendre plus tard ; il est en effet désigné comme prêtre dans son acte de décès. Jean-Baptiste Pellisson mourut à Condom le 21 floréal An X, à l'âge de 42 ans 1210. La déclaration de décès fut faite par son confrère, le prêtre constitutionnel Casimir Denux. CXLIX. — PERROUILH Jean-Baptiste. Perrouilh Jean-Baptiste, religieux profés de la communauté des Cordeliers de la Grande Observance de Toulouse déclara aux administrateurs du district de cette ville qu'il se retirait à Condom dans la maison du même ordre, en juillet 1791 1211. Le 5 août suivant, il présentait sa déclaration au district de Condom 1212. Il fut du nombre de ceux qui préfèrent continuer la vie religieuse lorsque les lois révolutionnaires prononcèrent la suppression des voeux monastiques. Le 10 août 1791, il signe les règlements dresses par les Cordeliers assemblés pour garder la vie commune à, Condom 1213. Le 9 mars de l'année suivante il se trouve encore au couvent de Condom. Il avait alors 55 ans 1214. Le P. Perrouilh figure sur la liste des prêtres sujets à la déportation envoyée par les administrateurs de la commune de Condom à l'administration du département le 4 pluviôse An VIII 1215. Il faut croire qu'il avait quitté le sol de la République. Toutefois la tradition veut qu'il soit demeuré caché à Condom pendant une partie de la période révolutionnaire. CXL. — PETIT-PAIN Pierre. René Petit-Pain, né à Mans, le 23 mai 1749, d'abord prêtre assermenté, fut du nombre de ceux qui rétractèrent leur serment 1216. En l'An III, il habitait Nérac. Le 25 thermidor de cette année, il faisait devant la municipalité la déclaration qu'il se proposait d'exercer dans l'étendue de la commune le ministère d'un culte sous la dénomination de la religion catholique apostolique et romaine », 1208 Papiers du district de Nérac. Arch. dép. du Lot-et-Garonne. 1209 Arch. dép. du Lot-et-Garonne. 1210 Etat civil de Condom. 1211 Certificat délivré le 29 juillet 17991 par les administrateurs du district de Toulouse ; mais c'est bien te même jour qu'il avait du faire sa déclaration. 1212 Arch. dép. du Gers. L. 502 et 503. 1213 Arch. de la sous-préfect. de Condom. 1214 Délibér. municip. de Condom. 1215 Arch. dép. du Gers. L. 422. 1216 Arch. de l'évêché d'Agen. 318 SOCIÉTÉ D' HISTOIRE ET D'ARCHEOLOGIE DU GERS Le 27 vendémiaire An IV, il fit devant la municipalité de la même ville l'acte de soumission aux lois de la République prescrit par la loi du 7 vendémiaire Je reconnais que l'universalité des citoyens est le peuple souverain, et je promets soumission aux lois de la République 1217. Mais il devait rétracter son serment dans l'église de Nérac en face le peuple assemblé. » Sa rétractation fut prouvée après enquête ordonnée par l'administration municipale qui le fit arrêter et tranuire en prison à Agen pur la gendarmerie 1218. Il demeurait alors chez le citoyen Bruslé, cadet, menuisier, rue de la Pusoque. Le cinquième jour complémentaire An V, il prêtait à Bruch le serment du 19 fructidor. Le 21 pluviôse An VI, l'administration départementale du Lot-etGaronne, ordonnait à l'administration municipale de Nérac de procéder à une enquête pour savoir si Petit-Pain avait rétracté ainsi qu'il en était accusé, quelques-uns des serments qu'il avait dû faire 1219. Le 25 germinal An VI, il renouvelait le serment du 19 fructidor à Nérac 1220. Après la mort de Joseph de Larroche, il exerça le ministère à Cannes, commune de Condom, à partir du 17 messidor An VIII 1221. Les premiers registres paroissiaux de Saint-Pierre nous le montrent bénissant un mariage le 2 juin 1801, ce qui donne à entendre qu'il exerça le ministère jusqu'au rétablissement du culte 1122. Le 13 août 1802, il envoya de Villeneuve au sous-préfet de Nérac son adhésion au Concordat 1223. Il ne fut pas compris dans les premières nominations faites à cette époque, probablement à cause des notes envoyées à l'évêque d'Agen qui le représentent comme peu instruit et comprenant à peine l'idiome du pays. Il fut pourtant nommé, le 18 mars 1805, curé à Fourques, où il mourut le 14 octobre 1809 1224. CXLI. - PUGENS Louis. Pugens Louis, né à Condom, paroisse de Saint-Pierre, le 19 février 1720, de Joseph Pugens, bourgeois, et de demoiselle Marie Rizon 1225, fut curé de Grazimis de 1751 au 6 juin 1791, époque à la1217 la1217 municip. de Condom. 1218 Arch. de l'église de Saint-Pierre de Condom. 1219 Arch. dép. du Lot-et-Garonne. 1220 Arch. de l'évêché d'Agen. 1221 Délibér. municipales de Nérac. 1222 Voir délibér. municip. de Nérac du 23 germinal An II et mandat d'arrêt à la suite. 1223 Arch. dép. du Lot-et-Garonne arrêtés de l'administration. 1224 Délibér. municip. de Nérac. 1225 Regist. paroissiaux de Saint-Pierre. TROISIÈME ET QUATRIÈME TRIMESTRES 1930 319 quelle les électeurs du district de Condom le remplacèrent par le citoyen Broconat » 1226. Il fut malgré son âge condamné, en 1793, à se rendre à la maison de réclusion d'Auch où il devait mourir à la fin de ventôse, ou au commencement de germinal An III 1227. Les meubles de Pugens furent confisqués et vendus 1228. La vente de ces meubles confisqués fut faite dans les premiers jours de thermidor An II. Elle produisit 1112 livres 13 sols 1229. Il figure sur une liste de prêtres condamnés à être déportés sur les côtes d'Afrique, dressée l'An II 1230. Mais nous pensons que c'est exagéré il était simplement reclus et détenu à la maison de Camarade, le 1er octobre 1793 1231. C'est de là qu'il demandait des secours pour sa subsistance, conformément à la lettre du ministre de l'Intérieur 1232. Et il figure avec Soubdès dans la liste des prêtres sexagénaires ou infirmes qui sont restés dans la maison de réclusion 1233. Il fut accusé par quatre habitants de Grazimis le 2 juillet 1791, devant les officiers municipaux de Condom ; ils déclarèrent qu'ils s'étaient rendus au presbytère de Grazimis que Pugens ci-devant curé avait quitté pour n'avoir pas voulu prêter son serment, et d'où il avait emporté indument différents meubles, comme aussi des ornements d'église, vases sacrés, etc.. Par délibération du 7 juillet An II, le Conseil général de la commune nomma deux commissaires pour faire rechercher des papiers, titres appartenant à la paroisse et autres objets que des paroissiens de Grazimis prétendaient avoir été enlevés par lui 1234. Et le Conseil général de la commune de Condom délibéra, le 13 octobre 1793, qu'il serait poursuivi en paiement de sommes dont il était reliquataire envers certains citoyens de sa paroisse de Grazimis 1235. Le sous-préfet de Condom annonçait au maire de la ville, le 29 pluviôse, An X, qu'il avait été rayé de la liste des émigrés 1236, 1226 Regist. paroissiaux de Grazinis aux Arch. municip. — Procès-verbal de nomination aux cures du district de Condom des 5, 6 et 7 juin 1791. Arch. de la sous-préfecture. — Lettre des officiers municip. de Condom du 11 juillet 1793 aux administrateurs du district. 1227 Registres des pétitions du district de Condom nos 1008, 1121, 1187 et 1419. Arch. de la sous-préfecture. 1228 Regist. des pétitions du district 1464, 1481, 1498. Arch. de la sous-préf. 12299 Arch. dép. du Gers. Q. 273. — Voir le Registre des biens d'émigrés et Regist. des pétitions du district nos 1187, 1464, 1481 et 1498. 1230 La persécution contre le clergé du département du Gers, par l'abbé P. LAMAZOUADE. Paris. Auch, 1879, p. 107. 1231 Arch. dép. du Gers. L. 2211, page 51 et verso. 1232 Ibid. 1233 Arch. dép. du Gers. L. 422. 1234 Arch. dép. du Gers. L. 504. Regist. des déclarations concernant le mobilier des prêtres reclus ou déportés. Arch. de la sous-préfecture. 1235 Délibér. municip. Condom. 1236 Arch. municip. de Condom. A suivre. 320 SOCIÉTÉ D'HISTOIRE ET D'ARCHÉOLOGIE DU GERS BIBLIOGRAPHIE En Armagnac, aux temps romantiques par M. FERNAND LAUDET, de l'Institut Editions de la V raie France. — 92, rue Bonaparte, Paris 6e. Après une carrière de quelques années dans la diplomatie, suivie d'une incursion de courte durée dans la politique, notre distingué compatriote, M. Fernand Laudet, s'est consacré depuis longtemps aux Lettres. Sans compter la direction de la Revue hebdomadaire » qu'il conserva plusieurs années, M. Laudet a publié successivement Ombre et Lumière, La Vie qui passe, Souvenirs d'hier, Les Semeurs, Paris pendant la guerre, Quelques aspects de la France en guerre, Histoire populaire de Jésus, L'enfant chérie du monde, L'Instituteur des Instituteurs Jean-Baptiste de La Salle, En Armagnac, il y a cent ans. Dans ce dernier ouvrage, M. Fernand Laudet, a conté la vie de son arrière-grand-père Dominique, un gascon audacieux, originaire de Mirande qui, vers sa trentième année, en 1793, partit aux Antilles pour chercher fortune et qui, après un quart de siècle, revint en Armagnac, auprès de sa femme et de son fils Alexandre, exploiter un vaste domaine, se consacrer à sa famille et vivre en simplicité » au château de Laballe. Cette biographie fourmille de renseignements savoureux sur les moeurs de l'époque, la vie familiale, l'éducation des enfants, l'agriculture, les voyages, etc., etc.. Aujourd'hui, en' publiant En Armagnac, aux temps romantiques », M. F. Laudet continue la vie de son arrière-grand-père Dominique par celles de son grand-père Alexandre et de son père Julien qui vécurent l'un et l'autre à une époque où les gens d'Armagnac ignoraient certainement le romantisme mais en subissaient quand même l'influence dans leurs goûts, leurs lectures et leurs rêves. Alexandre était né en 1793. Reçu bachelier en 1811, ses parents l'envoyèrent à Paris pour suivre le barreau », mais lorsqu'il eut conquis sa licence en droit, il abandonna sans regret la capitale pour revenir dans ses terres, non qu'il eût un goût très marqué pour l'agriculture, mais bien plutôt pour la campagne et la vie paisible de province. M. F. L. nous fait, non sans émotion, une description charmante et minutieuse de la vieille demeure familiale des Laudet, ce château de Laballe, tel qu'il était à cette époque et à peu près tel qu'il est encore aujourd'hui. Il nous initie à la vie agricole économique politique et sociale de la bourgeoisie terrienne d'alors. Il nous ouvre la porte du petit salon empire où se tenait généralement son grand-père Alexandre pour s'y reposer faire sa partie de cartes, somnoler, écrire quelques rares lettres, mettre ses comptes en TROISIÈME ET QUATRIÈME TRIMESTRES 1930 321 ordre et lire Le Correspondant, l'Estafette ou la Revue agricole du département du Gers. Orné de portraits de famille, le grand salon était plus solennel, mais on n'y entrait que très rarement. Les chambres a coucher avaient chacune une alcove enchâssée entre deux placards vastes et profonds. Dans la lingerie dont une belle cheminée Louis XV était l'unique ornement se tenaient les couturières qui, les pieds sur des chaufferettes de bois, ravaudaient le linge en papotant ou en chantant des cantiques, des romances et de vieilles cnansons gasconnes. La cuisine qui datait de Louis XV était la pièce la plus vivante de la maison. Cette cuisine possède une haute cheminée reposant sur un tiroir de fer où les plats se tiennent au chaud, de même que l'eau sort bouillante d' un réservoir ménagé derrière son foyer. C'est le confort ancien ». Tout y est de grandes dimensions, le fourneau avec ses carreaux de faïence bleue, le coffre à bois, la table des repas où prennent place seize domestiques, les poutres énormes d'où tombent à travers les jambons des chapelets d'oignons et des colliers d'échalotes. Les principales denrées sucre, riz, macaroni, poivre, bougie, huile, calé, etc., étaient commandées directement a Bordeaux d'où elles arrivaient par bateau jusqu'à Pont-de-Bordes, petit port situé au confluent de la Garonne et de la Baise ; de là au château de Laballe, elles étaient transportées sur des chars à boeufs. En 1849, les lettres de voiture avaient encore gardé la vieille formule, telle celle-ci A la garde de Dieu et conduite de Daveyron, il vous plaira rece voir que je lui ai consigné pour vous remettre en toute diligence et qu'il a chargé pour votre compte une caisse 48 bouteilles vin vieux, 15 bouteilles Sauternes, 8 Matière supérieur, 8 Muscat Frontignan, 3 Alicantes, 3 anisettes Marie-Brizard, soit le tout 175 fr. ». Toutes ces provisions étaient rangées avec soin dans de magnifiques caves voûtées et sonores. Après la visite du château et de ses dépendances M- F. L. conduit ses lecteurs dans la métairie toute proche. Nous visitons le chai installé dans un ancien cloître. Quatorze énormes foudres ventrus y sont alignés. Aux jours de la canicule c'est là que la famille Laudet vient chercher un peu de fraîcheur. A côté, voici la brûlerie où un alambic de cuivre rouge distille une pièce d'eau-de-vie par vingt-quatre heures ; voici les greniers, les étables, le personnel de l'exploitation agricole. La vie facile et simple fut le grand privilège de l'époque romantique. Si la mélancolie était de mode en littérature elle ne l'était certes pas dans la vie privée ; nous en trouvons un témoignage dans le budget même des châtelains de Laballe qui s'offraient bien des douceurs à très peu de frais soit qu'il s'agît de la table, soit qu'il s'agît de la toilette. Le médecin venait rarement au château car on avait sous la main une quantité de remèdes lait d'ânesse pour soulager sirop d'asperges pour calmer les mouvements nerveux du coeur, poudre de gland doux, onguent de la mère, etc. Puis on recevait une 21 322 SOCIÉTÉ D' HISTOIRE ET D' ARCHEOLOGIE DU GERS publication qui dans la famille faisait autorité en fait de médecine, c'était Le medecin de la, maison. Alexandre était orléaniste ; le gouvernement de juillet avait voulu faire de lui un député ; on alla même jusqu'à lui offrir le tortil de baron, mais il résista aux avances du préfet des Landes. Jusqu'à quarante ans, il garda l'empreinte voltairienne de la génération qui l'avait précédé ; tout au plus était-il déiste ; mais à quarante ans il fut amené au christianisme pratiquant et devint très pieux ; aussi fit-il donner à ses enfants, Noémie, Julien et Paul une éducation religieuse particulièrement soignée. Noémie d'abord élève des soeurs de Nevers, à Mirande, fut envoyée ensuite au couvent du Sacré-Coeur, à Bordeaux, une maison, où pendant un demi-siècle, furent élevées la plupart des filles de la bourgeoisie et de l'aristocratie de Guyenne et de Gascogne. Julien le père de l'auteur du livre fit ses études au lycée royal de Bordeaux, puis en 1847, comme l'avait fait son père 30 ans auparavant, il va faire son droit à Paris. Sa chambre est située rue de l'Odéon. Au restaurant, il paie 1 fr. 10 pour son déjeuner et 1 fr. 60 pour son dîner. Ce dîner comprend potage, plat de viande, légume, rôti, salade, deux desserts, demi-litre de vin, pain à volonté. Il suit assidument les cours de droit sans y trouver grand attrait et se dédommage au Collège de France » où il va entendre Michelet et à la Sorbonne où il assiste aux conférences de Quinet et de Saint-MarcGirardin. Quand la Révolution de 1848 éclate, il se tient à l'écart du mouvement et se borne à observer les événements en simple curieux. Ses études de droit se terminent en 1850, mais le barreau ne le tente point. Il suit des cours de droit administratif, s'intéresse vivement à la politique et fréquente les salons de l'Elysée. Après le coup d'Etat de 1852, il est nommé attaché au ministère de l'Intérieur. Toutefois il ne conserve pas longtemps cette fonction soit qu'il se sente d'humeur libérale, soit que, comme tout bon gascon, il ait un goût marqué pour l'indépendance. Ayant épousé une parisienne, il s'établit sur le domaine de la Nine, dans l'arrondissement de Saint-Gaudens. Bientôt, maire de sa commune, puis conseiller général du canton d'Aurignac, il allait être candidat à la députation lorsque la mort le surprit à l'âge de 35 ans. Paul le dernier des enfants d'Alexandre fit la plus grande partie de ses études au petit séminaire d'Auch et il les termina chez les jésuites de Toulouse. La musique fut la grande passion de sa vie. Dans les existences individuelles de son grand-père, de son père et de son oncle M. F. L. a relevé minutieusement et avec des soins pieux tout ce qui offre le plus d'intérêt. C'est ainsi qu'à travers l'histoire de sa famille, son livre constitue une lumineuse et charmante évocation de la période romantique dans un petit coin de notre province. L'analyse qui précède en donnera peut-être une idée, mais il faut le lire soi-même pour saisir le charme qui s'exhale du passé pour goûter les judicieuses réflexions de l'auteur ainsi que ses comparaisons très curieuses entre notre état social actuel et celui de la période romantique. G. BRÉGAIL. TROISIÈME ET QUATRIÈME TRIMESTRES 1930 323 Dans la réunion du 3 juillet, M. Chauvelet fait part à ses confrères de la nouvelle suivante parue dans Le Temps » d'hier et adressée à ce journal par son correspondant particulier de Bruxelles. Un hommage au comte de Broqueville » Déférant au désir personnel du roi et aux propositions du premier ministre, M. Jaspar, les membres du gouvernement ont soumis à la signature du chef de l'Etat un arrêté conférant la Croix de guerre, avec citation à l'ordre du jour de l'armée, au ministre de la Défense Nationale, comte de Broqueville, qui a été chef du gouvernement et ministre de la guerre de 1914 à 1918. Monsieur de Broqueville a été l'incarnation et l'âme de la résistance au 2 août 1914 et c'est lui qui a réorganisé complètement sur l'Yser, l'armée belge. " Après la guerre, il avait été fait grand cordon de l'ordre de Léopold, mais le roi et ses ministres ont pensé qu'à l'occasion du centenaire, il fallait accorder à Monsieur de Broqueville, la Croix de guerre ». M. Chauvelet rappelle à ses confrères que les ancêtres de M. de Broqueville sont Gersois ; ils habitaient le château d'Esparbès, commune de Montfort. Le grand-père de M. de Broqueville, noble François-Marie-CharlesHubert de Broqueville du Colomé, né le 3 novembre 1785, lieutenant d'infanterie, bataillon de Bourbon, combattit courageusement pour l'indépendance de la épousa, dans ce pays, noble demoiselle Octavie-Marie-Josèphe-Antoine de Padouc, François-de-Paule de Le Candide de Ghysegem. Après la mort de son épouse, il revint dans sa patrie et mourut au château d'Esparbès. Son fils, Stanislas de Broqueville, qui resta en Belgique, est le père de M. le comte de Broqueville qui fut le chef du gouvernement belge durant la guerre mondiale et à qui le gouvernement actuel vient de conférer la croix de guerre. Notes prises dans l'Essai généalogique sur la famille de Broqueville — branche Montfort — par Ludovic Mazeret, paru dans les Bulletins de la Société Archéologique du Gers, 3e et 4e trimestres 1914 et 1er et 2e trimestres 1915. CHRONIQUE. SEANCE DU 3 JUILLET 1930. PRÉSIDENCE DE M. MONLAUR, VICE-PRÉSIDENT Sont présents MM. Chauvelet, Lahille, Monlaur et de Sardac. M. l'abbé PANDELLÉ, curé de Castillon-Debats, et M. REBIELLE, marbrier à Bagnères-de-Bigorre, présentés par MM. Lahille et Monlaur, sont admis à faire partie de la Société Archéologique. 324 SOCIÉTÉ D'HISTOIRE ET D'ARCHÉOLOGIE DU GERS M. Monlaur donne lecture de la Communication de M. Barada qui a pour titre Un Mirandais complice du Marquis de Maubreuil Henry d'Asies 1776-1840. Cet aventurier gascon, dépourvu de tout scrupule, naquit à Mirande, le 8 novembre 1776. Gâté par sa mère qui l'aimait d'une tendresse aveugle, il quitta de bonne heure sa ville natale pour aller vivre à Paris. Il prit une part active à de fâcheuses intrigues, eut de nombreux démêlés avec la justice et, après avoir possédé des millions, termina une vie fort agitée dans un état voisin de la misère. M. Lahille continue l'exposé du travail de M. Bréqail La Révolution dans le Gers sons la Législature et M. Chauvelet, donne lecture d'une note relative à M. de Broqueville qui fut ministre de la Guerre et chef du gouvernement belge de 1914 à 1918. A l'occasion du centenaire de la Belgirme le roi et ses ministres lui ont décerné la croix de guerre avec citation à l'ordre du jour. M. Chauvelet nous apprend que les ancêtres de M. de Broqueville étaient gersois et habitaient le château d'Esparbès, près de Monfort. L'ordre du jour est épuisé, la séance est levée à trois heures et demie. SEANCE DU 2 OCTOBRE 1930 PRESIDENCE DE M. DE SARDAC, PRESIDENT. Etaient présents MM. Aubas, Brégail. Chauvelet, Lahille et de Sardac. Sont admis à faire partie de la Société Archéologique 1° M. MARTRES, Marcel-Paul, professeur au collège de Romorantin, présenté par MM. Saverne et Ferran 2° M. NOULENS, avoué à Mirande, présenté par MM. Brégail et Maumus ; 3° M. Paul MESPLÉ, 18, rue de Revel à Toulouse, présenté par MM. Dambielle et Fesquet. 4° M. ESCOULA, instituteur à Campan, présenté par MM. Aubas et Bouch. 5° M. PLANCHET, libraire, 56, faubourg Saint-Honoré, à Paris 8e, présenté par MM. Aubas et Lahille. M. le Président communique à l'assemblée la seconde lettre d'invitation aux fêtes organisées par l'Académie de Montauban à l'occasion de son deuxième centenaire et prie les membres présents de vouloir bien choisir un délégué. M. de Sardac. unanimement désigné, accepte de représenter en ces circonstances la Société qu'il préside. M. Brégail donne lecture de son étude La Révolution dans le département du Gers ». Il donne de nombreux détails sur la Fête du brûlement » des titres de noblesse et des parchemins relatifs aux droits seigneuriaux, célébrée à Auch le 4 août 1792, ainsi que sur l'impopularité de Lafayette. TROISIÈME ET QUATRIÈME TRIMESTRES 1930 325 Il décrit ensuite l'agitation des contre-révolutionnaires, les troubles religieux provoqués par la rivalité des deux clergés et marqués de violents incidents. M. Barada présente ensuite un document qui complètera ce que l'on sait déjà des peintres auscitains. Smetz, dont les revues d'histoire locale se sont occupées à plusieurs reprises, et facilitera les recherches à ceux qui. désireraient savoir ce que sont devenus deux tableaux dus au pinceau du frère cadet, Jean-Baptiste, dit le Muet. L'ordre du jour étant épuisé, la séance est levée à 3 heres et demie. SEANCE DU 6 NOVEMBRE 1930. PRESIDENCE DE M. DE SARDAC, PRESIDENT. Sont présents MM. Brégail, Lahille, Richon et de Sardac. M. CROQUEZ, avocat au Conseil d'Etat à Paris, présenté par MM. Aubas et Lahille est admis à faire partie de la Société Archéologique du Gers. M. de Sardac constate que les travaux des collaborateurs habituels du Bulletin de la Société Archéologique se font de plus en plus rares depuis quelque temps. Il fait appel à leur dévouement, les engage à redoubler de zèle pour conserver à cette publication l'intérêt qui lui a valu de si nombreux abonnés. M. Brégail continue la lecture de son ouvrage sur la Révolution dans le Gers ». Il fait le récit des troubles qui éclatèrent en 1792 sur plusieurs points du départements, notamment à Eauze à Puycasquier, à l'Isle-Jourdain et en recherche les causes. Le Directoire du Gers prend des mesures énergiques, poursuit sans pitié la contrerévolution presque partout insaisissable et toujours agissante. L'émigration, commencée l'année précédente, prend, des proportions inquiétantes. Une propagande clandestine s'exerce dans toute l'étendue du département et plus de mille bourgeois ou nobles passent la frontière et prennent les armes contre la Patrie. La séance est levée à trois heures. SEANCE DU 4 DECEMBRE 1930. PRESIDENCE DE M. BREGAIL, VICE-PRESIDENT. Etaient présents MM. Aubas, Brégail, le chanoine de Castelbajac, Castaignon, Darius, Lahille et Nassans. Sont admis à faire partie de la Société Archéologique du Gers 326 SOCIÉTÉ D'HISTOIRE ET D'ARCHÉOLOGIE DU GERS 1° M. CHEMINANT, receveur des Douanes à l'île de Phuquoê Tonkin, présenté par MM. Aubas et Lahille ; 2° M. LE BONDIDIER, conservateur du Musée Pyrénéen au château de Lourdes, présenté par MM. Aubas et Lahille. M. Lahille donne lecture d'une communication de M. Barada relative à une perquisition faite à Paris chez le Mirandais Souriguère Saint-Marc, dont M. Maumus a fait naguère revivre la mémoire. La tourmente révolutionnaire battait son plein. Chaumette, procureur de la Commune de Paris, avait défendu, sous peine de mort, travestissements et mascarades. Quelques jeunes écervelés, royalistes impénitents, pour protester contre les décrets, revêtirent un déguisement et se rendirent chez leur ami Souriguère. Ils y arrivent au moment où les membres du Comité révolutionnaire fouillaient en tous sens ses appartements dans l'espoir d'y découvrir le comte de Puisaye qui devait y être caché. Ceux-ci crurent le reconnaître dans la personne d'un des nouveaux venus. Ils les arrêtèrent tous et les conduisirent à la section. Ils allaient être pendus à la lanterne lorsque par le plus grand des hasards le Conventionnel Lecointre entra, les reconnut et les fit mettre en liberté. M. Brégail présente le nouveau livre que M. Fernand Laudet vient d'éditer En Armagnac aux temps romantiques » et en fait une courte analyse. C'est l'histoire de ses deux aïeuls que nous fait M. Laudet dans ses deux derniers ouvrages. Ils sont pleins d'intérêt pour nous parce qu'ils sont une évocation du passé dans notre Gascogne à l'époque révolutionnaire et à l'époque romantique. Dans une étude fort intéressante, M. Saint-Martin fait ensuite l'historique de la Justice à Simorre du XIIIe au XIXe siècle. Elle appartint pendant longtemps au supérieur de l'abbaye qui gardait jalousement ce précieux privilège. Bernard, comte d'Astarac, le réclama comme un droit seigneurial et la guerre éclata entre eux. En 1297, le roi Philippe le Hardi, pris pour arbitre, confirma les droits à l'Abbé, se fit abandonner la moitié du bénéfice et incorpora Simorre et ses dépendances à la Jugerie de Rivière-Verdun. La justice fut alors rendue par un juge royal. En 1610, l'abbé de Simorre nomma un juge de la Temporalité. Le juge royal, lésé dans ses intérêts, protesta. Le Parlement de Toulouse, appelé à se prononcer, fixa définitivement, par l'arrêt du 17 février 1615, les droits des deux compétiteurs. Simorre eut un juge royal et un juge de la Temporalité. Ils rendaient la justice pendant un an et alternativement. L'ordre du jour étant épuisé, la séance est levée à quatre heures. TROISIÈME ET QUATRIÈME TRIMESTRES 1930 327 TABLE DES MATIÈRES Pages. Liste des membres de la Société Archéologique 5 Bureau de la Société pour l'année 1930 13 Sociétés qui font échange de leurs publications . 14 Le Gers pendant la Révolution, par M. BRÉGAIL 15, 97, 248 Un Mirandais antijacobin Souriguère Saint-Marc, par M. MAUMUS .. 23 Notices des Prêtres et Religieux de Condom, par M. Jh. GARDÈRE .. 35, 138, 307 Les Guerres fratricides à Monfort Gers, suite et fin, par M. MAZÉRET 48 Les Chansons populaires des Pyrénées françaises, par M. J. POUEIGH 61, 128, 177 Ludovic Mazéret 1859-1929, par M. l'abbé S. DAUGÉ 85 A Vic-Fezensac. La Vie privée au XVIe siècle, par M. Z. BAQUÉ 109 Prégent de Bidoux,, par M. Ch. DESPAUX 121 Fleurance. — Notes d'histoire locale, par Noël CADÉOT 153 Les derniers Jours de l'Empire à Auch et les visites de Son Altesse Royale, le Duc d'Angoulême, par M. E. AUBAS 167, 273 Un Mirandais complice du Marquis de Maubreuil, Henry d'Asies, par M. BARADA 284 La Justice à Simorre avant 1789, par M. SAINT-MARTIN 298 Bibliographie. — En Armagnac, aux temps romantiques, de M. LAUDET par M. BRÉGAIL 320 CHRONIQUE Nouveaux membres de la Société Archéologique 13, 95, 176, 323, 324, 325 Situation financière de l'exercice 1929, par M. LAHILLE, trésorier 93 Projet de banquet 94 Congrès des Sociétés Savantes à Alger 94 La Révolution dans le département du Gers, par M. BRÉGAIL .... 94, 96, 176, 234 Les derniers jours le l'Empire à Auch, par M. AUBAS 94 Projet d'excursion de M. le chanoine de CASTELBAJAC 95, 175 Demande de M. COCHARAUX, Imprimeur 95, 175 Le deuxième Centenaire de l'Académie de Montauban 95 Histoire locale de Fleurance, par M. CADÉOT 175 La Vie privée à Vic-Fezensac au XVIe siècle, par M. Z. BAQUÉ 176 Un Mirandais complice du Marquis de Maubreuil, par M. BARADA 323 M. de Broqueville, par M. CHAUVELET 323 328 SOCIETE D' HISTOIRE ET D'ARCHEOLOGIE DU GERS Nomination d'un délégué de la Société aux Fêtes de l'Académie de Montauban 324 Tableaux de Jean-Baptiste Smetz, dit le Muet, par M. J. BARADA 325 Appel aux collaborateurs du Bulletin 325 Perquisition chez Souriguère Saint-Marc, par M. J. BARADA 326 Bibliographie. En Armagnac, aux temps romantiques », de M. F. LAUDET, par M. BRÉGAIL . ..' . ... 326 La Justice à Simorre du XIIIe au XIXe siècle, par M. L. SAINT-MARTIN 326 Le Gérant COCHARAUX.
Jx6M. 317 86 220 308 390 47 25 354 191
croisement pigeon ramier et bleu de gascogne